LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 22 octobre 2008), que M. X..., qui a travaillé pour le compte de la société Marc Le Nezet consultants dans le cadre d'un contrat d'agent commercial à compter du 24 janvier 1996, a mis fin par courrier du 11 décembre 1998 à cette collaboration ; que réclamant la requalification du contrat d'agent commercial en contrat de travail et considérant la rupture imputable à la société Marc Le Nezet consultants, M. X... a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir sa condamnation à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaires, d'indemnités de rupture et pour travail dissimulé ;
Attendu que la société Marc Le Nezet Consultants fait grief à l'arrêt d'avoir requalifié le contrat d'agent commercial de M. X... en contrat de travail, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un contrat d'agent commercial peut valablement être conclu pour la vente d'immeubles ou de fonds de commerce ; qu'en affirmant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, L. 134-1 et suivants du code de commerce, 97 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, 1 et 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, 9 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 et L. 8221-6-1° du code du travail ;
2°/ que l'obligation de rendre compte au mandant est inhérente au contrat d'agent commercial ; qu'elle peut être définie de façon stricte eu égard aux contraintes de l'activité du mandant ; qu'en déduisant néanmoins de l'existence d'un contrôle strict, rigoureux et régulier de l'agent commercial l'existence d'un lien de subordination, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1993 du code civil, L. 134-1 et suivants du code de commerce et L. 8221-6-1° du code du travail ;
3°/ que, nonobstant son indépendance, l'agent commercial peut se voir imposer par son mandant des obligations dans l'organisation de son travail ; qu'en affirmant cependant que le contrôle de l'activité des agents commerciaux avec les prospects et clients caractérisait l'existence d'un service organisé établissant l'existence d'un lien de subordination, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, L. 134-1 et suivants du code de commerce et L. 8221-6-1° du code du travail ;
Mais attendu, d'une part, que l'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donné à la convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle, d'autre part, que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ;
Et attendu qu'ayant relevé qu'en vertu de son contrat de travail et des documents internes à la société Marc Le Nezet consultants, M. X... devait suivre la formation mise en place par celle-ci, assurer ses rendez-vous de clientèle dans les locaux de l'agence, établir un prévisionnel de son activité mois par mois et rendre compte de manière stricte de l'accomplissement de sa mission auprès de la société Marc Le Nezet consultants, la cour d'appel, qui a constaté qu'il existait un service organisé d' "agents commerciaux" dont faisait partie M. X... soumis à un contrôle permanent et rigoureux de leur activité ne se réduisant pas à une simple coordination, a pu en déduire l'existence d'un lien de subordination de M. X... à l'égard de la société Marc Le Nezet consultants ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Marc Le Nezet consultants aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Marc Le Nezet consultants à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la société Marc Le Nezet consultants
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir requalifié le contrat d'agent commercial de monsieur X... en contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE monsieur X... a conclu avec la société MARC LE NEZET CONSULTANTS (MLNC) un contrat d'agent commercial, prévoyant en son article 2 «Objet» : «Le présent contrat a pour objet la réalisation de transactions financières et sur des immeubles pour lesquels la société a elle-même reçu mandat exprès de vente de la part de promoteurs. Dans cette perspective, et à cette fin, la société donne mandat à l'agent de procéder à la recherche d'acheteurs, de négocier la vente, en s'efforçant de recueillir les signatures de l'acquéreur depuis celle du contrat de réservation, jusqu'à celle de l'acte authentique ou de la procuration à cet effet, et plus généralement de se livrer à toutes opérations relevant de l'activité «Transaction sur immeubles et fonds de commerce», réglementée par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972. A cet égard, l'agent déclare connaître cette réglementation et satisfaire aux