LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 10 avril 2008), que la société Babou, qui est propriétaire de plusieurs fonds de commerce de vente d'articles de textile et d'équipements pour la personne, a conclu, le 1er juillet 2002 avec la société Z... LVS une convention de mandat concernant la gestion et l'animation d'un fonds de commerce de distribution de produits multiples relevant de l'équipement du foyer et de la personne ; que, le 31 décembre 2002, M. X... et Mme Y... ont été nommés par l'assemblée générale de la société Z..., cogérants de cette société et ont acquis chacun dix parts de ladite société ; qu'ils ont été révoqués de leurs fonctions de gérants par l'assemblée générale, le 17 avril 2003 ; que préalablement ils avaient saisi la juridiction prud'homale d'une demande dirigée contre les sociétés Babou et Z... en requalification de leur mandats de cogérants en contrats de travail et en paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, indemnité de préavis, dommages-intérêts pour licenciement abusif, travail dissimulé ;
Attendu que M. X... et Mme Y... font grief à l'arrêt d'avoir dit qu'ils n'ont pas été liés à la société Z... LVS ni à la société Babou par un contrat de travail et que dès lors en application de l'article L. 511-1 du code du travail la juridiction prud'homale n'est pas compétente pour connaître du litige les opposant à ces sociétés, la juridiction compétente pour connaître du différend étant le tribunal de commerce alors, selon le moyen :
1° / que la cour d'appel qui constate qu'aux termes de la convention de mandat « la société Babou demeure propriétaire des marchandises et articles achetés et payés par elle qui sont proposés à la vente dans le magasin à l'enseigne Babou, que l'animation de ce magasin est confié à la société Z... qui a pour mission d'en assurer la vente aux prix fixés par la société Babou » et que les consorts X...- Y... se sont vus confier la gérance de la société Z... après un processus de sélection organisé par la société Babou et ont été « affectés à des tâches de vente et de tenue de caisse », n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en déniant l'existence d'un contrat de travail, ces constatations caractérisant un lien de subordination ; qu'ainsi l'arrêt est entaché d'une violation des articles 1134 du code civil, L. 1221-1 (L. 121-1) L. 8221-1 (L. 324-9) et L. 8221-5 (L. 324-10) du code du travail ;
2° / que la cour d'appel ne pouvait infirmer le jugement sans répondre aux conclusions des consorts Y...-X... se prévalant de ce que le dirigeant de la société Babou avait été définitivement et pénalement condamné pour délit d'exercice de travail dissimulé, situation qui se serait renouvelée vis-à-vis de Mme Y... et M. X..., qualifiés fictivement de cogérants de la société Z... avec l'obligation d'acquérir chacun dix des cinq cents parts de cette société, et faisant encore valoir qu'ils n'avaient pas été immatriculés à l'URSSAF en tant que gérants ni en tant que salariés, qu'ils ne figuraient pas davantage sur le K bis de la société Z..., si bien qu'ils « n'apparaissaient nulle part » ; qu'ainsi, l'arrêt est entaché d'un défaut de réponse à conclusions, et d'une violation des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
3° / que la cour d'appel ne pouvait se déterminer sans rechercher si Mme Y... et M. X... avaient, en qualité de cogérants de la société Z..., été mis à même d'exercer une telle fonction ; que l'arrêt manque de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que, contrairement aux énonciations du moyen en sa première branche, la cour d'appel, qui a retenu qu'il n'était pas démontré que le mandat confié à la société mandataire de vendre au détail des articles et marchandises pour le compte du mandant comportait des obligations incompatibles avec l'exécution de celui-ci, a pu décider que ni le fait pour le mandant de s'être assuré au préalable par un entretien de l'aptitude de ses mandataires à exercer des fonctions de gérants, ni le fait que ceux-ci aient accomplis pendant quelques mois des tâches de vente et de tenue de caisse, ne suffisaient à caractériser l'existence d'un lien de subordination ;
Et attendu que la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche inopérante et n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a répondu aux conclusions ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... et M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Rouvière, avocat aux Conseils pour Mme Y... et M. X...
