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30/06/2010 | FRANCE | N°08-45021

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 juin 2010, 08-45021


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 17 septembre 2008), que M. X..., engagé le 13 mai 2002 par la société La Mure Bianco en qualité de chauffeur-livreur, a été licencié pour actes d'insubordination le 10 mai 2004 ; que, contestant ce licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de diverses sommes ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le

moyen, qu'il résulte des constatations mêmes de la cour d'appel que l'ampl...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 17 septembre 2008), que M. X..., engagé le 13 mai 2002 par la société La Mure Bianco en qualité de chauffeur-livreur, a été licencié pour actes d'insubordination le 10 mai 2004 ; que, contestant ce licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de diverses sommes ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, qu'il résulte des constatations mêmes de la cour d'appel que l'amplitude d'une journée de travail d'un chauffeur-livreur pouvait être portée, dans certains cas, à 12 heures, en application de la convention collective nationale de négoce et de distribution de combustibles solides, liquides, gazeux et produits pétroliers (article 1. 7. 1 de l'accord collectif du 1er juin 1999) ; que le refus de M. X... d'effectuer, par principe, des livraisons en dehors de l'horaire 6 heures 30-18 heures, soit au-delà d'une amplitude de travail de 11 heures 30, était donc fautif, comme constituant un acte d'insubordination, peu important l'absence de note de service ou d'affichage concernant les horaires de travail et qu'il n'ait pas été établi par l'employeur que l'horaire de travail commençait avant 6 heures 30 du matin ou continuait après 18 heures ; qu'en décidant le contraire et en en déduisant que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail et 1-7-1 de l'accord collectif du 1er juin 1999 ;
Mais attendu que le refus de principe exprimé par le salarié d'effectuer des livraisons en dehors des horaires fixés par l'entreprise ne saurait à lui seul, à défaut d'opposition de ce dernier à une demande précise de son employeur, caractériser une faute ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le même moyen, pris en sa deuxième branche :
Attendu que l'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que le juge ne saurait procéder par affirmation ; qu'en se bornant à retenir que, s'agissant de la journée du 24 mars 2004, l'horaire accompli par M. X... ayant été de 9 heures 29, l'adjonction avant 6 heures ou après 18 heures d'une livraison à Culoz aurait porté son horaire au-delà de la limite conventionnelle sans autrement justifier en quoi l'accomplissement de cette livraison aurait entraîné un dépassement de la limite conventionnelle de 12 heures de travail, la cour d'appel a procédé par voie de simple affirmation et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en décidant que l'horaire accompli par le salarié le 24 mars 2004 ayant été de 9 heures 29, l'adjonction avant 6 heures ou après 18 heures d'une livraison à Culoz aurait porté son horaire au-delà de la limite conventionnelle alors qu'aucun caractère exceptionnel n'avait été invoqué par la société pour justifier un tel dépassement d'horaire, la cour d'appel a implicitement mais nécessairement considéré que la distance à accomplir jusqu'à cette localité était telle que le salarié aurait dépassé la durée maximale de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen, pris en ses deux dernières branches :
Attendu que la société La Mure Bianco fait enfin le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1° / que l'article 1. 7. 1 de l'accord collectif du 1er juin 1999, annexé à la convention collective nationale de négoce et de distribution de combustibles solides, liquides, gazeux et produits pétroliers, prévoit que la durée maximale quotidienne de travail peut être portée à 12 heures pendant les périodes de forte demande ; que, dans ses écritures d'appel, la société La Mure Bianco avait fait valoir que les 24 et 26 mars 2004 correspondaient à une période de forte demande, les livraisons de fioul étant très importantes à la fin de l'hiver ; qu'en ne recherchant pas si, comme elle y avait été expressément invitée par l'employeur, le seul fait que les livraisons des 24 et 26 mars se situaient pendant une période de forte demande ne suffisait pas à rapporter la preuve du caractère exceptionnel de ces livraisons permettant un dépassement d'horaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail et 1-7-1 de l'accord collectif du 1er juin 1999 ;
