LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 janvier 2009), que, victime le 25 mai 1996 d'un accident de la circulation impliquant le véhicule automobile conduit par Mme X..., assurée par la MAAF assurances (l'assureur), M. Y... a assigné ces derniers en réparation de son préjudice ;
Attendu que l'assureur et Mme X... font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum, à payer à M. Y... une certaine somme, alors, selon le moyen :
1°) qu'ayant constaté que l'accident était survenu le 25 mai 1996, M. Y..., à bord de son véhicule, ayant alors ressenti un «ébranlement cervical» qui s'était avéré sans gravité, et que, seulement quatre jours plus tard, soit le 29 mai 1996, était apparue la dystonie de l'épaule gauche dont se plaignait M. Y..., en affirmant l'existence d'une concomitance entre cette dystonie et l'accident litigieux, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales et a violé l'article 5 de la loi du 5 juillet 1985 ;
2°) que lorsque le dommage invoqué par la victime survient après l'accident, ou qu'il peut être imputable à d'autres causes, il appartient alors à la victime d'établir l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre ce dommage et l'accident ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la dystonie cervicale très invalidante invoquée par M. Y... n'était apparue que quatre jours après l'accident de circulation litigieux et qu'elle pouvait «sans doute» aussi être imputée à d'autres causes ; que dès lors en se bornant, pour déclarer que cette pathologie était imputable à l'accident, à affirmer l'existence d'une «filiation» entre la dystonie et le traumatisme cervical léger que M. Y..., avait subi le jour même de l'accident, tout en constatant qu'aucune explication ne pouvait être actuellement scientifiquement décrite sur les mécanismes et sur l'origine de ce type de dystonie, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un lien direct et certain entre l'accident litigieux et la pathologie de M. Y..., a violé les articles 5 de la loi du 5 juillet 1985 et 1315 du code civil ;
3°) que l'assureur et Mme X... rappelaient dans leurs conclusions d'appel, d'une part, les constatations faites par les experts judiciaires (MM. Z... et A...) qui ont examiné M. Y... et l'avis médico-légal donné au vu de divers rapports d'expertise versés aux débats, dont il ressortait que, pendant les examens médicaux, M. Y... amorçait une contraction (mouvement) volontaire lors de chaque tentative de mobilisation, que l'IRM n'avait montré aucune anomalie, que le torticolis était «extrêmement variable», ce qui ne «coll ait pas avec une dystonie», d'autre part, les résultats des investigations menées par les enquêteurs de l'assureur qui montraient que M. Y... pouvait non seulement faire des manoeuvres en voiture en tournant librement la tête, mais aussi tenir sa tête bien droite pour effectuer des efforts (chargement du véhicule) et se promener en adoptant un comportement tout à fait normal ; que dès lors, en se bornant à affirmer que la thèse de la simulation n'était confortée ni par les constatations et examens expertaux, ni par les investigations des enquêteurs de l'assureur, sans expliquer en quoi ces diverses constatations n'excluaient pas, pour être incompatible avec elle, la dystonie prétendument très invalidante alléguée par M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 5 de la loi du 5 juillet 1985 et 1315 du code civil ;
4°) que l'assureur et Mme X... versait aux débats une cassette vidéo enregistrée par les enquêteurs de l'assureur, qui montrait M. Y... conduire et charger son véhicule avec la tête bien droite, et se promener, «sans son torticolis », cassette vidéo dont le jugement du 3 février 2005 ayant désigné de nouveaux experts pour examiner M. Y... déduisait l'éventuelle simulation de son état par M. Y... ; que la cour d'appel, qui a omis purement et simplement omis d'examiner cet élément de preuve déterminant, faute de l'avoir visualisé, a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir examiné les éléments et les expertises successives versés aux débats et constaté que M. Y... avait déclaré avoir ressenti un ébranlement cervical lors de la percussion par l'arrière de son