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22/06/2010 | FRANCE | N°09-10088

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 22 juin 2010, 09-10088


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 21 octobre 2008), que les époux X..., ont, après acquisition d'un immeuble classé monument historique, et suivant marché du 2 octobre 2001, confié à la société Lyonnaise de rénovation, proposée par la société Sogimm venderesse, des travaux de réhabilitation de cet immeuble pour un montant forfaitaire de 1 211 969,69 euros sur lequel ils ont versé une avance de 908 977,26 euros ; que le chantier a été ouvert en avril 2003 ; que les époux X... ont rÃ

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 21 octobre 2008), que les époux X..., ont, après acquisition d'un immeuble classé monument historique, et suivant marché du 2 octobre 2001, confié à la société Lyonnaise de rénovation, proposée par la société Sogimm venderesse, des travaux de réhabilitation de cet immeuble pour un montant forfaitaire de 1 211 969,69 euros sur lequel ils ont versé une avance de 908 977,26 euros ; que le chantier a été ouvert en avril 2003 ; que les époux X... ont réclamé l'arrêt du chantier par lettre du 7 mars 2004 ; qu'après la désignation d'un expert le 6 juillet 2004, ils ont résilié le marché de travaux le 25 août 2006 puis ont fait assigner la société Lyonnaise de rénovation en remboursement de travaux non réalisés, en paiement de pénalités de retard et de sommes au titre d'un surcoût des travaux restant à réaliser ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que les constatations d'un constat d'huissier de justice identiques à celles de l'expert judiciaire et les photographies annexées au rapport d'expertise démontraient l'existence de désordres et une absence totale de précautions dans la sauvegarde des éléments à restaurer au point de les endommager, la cour d'appel, qui n‘était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a souverainement retenu sans dénaturation du rapport d'expertise, que les manquements imputables à la société Lyonnaise de rénovation, tenue des fautes d'exécution commises par ses sous-traitants, étaient suffisamment graves pour justifier l'absence de demande de reprise des travaux par cette société et le rejet de la demande d'indemnisation formée par celle-ci ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que la cour d'appel, qui a constaté que les époux X... avaient versé à la société Lyonnaise de rénovation une avance sur travaux, que la somme de 474 317,26 euros retenue par les premiers juges correspondait au remboursement des travaux non réalisés et que l'achèvement des travaux entraînerait un surcoût important par rapport au montant du marché initial, n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société Lyonnaise de rénovation à payer aux époux X... la somme de 121 196 euros à titre d'indemnisation du retard, l'arrêt retient que les travaux auraient dû être terminés le 10 septembre 2004, que l'ordre de les arrêter non fautif, notifié le 7 mars 2004, qui pouvait être prévu et empêché ne peut être entendu comme un cas de force majeure, que le délai ne peut être prolongé que d'un mois et que les travaux ont subi un retard du 25 avril 2004 au 25 août 2006 ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'intention manifestée par M. X... lors de la réunion du 25 mars 2004, de ne pas précipiter le déroulement des travaux et de prendre du temps pour rechercher de meilleures solutions, n'avait pas contribué au retard constaté, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le quatrième moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Lyonnaise de rénovation à payer aux époux X... la somme de de 121 196 euros à titre d'indemnisation du retard, l'arrêt rendu le 21 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Blanc, avocat aux Conseils pour la société Lyonnaise de rénovation.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la résiliation unilatérale par Monsieur et Madame X... du marché à forfait conclu avec la Société Lyonnaise de Rénovation et dit que les manquements à ses obligations par la Société Lyonnaise de Rénovation étaient suffisamment graves pour engager sa responsabilité contractuelle,
