LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 septembre 2008) que Mme
X...
, magistrate de second grade a été détachée en qualité de conseiller juridique du directeur général de l'Agence pour la coopération technique, industrielle et économique (Actim) désormais Ubifrance à compter du 1er mars 1997, le détachement ayant été renouvelé jusqu'au 1er septembre 2004 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de salaire consécutif à son changement de grade dans son corps d'origine à compter du 1er janvier 2002 ;
Attendu qu'Ubifrance fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à verser à Mme
X...
un rappel de salaire, alors, selon le moyen :
1° / que les juges ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, il ressort des courriers du 13 novembre 1996 et 11 février 1997 que la rémunération versée à Mme
X...
lors de son détachement au sein de Ubifrance « correspondait à son net imposable actuel majoré de 14, 45 % » ; qu'en affirmant qu'« au moment où ces courriers étaient rédigés, leur auteur ne pouvait, pour le calcul des salaires accordés à Mme
X...
lors de son embauche au sein de Ubifrance, faire référence à un autre salaire que le net imposable de l'époque, ce qui explique l'adjectif « actuel » pour prétendre que la majoration de 14, 45 % accordée à Mme
X...
s'appliquait aux revalorisations du traitement auquel elle pouvait prétendre dans son corps d'origine, alors qu'il ressortait des dispositions claires et précises de la lettre du 13 novembre 1996 que la majoration de 14, 45 % était exclusivement rattachée au traitement de magistrat perçu par Mme
X...
à l'époque de son premier détachement en 1996, la cour d'appel de Paris a dénaturé les lettres suscitées, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
2° / qu'en justifiant l'interprétation erronée de la lettre du 13 novembre 1996 par le prétendu caractère imprécis de ces termes, sans cependant assortir cette constatation d'aucune justification, la cour d'appel de Paris, qui a procédé par voie de simple affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est par une interprétation, exclusive de dénaturation, rendue nécessaire par le caractère ambigu des termes des courriers du 13 novembre 1996 et du 11 février 1997, que la cour d'appel a estimé que la salariée avait droit à une rémunération correspondant à celle qu'elle aurait perçue dans son corps d'origine majorée de 14, 45 % ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ubifrance aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ubifrance à payer à Mme
X...
la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux conseils de la société Ubifrance
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné UBIFRANCE à payer à Madame
X...
21 322 € à titre de rappel de salaire, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'échéance de chacun des salaires et capitalisation en application de l'article 1154 du Code civil, ainsi que 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE en l'absence de contrat de travail, en bonne et due forme, ce qui ne saurait être reproché à Madame Annick
X...
, les seuls éléments contractuels sont ceux contenus dans la lettre du 13 novembre 1996 rappelés dans le courrier du 11 février 1997, la Cour devant, en application de l'article 1156 du Code civil, rechercher, compte tenu de l'imprécision de ces deux courriers, quelle a été la commune intention des parties contractantes ; qu'il est évident, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que si cette lette de 1996 prévoit une rémunération correspondant au net imposable majoré de 14, 45 %, cet engagement de ACTIM faisait écho à la pratique en vigueur attestée par le président de l'association des magistrats détachés, UBIFRANCE qui l'admet, s'attache toutefois à la formulation de ces courriers qui mentionnent le « net imposable actuel » pour en tirer la conséquence que ce sursalaire ne s'imposait plus après changement du net imposable ; qu'il convient toutefois de souligner qu'au moment où ces courriers étaient rédigés, leur auteur ne pouvait, pour le calcul des salaires accordés à Madame Annick
X...
lors de son embauche au sein de UBIFRANCE, faire référence à un autre salaire que le net imposable de l'époque, ce qui explique l'adjectif « actuel » ; qu'il convient d'ailleurs de souligner que si les dirigeants de UBIFRANCE n'avaient pas eu conscience au moment de l'embauche de ce que le magistrat recruté pouvait bénéficier de changement de statut et donc de changement de salaire pendant son détachement, ils en ont en tout état de cause été informés très précisément par le décret validant ce détachement le 18 septembre 1997 qui, dans son article 2, précisait les droits à avancement pendant le détachement ; qu'il convient aussi de relever que la promotion obtenue par Madame Annick
X...
