LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 juin 2009) que par deux baux notariés, des 9 avril 1981 et 15 mai 1981, Mme Valentine X..., veuve Y... a donné à bail à M. et Mme Roland Z..., pour une durée de 18 ans expirant après la récolte 1998, un certain nombre des parcelles précédemment exploitées par M. Maurice Y..., fils de Mme Valentine Y..., exploitant à titre individuel sous l'enseigne " Les Serres de Courcelette " ; que les preneurs entrants ont versé à ce dernier une certaine somme ; que par jugement du 14 janvier 1982, M. Maurice Y... a été placé en règlement judiciaire ; qu'en 1988, les deux baux ont été cédés à M. Pierre Z... ; que le 10 septembre 2002, Mme Françoise Y... a donné congé pour le 1er octobre 2004 à M. Pierre Z... pour reprise au profit de sa fille ; que par requête du 27 mars 2006, les consorts Z..., venant aux droits de M. et Mme Roland Z..., ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une demande en restitution par les consorts Y..., venant aux droits notamment de M. Maurice Y..., des sommes indûment versées lors de la conclusion des baux ;
Attendu que les consorts Z... font grief à l'arrêt de déclarer éteinte leur créance alors, selon le moyen :
1° / que lorsqu'une cession illicite de bail rural a été dissimulée sous l'apparence d'une cession d'exploitation, les juges du fond décident à bon droit que les sommes indûment versées à l'occasion de cette opération doivent être restituées au preneur entrant ; qu'au demeurant, la créance du preneur entrant sur le preneur sortant, née à l'occasion d'un changement d'exploitant, de nature civile, est étrangère à l'activité commerciale que l'exploitant sortant a pu, par ailleurs, développer ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article L. 411-74 du code rural et les articles 13, 35 et 40 de la loi du 13 juillet 1967 alors applicable ;
2° / que toutes les indemnités issues de l'existence d'un bail à ferme n'existent que du jour où une décision judiciaire les accorde explicitement ou effectivement ; que dès lors jusqu'à la décision de justice le preneur évincé n'a jusqu'à la décision de justice qui fixe l'indemnité réclamée, ni titre, ni créance, ni droit reconnu dont il puisse se prévaloir ; qu'en l'espèce, la créance des consorts Z... étant nécessairement née postérieurement au jugement déclaratif, dans des circonstances auxquelles la masse était demeurée étrangère, était donc inopposable à celle-ci et n'avait pas à faire l'objet d'une déclaration au sens des articles 35, 40 et 41 de la loi du 13 juillet 1967 ; que dès lors, en statuant encore comme elle l'a fait, la cour d'appel a procédé d'une violation des textes ci-dessus visés ;
Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit, par motifs propres et adoptés, que le principe de l'unicité du patrimoine soumettait l'ensemble des patrimoines de M. Maurice Y... et de Mme Jean Y... à la procédure collective, qu'en conséquence, tous les créanciers, quelle que fût la nature de leur créance personnelle, professionnelle, de nature civile, ou commerciale, dont l'origine était antérieure à la procédure collective, étaient tenus de produire leur créance à la procédure collective, qu'en application de l'article 41 de la loi du 13 juillet 1967, en cas de règlement judiciaire, à défaut de production avant la dernière échéance concordataire, les créances étaient éteintes, et qu'ayant relevé exactement que la créance invoquée par les consorts Z..., sur le fondement de l'article L. 411-74 du code rural, avait son fait générateur dans les paiements effectués entre le 30 septembre 1980 et le 4 mai 1981 à M. Maurice Y..., preneur sortant, par les époux Z...- A... à l'occasion d'un changement d'exploitant intervenu en 1981 de sorte qu'elle était antérieure au jugement du 14 janvier 1982 ouvrant la procédure de règlement judiciaire de M. Maurice Y..., peu important que son paiement ne pût être exigé qu'en exécution d'un jugement postérieur à l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel qui a constaté que les consorts Z... n'invoquaient aucune production de créance effectuée à la procédure collective de M. Maurice Y..., en a justement déduit que la créance en cause était éteinte ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts Z... ; les condamne, ensemble, à payer à Mmes Françoise B..., Nathalie H..., Valentine C..., Sabine D..., Domitille E..., Françoise de F..., ensemble, la somme de 2 500 euros, à Mme Stéphanie Y... la somme de 1 000 euros et à Mme Sophie Y... la somme de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour les consorts Z....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit éteinte la créance alléguée par les consorts Z... à l'encontre des consorts Y..., au titre de sommes indûment versées lors de la conclusion les 9 avril et 15 mai 1981 entre leur auteur, M. et Mme Y... aux droits desquels se trouvent les consorts Y... de baux ruraux sur un ensemble de terre d'une superficie de 84 ha 41 a 67 ca ;
