Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que M. X... a été engagé le 12 juin 1992 par la société Mane et Fils en qualité de directeur général adjoint ; qu'il a été licencié le 23 novembre 1995 pour faute grave ; qu'une transaction destinée à régler les conséquences de la rupture du contrat de travail a été conclue entre les parties le 4 décembre 1995 ; que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de demandes tendant à l'annulation de la transaction et au paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 novembre 1998) de l'avoir débouté de ses demandes précitées, alors, selon le moyen :
1° que la contrainte ou violence morale s'apprécie in concreto, en considération de la personne qui en est victime ; qu'en l'espèce, pour écarter l'existence d'un vice du consentement de nature à justifier l'annulation de la transaction litigieuse, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que le salarié prétendait avoir subi un choc psychologique profond et que les certificats médicaux produits à l'appui de cette allégation n'établissaient pas la réalité d'une contrainte ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié, qui faisait expressément valoir sur ce terrain que, dépourvu d'assurance chômage garantissant le remboursement d'un important emprunt, il s'était trouvé confronté à de graves difficultés financières dont l'employeur avait connaissance et avait donc été contraint de conclure la transaction litigieuse à seule fin d'obtenir dans l'urgence le règlement de l'indemnité transactionnelle lui permettant provisoirement de faire face à ses échéances, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2° que l'existence de concessions réciproques, qui conditionne la validité d'une transaction, doit s'apprécier en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l'acte, de sorte que pour déterminer si ces concessions sont réelles, le juge doit restituer aux faits, tels qu'ils sont énoncés dans la lettre de licenciement, leur véritable qualification ; qu'en l'espèce, il appartenait donc à la cour d'appel de rechercher si les griefs énoncés dans la lettre de licenciement, à savoir la perte de confiance, la désinvolture à l'occasion de l'exercice des fonctions de direction et l'insuffisance due à l'absence de maîtrise du service, caractérisaient la faute grave alléguée par l'employeur ; qu'ainsi, en se bornant à énoncer que les faits reprochés dans la lettre de licenciement n'étaient pas incompatibles avec la qualification retenue de faute grave, et que la supercherie et l'absence de maîtrise du service générant une désorganisation complète de celui-ci n'étaient pas exclusives d'une faute grave, sans préciser si ces griefs caractérisaient effectivement une faute grave, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs dubitatifs, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134, 2044 et 2052 du Code civil ;
3° qu'aucun fait fautif ne pouvant, en vertu de l'article L. 122-44 du Code du travail, donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, il appartient au juge, invité à vérifier l'existence de concessions réciproques, et à ce titre, tenu de restituer aux faits tels qu'ils sont énoncés dans la lettre de licenciement leur véritable qualification, de s'assurer de ce que la procédure de licenciement suivie par l'employeur était compatible avec la faute grave retenue dans la lettre de rupture et dans la transaction, en vérifiant notamment la date des faits reprochés au salarié ainsi que la date à laquelle l'employeur en a eu connaissance ; qu'en l'espèce, le salarié soutenait que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement n'étaient pas datés, et se rapportaient, en tout état de cause, à des faits couverts par la prescription de l'article L. 122-44, par suite insusceptibles comme tels de justifier un licenciement pour faute grave ; que, dès lors, en estimant au contraire que les reproches visés dans la lettre du 23 novembre 1995 répondaient, par leur suffisante précision, aux exigences de l'article L. 122-14-2 du Code du travail, lequel n'imposerait nullement la mention de leur date, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-2 et L. 122-44 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'en constatant que la violence morale alléguée par le salarié n'était pas établie, la cour d'appel a répondu aux conclusions invoquées ;
Attendu, ensuite, qu'en retenant que la lettre de licenciement, qui était motivée conformément aux exigences de l'article L. 122-14-2 du Code du travail, visait une supercherie et un comportement générant une désorganisation complète du service, faits susceptibles de recevoir la qualification de faute grave, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.