véhicule, l'arrêt retient notamment l'existence d'une concomitance entre le traumatisme cervical et rachidien subi lors de l'accident et l'apparition, dans les suites immédiates de celui-ci, de la raideur cervicale et de la contracture des muscles cervicaux, la succession d'arrêts de travail pour cause de maladie dès l'accident, jusqu'en octobre 1996 puis le classement de la victime en invalidité catégorie II depuis le 28 mai 1999, ce dont il déduit que ces constatations sont suffisantes pour retenir l'installation chez M. Y... d'une dystonie cervicale au décours du traumatisme subi, et que la thèse d'une simulation soutenue par l'assureur n'apparaît confortée ni par les constatations et examens expertaux ni par les investigations des enquêteurs de l'assureur ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d‘appel, qui a souverainement apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a pu déduire, sans inverser la charge de la preuve et sans qu'elle ait à entrer dans le détail de l'argumentation des défenderesses, que la preuve de l'imputabilité du dommage à l'accident était établie et que la victime pouvait prétendre à la réparation intégrale de son préjudice ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société MAAF assurances et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société MAAF assurances et Mme X... ; les condamne in solidum à payer à M. Y... 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société MAAF assurances et Mme X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué :
D'AVOIR condamné la MAAF et Madame X..., in solidum, à payer à Monsieur Y... la somme de 222.153,18 € ;
AUX MOTIFS QU'aux termes du jugement précédemment rendu le 3 février 2005 par le Tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN, l'instauration d'une nouvelle mesure d'expertise a été effectuée en raison de l'existence d'un doute sur la réalité du trouble présenté par Monsieur Y..., le Tribunal ayant relevé à cet égard l'absence de réponse par le docteur B... aux observations du docteur C... mandaté par la MAAF ainsi qu'un avis médico-légal sur pièce du docteur D... selon lequel seule la possibilité d'un syndrome de conversion a été abordée alors que la simulation peut être envisagée ; que l'expertise du docteur B... n'ayant pas été écartée des débats par le Tribunal, la cour se trouve donc pour fonder son appréciation en l'état de deux rapports d'expertise judiciaire : d'une part, le rapport du docteur Richard B... en date du 1er septembre 2003 effectué après avis du docteur E... et au vu des observations médico-légales du docteur C... sur le rapport de ce dernier, et d'autre part, le rapport du professeur A... et du docteur Z... en date du 26 octobre 2005 ; que par ailleurs, Monsieur Y... produit au débat un rapport critique du rapport des docteur A... et Z... effectué par le docteur F..., médecin l'ayant assisté lors des deux opérations d'expertise et un courrier adressé par le docteur G..., neurologue, au docteur F... comportant un commentaire documenté ; que les rapports d'expertise judiciaire des docteurs B..., A... et Z... relatent l'un et autre l'origine du traumatisme subi par Monsieur Y... et la chronologie des constatations médicales l'ayant suivi ; que cette chronologie se présente comme suit : - 25 mai 1996 : percussion par l'arrière du véhicule de Monsieur Y... qui déclare avoir ressenti un ébranlement cervical ; - 29 mai 1996 : certificat du docteur H... constatant une raideur cervicale avec douleur à la mobilisation, contracture des muscles cervicaux, flexion antérieure saccadée et limitée et prescrivant un arrêt de travail sur une période estimée de 8 à 10 jours ; - 6 juin 1996 : certificat du docteur I... qui note à l'examen une raideur avec contracture cervicale à irradiation dorsale prédominant à droite et prescrit un arrêt de travail complémentaire de 14 jours ; - 19 juin 1996 : courrier du docteur J..., rhumatologue, au docteur I... indiquant être assez surpris par l'attitude vicieuse présentée par Monsieur Y... trois semaines après son traumatisme cervical et justifiant, selon ce praticien, l'imagerie prévue ; - 16 septembre 1996 : certificat du docteur I... indiquant que Monsieur Y... présente une importante