COUR DE CASSATION 09 CRD 070Audience publique du 14 juin 2010Prononcé au 20 septembre 2010
La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Breillat, président, M. Straehli, conseiller, Mme Leroy-Gissinger, conseiller référendaire, en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
INFIRMATION sur les recours formés par le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, l'agent judiciaire du Trésor, Jonathan X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 2 octobre 2009 qui a alloué à M. Jonathan X... une indemnité de 6 000 euros en réparation de son préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du code précité ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 14 juin 2010, l'avocat de M. X... ne s'y étant pas opposé ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de M. le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Vu les conclusions de Me Bricout-Cesari, avocat au barreau de Grasse, représentant M. X... ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de cassation ;
Vu les conclusions en réponse de Me Bricout-Cesari ;
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;
Monsieur Jonathan X... ne comparaît pas personnellement. Il est représenté à l'audience par Me Bricout-Cesari conformément aux dispositions de l'article R.40-5 du code de procédure pénale ;
Sur le rapport de M. le conseiller Straehli, les observations de Me Bricout-Cesari, avocat représentant le demandeur et celles de Me Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Charpenel, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,
Attendu que, par décision du 2 octobre 2009, le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a alloué à Jonathan X... la somme de 6 000 euros en réparation du préjudice moral ainsi qu'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à raison d'une détention provisoire effectuée du 6 novembre 2007 au 8 janvier 2008, pour des faits ayant donné lieu à un arrêt d'acquittement devenu définitif ; que le premier président a rejeté la demande de l'intéressé présentée au titre du préjudice matériel ;
Attendu que le procureur général près ladite cour a régulièrement formé un recours, le 5 octobre 2009, contre cette décision, en faisant valoir que la requête en réparation de M. X... aurait dû être déclarée irrecevable, le demandeur exécutant, lors de son incarcération, une peine d'emprisonnement subie sous la forme d'un placement sous surveillance électronique, mesure suspendue durant la période de détention provisoire considérée ;
Que l'agent judiciaire du Trésor a formé un recours régulier, le 6 octobre 2009 ;
Que M. X... a également formé un recours, le 9 octobre 2009 ;
Attendu que M. X... soutient que sa requête est recevable, la détention pour autre cause n'étant, selon lui, pas un cas d'exclusion de l'indemnisation, au regard des dispositions de l'article 149 du code de procédure pénale, en dehors de l'hypothèse, prévue par ce texte, de l'acquisition de la prescription de l'action publique ; qu'au fond, il maintient ses demandes initiales, en faisant valoir, concernant le préjudice matériel, qu'il a toujours travaillé et qu'il justifie les frais de défense qu'il a exposés, et, s'agissant du préjudice moral, que s'ajoute aux éléments retenus par le premier président, le délai écoulé entre la décision d'acquittement et le moment où a été rétabli son placement sous surveillance électronique ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête et, à titre subsidiaire, au rejet des prétentions du demandeur ;
Attendu que le procureur général conclut à l'irrecevabilité de la requête et, par voie de conséquence, à l'infirmation de la décision du premier président ;
Sur les recours du procureur général près la cour d'appel et de l'agent judiciaire du Trésor :
Attendu qu'il résulte de l'article 149 du code de procédure pénale "... qu'aucune réparation n'est due (...) lorsque la personne était dans le même temps détenue pour autre cause...." ; que, contrairement à ce qui est allégué par M. X..., ce cas d'exclusion de l'indemnisation n'est pas lié à celui, distinct, découlant de l'acquisition de la prescription de l'action publique ;
Qu'il n'est pas contesté que pendant le temps de sa détention provisoire, M. X... était détenu pour autre cause, exécutant une peine de huit mois d'emprisonnement prononcée par le tribunal correctionnel de Foix, le 6 juillet 2007 ;
Que la mesure de placement sous surveillance électronique prévue par l'article 723-7, inclus dans le chapitre intitulé "De l'exécution des peines privatives de liberté", du code de procédure pénale n'étant qu'une modalité d'exécution de la peine d'emprisonnement, M. X... était, dans le même temps que la détention provisoire, détenu au sens de l'article 149 du code de procédure pénale ;
Qu'il y a lieu, par conséquent, d'accueillir les recours du procureur général et de l'agent judiciaire du Trésor et de rejeter celui du demandeur ;
PAR CES MOTIFS :
ACCUEILLE les recours du procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence et de l'agent judiciaire du Trésor ;
REJETTE le recours de Jonathan X... ;
CONDAMNE M. Jonathan X... aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 20 septembre 2010 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.