2° / qu'il ne résulte d'aucun motif du jugement entrepris en date du 22 février 2007 que le conseil de prud'hommes de La Tour du Pin aurait retenu que la preuve du caractère exceptionnel de la livraison demandée le 26 mars 2004 n'était pas rapportée ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a dénaturé le jugement entrepris et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 1. 7. 1 de l'accord collectif du 1er juin 1999, annexé à la convention collective du négoce et de distribution de combustibles solides, liquides, gazeux et produits pétroliers : " A titre exceptionnel et par dérogation conventionnelle à l'article L. 212-1, alinéa 2, sur la base de l'article D 212-16 et dans le respect de la réglementation des transports, la durée maximale quotidienne de travail peut être, dans les cas énumérés ci-après, portée à 12 heures pour une durée maximum de trois jours consécutifs par semaine :- travaux devant être exécutés de façon urgente (par exemple risque de rupture de stock) dans le cadre de dépannage de clientèle ou dans le cadre d'un marché (engagement sur un délai de livraison par exemple) ;- travaux pendant les périodes de forte demande (par exemple conditions climatiques, saison de chauffe, travaux agricoles ou variations imprévisibles et brutale des prix d'achat de produits ou des taxes) ;- circonstances exceptionnelles telles qu'absence de personnel, pannes de camion, problèmes de difficultés de circulation, notamment en cas de pose de barrières de dégel " ;
Et attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les faits et les preuves, a, en estimant que l'employeur n'avait pas justifié du caractère exceptionnel de la dérogation tant à l'horaire de travail qu'à la durée quotidienne maximale du travail, implicitement mais nécessairement écarté la circonstance que les travaux demandés se seraient inscrits dans une période de forte demande au sens du texte susvisé ; que le moyen, dont la dernière branche critique un motif surabondant de l'arrêt, est mal fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société La Mure Bianco aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société La Mure Bianco
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de monsieur Sylvain X... était sans cause réelle et sérieuse et condamné, en conséquence, la société LA MURE BIANCO à payer à monsieur X... la somme de 9. 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre celle de 700 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que D'AVOIR ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par monsieur X... dans la limite de 2 mois.
AUX MOTIFS QUE l'ancienneté du salarié pour le calcul de l'indemnité de licenciement s'apprécie à la date de la fin du préavis que celui-ci ait ou non été effectué, l'ouverture du droit à cette indemnité ne devant pas être confondu avec l'étendue de ce droit ; que M. X... avait donc plus de deux ans d'ancienneté lors de son départ de la société ; qu'il est donc en droit de réclamer une indemnité de licenciement ; que par contre le droit à l'indemnité de préavis s'ouvre et se calcule par rapport à la date de la réception de la lettre de licenciement ; que la durée de deux ans n'était pas atteinte lorsque M. X... a reçu sa lettre de licenciement (11 / 05 / 2004) ; que, sur le licenciement, l'article L 122-14-2 du Code du travail dispose que le motif précis du licenciement est énoncé dans la lettre de licenciement qui fixe ainsi le cadre du litige ; qu'est suffisamment précis l'énoncé d'un motif matériellement vérifiable ; qu'aux termes de l'article L 122-14-3 du Code du travail le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ; que par courrier en date du 10 / 05 / 04, la société LA MURE BIANCO a notifié le licenciement de M. X... pour le (s) motif (s) suivant (s) : « Le 24 mars, vous deviez livrer le client SECO RAIL CULOZ à 6 H00 du matin. Suite à votre refus catégorique, un autre horaire vous a été proposé, à savoir une livraison à 18H00. Vous avez de nouveau catégoriquement refusé, en affirmant que vous refusiez tout travail en dehors d'une plage 6H30- 18H00. Le 26 mars, Valérie Y... vous a demandé, sur le dépôt de BELLEY, de dépanner Mr Z... à CULOZ. Il était 15 heures. Vous avez indiqué qu'il vous restait encore 2 clients à livrer, et que vous refusiez d'en livrer un troisième. Mr Z..., qui ne pouvait plus se chauffer, s'est alors fait livrer en urgence par notre concurrent, CHAUTAGNE FIOUL. Le 30 mars, vous avez lors d'une discussion avec Mr A..., confirmé que vous refusiez définitivement tout travail en dehors de la plage « 6H30- 18H ». Ces refus ne sont pas acceptables et s'inscrivent dans un comportement professionnel qui se dégrade. Nous avons déjà du vous adresser un avertissement en Février 2003. Au plan professionnel, votre refus de livrer nos deux clients et de respecter les horaires fixés sont (sic) des actes clairs d'indiscipline, qui portent atteinte à notre image commerciale et à notre fonctionnement. Le jour de l'entretien, vous avez remis à Monsieur A... un courrier par lequel vous confirmiez vos refus de livraison, en les expliquant » ; qu'il y a lieu d'examiner les griefs invoqués par la société La Mure Bianco ; que le règlement intérieur de la société La Mure Bianco stipule que le personnel doit respecter les horaires fixés par la direction et portés à la connaissance du personnel par note de service ou affichage ; que l'annualisation du temps de travail ne fait pas disparaître l'obligation prévue par le règlement intérieur de fixer un horaire de travail ; que le fait que l'amplitude d'une journée puisse être portée à 12 heures doit rester exceptionnelle ; que la convention collective définit ces exceptions ; que s'agissant de la journée du 24 mars 2004, l'horaire accompli par M. X... a été de 9h29 de sorte que l'adjonction