LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis :
Vu les articles L. 1226-9, L. 1232-6, R. 4624-1 du code du travail, ensemble l'article 2044 du code civil ;
Attendu d'abord que, si la juridiction appelée à statuer sur la validité d'une transaction réglant les conséquences d'un licenciement n'a pas à se prononcer sur la réalité et le sérieux du ou des motifs énoncés dans la lettre de licenciement, elle doit, pour apprécier si des concessions réciproques ont été faites et si celle de l'employeur n'est pas dérisoire, vérifier que la lettre de licenciement est motivée conformément aux exigences légales ;
Attendu ensuite que, faute pour l'employeur d'avoir fait passer au salarié arrêté pendant au moins huit jours en raison d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle une visite de reprise, le contrat demeure suspendu, de sorte qu'il ne peut procéder à son licenciement que pour faute grave ou s'il se trouve dans l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie professionnelle ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme
X...
a été engagée par la société Comanet en qualité d'agent de propreté le 1er novembre 1999 à temps partiel ; qu'à la suite d'un accident de travail, elle a notamment subi un arrêt de travail du 27 avril au 19 août 2001 et a repris son poste de travail sans visite de reprise ; qu'elle a été licenciée pour faute grave le 18 octobre 2001 pour "disputes avec son supérieur hiérarchique" ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester ce licenciement ainsi que la validité de la transaction conclue avec la société ;
Attendu que pour déclarer valide la transaction et rejeter la demande de la salariée tendant à voir constater la nullité de son licenciement, l'arrêt retient que cette dernière a accepté la somme forfaitaire de 20 000 francs, soit 3 050 euros, correspondant à quatre mois de salaire, en contrepartie de la renonciation à poursuivre l'exécution de ses droits ; que cette somme est supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de l'indemnité de préavis augmentée des congés payés ; que si la concession de la salariée est effective, celle de l'employeur l'est également, dès lors qu'il a consenti un sacrifice financier réel et chiffrable ; que le protocole a l'autorité de la chose jugée en dernier ressort et que le juge ne peut trancher le différend que la transaction a pour objet de clore ; qu'il ne saurait donc examiner le bien-fondé du motif du licenciement sur lequel les parties ont transigé ; qu'il ne saurait donc y avoir d'autre indemnisation que la somme forfaitaire prévue par la transaction ; que, par ailleurs, s'il est exact que la salariée a repris son poste au mois d'août 2001 sans passer la visite médicale de reprise obligatoire dont elle aurait dû bénéficier en application de l'article R. 4624-21-4° du code du travail ; il y a lieu de relever qu'elle n'a pas sollicité cet examen médical en l'absence de sa mise en oeuvre par l'employeur ; qu'elle n'a versé au dossier aucun document justifiant l'accident du travail dont elle fait état ; que la cour d'appel retient encore que la salariée s'étant trouvée soumise au pouvoir disciplinaire de son employeur à sa reprise de fonction, celui-ci pouvait notamment la licencier pour faute grave ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, l'accident du travail n'était pas contesté par l'employeur et, d'autre part, que le motif invoqué dans la lettre de licenciement, trop vague pour être matériellement vérifiable, était exclusif d'une faute grave, ce dont il se déduisait que le licenciement et la transaction étaient nuls, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Comanet aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Comanet à payer à la SCP Defrenois et Levis la somme de 2 500 euros, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour Mme
X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement déféré en ce qu'il a déclaré valide la transaction et débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE l'article 2044 du code civil définit la transaction comme le contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ; que celle-ci ne peut être conclue qu'une fois la rupture du contrat de travail intervenue et définitive ; qu'en l'espèce, le protocole d'accord transactionnel n'est pas daté mais le rappel au passé du licenciement notifié le 18 octobre 2001 et la mention du versement à la signature de l'accord de la somme de 20.000 F par chèque daté du 29 octobre 2001 démontrent que la transaction n'est intervenue qu'après la remise à Fatima
X...
