LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu qu'un jugement du 1er juillet 2004, devenu irrévocable, a placé Mme
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, née le 10 janvier 1911, sous tutelle et désigné M.
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pour exercer les fonctions de gérant de tutelle ; que, saisi par le gérant de tutelle, le juge des tutelles du tribunal d'instance d'Apt, par ordonnance du 11 avril 2007, a notamment instauré un droit de visite au profit des deux filles de la majeure protégée, Mmes Yolande et Geneviève
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, au sein de la maison de retraite et un droit d'hébergement durant les fins de semaine et les jours fériés en vertu d'un calendrier mensuel soumis à l'agrément préalable du gérant de tutelle, fixé un calendrier de droit de visite et d'hébergement pour le deuxième trimestre 2007, dit que le gérant de tutelle devra, dans les trois mois, remettre un rapport relatif à la possibilité d'un retour de Mme
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à son domicile, après avoir recueilli l'avis du personnel soignant (médecin, psychiatre psychologue), avoir vérifié la possibilité d'une continuation des activités de jour et en proposant des solutions matérielles et financières pour assurer la sécurité de Mme
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; qu'à l'appui de son recours, Mme Yolande
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a soutenu que le juge des tutelles n'avait pas compétence pour statuer sur un éventuel droit de visite et a demandé de déclarer nul le placement de Mme
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à l'établissement Caire-Val ; que, par le jugement attaqué (Avignon, 11 septembre 2008), le tribunal a déclaré irrecevables les demandes des parties relatives au placement de la majeure protégée dans l'établissement Caire-Val et prononcé la nullité de l'ordonnance du juge des tutelles d'Apt du 11 avril 2007 ;
Attendu que Mme Yolande
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fait grief au jugement d'avoir déclaré irrecevable sa demande tendant à la sortie de sa mère majeure protégée du centre de Caire-Val dans lequel elle avait été placée par son gérant de tutelle, alors, selon le moyen :
1°/ que le gérant de tutelle n'a d'autre compétence que de prendre des décisions de percevoir les revenus de la personne protégée et de les appliquer à l'entretien et au traitement de celle-ci, ainsi qu'à l'acquittement des obligations alimentaires dont elle pourrait être tenue, que ses décisions peuvent être contestées devant le juge des tutelles, lequel a compétence pour connaître du recours en annulation d'une décision du gérant de tutelle ayant excédé ses pouvoirs, de sorte que le tribunal de grande instance qui a retenu que n'était pas recevable la demande de Yolande
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tendant à l'annulation de la décision prise par le gérant de tutelle, excédant ses pouvoirs, de placer sans autorisation sa mère Mme
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, majeure protégée, dans le centre de Caire-Val, a violé les articles 493 et suivants, 499 et 500 du code civil ensemble l'article 568 du code de procédure civile ;
2°/ que le tribunal de grande instance saisi d'un recours contre une ordonnance du juge des tutelles a le pouvoir de substituer une décision nouvelle à celle du juge des tutelles, de sorte qu'en retenant qu'il ne saurait se prononcer sur la régularité du placement de Mme
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dans l'établissement de Caire-Val ou sa sortie de cet établissement et en déclarant irrecevable la demande de Mme Yolande
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sur ce point, le tribunal de grande instance a méconnu ses pouvoirs et partant violé l'article 1228 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le jugement relève, d'une part, que, si, par l'effet dévolutif de l'appel, le tribunal est investi de l'entière connaissance du litige, cette dévolution est limitée aux points soumis à la juridiction de premier degré et sur lesquels cette dernière s'est prononcée dans son dispositif, que la juridiction ne saurait se prononcer sur la régularité du placement de Mme
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dans l'établissement de Caire-Val ou sa sortie de cet établissement, le juge des tutelles n'ayant pas statué sur ces points dans l'ordonnance ci-dessus rappelée, d'autre part, que la décision attaquée ne donne pas une autorisation au gérant de tutelle mais tranche un différend entre les deux filles de la majeure protégée quant à la prise en charge alternative de cette dernière, âgée de 88 ans, atteinte de la maladie d'Alzheimer, en instaurant au profit de chacune un droit de visite et d'hébergement, que, ce faisant, le juge des tutelles a excédé les pouvoirs que lui donne le législateur, de sorte que sa décision encourt la nullité, et que, nonobstant les termes de l'article 1228 du code de procédure civile, la juridiction ne saurait, compte tenu des termes de sa saisine, modifier, par la présente décision, les modalités de la mesure de tutelle ; qu'en l'état de ces énonciations, le tribunal a, sans méconnaître l'étendue de ses pouvoirs, justifié légalement sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Yolande
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aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour Mme Yolande
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Le moyen reproche au jugement attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande de Madame Yolande
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tendant à la sortie de sa mère majeure protégée du centre de CAIRE-VAL dans lequel elle avait été placée par son gérant de tutelle,
AUX MOTIFS QUE
"Il est essentiel de rappeler que le Tribunal de grande instance est saisi comme juridiction d'appel du juge des tutelles, de sorte que les règles générales qui gouvernent l'appel sont applicables.