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Monsieur X... et Mademoiselle Y..., qualifiés de cogérants de la Société Z... LVS, n'ont pas été liés à cette Société ni à la Société BABOU par un contrat de travail ; que dès lors en application de l'article 511-1 du code du travail la juridiction prud'homale n'est pas compétente pour connaître du litige les opposants à ces Sociétés, la juridiction compétente pour connaître du différent étant le Tribunal de commerce
AUX MOTIFS QUE le contrat de travail ne dépend pas de la dénomination de la convention par les parties mais des conditions dans lesquelles la prestation de travail est exécutée ; que demandant la qualité de co-employeurs des deux Sociétés BABOU et Z... LVS, Monsieur X... et Mademoiselle Y... doivent rapporter la preuve qu'ils étaient placés sous l'autorité des deux Sociétés et que toutes deux avaient indifféremment la possibilité de leur donner des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements ; que Monsieur X... et Mademoiselle Y... qui revendiquent l'existence d'un contrat de travail avec la Société Z... LVS dénoncent le montage juridique effectué par les Sociétés BABOU et le caractère fictif de la Société Z... LVS constituée dans le cadre de ce montage, mais qu'il convient de relever que le fait que la Société BABOU propriétaire du fonds de commerce, en ait confié la gestion et l'animation à la société Z... LVS dans le cadre d'une convention de mandat ne constitue pas en soi un élément démontrant sa qualité de co-employeur à l'égard de Monsieur X... et Mademoiselle Y... ; qu'il s'avère, selon la convention de mandat, que la Société BABOU demeure propriétaire des marchandises et articles achetés et payés par elle, qui sont proposés à la vente dans le magasin à l'enseigne BABOU, que l'animation de ce magasin est confiée à la Société Z... LVS qui a pour mission d'en assurer la vente aux prix fixés par la Société BABOU et de procéder aux commandes de réassort nécessaires à la bonne exploitation du fonds de commerce ; que cette convention qui donne ainsi mandat à la Société Z... LVS de vendre au détail des articles et marchandises pour le compte de la Société BABOU, ne fait peser sur la personne des cogérants de la Société mandataire aucune charge particulière qui viendrait se réajouter aux obligations découlant strictement de l'exécution par eux du mandat confié à cette société ; qu'il n'est ainsi pas démontré que le mandat confié à la société mandataire comporte des obligations incompatibles avec l'exécution de celui-ci, ni que l'activité de cette société était assujettie à des contrôles autres que ceux qui permettent aux mandants, directement intéressés aux résultats commerciaux, d'être informés de cette exécution ; que le caractère fictif du mandat de la Société Z... LVS ne saurait s'évincer des seules conditions de son exécution, en l'absence d'interférence de la Société BABOU qui montrerait qu'elle s'est substituée à la société mandataire et qu'elle s'est placée à l'égard des cogérants dans un rapport de subordination direct dans les conditions ci-dessus rappelées ; que Monsieur X... et Mademoiselle Y... invoquent le caractère fictif de la Société Z... LVS dont ils étaient les cogérants en se référant à différentes clauses de la convention de mandat ; qu'au titre II, article 2. 1, il est stipulé que la société mandataire procèdera sous sa responsabilité et sur son initiative à l'embauche du personnel à son service et au licenciement de son propre personnel qu'elle jugera nécessaire à l'exécution de son mandat, dont elle sera l'employeur et dont, par conséquent, elle fixera la rémunération et les conditions de travail et enfin elle donnera des ordres, directives et instructions nécessaires ; que les différents contrats de travail et actes de procédure de licenciement versés aux débats montrent que sur ce point que la Société Z... LVS a assumé ses obligations d'employeur à l'égard du personnel salarié et que la Société BABOU n'a pas interféré dans ses choix et décisions concernant le recrutement et la gestion de ce personnel ; que la convention prévoit que les heures d'ouverture du magasin seront fixées par la société en tenant compte des usages locaux, de la nécessité d'assurer le service qu'est raisonnablement en droit d'attendre la clientèle de la société et que celle-ci aura toute liberté de choix des prestataires de services appelés à intervenir dans les locaux d'exploitation du fonds de commerce ; qu'aucun élément n'établit que cette liberté n'a pas été respectée par la société mandante ; que le lien de subordination entre les cogérants et la Société BABOU ne peut être caractérisé que s'il est établi qu'au-delà de la stricte incidence découlant sur leur activité des rapports entre le mandant et le mandataire, les intéressés ont été amenés à travailler pour le compte de la Société BABOU dans des conditions caractérisant un lien de subordination ; que pour illustrer l'interférence de la Société BABOU dans l'activité de la Société Z... LVS et démontrer qu'elle s'est comportée comme un employeur notamment lors de leur engagement, Monsieur X... et Mademoiselle Y... produisent les bons de transport et