dispositions du titre II de la loi du 2 janvier 1970» ; que l'activité de monsieur X... était bien une activité d'agent immobilier soumise aux dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ; que les articles L 134-1 et suivants du Code de commerce reprennent la loi du 25 juin 1991, régissant l'activité d'agent commercial ; que notamment l'article L 134-1 dispose en son deuxième alinéa : «ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières» ; que le juge n'est pas lié par la qualification que donnent les parties aux contrats ; que le statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée dans leur convention, mais des conditions dans lesquelles l'activité est exercée ; qu'en l'espèce, le contrat conclu donnait mandat à monsieur X... de rechercher des acquéreurs et vendeurs en immobilier et fonds de commerce, de sorte qu'il prêtait de manière habituelle son concours à la conclusion de contrats préliminaires à la vente et à l'achat d'immeubles, de fonds de commerce et de biens immobiliers ; qu'une telle activité est régie par la loi du 2 janvier 1970, ainsi que le mandat le rappelait expressément à monsieur X..., et relève en conséquence de dispositions spécifiques ; que le second alinéa de l'article L 134-1 du Code de commerce l'exclut du champ d'application du statut des agents commerciaux ; qu'aux termes même du contrat, monsieur X... avait une obligation d'information (§2.B) et à ce titre devait rendre compte à la société de l'accomplissement de son mandat ; qu'en outre, il devait suivre la formation mise en place par la société (§2.C), les dates de cette formation technique lui étant communiquées par le biais du journal interne ou lors des réunions ; que de plus il devait assurer les rendez-vous avec les clients dans les locaux de l'agence ; qu'il ressort du document intitulé «Gestion d'activité - 4ème trimestre 1995», document interne à la SA MLNC, que l'activité des «agents commerciaux» était rigoureusement contrôlée ; que ceux-ci devaient établir un prévisionnel mois par mois et rendaient compte de manière stricte de l'accomplissement de leur mission ; qu'ainsi il apparaît que les agents commerciaux subissaient un contrôle permanent de leur activité ; que la SA MLNC reconnaît dans ses écritures qu'il était essentiel pour elle d'être informée régulièrement de l'état d'avancement des prospections et du nombre de prospects gérés par ses agents et de la fréquence des rendez-vous programmés afin qu'elle puisse organiser sa propre activité tenant notamment à la recherche des financements et l'organisation des rendez-vous de signature pour mener à terme l'investissement décidé par les prospects ; que de la sorte elle reconnaît le contrôle très fort qu'elle exerçait sur ses agents ; que par ailleurs, il en découle qu'il existait un service organisé d'agents dont faisait partie monsieur X... ; que cette organisation allait plus loin qu'un simple souci légitime de coordination par la société de ses différentes actions tant auprès des prospects que de promoteurs partenaires ; que l'existence d'un lien de subordination étant établie, il convient de requalifier le contrat d'agent commercial en contrat de travail ;
1°) ALORS QU' un contrat d'agent commercial peut valablement être conclu pour la vente d'immeubles ou de fonds de commerce ; qu'en affirmant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil, L 134-1 et suivants du Code de commerce, 97 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, 1 et 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, 9 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 et L 8221-6-1° du Code du travail ;
2°) ALORS QUE l'obligation de rendre compte au mandant est inhérente au contrat d'agent commercial ; qu'elle peut être définie de façon stricte, eu égard aux contraintes de l'activité du mandant ; qu'en déduisant néanmoins de l'existence d'un contrôle strict, rigoureux et régulier de l'agent commercial l'existence d'un lien de subordination, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1993 du Code civil, L 134-1 et suivants du Code de commerce et L 8221-6-1° du Code du travail ;
3°) ALORS QUE, nonobstant son indépendance, l'agent commercial peut se voir imposer par son mandant des obligations dans l'organisation de son travail ; qu'en affirmant cependant que le contrôle de l'activité des agents commerciaux avec les prospects et clients caractérisait l'existence d'un service organisé établissant l'existence d'un lien de subordination, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil, L 134-1 et suivants du Code de commerce et L 8221-6-1° du Code du travail.