avant 6h ou après de 18 heures d'une livraison à Culoz aurait porté son horaire 5 / 16 au-delà de la limite conventionnelle alors qu'aucun caractère exceptionnel n'a été invoqué par la société La Mure Bianco pour justifier un tel dépassement d'horaire ; que c'est par un motif pertinent que les premiers juges ont retenu que la preuve du caractère exceptionnel de la livraison demandée le 26 mars 2004 n'était pas rapportée, l'attestation d'une salariée dans les liens de subordination qui indique ne pas avoir de communauté d'intérêt avec le salarié mais omet de préciser son lien de subordination avec l'employeur ne suffisant pas à rapporter cette preuve alors qu'il eût suffit de produire le bon de commande éventuel et une attestation du client ; qu'ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges, le refus de M. X... de prendre en charge des livraisons en dehors de l'horaire de 6h30 18h n'était pas fautif, dans la mesure où il n'est pas établi par la société La Mure Bianco que l'horaire de travail commençait avant 6h30 du matin ou continuait après 18h en l'absence de preuve de l'existence d'une note de service fixant l'horaire porté à la connaissance du salarié ou de l'affichage prévu par le règlement intérieur ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit le licenciement de M. X... sans cause réelle et sérieuse ; qu'il y a lieu, le salarié ayant plus de 2 ans d'ancienneté et l'entreprise employant plus de 10 salariés, en application de l'article L 122-14-4 du Code du travail, d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par M. X... ; qu'au vu des circonstances de la cause, le remboursement sera ordonné dans la limite de 2 mois ; qu'à cette fin, une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée à l'UNEDIC, 80, rue de Reuilly 75012 PARIS.
1°) ALORS QU'il résulte des constatations mêmes de la Cour d'appel que l'amplitude d'une journée de travail d'un chauffeur livreur pouvait être portée, dans certains cas, à 12 heures, en application de la convention collective nationale de négoce et de distribution de combustibles solides, liquides, gazeux et produits pétroliers (article 1. 7. 1 de l'accord collectif du 1er juin 1999) ; que le refus de monsieur X... d'effectuer, par principe, des livraisons en dehors de l'horaire 6H30- 18H, soit au-delà d'une amplitude de travail de 11H30, était donc fautif, comme constituant un acte d'insubordination, peu important l'absence de note de service ou d'affichage concernant les horaires de travail et qu'il n'ait pas été établi par l'employeur que l'horaire de travail commençait avant 6H30 du matin ou continuait après 18H ; qu'en décidant le contraire et en en déduisant que le licenciement de monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a violé les articles L 1235-1 et L 1235-3 du Code du travail et 1-7-1 de l'accord collectif du 1er juin 1999.
2°) ALORS QUE le juge ne saurait procéder par affirmation ; qu'en se bornant à retenir que, s'agissant de la journée du 24 mars 2004, l'horaire accompli par monsieur X... ayant été de 9H29, l'adjonction avant 6H ou après 18H d'une livraison à CULOZ aurait porté son horaire au-delà de la limite conventionnelle sans autrement justifier en quoi l'accomplissement de cette livraison aurait entraîné un dépassement de la limite conventionnelle de 12H de travail, la Cour d'appel a procédé par voie de simple affirmation et violé l'article 455 du Code de procédure civile.
3°) ALORS QUE l'article 1. 7. 1 de l'accord collectif du 1er juin 1999, annexé à la convention collective nationale de négoce et de distribution de combustibles solides, liquides, gazeux et produits pétroliers, prévoit que la durée maximale quotidienne de travail peut être portée à 12 heures pendant les périodes de forte demande ; que, dans ses écritures d'appel (p. 8), la société LA MURE BIANCO avait fait valoir que les 24 et 26 mars 2004 correspondaient à une période de forte demande, les livraisons de fioul étant très importantes à la fin de l'hiver ; qu'en ne recherchant pas si, comme elle y avait été expressément invitée par l'employeur, le seul fait que les livraisons des 24 et 26 mars se situaient pendant une période de forte demande ne suffisait pas à rapporter la preuve du caractère exceptionnel de 6 / 16 ces livraisons permettant un dépassement d'horaire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1235-1 et L 1235-3 du Code du travail et 1-7-1 de l'accord collectif du 1er juin 1999.
4°) ALORS QU'il ne résulte d'aucun motif du jugement entrepris en date du 22 février 2007 que le Conseil de Prud'hommes de LA TOUR DU PIN aurait retenu que la preuve du caractère exceptionnel de la livraison demandée le 26 mars 2004 n'était pas rapportée ; qu'en affirmant le contraire, la Cour d'appel a dénaturé le jugement entrepris et violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-45021
Date de la décision : 30/06/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Cour d'appel de Grenoble, 17 septembre 2008, 07/01041

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 17 septembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 jui. 2010, pourvoi n°08-45021


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.45021
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