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13/07/2010 | FRANCE | N°09-15061

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 13 juillet 2010, 09-15061


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que le bail commercial imposait à la société preneuse de prendre toutes dispositions pour protéger les occupants de l'immeuble, dans lequel étaient situés les lieux loués, des nuisances générées par son établissement, et disposait que le bailleur se réservait le droit d'obliger le preneur à exécuter des travaux d'isolation acoustique en cas de nuisance, la cour d'appel, qui a retenu que le choix qu'avait fait la locataire d

e diffuser de façon habituelle de la musique amplifiée l'obligeait à procéder,...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que le bail commercial imposait à la société preneuse de prendre toutes dispositions pour protéger les occupants de l'immeuble, dans lequel étaient situés les lieux loués, des nuisances générées par son établissement, et disposait que le bailleur se réservait le droit d'obliger le preneur à exécuter des travaux d'isolation acoustique en cas de nuisance, la cour d'appel, qui a retenu que le choix qu'avait fait la locataire de diffuser de façon habituelle de la musique amplifiée l'obligeait à procéder, conformément au décret n° 98-1143 du 15 décembre 1998, à une étude acoustique et à mettre en oeuvre les travaux d'isolation phonique prescrits, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Féo aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Féo à payer à la société Capitale 2 la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Féo ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux conseils pour la société Féo

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR prononcé la résiliation du bail conclu au profit de la société Féo et, en conséquence, D'AVOIR ordonné à la société Féo de libérer les lieux dans un délai d'un moins sous peine d'être expulsée ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'acte de cession de fonds de commerce du 2 juillet 1998, la société Féo, cessionnaire, s'est engagée à se conformer à tous les règlements, arrêtés, lois et ordonnances administratives s'appliquant au commerce dont s'agit, notamment en matière d'hygiène, de salubrité et de sécurité sans aucun recours contre quiconque, notamment à l'égard du bailleur ; que les parties ont même stipulé dans l'acte « que la société Capital 2 se réservait d'obliger le preneur à exécuter des travaux d'isolation acoustique si des nuisances ne pouvaient pas être évitées dans l'exploitation de l'établissement et qu'en conséquence ces travaux seront exigés dans le cas où se produiraient des plaintes émanant de tierces personnes du voisinage » ; que le contrat de bail dont la cession du fonds a entraîné le transfert au profit de la société Féo avec l'agrément du bailleur stipule que le preneur fera son affaire personnelle, de façon que le bailleur ne soit jamais inquiété ni recherché, de toutes réclamations ou contestations qui pourraient survenir du fait de son activité dans les lieux loués et aura à sa charge toutes les transformations et réparations nécessitées par l'exercice de son activité ; qu'il veillera à ne rien faire qui puisse apporter un trouble de jouissance aux autres occupants de l'immeuble ou aux voisins, notamment il devra prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter tous bruits, odeurs et fumées et que, d'une façon générale, il ne pourra commettre aucun abus de jouissance, sous peine de résiliation immédiate du présent bail, alors même que cet abus n'aurait été que provisoire et de courte durée ; que ledit contrat de bail comporte une clause résolutoire prévoyant qu'à défaut de paiement d'un seul terme de loyer ou encore d'inexécution d'une seule des conditions du bail, et un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécuter, contenant déclaration par le bailleur de son intention d'user du bénéfice de la présente clause, le bail sera résilié de plein droit, si bon semble au propriétaire ; que le décret n° 98-1143 du 15 décembre 1998 relatif aux prescriptions applicables aux établissements ou locaux recevant du public et diffusant à titre habituel de la musique amplifiée, dispose que : « lorsque ces établissements ou locaux sont soit contigus, soit situés à l'intérieur de bâtiments comportant des locaux à usage d'habitation, l'isolement entre le local d'émission et le local ou le bâtiment de réception doit être conforme à une valeur minimale, fixée par arrêté, qui permette de respecter les valeurs maximales d'émergence définies à l'article R. 48-4 du code de la santé publique ; dans le cas où l'isolement du local où s'exerce l'activité est insuffisant pour respecter ces valeurs maximales d'émergence, l'activité ne peut s'exercer qu'après la mise en place d'un limiteur de pression acoustique réglé et scellé par son installateur; l'exploitant d'un établissement visé est tenu d'établir une étude d'impact des nuisances sonores comportant les documents suivants : 1) l'étude acoustique ayant permis d'estimer les niveaux de pression acoustique tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des locaux et sur le fondement de laquelle ont été effectués par l'exploitant les travaux d'isolation acoustique nécessaires, 2) la description des dispositions prises pour limiter le niveau sonore et les émergences aux valeurs fixées par le présent décret notamment par des travaux d'isolation phonique et l'installation d'un limiteur de pression acoustique » ; qu'il s'ensuit que la société Féo est tenue, tant contractuellement, en vertu des clauses de l'acte de cession et du contrat de bail, que légalement, en sa qualité d'exploitant d'un local visé par les dispositions réglementaires précitées, de prendre toutes dispositions pour protéger les occupants de l'immeuble des nuisances de tous ordres que son établissement est susceptible de générer, mais aussi, et spécifiquement en raison du choix qu' elle a fait de diffuser de façon habituelle de la musique amplifiée, de procéder à une étude acoustique destinée à évaluer les niveaux de pression acoustique, et, sur la base de cette étude, de mettre en oeuvre les travaux d'isolation phonique prescrits et, dans l'hypothèse où cette isolation serait insuffisante, de mettre en place un limiteur de pression acoustique ; qu'il résulte des constatations de l'expert commis pour vérifier si l'exploitation générait des nuisances sonores excédant les normes admises et génératrices de troubles anormaux pour les occupants de l'immeuble : que les locaux en cause n'ont fait l'objet d'aucun traitement acoustique particulier depuis la construction de l'immeuble, le plafond étant constitué de lattes de bois posées directement sur la dalle béton, sans aucun renforcement de l'isolation pour assurer la mise aux normes, que le degré d'isolation acoustique est donc très nettement inférieur aux exigences du décret n° 98-1143 du 15 décembre 2008 et que l'installation d'un limiteur ne permet pas de respecter les valeurs maximales d'émergences dans la mesure où l'exploitant a la possibilité de le neutraliser, ainsi que l'a démontré l'intervention inopinée à laquelle il a procédé dans la nuit du 2 au 3 février 2008, et qu'il ne serait en toute hypothèse efficace qu'en cas d'exploitation portes fermées ; que les nuisances mesurées au cours de cette intervention inopinée étaient telles qu'il n'était pas possible de dormir dans l'appartement situé au-dessus de l'établissement, le rendant ainsi impropre à sa destination pendant la saison touristique ; que la pose d'un limiteur s'avérant insuffisante en l'état et d'ailleurs inopérante lorsque la musique est diffusée à l'extérieur toutes portes ouvertes, il est nécessaire de procéder à des travaux d'isolation acoustique permettant d'atteindre le niveau d'isolement acoustique exigé par le décret, lesquels travaux impliqueraient la suppression des baies vitrées, la création d'un sas d'entrée et le doublage de tous les murs et du plafond ; que ces constatations objectives, qui ne font d'ailleurs que confirmer, en déterminant leur ampleur et leur nature, la réalité des troubles de jouissance dénoncés dans de multiples attestations établies par les divers occupants de l'immeuble, ainsi que par les procès-verbaux dressés par les forces de l'ordre sur plaintes de riverains, démontrent non seulement que la société Féo, malgré ces plaintes et la condamnation pénale prononcée à son encontre, n'a toujours pas satisfait aux exigences imposées par le décret du 15 décembre 1998 puisqu'elle ne justifie même pas avoir fait réaliser l'étude acoustique préalable prévue à l'article 5, mais aussi que le limiteur qu'elle a fait poser ne répond manifestement pas aux exigences réglementaires puisque l'intervention inopinée de l'expert a démontré qu'elle s'était réservée la possibilité de le neutraliser ; qu'il s'ensuit que les moyens de nullité et d'inopposabilité des clauses contractuelles mettant à sa charge les travaux de mise aux normes acoustiques sont radicalement inopérants dans la mesure où ces travaux, que la réglementation met à la charge exclusive de l'exploitant de ce type d'établissement, ne relèvent en toute hypothèse pas des obligations de délivrance et de garantie du bailleur ; que n'ayant pas déféré à la sommation que la société Capitale 2 lui a fait délivrer le 30 novembre 2004, ni mis en oeuvre depuis lors les mesures et travaux propres à faire cesser les nuisances en cause et à se conformer aux exigences réglementaires, malgré les engagements qu'elle avait pris en cours d'instance, notamment devant l'expert, dans un but qui s'avère manifestement dilatoire, la société Féo persiste à enfreindre, en connaissance des risques de résiliation du bail encourus, les obligations lui incombant en qualité de preneur, de sorte que la demande de résiliation du bail est fondée ; que l'attitude de la société Féo étant exclusive de toute bonne foi, sa demande subsidiaire tendant à l'obtention d'un délai de grâce pour lui permettre d'exécuter des travaux d'isolation ne saurait être accueillie ;