Aux motifs que la résiliation unilatérale par les époux X... répondait aux dispositions de l'article 1794 du code civil, exclusif de toute notion de faute ; que suivant constat d'huissier de justice du 9 mars 2004 dont les constatations étaient identiques à celles de l'expert judiciaire, des saignées avaient été faites en arrachant les tapisseries murales, l'ensemble des objets architecturaux n'avaient fait l'objet d'aucune protection et des gravats jonchaient le sol ; qu'au terme du procès-verbal de réunion exceptionnelle du 25 mars 2004, le papier peint de la chambre du premier étage avait été considérablement endommagé bien que la maîtrise d'oeuvre en eût demandé la conservation dans le procèsverbal du 18 octobre ; que l'expert avait retenu que si le choix des prestations (fenêtres, cloisonnements, doublages) n'était pas source de désordres, les dégradations des embellissements occasionnées par les saignées étaient imputables à une négligence dans l'intervention de l'entreprise d'électricité qui n'avait pas compris ou ne s'était pas souciée de la valeur historique des ouvrages existants ; que l'expert avait ajouté que les dommages occasionnés constituaient un vice susceptible de compromettre la qualité de l'immeuble et de le rendre impropre à sa destination de demeure historique ; que les photographies sur CDRom annexées au rapport confirmaient l'absence de précautions dans la sauvegarde des éléments à restaurer au point de les endommager ; que les sociétés chargées de l'installation du chantier et de la maçonnerie, de l'électricité et de la plomberie étaient des sous-traitantes de la Société Lyonnaise de Rénovation dont elle était responsable à l'égard du maître de l'ouvrage ; que l'absence flagrante de soins engageait déjà sa responsabilité ; que les époux X... avaient lieu de craindre que la différence d'appréciation du contrat entre eux et l'entreprise s'aggravât ; que la Société Lyonnaise de Rénovation avait proposé en janvier 2004 un protocole refusé le 18 janvier par Monsieur X... ; qu'il l'avait dégagée de la conduite du chantier, ce qui démontrait qu'elle n'entendait pas supporter les conséquences financières d'un marché à forfait imprudent, étant observé que le montant des travaux de maçonnerie restant à effectuer était considérablement supérieur à celui envisagé avant l'arrêt des travaux ; que demander à la Société Lyonnaise de Travaux de reprendre les travaux s'avérait inopportun dans de telles conditions ; que le risque que les dommages aux existants et le manque caractérisé de soins dans la réalisation des travaux de maçonnerie notamment continuassent, autant que celui de ne pas obtenir la restauration des éléments architecturaux dégradés à l'issue de la réhabilitation elle-même était avéré et assez grave pour justifier le rejet de la demande d'indemnisation de la Société Lyonnaise de Rénovation et pour permettre à Monsieur et Madame X... de s'en prévaloir à l'appui de leur demande de dommages-intérêts ;
Alors que 1° l'article 1794 du code civil n'est pas d'ordre public et les parties peuvent toujours renoncer au bénéfice de ses dispositions; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si le marché de travaux du 2 octobre 2001 ne prévoyait pas comme unique hypothèse de résiliation l'abandon de chantier dûment constaté par le maître d'oeuvre et ne la subordonnait pas à l'envoi huit jours avant d'une lettre recommandée avec accusé de réception valant mise en demeure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1794 du code civil ;
Alors que 2°) l'expert judiciaire, Monsieur Z..., avait constaté (rapport p.46) que «le niveau de prestation requis par les architectes avait été respecté par les entreprises sous-traitantes de la Société Lyonnaise de Rénovation», que l'architecte n'était pas concerné par les désordres résultant des saignées dans les tapisseries (p.47) et que les désordres concernant la dégradation des tapisseries due aux travaux d'électricité étaient de l'entière responsabilité de l'entreprise Samelec (p.48) ; qu'en ayant énoncé qu'il résultait du rapport d'expertise judiciaire que « l'absence flagrante de soins » devait engager la responsabilité de la Société Lyonnaise de Rénovation, la cour d'appel a violé le principe de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
Alors que 3°) le maître de l'ouvrage doit, en cas de résiliation à son initiative, dédommager l'entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux et de tout ce qu'il aurait pu gagner dans cette entreprise ; qu'en ayant débouté la Société Lyonnaise de Rénovation de toute demande d'indemnisation en raison du « risque que les dommages et le manque de soin dans la réalisation des travaux continuent autant que celui de ne pas obtenir la restauration d'éléments architecturaux dégradés », la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé les articles 1184 et 1794 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Société Lyonnaise de Rénovation à payer à Monsieur et Madame X... la somme de 121.196 euros à titre d'indemnisation