contraction musculaire prédominant au niveau du trapèze et des muscles cervicaux et dorsaux gauches, qu'il est encore en arrêt de travail pour une durée d'un mois, ce certificat précisant que les soins sont en cours au Centre antidouleur de l'hôpital Pasteur à NICE ; - 25 septembre 1996 : courrier du docteur K..., neurologue à NICE au docteur F... indiquant après examen de Monsieur Y... pour sa dystonie de l'épaule gauche que celle-ci intéresse essentiellement muscle trapèze supérieur, qu'il paraît s'agir d'une dystonie fonctionnelle et suggérant un traitement par la toxine botulique ; que trois injections de ladite toxine ayant été pratiquées entre le mois d'octobre 1996 le mois de mars 1997, il n'y a plus eu d'autres explorations médicales et le traitement actuel est symptomatique, à base d'antalgiques et de décontracturants musculaires, Monsieur Y... étant classé en invalidité catégorie II depuis le 28 mai 1999 ; que suivant les conclusions de l'expertise du docteur B..., s'appuyant sur l'avis du docteur E..., l'examen clinique de Monsieur Y... met en évidence une dystonie cervicale de l'épaule de type conversif entrant dans le cadre d'une névrose post-traumatique. Cette symptomatologie n'ayant cédé en rien avec les nombreux traitements ; que suivant les conclusions du rapport d'expertise des docteurs A... et Z..., l'accident du 25 mai 1996 dont a été victime M Y... a entraîné un ébranlement rachidien cervical sans lésion somatique identifiable ; que sur le plan neurologique. la certitude de la réalité organique du symptôme présenté dans ses suites n'est pas établie et ce symptôme peut relever d'une cause étrangère au traumatisme et sur le plan psychiatrique, aucun élément ne permet de trancher entre un trouble conversif (dans lequel les symptômes physiques observés ne sont pas volontaires) et une simulation (qui implique une production volontaire de symptôme) ; qu'aucun de ces troubles ne saurait cependant être imputable de façon directe, certaine et exclusive au traumatisme : le premier parce qu'il suppose un terrain préalable (une personnalité pathologique), le second parce qu'il consiste en la recherche consciente de bénéfices ; que les critères d'imputabilité médicale ne sont pas remplis et ils ne retiennent aucune séquelle médicale imputable de façon directe, certaine et exclusive à cet accident ; qu'au regard de ces éléments de discussion la cour doit relever l'existence d'une concomitance entre le traumatisme cervical et rachidien subi lors de l'accident du 25 mai 1996 et l'apparition ,dans les suites immédiates de celui-ci ,de la raideur cervicale et de la contracture des muscles cervicaux ; qu'à cet égard, les deux expertises judiciaires relatent le courrier du docteur J... en date du 19 juin 1996 relevant l'attitude vicieuse de la tête de Monsieur Y... et une impressionnante contracture para vertébrale ; que la dystonie cervicale de l'épaule a bien été constatée par les deux expertises et cliniquement décrite : qu'ainsi, Monsieur Y... présente une ascension de l'épaule gauche affleurant l'oreille par contraction des trapèzes et ne s'atténuant qu'en position allongée (décubitus) ; que l'examen expertal du docteur B... décrit à la palpation une contracture bilatérale au niveau des sous épineuses gauche et droite, une limitation importante des mouvements de l'épaule, douloureux, avec majoration vers la gauche, les muscles étant extrêmement saillants et les contracturés, la flexion extension de la tête et sa rotation vers la gauche étant impossibles ; que le docteur E... a relevé la filiation médicale continue entre le traumatisme cervical et le tableau clinique témoignant d'une relation directe et certaine avec l'accident en cause et a indiqué que cette relation n'est sans doute pas exclusive mais qu'il ne peut en rapporter la preuve au plan médico-légal en l'absence d'état névrotique patent antérieur ; qu'à cet égard, le médecin évoque la possibilité d'une «prédisposition latente dont l'objectivation est impossible» ; qu'en droit, ces constatations sont suffisantes pour retenir l'installation chez Monsieur Y... d'une dystonie cervicale au décours du traumatisme subi le 25 mai 1996 même si aucune explication ne peut être actuellement scientifiquement décrite sur les mécanismes et l'origine de ce type de dystonie ; que la thèse d'une simulation soutenue par la MAAF n'apparaît confortée ni par les constatations et examens expertaux ni par les investigations des enquêteurs de la MAAF, le fait que Monsieur Y... puisse conduire sa voiture ayant bien été mentionné dans les rapports médicaux et les remarques des enquêteurs sur les mouvements de la tête de l'intéressé à cette occasion n'étant pas déterminantes pour conclure à l'existence de troubles factices ;
