LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
LA SOCIÉTÉ MORY TEAM,
contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 24 septembre 2009, qui, pour blessures involontaires, l'a condamnée à 15 000 euros d'amende et a prononcé sur l'action civile ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de violation des articles 111-4, 121-2, 121, du code pénal, de l'article L. 231-3-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce, "tout chef d'établissement est tenu d'organiser une formation pratique et appropriée en matière de sécurité au profit des travailleurs qu'il embauche ou encore liés par un contrat de travail temporaire", des articles 3, 222-19 et 222-21 du code pénal, L. 231-3-2 du code du travail, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Mory Team coupable de blessures involontaires ayant causé une incapacité totale de travail supérieure à trois mois sur la personne d'Ezechiel X... et, en conséquence, l'a condamné à une amende de 15 000 euros et a reçu la constitution de partie civile d'Ezechiel X... ;
"aux motifs qu'en application de l'article 121-2, alinéa 1, du code pénal et des articles 222-19 et 222-21 du même code les personnes morales, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7 dudit code, sont responsables pénalement de toute faute non intentionnelle de leurs organes ou représentants commise pour leur compte et ayant entraîné une atteinte à l'intégrité physique d'autrui, constitutive du délit de blessures involontaires, alors même qu'en l'absence de toute faute délibérée ou caractérisée, au sens de l'article 121-3, alinéa 4, dudit code, la responsabilité pénale des personnes physiques ne pourrait être recherchée ; qu'en application des dispositions de l'article L. 231-3-1, devenu l'article L. 4141-2 du code du travail "tout chef d'établissement est tenu d'organiser une formation pratique et appropriée en matière de sécurité au profit des travailleurs qu'il embauche ou encore liés par un contrat de travail temporaire" ; que de l'ensemble des éléments précités il ressort incontestablement que l'accident du travail, dont fut victime Ezechiel X..., trouve ses causes dans une absence de formation de ce salarié à la manipulation des engins et dans des manquements dans l'organisation et la surveillance du travail ; qu'aucune consigne de sécurité, notamment sur le transpalette à utiliser n'a été donnée à Ezechiel X..., agent intérimaire sans qualification particulière ; que le chef de quai, M. Y..., n'était pas présent sur les lieux pour superviser la manutention de ces colis alors qu'il s'agissait de marchandises posant des problèmes nouveaux en raison de leur instabilité et de leur fragilité ; que la lecture de la procédure permet, par ailleurs, de se convaincre que, contrairement aux allégations de la société Mory Team, Ezechiel X... ne disposait pas, au moment où l'accident s'est produit, d'un matériel adapté, soit un transpalette électrique, en raison des contradictions existant sur ce point dans les auditions du chef d'agence, de la victime et de M. Z... ; que la formation générale à l'usage d'un transpalette manuel, dont il est justifié par la production de la fiche de sécurité correspondante, ne pouvait en outre pallier les risques créés par la difficulté particulière de la manutention ; que ces éléments démontrent l'insuffisance dans la formation du salarié et les manquements dans l'organisation et la surveillance du travail imputables à Stéphane A..., directeur de l'agence locale lors de l'accident, notamment en matière de sécurité des salariés, qui n'a pas pris les mesures nécessaires pour assurer tant la formation que la sécurité de ce salarié, livré à lui-même dans l'accomplissement du travail qui lui était confié ; qu'en omettant de satisfaire à ces obligations mises à sa charge, Stéphane A... a commis pour le compte de la société Mory Team des imprudences et négligences constitutives d'une faute en relation de cause à effet avec l'accident dont fut victime Ezechiel X... ;
1°) "alors que l'article 121-2 du code pénal prévoit la responsabilité pénale des personnes morales selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, ce dont il résulte que ces dernières sont responsables en tant qu'auteur d'une infraction consommée ou tentée ou en tant que complice ; que, pour être l'auteur de l'infraction, il est indispensable de remplir les conditions prévues par le texte d'incrimination ; que lorsque le texte d'incrimination précise que l'auteur doit revêtir une qualité déterminée, la personne morale ne peut être l'auteur de l'infraction que si elle remplit elle-même cette qualité ; qu'en application des dispositions de l'article L. 231-3-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce, "tout chef d'établissement est tenu d'organiser une formation pratique et appropriée en matière de sécurité au profit des travailleurs qu'il embauche ou encore liés par un contrat de travail temporaire" ; qu'il s'ensuit que seul le chef d'établissement peut voir sa responsabilité engagée pour infraction à ces dispositions ; qu'en décidant le contraire et en condamnant la société Mory Team, personne morale, pour infraction aux dispositions précitées, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2°) "alors que l'article 111-4 du code pénal pose le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale ; qu'en imputant à une personne morale une infraction dont seul son organe ou représentant, personne physique, peut être juridiquement l'auteur, comme c'est le cas de l'infraction de l'article L. 231-3-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce, la cour d'appel a violé les dispositions précitées ;
3°) "alors que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ; que la cour d'appel a constaté que Stéphane A..., chef d'établissement, titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière de sécurité, avait donné à Ezechiel X... une formation à la manutention en sécurité préalablement à sa mission d'intérim, du 20 juin 2005 au 1er juillet 2005 ; qu'Ezechiel X... avait donc été formé au chargement des colis ; que la cour d'appel a également constaté que lors du déchargement des colis dans l'entreprise, l'opération avait été effectuée par deux opérateurs, l'une, le chef de quai, conduisant le chariot automoteur très lentement et l'autre, Ezechiel X... lui-même, l'assistant en suivant les mouvements du chariot et en maintenant les colis, ce dont il résulte qu'outre la formation en manutention générale qu'il avait reçue, Ezechiel X... était parfaitement informé des difficultés de transport des colis litigieux et des précautions à prendre ; qu'en décidant cependant que l'accident étant survenu en raison de l'utilisation d'un transpalette manuel, sans l'assistance d'un opérateur, quand l'utilisation d'un transpalette électrique était nécessaire et que n'ayant pas donné de consigne spéciale sur le choix du transpalette à utiliser, le chef d'établissement avait commis un manquement aux règles de sécurité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constations et a violé les dispositions susvisées" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 21 septembre 2005, Ezechiel X..., employé intérimaire au service de la société Mory Team, a été blessé à la jambe, alors qu'il assurait seul le transport de portes à l'aide d'un transpalette manuel ; qu'à la suite de ces faits, la société a été renvoyée devant le tribunal correctionnel, pour blessures involontaires, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce en fournissant à Ezechiel X... un équipement non adapté à la manutention des marchandises en cause, et ne préservant pas suffisamment la sécurité de son utilisateur, au visa des articles L. 233-5-1, R. 233-5, R. 233-6 du code du travail, et 222-19 du code pénal ; que la prévenue a été déclarée coupable ;
Attendu que, sur son appel et celui du ministère public, pour confirmer le jugement, l'arrêt retient, notamment, que les manquements dans l'organisation et la surveillance du travail, aucune consigne de sécurité n'ayant été donnée à la victime, sont imputables à Stéphane A..., directeur de l'agence locale de la société, titulaire d'une délégation de pouvoir en matière de sécurité ; que les juges ajoutent qu'Ezechiel X... ne disposait pas au moment de l'accident d'un matériel adapté, que sa formation générale à l'usage d'un transpalette manuel ne pouvait pallier les risques créés par la difficulté particulière de la manutention et qu'ainsi Stéphane A... a commis pour le compte de la société des imprudences et négligences constitutives d'une faute en relation de cause à effet avec l'accident ;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations exemptes d'insuffisance et de contradiction, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que la société Mory Team devra payer à Ezechiel X..., au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Palisse conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;