de la lettre de licenciement ; que l'existence de la transaction est subordonnée à l'exigence de concessions réciproques ; qu'au moment de la conclusion de la transaction, la concession doit être effective et appréciable ; que Fatima
X...
a accepté la somme forfaitaire de 20.000 F, soit 3.050 euros correspondant à quatre mois de salaire, en contrepartie de la renonciation à poursuivre l'exécution de ses droits ; que cette somme est supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de l'indemnité de préavis augmentée de congés payés ; que si la concession de la salariée est effective, celle de l'employeur l'est également dès lors qu'il a consenti un sacrifice financier réel et chiffrable ; qu'en présence de concessions réciproques dont l'existence est essentielle à la validité de la transaction, il y a lieu de constater que le protocole d'accord transactionnel a été valablement conclu entre la société Comanet et Fatima
X...
; qu'il en résulte que ce protocole, qui contient renonciation de la salariée à faire valoir en justice les droits et prétentions sur lesquels porte l'accord intervenu a l'autorité de la chose jugée en dernier ressort et que le juge ne peut trancher le différend que la transaction a pour objet de clore ; qu'il ne saurait donc examiner le bien-fondé du motif de licenciement sur lequel les parties ont transigé ; que dès lors, il ne peut y avoir d'autre indemnisation au profit de Fatima
X...
que la somme de 20.000 F qui, aux termes du protocole, l'a rempli « de l'ensemble des dommages et intérêts qu'elle était en droit de réclamer pour compenser le préjudice moral » subi du fait de la rupture de son contrat de travail ;
ALORS QUE pour déterminer la réalité des concessions réciproques, qui conditionne la validité d'une transaction, les juges du fond sont tenus de vérifier si la lettre de licenciement est motivée conformément aux exigences légales ; qu'en déclarant valide la transaction intervenue entre Madame
X...
et la société Comanet, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si le motif invoqué dans la lettre de licenciement était précis et matériellement vérifiable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail, ensemble l'article 2044 du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame
X...
de sa demande tendant à voir constater la nullité de son licenciement ;
AUX MOTIFS QUE Fatima
X...
déclare qu'à la suite d'un accident du travail, elle a été placée en arrêt de travail du 27 avril au 19 août 2001, puis du 21 novembre 2001 au 22 mars 2002 et qu'elle a repris son poste au mois d'août 2001 sans bénéficier de la visite médicale de reprise obligatoire ; que cependant elle n'a versé au dossier aucun document justifiant l'accident du travail dont elle fait état ; que ses bulletins de paie révèlent qu'elle a été absente les mois de juin et juillet 2001 pour maladie ainsi qu'une partie du mois d'août 2001 ; que son absence pour maladie ayant excédé 21 jours consécutifs, elle aurait du bénéficier de l'examen médical de reprise prescrit par l'article R. 4624-21-4° du code du travail ; qu'elle n'a pas sollicité cet examen médical en l'absence de sa mise en oeuvre par l'employeur ; qu'à sa reprise de fonction, elle s'est donc trouvée soumise au pouvoir disciplinaire de celui-ci qui pouvait notamment la licencier pour faute grave ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en retenant, pour débouter Madame
X...
de sa demande tendant à voir constater la nullité du licenciement, que celle-ci ne fournissait aucun élément justifiant l'existence d'un accident de travail, cependant que l'employeur ne contestait pas l'existence de ce fait, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en se fondant, pour rejeter la demande de la salariée, sur l'absence de caractère probant d'un fait allégué et non contesté, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé les articles 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, ENFIN, QU' en déboutant la salariée de l'ensemble de ses demandes, tout en constatant que l'employeur avait violé son obligation de mettre en place la visite médicale obligatoire, ce dont il résultait que la salariée pouvait prétendre à réparation à ce titre, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1, L. 1132-1 et R. 4624-21 du code du travail.