1°) ALORS QU 'ayant constaté que l'accident était survenu le 25 mai 1996, Monsieur Y..., à bord de son véhicule, ayant alors ressenti un «ébranlement cervical» qui s'était avéré sans gravité, et que, seulement quatre jours plus tard, soit le 29 mai 1996, était apparue la dystonie de l'épaule gauche dont se plaignait Monsieur Y..., en affirmant l'existence d'une concomitance entre cette dystonie et l'accident litigieux, la Cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales et a violé l'article 5 de la loi du 5 juillet 1985 ;
2°) ALORS QUE lorsque le dommage invoqué par la victime survient après l'accident, ou qu'il peut être imputable à d'autres causes, il appartient alors à la victime d'établir l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre ce dommage et l'accident ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que la dystonie cervicale très invalidante invoquée par Monsieur Y... n'était apparue que quatre jours après l'accident de circulation litigieux et qu'elle pouvait «sans doute» aussi être imputée à d'autres causes ; que dès lors en se bornant, pour déclarer que cette pathologie était imputable à l'accident, à affirmer l'existence d'une «filiation» entre la dystonie et le traumatisme cervical léger que Monsieur Y... avait subi le jour même de l'accident, tout en constatant qu'aucune explication ne pouvait être actuellement scientifiquement décrite sur les mécanismes et sur l'origine de ce type de dystonie, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un lien direct et certain entre l'accident litigieux et la pathologie de Monsieur Y..., a violé les articles 5 de la loi du 5 juillet 1985 et 1315 du Code civil ;
3°) ALORS QU E la MAAF et Madame X... rappelaient dans leurs conclusions d'appel, d'une part, les constatations faites par les experts judiciaires (le docteur Z... et le professeur A...) qui ont examiné Monsieur Y... et l'avis médico-légal donné au vu de divers rapports d'expertise versés aux débats, dont il ressortait que, pendant les examens médicaux, Monsieur Y... amorçait une contraction (mouvement) volontaire lors de chaque tentative de mobilisation, que l'IRM n'avait montré aucune anomalie, que le torticolis était «extrêmement variable», ce qui ne «coll ait pas avec une dystonie», et d'autre part, les résultats des investigations menées par les enquêteurs de la MAAF qui montraient que Monsieur Y... pouvait non seulement faire des manoeuvres en voiture en tournant librement la tête, mais aussi tenir sa tête bien droite pour effectuer des efforts (chargement du véhicule) et se promener en adoptant un comportement tout à fait normal ; que dès lors, en se bornant à affirmer que la thèse de la simulation n'était confortée ni par les constatations et examens expertaux, ni par les investigations des enquêteurs de la MAAF, sans expliquer en quoi ces diverses constatations n'excluaient pas, pour être incompatible avec elle, la dystonie prétendument très invalidante alléguée par Monsieur Y..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 5 de la loi du 5 juillet 1985 et 1315 du Code civil ;
4°) ALORS, enfin, QUE la MAAF et Madame X... versait aux débats une cassette vidéo enregistrée par les enquêteurs de la MAAF, qui montrait Monsieur Y... conduire et charger son véhicule avec la tête bien droite, et se promener, «sans son torticolis», cassette vidéo dont le jugement du 3 février 2005 ayant désigné de nouveaux experts pour examiner Monsieur Y... déduisait l'éventuelle simulation de son état par Monsieur Y... ; que la Cour qui a omis purement et simplement omis d'examiner cet élément de preuve déterminant, faute de l'avoir visualisé, a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.