du retard, Aux motifs que la Société Lyonnaise de Rénovation devait contractuellement respecter un délai de quinze mois suivant la date d'effet de l'ordre de service de commencer les travaux, lesquels auraient dû être terminés le 10 septembre 2004 ; que l'ordre de les arrêter, non fautif, notifié par Monsieur et Madame X... le 7 mars 2004, pouvait être prévu et empêché par la Société Lyonnaise de Rénovation et ne pouvait être entendu comme un cas de force majeure tel que visé par l'article 3.2 du marché de travaux, au moins jusqu'à la réunion du 25 mars 2004 et l'avis du conservateur régional des monuments historiques ; que le délai n'était ainsi prolongé que d'un mois ; qu'en outre, le marché imposait à l'entrepreneur d'informer le maître de l'ouvrage, dans les dix jours suivant la cessation de la force majeure, de la reprise des travaux et de préciser leur incidence sur le délai contractuel ; que les travaux avaient subi un retard du 25 avril 2004 au 25 août 2006 ; que la limitation contractuelle du montant des pénalités à 10% du montant du marché s'élevant à 1.211.969,69 euros n'avait pas été modifiée d'un commun accord par les parties et l'engagement pris par la SOGIMM n'engageait qu'elle ; qu'en conséquence, l'application des pénalités de retard de 300 euros par jour dépassait la limitation et leur montant devait être ramené à 10% du marché ;
Alors que le maître d'oeuvre n'est responsable d'un dépassement des délais qu'en cas de faute prouvée ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si Monsieur X... n'avait pas lui-même, lors de la réunion du 25 mars 2004, indiqué n'avoir pas envie de précipiter le déroulement des travaux et préférer prendre du temps pour rechercher de meilleures solutions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Société Lyonnaise de Rénovation à payer la somme de 290.521 euros au titre du surcoût des lots maçonnerie et plomberie restant à réaliser,
Aux motifs que les travaux restant à réaliser sont chiffrés à 415.661 euros pour le lot 3 et 31.401 euros pour le lot 8 ; que le montant des marchés de ces deux lots était de 321.558 euros et de 45.560 euros ; que les travaux exécutés étaient chiffrés à 132.115 euros et 32.374 euros ; qu'ils avaient été payés, laissant un disponible de 189.443 euros pour le lot 3 et 13.185 euros pour le lot 8 ; que ceci démontrait un déficit de 415.661 euros – 189.443 euros = 226.218 euros pour le lot 3 et 31.401 euros – 13.185 euros = 18.216 euros soit 19.965 euros pour le lot 8 ; que le surcoût s'élevait à 290.521 euros ;
Alors que faute d'avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la somme de 474.317,26 euros déjà allouée à Monsieur et Madame X... n'incluait pas les prestations de maçonnerie et de plomberie restant à réaliser, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Société Lyonnaise de Rénovation à payer la somme de 166.697 euros au titre de l'indexation des travaux restant à effectuer,
Aux motifs que cette indexation ne pouvait s'appliquer aux travaux déjà réalisés à hauteur de 412.000 euros, ni sur le montant des travaux de maçonnerie et plomberie restant à effectuer s'élevant à 202.628 euros dont le surcoût comprenait l'actualisation ; que l'indexation serait calculée sur la somme de euros) = 597.341 euros hors taxe, soit 714.419 euros TTC, par application de l'indice du coût de la construction en cours en octobre 2001, date de signature du marché de travaux et de l'indice en cours au troisième trimestre 2006, date à laquelle les époux X... pouvaient passer de nouveaux marchés ; que le dommage s'élevait à 166.697 euros ;
Alors que le maître de l'ouvrage qui résilie unilatéralement le marché à forfait ne peut obtenir la condamnation du maître d'oeuvre à indemniser le surcoût lié à la conclusion de nouveaux marchés dès lors que n'est pas prouvée la possibilité de conclure ces nouveaux marchés ; que la cour d'appel, qui a constaté (p.6) que la résiliation unilatérale du marché à forfait par Monsieur et Madame X... répondait aux dispositions du code civil sur le marché à forfait et que « rien n'accréditait que les époux X... puissent obtenir la continuation des travaux en souscrivant un nouveau marché » (p.10), a violé les articles 1149 et 1794 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 09-10088
Date de la décision : 22/06/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 21 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 22 jui. 2010, pourvoi n°09-10088


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : Me Blanc, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.10088
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