ALORS, 1°) QUE, sauf stipulation expresse contraire, il appartient au bailleur, au titre de son obligation de délivrance, de prendre en charge tous les travaux nécessaires à la mise en conformité des lieux avec les prescriptions réglementaires ; qu'en relevant, pour prononcer la résiliation du bail aux torts de la société Féo que la réglementation mettait à sa charge exclusive les travaux nécessaires à l'isolement acoustique de son établissement cependant que ces travaux incombaient au bailleur, sauf stipulation expresse contraire, la cour d'appel a violé l'article 1719 du code civil ;

ALORS, 2°), QUE la clause par laquelle le preneur s'engage à prendre à sa charge tous les travaux rendus nécessaires à l'exercice de son activité ne dispense pas le bailleur de son obligation de livrer au preneur un local immédiatement utilisable ; qu'en appel, la société Féo soutenait qu'il résultait du rapport d'expertise que, depuis leur construction, les locaux n'avaient fait l'objet d'aucun traitement acoustique et que la société Capitale 2 avait donc livré à l'origine un local ne lui permettant pas d'exercer son activité de bar de nuit ; qu'en retenant que la société Féo était contractuellement tenue de procéder aux travaux d'isolation phonique sans relever aucune clause expresse exonérant la bailleresse de son obligation de délivrer un local immédiatement utilisable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1719 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 09-15061
Date de la décision : 13/07/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 17 mars 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 13 jui. 2010, pourvoi n°09-15061


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.15061
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