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13/07/2010 | FRANCE | N°09-42611

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 juillet 2010, 09-42611


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 octobre 2008), que Mme
Y...
, engagée, le 1er juin 2004, en qualité de conductrice de taxi par M.
X...
, a été licenciée pour faute grave le 17 juin 2005 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de retenir la faute grave et de la débouter en conséquence de ses demandes indemnitaires, alors, selon le moyen :

1° / que la faute grave n'est caractérisée qu'à la condition qu'elle résulte d'un fait ou

d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 octobre 2008), que Mme
Y...
, engagée, le 1er juin 2004, en qualité de conductrice de taxi par M.
X...
, a été licenciée pour faute grave le 17 juin 2005 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de retenir la faute grave et de la débouter en conséquence de ses demandes indemnitaires, alors, selon le moyen :

1° / que la faute grave n'est caractérisée qu'à la condition qu'elle résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié pendant la période du préavis ; qu'en considérant que la salariée avait manqué à ses obligations contractuelles en refusant d'effectuer des courses avant et après certaines heures, ainsi que des déplacements pour un client cependant que le contrat de travail ne stipulait pas de telles obligations, la cour d'appel, qui a cru pouvoir caractériser le manquement de la salariée à une obligation contractuelle non établie, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;

2° / que par des écritures demeurées sans réponse, elle faisait valoir qu'elle avait bénéficié de la part de l'employeur d'horaires aménagés ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen de nature à démontrer qu'elle n'avait pas méconnu ses obligations contractuelles, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3° / que le juge a l'obligation de vérifier la cause exacte du licenciement au-delà des énonciations de la lettre de licenciement ; qu'en retenant que son licenciement était fondé sur une faute grave sans même vérifier, ainsi qu'elle y était pourtant invitée par ses écritures d'appel, si la cause du licenciement dont elle avait fait l'objet ne résidait pas, en réalité, dans l'embauche du propre fils de M.
X...
au poste qu'elle occupait la cour d'appel, qui s'est abstenue de vérifier la cause exacte du licenciement, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant considéré comme établis les griefs énoncés dans la lettre de licenciement et tenant au refus de la salariée d'accomplir son service selon les prévisions de son contrat de travail, la cour d'appel a nécessairement exclu toute autre cause de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, alors, selon le moyen, que le juge ne peut pas se déterminer au vu des seuls éléments fournis par le salarié et qu'il appartient à l'employeur de produire des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'en se fondant uniquement sur l'insuffisance de preuve rapportée par la salariée, la cour d'appel, qui a fait peser sur la salariée la charge de la preuve, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Mais attendu qu'appréciant les éléments produits de part et d'autre et constatant que les décomptes de la salariée ne correspondaient pas aux plannings communiqués par l'employeur, la cour d'appel a retenu, sans méconnaître les règles d'administration de la preuve applicables en la matière, qu'un dépassement du temps de travail n'était pas établi ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme
Y...
aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils, pour Mme
Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Madame Christine
Y...
était fondé sur une faute grave, et de l'avoir, en conséquence, déboutée de ses demandes indemnitaires ;

AUX MOTIFS QUE « la lettre de licenciement vise l'insubordination de la salariée, son refus d'accomplir les missions demandées, l'exécution défectueuse de sa prestation de travail, son dénigrement de l'entreprise et du chef d'entreprise auprès de la clientèle, la mise en danger d'autrui, l'utilisation à des fins personnelles du véhicule de l'entreprise, son refus de rendre la caisse et illustre ces griefs de faits circonstanciés ; que par lettre adressée le 23 septembre 2004, trois mois après l'embauche, Monsieur
X...
a reproché à Madame
Y...
d'emmener sa fille dans le véhicule de l'entreprise, de rentrer chez elle avec le véhicule de l'entreprise, de refuser de prendre des courses tôt le matin, tard le soir ou d'assurer des permanences de fin de semaine comme les autres salariés de l'entreprise, de ne pas respecter son planning, de ne pas se comporter correctement avec la clientèle, de ne pas porter son badge, de laisser sa fille au bureau pendant qu'elle est en service ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que Madame
Y...
a refusé d'effectuer des courses avant 8h30 et après 19h comme le permettait son contrat de travail, l'impliquait matériellement son activité de taxi, le pratiquait habituellement les autres salariés qui devaient au surplus la remplacer au dernier moment ce qui désorganisait l'entreprise (attestations concordantes de Mesdames
Z...
et
A...
), qu'elle n'a pas effectué normalement des déplacements pour un client habituel important de l'entreprise, la société VITALIS qui assure le transport de personnel médical, lequel a appliqué des pénalités (certificats du 12 janvier 2005 et du 11 mars 2005) et enfin qu'elle emmenait sa fille âgée de 10 ans dans le taxi pendant les heures de service (attestation de Madame
B...
) ; que le refus persistant et non justifié d'exécuter ses prestations conformément à ses obligations contractuelles, malgré une mise en demeure qui lui a été adressée le 23 septembre 2004, caractérise une faute grave rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que le jugement attaqué qui a jugé le licenciement fondé sur une faute grave sera confirmé sur ce point » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« à la suite de l'entretien préalable du 13 juin 2005, Madame
Y...
a reçu la lettre de licenciement pour faute grave ; que Monsieur
X...
, l'employeur, reprend dans la lettre de six pages, l'ensemble des faits qui l'ont conduit à licencier Madame
Y...
, notamment : « insubordination, refus d'accomplir les missions demandées, exécution défectueuse de la prestation de travail, dénigrement de l'entreprise et du chef d'entreprise auprès de la clientèle, mise en danger d'autrui, utilisation à des fins personnelles du véhicule de l'entreprise, refus de rendre la caisse » ; que dans la lettre de nombreux faits qui se sont déroulés lors des dernières semaines de travail ; que bien entendu Madame