l'attestation d'entretien de recrutement établis par la Société EUROTEXTILE, aux droits de laquelle elle se trouve actuellement ; cependant qu'étant directement intéressée aux résultats commerciaux de la société mandataire, la Société EUROTEXTILE avait un intérêt légitime à prendre part à la sélection de Monsieur X... et Mademoiselle Y... et à s'assurer, par un entretien avec eux de leur aptitude à exercer des responsabilités de gérants mandataires ; que cette démarche ne saurait dans ces conditions constituer la reconnaissance de la qualité de l'employeur et caractériser l'exercice d'une prérogative attachée à cette qualité ; que les annonces publiées par la Société BABOU pour recruter des directeurs de magasin à l'enseigne BABOU ne constituent pas davantage un indice suffisant pour lui attribuer la qualité d'employeur dès lors que le slogan « en couple créez votre entreprise » n'était assorti sur certaines annonces d'aucune précision sur la nature juridique de cet engagement qui pourrait entraîner la qualité d'employeur à l'égard des personnes recrutées, et que sur d'autres il était expressément spécifié que les directeurs seraient « mandataires gérants » ; que le fait que Monsieur X... et Mademoiselle Y... aient été affectés pendant quelques mois à des tâches de vente et de tenue de caisse et qu'ils aient travaillé le dimanche, ne caractérisent pas à lui seul la réalité d'un lien de subordination ; que sur les conditions de travail des deux cogérants, l'attestation d'un ancien cogérant qui soutient que Mademoiselle Y... était « traitée comme une esclave ou punie comme à l'école » et que Monsieur Z... « la foutait en cabine et ce jusqu'à la fin de la semaine ou journée » manque de crédibilité en raison même de son exagération et de son caractère partisan et ne saurait, dès lors, être prise en considération pour établir la réalité d'un lien de subordination à l'égard des cogérants majoritaires ; que celle d'une autre salariée rédigée dans les mêmes termes doit être également écartée pour les mêmes raisons ; que les conditions dans lesquelles la révocation de la cogérance de Monsieur X... et Mademoiselle Y... est intervenue ne permettent pas d'imputer à la Société BABOU l'initiative de cette rupture en l'absence de tout élément de preuve qui l'établirait ; que Monsieur X... et Mademoiselle Y... invoquent enfin un certain nombre d'éléments inopérants pour caractériser un lien de subordination, tels que l'état de la fortune du propriétaire de l'enseigne BABOU, l'augmentation des résultats et bénéfices de la société du même nom, les changements fréquents de cogérants depuis octobre 2002, le recours des deux sociétés aux services d'un même cabinet d'expert-comptable et d'un même cabinet d'avocats, l'accomplissement tardif des formalités de publication des nominations des cogérants ; que les constatations de fait et les éléments de droit ci-dessus évoqués et analysés ne font pas ressortir l'exercice conjoint par les deux sociétés des fonctions d'employeur ni même l'existence d'un lien de subordination avec l'une ou l'autre des deux sociétés ;
ALORS D'UNE PART QUE la cour d'appel qui constate qu'aux termes de la convention de mandat « la Société BABOU demeure propriétaire des marchandises et articles achetés et payés par elle qui sont proposés à la vente dans le magasin à l'enseigne BABOU, que l'animation de ce magasin est confié à la Société Z... qui a pour mission d'en assurer la vente aux prix fixés par la Société BABOU » et que les consorts X...- Y... se sont vus confier la gérance de la Société Z... après un processus de sélection organisé par la société BABOU et ont été « affectés à des tâches de vente et de tenue de caisse », n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en déniant l'existence d'un contrat de travail, ces constatations caractérisant un lien de subordination ; qu'ainsi l'arrêt est entaché d'une violation des articles 1134 du code civil, L 1221-1 (L 121-1) L 8221-1 (L 324-9) et L 8221-5 (L 324-10) du code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la cour d'appel ne pouvait infirmer le jugement sans répondre aux conclusions (page 13 et 14) des consorts Y...
X... se prévalant de ce que le dirigeant de la Société BABOU avait été définitivement et pénalement condamné pour délit d'exercice de travail dissimulé, situation qui se serait renouvelée vis-à-vis de Mademoiselle Y... et de Monsieur X..., qualifiés fictivement de cogérants de la société Z... avec l'obligation d'acquérir chacun 10 des 500 parts de cette société, et faisant encore valoir qu'ils n'avaient pas été immatriculés à l'URSSAF en tant que gérants ni en tant que salariés, qu'ils ne figuraient pas davantage sur le K bis de la Société Z..., si bien qu'ils « n'apparaissaient nulle part » ; qu'ainsi, l'arrêt est entaché d'un défaut de réponse à conclusions, et d'une violation des articles 455 et 458 du code de procédure civile
ALORS ENFIN QUE la cour d'appel ne pouvait se déterminer sans rechercher si Mademoiselle Y... et Monsieur X... avaient, en qualité de cogérants de la SARL Z..., été mis à même d'exercer une telle fonction ; que l'arrêt manque de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;