LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société AC Carrosserie Argentat de son désistement envers M. X...;
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 410-1 et L. 442-6 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt déféré, que la société AC Carrosserie Argentat, anciennement dénommée la société Beau Rivage (la société Beau Rivage), réparateur automobile, était agréée par la Mutuelle d'assurance des commerçants et industriels de France (la MACIF) et la Mutuelle d'assurance des instituteurs de France (la MAIF) ; que les conventions d'agrément de la société Beau Rivage ont été résiliées par chacune des mutuelles d'assurances ; que soutenant que M. X..., expert automobile, avait commis des fautes successives dans le cadre de réparations sur deux véhicules assurés respectivement auprès de la MACIF et de la MAIF et que ces fautes étaient à l'origine directe de la résiliation des conventions, la société Beau Rivage a assigné M. X... sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil ; qu'en outre, elle a assigné la MACIF ainsi que la MAIF aux fins notamment de voir constater la rupture abusive des deux contrats et les voir condamner à lui verser des dommages-intérêts ;
Attendu que pour écarter l'application des dispositions des articles L. 410-1 et L. 442-6-I-5° du code de commerce l'arrêt retient que l'article L. 322-26-1 du code des assurances concernant les sociétés d'assurance mutuelles dispose que «les sociétés d'assurances mutuelles ont un objet non commercial. Elles sont constituées pour assurer les risques apportés par leurs sociétaires. Moyennant le paiement d'une cotisation fixe ou variable, elles garantissent à ces derniers le règlement intégral des engagements qu'elles contractent (…)» et qu'il résulte de ces dispositions légales que les sociétés d'assurance mutuelles peuvent passer des actes réputés actes de commerce sans pour autant être régies par les dispositions du code du commerce ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le régime juridique des sociétés d'assurances mutuelles, comme le caractère non lucratif de leur activité, ne sont pas de nature à les exclure du champ d'application des dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence dès lors qu'elles procèdent à une activité de service, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce en ce qu'il a rejeté les demandes de la société AC Carrosserie Argentat sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce à l'encontre de la Mutuelle d'assurance des commerçants et industriels de France et de la Mutuelle d'assurance des instituteurs de France, l'arrêt rendu le 18 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges, autrement composée ;
Condamne la Mutuelle d'assurance des commerçants et industriels de France et de la Mutuelle d'assurance des instituteurs de France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la société AC carrosserie argentat
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté les demandes de la Société AC CARROSSERIE ARGENTAT, anciennement Société BEAU RIVAGE, tendant à faire constater que les conventions avaient été rompues abusivement pour l'avoir été sans préavis ou sans préavis suffisant, et rejeté en conséquence les demandes de dommages et intérêts formées par la Société AC CARROSSERIE ;
AUX MOTIFS propres QU'«à bon droit le Tribunal, après avoir écarté l'application des dispositions des articles 410-1 et 442-6-5° du Code du commerce, a estimé que seul pouvait recevoir application l'article 1134 du Code civil selon lesquelles les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites (…)» (arrêt, p. 4, § 2) ;
Et AUX MOTIFS adoptés QUE «l'article L.322-26-1 du Code des assurances concernant les sociétés d'assurance mutuelles (section 4) dispose que «les sociétés d'assurances mutuelles ont un objet non commercial. Elles sont constituées pour assurer les risques apportés par leurs sociétaires. Moyennant le paiement d'une cotisation fixe ou variable, elles garantissent à ces derniers le règlement intégral des engagements qu'elles contractent (…)» ; qu'il résulte de ces dispositions légales que les sociétés d'assurance mutuelles peuvent passer des actes réputés actes de commerce sans pour autant être régies par les dispositions du Code du commerce, et que l'article L.442-6-I-5° de ce Code, relatif à la rupture d'une relation commerciale établie entre commerçants, ne s'applique pas aux sociétés d'assurance mutuelles ; que dès lors, seul l'article 1134 du Code civil selon lequel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, doit recevoir application (…)» (jugement, p. 10, avant-dernier et dernier § et p. 11, § 1er) ;
ALORS QUE, premièrement, le champ d'application des dispositions figurant au livre IV du Code du commerce, au nombre desquelles les dispositions de l'article L. 442-6-I-5°, est défini par l'article L. 410-1 du Code ; qu'aux termes de ce texte, les règles énoncées au livre IV concernent «toutes les activités de production, de distribution ou de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques » ; que le champ d'application des règles en cause est donc déterminé, non pas en considération du statut juridique de la personne ou de son caractère non lucratif, mais en considération de la nature des activités et notamment du point de savoir si elles relèvent du secteur concurrentiel ; qu'en excluant l'application de l'article L. 442-6-I-5° du Code du commerce en se fondant sur le statut de mutuelle de la MAIF et de la MACIF, ou encore leur caractère non lucratif, quand ces éléments étaient inopérants, les juges du fond ont violé les articles L. 410-1 et L. 442-6-I-5° du Code du commerce ;
Et ALORS QUE, deuxièmement, réserve faite du cas où les parties entretiennent des relations d'ordre organique, les dispositions du livre IV du Code du commerce, et notamment de l'article L. 442-6-I-5°, ne peuvent être écartées qu'en présence d'une disposition expresse prohibant formellement que la partie exerce son activité à l'instar d'un commerce ; qu'aucune prohibition de ce type n'existe, s'agissant des sociétés d'assurances mutuelles ; qu'à cet égard encore, les juges du fond ont violé les articles L. 410-1 et L. 442-6-I-5° du Code du commerce, ensemble les articles L. 322-26-1 et R. 322-42 à R. 322-52 du Code des assurances.