faisait suite à un rapport d'évaluation élogieux rédigé le 14 janvier 2001 par son responsable au sein de UBIFRANCE, qui précisait « excellent juriste … elle mérite amplement une promotion à un niveau supérieur » ; or, à aucun moment UBIFRANCE, ni son service du personnel n'ont tenté de clarifier avec la salariée la manière dont sa promotion dans son corps d'origine serait prise en compte, jusqu'à ce que celle-ci formule une réclamation, voyant que son salaire n'était pas augmenté et qu'elle se trouvait de fait pénalisée par rapport à ses collègues restés dans l'institution judiciaire ; que ce silence, alors que depuis septembre 1997, l'organisme qui accueillait la magistrat détachée savait que celle-ci, qui bénéficiait depuis l'origine d'un sur-salaire de 14, 45 %, avait vocation à connaître des promotions, démontre que, dans un premier temps, l'interprétation des courriers de 1996 à 1997 ne posait pas problème, comme le confirme d'ailleurs leur signataire de l'époque, Monsieur Y..., dans un courrier, daté du 27 août 2004, accompagné de la photocopie de sa pièce d'identité et qui dit : « ce différend repose sur l'interprétation de l'accord fixant votre salaire à 15 % au-dessus du traitement servi aux juridictions. Cet avantage pour un magistrat détaché suppose qu'il soit maintenu lorsque, à la faveur d'un changement de grade, le traitement du magistrat est augmenté. Tel est mon interprétation de l'accord de mars 1997 que j'ai pleinement consenti. En conséquence, il me paraît évident que votre demande relative au paiement de 15 % au-dessus du salaire servi en juridiction depuis décembre 2001 est justifiée » ; que telle était bien l'intention commune des parties ; l'interprétation inverse, soutenue tardivement par UBIFRANCE, apparaît impossible dans la mesure où elle conduisait à ce que Madame Annick
X...
, détachée sur des fonctions importantes où elle donnait toute satisfaction, touche un salaire inférieur à ce qu'elle aurait gagné en restant dans la magistrature ; que les réticences de UBIFRANCE à respecter ses engagements de départ correspondant par ailleurs à un usage général applicable à l'ensemble des détachements dans la magistrature, réticences qui l'ont amené à accepter, finalement, d'aligner le salaire de Madame Annick
X...
sur celui qu'elle aurait obtenu dans la magistrature, mais à ne pas lui octroyer le sursalaire de 14, 45 %, ne s'expliquent, comme UBIFRANCE l'indique lui-même, que par le fait que Madame Annick
X...
, par le jeu de cette règle, bénéficiant d'une augmentation de son traitement de 23 %, dont l'importance n'avait peutêtre pas été anticipée par UBIFRANCE, devenait bénéficiaire de l'un des plus gros salaires de l'établissement public ; que cet état de fait, s'il n'était pas supportable par l'EPIC devait amener celui-ci à mettre fin au détachement et non pas à refuser de payer les salaires dus ; qu'en conséquence, la Cour infirmera la décision du conseil de prud'hommes, et ordonnera UBIFRANCE de payer à Madame Annick
X...
un rappel de salaire correspondant pour l'ensemble de la période considérée, soit depuis le 1er janvier 2002 jusqu'au 31 août 2004, au salaire net qu'elle aurait touché si elle était restée au sein de la magistrature, augmenté de 14, 45 % ; que compte tenu des rappels de salaire versés à Madame Annick
X...
en octobre 2003, ainsi que de l'augmentation de la rémunération versée fin 2003 et courant 2004 après réalignement sur le salaire de référence Justice, éléments non utilement contestés par l'intéressée, le rappel de salaire dû à Madame Annick
X...
sera fixé à la somme brute de 21 322 €, congés payés inclus ; que s'agissant de salaires, l'employeur devra également régler les intérêts au taux légal à compter de chacune de leurs dates d'échéance ; que les salaires seront capitalisés sur le fondement de l'article 1154 du Code civil ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les juges ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, il ressort des courriers du 13 novembre 1996 et 11 février 1997 que la rémunération versée à Madame
X...
lors de son détachement au sein de UBIFRANCE « correspondait à son net imposable actuel majoré de 14, 45 % » ; qu'en affirmant qu'« au moment où ces courriers étaient rédigés, leur auteur ne pouvait, pour le calcul des salaires accordés à Madame Annick
X...
lors de son embauche au sein de UBIFRANCE, faire référence à un autre salaire que le net imposable de l'époque, ce qui explique l'adjectif « actuel » pour prétendre que la majoration de 14, 45 % accordée à Madame
X...
s'appliquait aux revalorisations du traitement auquel elle pouvait prétendre dans son corps d'origine, alors qu'il ressortait des dispositions claires et précises de la lettre du 13 novembre 1996 que la majoration de 14, 45 % était exclusivement rattachée au traitement de magistrat perçu par Madame
X...
à l'époque de son premier détachement en 1996, la Cour d'appel de Paris a dénaturé les lettres suscitées, violant ainsi l'article 1134 du Code civil.
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en justifiant l'interprétation erronée de la lettre du 13 novembre 1996 par le prétendu caractère imprécis de ces termes, sans cependant assortir cette constatation d'aucune justification, la Cour d'appel de Paris, qui a procédé par voie de simple affirmation, a violé l'article 455 du Code de procédure civile.