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23/06/2010 | FRANCE | N°08-70427

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 juin 2010, 08-70427


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 22 octobre 2008), que M. René X... a travaillé en qualité d'aide familial, puis d'ouvrier de pisciculture dans l'exploitation tenue par ses parents à Arnancourt en Haut-Marne depuis le 9 janvier 1965 ; qu'en 1976, il a travaillé comme ouvrier pisciculteur sur le site de Faucompierre dans les Vosges ; qu'après le décès de son père en 1984, sa mère, Mme Thérèse X..., a continué l'exploitation familiale avant d'être placée sous tutelle le 8 nov

embre 2004, l'UDAF de Haute-Marne étant désignée en qualité de tuteur ; qu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 22 octobre 2008), que M. René X... a travaillé en qualité d'aide familial, puis d'ouvrier de pisciculture dans l'exploitation tenue par ses parents à Arnancourt en Haut-Marne depuis le 9 janvier 1965 ; qu'en 1976, il a travaillé comme ouvrier pisciculteur sur le site de Faucompierre dans les Vosges ; qu'après le décès de son père en 1984, sa mère, Mme Thérèse X..., a continué l'exploitation familiale avant d'être placée sous tutelle le 8 novembre 2004, l'UDAF de Haute-Marne étant désignée en qualité de tuteur ; qu'après avoir été licencié pour motif économique par l'UDAF en raison de la cessation de l'activité de la pisciculture au 30 juin 2005, M. René X..., soutenant qu'il était salarié de l'entreprise de ses parents depuis 1971, a saisi la juridiction prud'homale en vue d'obtenir le paiement de rappel de salaires et de primes d'ancienneté ;
Attendu que M. René X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'intéressé avait reçu des bulletins de paie depuis le début de la relation de travail et avait été déclaré en tant que salarié, éléments établissant l'existence d'un contrat de travail apparent, mais a écarté l'existence d'un contrat de travail salarié en retenant que celui-ci ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'il a reçu des directives pour l'exploitation de la pisciculture et devait rendre des comptes ; qu'en imposant ainsi à l'intéressé de démontrer l'existence d'un lien de subordination, en présence d'un contrat de travail apparent, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du code civil et L.1221-1 du code du travail ;
2°/ que sont impropres à caractériser l'existence d'une gestion de fait les circonstances selon lesquelles l'intéressé est intervenu directement lors de la création de la pisciculture, installée sur un terrain dont il était propriétaire et ne bénéficiait pas d'une délégation de pouvoir de la part de son employeur apparent ; qu'en se fondant sur ces circonstances, en présence d'un contrat de travail apparent, pour décider que l'intéressé est le gérant de fait de l'exploitation et qu'il lui appartient de démontrer la réalité du contrat de travail, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une gestion de fait, a de nouveau inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du code civil et L.1221-1 du code du travail ;
3°/ que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que la cour d'appel, qui s'est contentée de relever que l'intéressé est intervenu directement lors de la création de la pisciculture, installée sur un terrain dont il était propriétaire et qu'il ne bénéficiait pas d'une délégation de pouvoir de sa mère, entrepreneur individuel, pour en déduire l'absence de lien de subordination, sans rechercher si celui-ci était ou non placé sous l'autorité de sa mère et si cette dernière avait le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner ses manquements, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.1221-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient fournis par les deux parties, la cour d'appel a relevé que M. René X... avait été autorisé par arrêté du préfet des Vosges en date du 28 mai 1975 à créer une pisciculture à Faucompierre sur un terrain lui appartenant sans l'intervention de ses parents et en se déclarant lui-même pisciculteur, qu'il avait accompli les actes de gestion relatifs à l'exploitation de la pisciculture en toute indépendance, sa mère étant dans l'impossibilité d'assurer la gestion de ses biens depuis plusieurs années au point d'être placée sous tutelle ; qu'elle a pu en déduire que l'intéressé, gérant de fait de l'entreprise, n'était pas sous la subordination de sa mère ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. René X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour M. René X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Monsieur René X... n'a pas la qualité de salarié et de l'avoir en conséquence débouté de toutes ses demandes ;
Aux motifs que « Attendu que Monsieur X... fait valoir que son statut de salarié ne peut pas être mis en doute en raison du contrat de travail qui l'a lié à ses parents depuis le 1er janvier 1971, des bulletins de paie qui lui ont été délivrés et de la procédure de licenciement qui a été engagée contre lui ;
Attendu cependant que les consorts X... exposent que Monsieur René X... exerçait son activité sans aucun contrôle de Madame X... et qu'il était le gérant de fait de la pisciculture de Faucompierre, accomplissant tous les actes de gestion, ne recevant aucune directive et ne rendant pas de comptes ;
Attendu qu'il ressort du jugement rendu le 8 novembre 2004 par le juge des tutelles de Saint-Dizier, ayant prononcé la mise sous tutelle de Madame X..., née en 1917, que celle-ci présentait une pathologie de type Alzheimer d'intensité sévère constatée par certificat médical établi le 9 juin 2004 ; qu'il apparaît ainsi qu'elle était depuis plusieurs années dans l'impossibilité d'assurer la gestion de ses biens ;
Attendu qu'il apparaît de la déclaration de succession et du relevé de la conservation des hypothèques de Remiremont que Madame X... n'était pas propriétaire de la pisciculture de Faucompierre et n'avait aucune propriété susceptible d'inscription dans les Vosges ;