La juridiction est saisie d'un recours formé à l'encontre d'une ordonnance du juge des tutelles du 11/04/2007 qui a :
- instaurer un droit de visite au profit de Mmes Yolande
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et Geneviève
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, filles de Madame Marcel
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, majeure protégée, placée sous la gérance de tutelle de Monsieur
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, dans le cadre de la maison de retraite dans laquelle elle se trouve placée et un droit d'hébergement durant les fins de semaine et les jours fériés, en vertu d'un calendrier soumis à l'accord préalable du gérant de tutelle,
- organisé le droit d'hébergement pour le second trimestre 2007,
- dit que le gérant de tutelle devrait remettre un rapport relatif à la possibilité de retour de Madame
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à son domicile à Vaugines, après avoir recueilli l'avis du personnel soignant, et en proposant des solutions matérielles et financières pour assurer la sécurité de Madame
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.
Si par l'effet dévolutif de l'appel la présente juridiction est investie de l'entière connaissance du litige, cette dévolution est cependant limitée aux points soumis à la juridiction de premier degré et sur laquelle cette dernière s'est prononcée dans son dispositif.
Par ailleurs, la faculté d'évocation prévue à l'article 568 du code de procédure civile dont l'application est invoquée par le parquet, ne sauraient être applicable en l'espèce, dès lors que l'ordonnance attaquée n'est pas une décision mixte mais statue au fond.
En conséquence la juridiction ne saurait se prononcer sur la régularité du placement de Mme
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dans l'établissement de Caire-Val ou sa sortie de cet établissement, le juge des tutelles n'ayant pas statué sur ces points dans l'ordonnance ci-dessus rappelée.
S'agissant de la décision dont appel, en soutenant que le juge des tutelles n'avait pas compétence pour statuer, Madame Yolande
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conclut implicitement à sa nullité pour excès de pouvoir.
Il est observé que la loi du 5/03/2007 n'entrera en vigueur que le 1er/01/2009, elle ne saurait en conséquence être applicable en l'espèce.
La mesure de tutelle mise en place au profit de Mme
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s'exerce sous la forme de tutelle en gérance. Aux termes de l'article 500 du code civil, le gérant de tutelle reçoit les revenus de la personne protégée et les applique à l'entretien et au traitement de celle-ci…. Si d'autres actes deviennent nécessaires, il saisit le juge qui pourra, soit l'autoriser, soit décider de constituer la tutelle complètement.
Au regard de ce texte de l'article 499 dudit code, les pouvoirs du gérant de tutelle sont limités au patrimoine du majeur protégé, ils ne s'étendent pas à la personne du majeur protégé. Cependant, il est admis que le gérant de tutelle puisse jouer un rôle de protection de la personne après s'être muni d'une autorisation du juge des tutelles qui peut, soit décider la constitution d'une tutelle complète, soit rendre une ordonnance.
En l'espèce la décision attaquée ne donne pas une autorisation au gérant de tutelle mais tranche un différend entre les deux filles de la majeure protégée quant à la prise en charge alternative de cette dernière, âgée de 88 ans, atteinte de la maladie d'Alzheimer, en instaurant au profit de chacune un droit de visite et d'hébergement.
Ce faisant le juge des tutelles a excédé les pouvoirs que lui donne le législateur, de sorte que sa décision encourt la nullité.
Cependant, il sera constaté qu'à l'audience, sur l'interrogation du Tribunal, aucune des parties n'est opposée à l'organisation d'un droit de visite au profit de chacune d'elles, étant observé que l'expert commis par le Tribunal estime « qu'au regard de l'état de santé de l'intéressé, on peut affirmer que la solution de ville la plus adaptée à son intérêt permettant des conditions correctes pour que soient instaurés des contacts réguliers avec chacune de ses filles reste l'établissement Caire-Val où elle se trouve actuellement placée».
Il est observé que si eu égard au litige persistant entre les deux soeurs, le maintien d'un tiers extérieur à la famille, s'impose dans l'intérêt de la majeure protégée, la nature des problèmes posés, nécessite une modification de la forme de la mesure de protection, soit par la constitution d'une tutelle complète, soit par la mise en place d'une tutelle d'État. Cependant nonobstant les termes de l'article 1228 du code de procédure civile, la juridiction de serait, ainsi que la suggérer le parquet à l'audience, compte tenu des termes de sa saisine, modifiée par la présente décision les modalités de la mesure de tutelle",
ALORS D'UNE PART QUE le gérant de tutelle n'a d'autre compétence que de prendre des décisions de percevoir les revenus de la personne protégée et de les appliquer à l'entretien et au traitement de celle-ci, ainsi qu'à l'acquittement des obligations alimentaires dont elle pourrait être tenue, que ses décisions peuvent être contestées devant le juge des tutelles, lequel a compétence pour connaître du recours en annulation d'une décision du gérant de tutelle ayant excédé ses pouvoirs, de sorte que le Tribunal de grande instance qui a retenu que n'était pas recevable la demande de Yolande
Z...
tendant à l'annulation de la décision prise par le gérant de tutelle, excédant ses pouvoirs, de placer sans autorisation sa mère Madame
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, majeure protégée, dans le centre de CAIRE-VAL, a violé les articles 493 et suivants, 499 et 500 du Code civil ensemble l'article 568 du Code de procédure civile,
ALORS D'AUTRE PART QUE le Tribunal de grande instance saisi d'un recours contre une ordonnance du juge des tutelles a le pouvoir de substituer une décision nouvelle à celle du juge des tutelles, de sorte qu'en retenant qu'il ne saurait se prononcer sur la régularité du placement de Mme
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dans l'établissement de CAIRE-VAL ou sa sortie de cet établissement et en déclarant irrecevable la demande de Madame Yolande
Z...
sur ce point, le Tribunal de grande instance a méconnu ses pouvoirs et partant violé l'article 1228 du Code de procédure civile.