Y...
, par courrier en date du 12 juillet 2005, a contesté les faits qui lui étaient reprochés ; que dès le 23 septembre 2004, Madame
Y...
avait fait l'objet d'une lettre par laquelle l'employeur lui avait fait part de « ses inquiétudes, interrogations, suite à votre façon de faire et son mécontentement » ; qu'il apparaît que Madame
Y...
n'a jamais intégré pleinement son nouvel emploi, faisant preuve de laxisme et de manque de sérieux ; que le Conseil dit que le licenciement pour faute grave est fondé et déboute Madame
Y...
de l'ensemble des demandes liées au licenciement » ;

ALORS D'UNE PART QUE la faute grave n'est caractérisée qu'à la condition qu'elle résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié pendant la période du préavis ; qu'en considérant que la salariée avait manqué à ses obligations contractuelles en refusant d'effectuer des courses avant et après certaines heures, ainsi que des déplacements pour un client cependant que le contrat de travail ne stipulait pas de telles obligations, la Cour d'appel, qui a cru pouvoir caractériser le manquement de la salariée à une obligation contractuelle non établie, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1 et L. 1234-9 du Code du travail ;

ALORS D'AUTRE PART QUE par des écritures demeurées sans réponse, Madame
Y...
faisait valoir qu'elle avait bénéficié de la part de l'employeur d'horaires aménagés ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen déterminant de nature à démontrer que la salariée n'avait pas méconnu ses obligations contractuelles, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS ENFIN QUE le juge a l'obligation de vérifier la cause exacte du licenciement au-delà des énonciations de la lettre de licenciement ; qu'en retenant que le licenciement de Madame
Y...
était fondé sur une faute grave sans même vérifier, ainsi qu'elle y était pourtant invitée par les écritures d'appel de la salariée, si la cause du licenciement dont elle avait fait l'objet ne résidait pas, en réalité, dans l'embauche du propre fils de Monsieur
X...
au poste occupé par la salariée, la Cour d'appel, qui s'est abstenue de vérifier la cause exacte du licenciement, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a violé l'article L. 1232-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Madame Christine
Y...
de sa demande en paiement d'heures supplémentaires ;

AUX MOTIFS QUE « pour étayer sa demande, Madame
Y...
se borne à verser aux débats un tableau manuscrit, établi d'un seul tenant par elle-même pour les besoins de la cause, dont les mentions portant sur ses heures de travail effectif par semaine pour la période du 2 septembre 2004 au 25 avril 2005 ne sont corroborées par aucun autre élément de preuve à l'exception d'une attestation de Madame
C...
, ancienne salariée de l'entreprise qui soutient, en termes généraux, que dans cette entreprise les horaires n'étaient pas ceux indiqués dans le contrat de travail et que les récupérations et congés étaient inexistants ; que l'employeur produit l'ensemble des plannings de courses pendant la période litigieuse dont les mentions ne permettent pas une analyse comparative avec ceux produits par la salariée ; qu'en l'état des pièces produites par Madame
Y...
sur la base de ses seules affirmations, la Cour estime que celle-ci ne produit pas des éléments de nature à étayer sa demande d'heures supplémentaires ; qu'elle sera donc déboutée de ses demandes à ce titre » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Madame
Y...
demande la somme de 1 182, 10 € bruts à ce titre ainsi que 118, 21 € au titre des congés payés ; que Madame
Y...
, à l'appui de sa demande, fait état d'un tableau pour la période septembre 2004 à mars 2005 ; qu'en application du contrat de travail, Madame
Y...
travaillait 35 heures par semaine ; elle était payée sur la base de 151 heures 67 ; qu'il apparaît selon les décomptes qu'elle produit, qu'il pouvait y avoir de la modulation hebdomadaire ; qu'ainsi, en octobre 2004, la semaine 43 elle effectue 45 heures, mais la semaine 44, elle n'effectue que 17 heures 75 ; que, de surplus, la semaine 5 des mois de septembre 2004, novembre 2004, janvier 2005 et février 2005, l'horaire est faux » ;

ALORS QUE le juge ne peut pas se déterminer au vu des seuls éléments fournis par le salarié et qu'il appartient à l'employeur de produire des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'en se fondant uniquement sur l'insuffisance de preuve rapportée par la salariée, la Cour d'appel, qui a fait peser sur la salariée la charge de la preuve, a violé l'article L. 3171-4 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-42611
Date de la décision : 13/07/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 14 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 jui. 2010, pourvoi n°09-42611


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Peignot et Garreau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.42611
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