Attendu qu'il est donc établi que la pisciculture de Faucompierre ne constituait pas un établissement appartenant à Madame X..., mais une création de Monsieur René X... sans l'intervention des époux X... ;
Attendu en effet que, par arrêté en date du 28 mai 1975, le Préfet des Vosges a autorisé Monsieur René X... à exploiter un élevage de poissons à Faucompierre sous les conditions définies par cet arrêté ;
que la décision du Préfet fait état de la demande de Monsieur X... en ces termes :
« Vu la pétition en date du 8 août 1975 par laquelle M. X... René Georges, pisciculteur, demeurant à Arnancourt (Haute-Marne), sollicite l'autorisation de créer des bassins et de remettre en eau trois bassins existants sur un terrain lui appartenant, sis au lieudit « Champ sur l'eau », commune de Faucompierre, cadastrée section A, parcelles n°378, 379, 382 et 384 et d'aménager en enclos en vue de l'élevage du poisson ces pièces d'eau alimentées par une prise d'eau au Barba, cours d'eau non domanial classé en 1re catégorie, les eaux étant restituées au même cours d'eau ».
Attendu que la décision du Préfet se fonde sur les considérants que le pétitionnaire est propriétaire des terrains sur lesquels l'étang sera établi, que les travaux projetés ne sont pas susceptibles de porter atteinte aux propriétés voisines, ni entraîner de troubles dans le régime des eaux et que l'enclos ne présente aucun inconvénient au peuplement des eaux libres ; que cet arrêté constate que Monsieur X... est pisciculteur et ne précise pas qu'il est salarié ou qu'il agit au nom et pour le compte des époux X... ;
Attendu qu'il apparaît ainsi que la création de la pisciculture de Faucompierre en 1976 s'est réalisée sans qu'interviennent les époux X... et à la seule initiative de Monsieur René X..., qui avait alors acquis les parcelles nécessaires ; que celui-ci s'est déclaré en qualité de pisciculteur, c'est-à-dire d'entrepreneur individuel ;
Attendu que Monsieur X... ne produit aucun élément de nature à démonter que Madame X..., depuis le décès en 1984 de son mari, lui a donné des directives pour l'exploitation de sa pisciculture et lui a demandé des comptes sur sa gestion ; qu'au contraire il est établi que Monsieur René X... a présenté une demande d'indemnisation au titre du chômage partiel, qui a été rejetée en l'absence de délégation de pouvoir de Madame X..., ce qui démontre qu'il accomplissait les actes de gestion relatifs à l'exploitation de la pisciculture en toute indépendance ;
Attendu dans ces conditions que le fait qu'il se soit déclaré salarié de ses parents, puis de sa mère et qu'il se soit fait établir des bulletins de paie ne vaut pas preuve d'un statut de salarié ; qu'en effet, l'absence de lien de subordination entre lui et sa mère, désignée comme entrepreneur individuel, ne permet pas de retenir l'existence d'un contrat de travail ;
Attendu que pareillement le fait que l'UDAF de Haute Marne ait engagé une procédure de licenciement ne permet pas de conclure à l'existence d'un contrat de travail ; qu'en effet, la situation apparente d'un salariat a contraint le tuteur à engager la procédure de licenciement, sans que cette initiative fasse obstacle à l'action des consorts X... en contestation du statut de salarié de René X..., compte tenu des conditions concrètes dans lesquelles était exploitée la pisciculture de Faucompierre ;
Attendu que, dans la mesure où Monsieur René X... est reconnu comme le gérant de fait de la pisciculture de Faucompierre, il ne peut pas revendiquer le paiement d'heures supplémentaires ni de primes d'ancienneté, notamment par application des dispositions de la convention collective des personnels de la pisciculture » ;
1/ Alors qu' en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'intéressé avait reçu des bulletins de paie depuis le début de la relation de travail et avait été déclaré en tant que salarié, éléments établissant l'existence d'un contrat de travail apparent, mais a écarté l'existence d'un contrat de travail salarié en retenant que celui-ci ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'il a reçu des directives pour l'exploitation de la pisciculture et devait rendre des comptes ; qu'en imposant ainsi à l'intéressé de démontrer l'existence d'un lien de subordination, en présence d'un contrat de travail apparent, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du code civil et L.1221-1 du code du travail ;
2/ Alors, en outre, que sont impropres à caractériser l'existence d'une gestion de fait les circonstances selon lesquelles l'intéressé est intervenu directement lors de la création de la pisciculture, installée sur un terrain dont il était propriétaire et ne bénéficiait pas d'une délégation de pouvoir de la part de son employeur apparent ; qu'en se fondant sur ces circonstances, en présence d'un contrat de travail apparent, pour décider que l'intéressé est le gérant de fait de l'exploitation et qu'il lui appartient de démontrer la réalité du contrat de travail, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une gestion de fait, a de nouveau inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du code civil et L.1221-1 du code du travail ;
3/ Alors, en tout état de cause, que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que la cour d'appel, qui s'est contentée de relever que l'intéressé est intervenu directement lors de la création de la pisciculture, installée sur un terrain dont il était propriétaire et qu'il ne bénéficiait pas d'une délégation de pouvoir de sa mère, entrepreneur individuel, pour en déduire l'absence de lien de subordination, sans rechercher si celui-ci était ou non placé sous l'autorité de sa mère et si cette dernière avait le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner ses manquements, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.1221-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-70427
Date de la décision : 23/06/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 22 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 jui. 2010, pourvoi n°08-70427


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blondel, Me Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.70427
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