LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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L'ASSOCIATION OEUVRE D'ASSISTANCE AUX BÊTES D'ABATTOIR, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 9 décembre 2009, qui a prononcé sur une requête en difficulté d'exécution ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 4 du code civil, 131-21-1 et R. 653-1 du code pénal, 710 du code de procédure pénale, ensemble l'article 593 du même code, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit que la confiscation du cheptel de Lionel X... au profit de l'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs (OABA) ne pouvait être mise à exécution et a ordonné la restitution de l'ensemble des animaux enlevés par l'OABA et leur croît à Lionel X... ;
"aux motifs que s'il est interdit sous couvert des dispositions de l'article 710 du code de procédure pénale et quelque soit le bien fondé des moyens soulevés, d'écarter, d'étendre ou de restreindre les dispositions d'une décision pénale définitive et de modifier ainsi la chose jugée, encore faut-il que la disposition en cause soit susceptible d'exécution ; qu'en l'espèce, la peine « de confiscation du cheptel » constitue une peine complémentaire prononcée sur le fondement de l'article R. 653-1 du code pénal dont la violation a été sanctionnée de 17 amendes de 20 euros chacune correspondant aux dix-sept animaux qui ont été retrouvés morts dans la stabulation (quatorze) ou qui ont dû être abattus (trois) sur le champ ; que, s'il n'est pas nécessaire que les choses ou les animaux qui ont été confisqués aient été préalablement saisis et placés sous main de justice encore doivent-ils être désignés dans les actes de procédure avec une précision qui ne laisse aucun doute quant à leur détermination ; qu'en droit pénal le cheptel est une entité juridique qui correspond à une universalité (le fond de bétail), dont le contenu est variable entre les décès et les naissances, susceptible de comporter plusieurs espèces d'animaux ; que l'association OABA estime que le cheptel visé au jugement comprend l'ensemble du troupeau présent dans la stabulation de Lionel X... soit quatre-vingt quatre bovins auquel il convient d'ajouter le croît des animaux par application des dispositions de l'article 547 du code civil ; que, dans son jugement frappé d'appel, le tribunal correctionnel de Cusset a dit que la confiscation portait sur cinquante-quatre animaux vivants présents dans la stabulation le 14 avril 2009 ; que cette précision ne figurait pas dans la décision du 23 juillet 2009 laquelle est au demeurant peu conforme à la nature du cheptel telle que retenue par le code civil ; que, pour le moins, il existe un doute important quant à la détermination des bovins confisqués qui conduit la cour à dire que la mesure qui porte sur des animaux non identifiés ne peut être mise à exécution ;
"1°) alors que le juge de l'exécution ne peut, sous couvert d'interprétation, dénaturer les termes clairs et précis du dispositif d'un jugement devenu définitif ; que, par ailleurs, en application de l'article 131-21-1 du code pénal lorsqu'elle est encourue à titre de peine complémentaire, la confiscation peut concerner soit l'animal qui a été utilisé pour commettre l'infraction ou à l'encontre duquel l'infraction a été commise, soit les animaux dont le condamné est propriétaire si ces animaux étaient susceptibles d'être utilisés pour commettre l'infraction ou si l'infraction aurait pu être commise à leur encontre ; qu'en l'espèce, le tribunal de grande instance de Cusset, devenu définitif, a, par jugement du 23 juillet 2009, déclaré Lionel X... coupable de la contravention d'atteinte involontaire à la vie d'un animal, l'a condamné à dix-sept peines d'amende et a, à titre de peine complémentaire, prononcé « la confiscation du cheptel de Lionel X... au profit de l'OABA » ; que ces termes clairs et précis désignaient sans ambiguïté l'entier cheptel de Lionel X..., constitué de quatre-vingt quatre têtes, sans aucune limitation ; qu'en décidant qu'il existait un doute quant à la détermination des bovins confisqués, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du dispositif du jugement du 23 juillet 2009 et a violé les dispositions susvisées ;
"2°) alors qu'en toute hypothèse, si le juge de l'exécution, saisi d'une requête en interprétation, ne peut étendre la portée du dispositif à des conséquences non envisagées par le juge, il est tenu, cependant, d'en combler les lacunes afin de permettre l'exécution de la peine définitive ; qu'en l'espèce, en accordant à Lionel X... définitivement condamné à une mesure de confiscation le bénéfice du doute sur l'étendue de cette mesure pour le dispenser de toute exécution, la cour d'appel a modifié le dispositif du jugement du 23 juillet 2009 de la manière la plus radicale et a violé les textes susvisés" ;
Vu l'article 710 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'une juridiction correctionnelle, saisie en application de ce texte d'un incident contentieux relatif à l'exécution d'une décision, n'a pas le pouvoir de restreindre ou d'accroître les droits qu'elle consacre et de modifier ainsi la chose jugée ;
Attendu que, statuant sur l'appel d'un jugement interprétant le dispositif d'une précédente décision devenue définitive, ayant notamment ordonné la confiscation du cheptel de Lionel X... au profit de l'association Oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoir, l'arrêt infirmatif attaqué, pour dire que cette mesure ne pouvait porter sur les seuls animaux visés par le procès-verbal, au nombre de cinquante-quatre, et ne pouvait être mise à exécution puis ordonner la restitution du bétail à son propriétaire, prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'ainsi, la cour d'appel, à qui il appartenait d'interpréter le dispositif du jugement afin d'en permettre l'exécution, sans rien en retrancher, a méconnu le sens et la portée du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Riom, en date du 9 décembre 2009, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Limoges, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Riom et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
DIT n'y avoir lieu à application au profit de l'association Oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Nunez conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Villar ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;