AUX MOTIFS QU'en l'espèce les consorts Z... poursuivent la restitution d'une somme totale de 321 301, 07 € (2 107 596, 89 F) dont ils soutiennent qu'elle a été payée entre le 30 septembre 1080 et le 4 mai 1981 par les époux Z...- A... à l'occasion du changement d'exploitant résultant des baux qui leur ont été consentis selon actes reçus par Me G..., notaire, les 9 avril et 15 mai 1981 à M. Maurice Y..., preneur sortant, et il est établi par les pièces produites aux débats que ce dernier a fait l'objet concomitamment à Mme Valentine X... Veuve Y..., sa mère, à laquelle il était lié au sein d'une société créée de fait, d'un jugement rendu le 14 janvier 1982 par le tribunal de grande instance de PERONNE statuant en matière commerciale prononçant le règlement judiciaire de son patrimoine et fixant la date de cessation des paiements au 31 décembre 1981, procédure aboutissant à un jugement du 4 mars 1987 homologuant un concordant fixant la dernière échéance concordataire en avril 1991 dont il n'est pas contesté qu'il a été mené à bonne fin ; qu'il résulte des articles 35 alinéa 1, 40 alinéa 1 et 41 alinéa 2 de la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 à laquelle était soumise la procédure collective dont M. Maurice Y... a fait l'objet que tous les créanciers dont les créances sont nées avant le jugement constatant la cessation des paiements doivent produire celles-ci entre les mains du syndic et qu'en cas de règlement judiciaire les créances non déclarées avant la dernière échéance concordataire et sauf clause de retour à meilleure fortune sont éteintes ; que les consorts Z... n'invoquent aucune production de créance qui aurait été effectuée dans le cadre de la procédure collective de M. Maurice Y... ouverte par jugement du 14 janvier 1982 par les époux Roland Z...-Alice A... antérieurement à la dernière échéance concordataire au titre des sommes dont il est aujourd'hui soutenu qu'ils les ont indûment payées ; qu'ainsi, alors d'une part, que la société de fait constituée entre M. Maurice Y... et Mme Valentine X... Veuve Y..., ne pouvait, étant dépourvu de personnalité morale, faire l'objet d'une procédure collective à laquelle seuls étaient exposés ses associés, personnes physiques ainsi que l'a retenu le jugement du 14 janvier 1982, d'autre part, que la créance invoquée par les consorts Z... sur le fondement de l'article L. 411-74 du Code rural a son fait générateur dans les paiements effectués entre le 30 septembre 1980 et le 4 mai 1981 à M. Maurice Y..., preneur sortant, par les époux Z...- A... à l'occasion d'un changement d'exploitant intervenu en 1981 de sorte qu'elle est antérieure au jugement précité ouvrant la procédure de règlement judiciaire de M. Maurice Y..., peu important au regard des dispositions de l'article 13 alinéa 13 alinéa 2 de la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 selon lesquelles « aucun créancier dont la créance a son origine antérieurement au jugement de règlement judiciaire … et même au cas où l'exigibilité de cette créance interviendrait après ledit jugement ne peut prétendre avoir une créance sur la masse » que son paiement ne puisse être exigé qu'en exécution d'un jugement simplement déclaratif postérieur à l'ouverture de la procédure collective, et encore qu'en vertu du principe de l'unicité du patrimoine l'obligation faite par l'article 40 alinéa 1 de la loi du 13 juillet 1967 à tous les créanciers antérieurs de produire leurs créances doit être satisfaite même s'agissant de celles étrangères à l'activité commerciale du débiteur au titre de laquelle la procédure collective a été ouverte ce qui rend inopérant le moyen pris par les appelants de l'exclusion des exploitants agricoles exerçant à titre individuel du bénéfice des dispositions de la loi précité, étant au surplus relevé que le jugement du 14 janvier 1982 ouvrant la procédure collective de M. Maurice Y..., est opposable erga omnes et a une autorité absolue de chose jugée, la créance invoquée par les consorts Z... lesquels ne se prévalaient d'aucune cause de retour à meilleure fortune est éteinte en application de l'article 41 de l'article 41 alinéa 2 de la loi du 13 juillet 1967 ;
ALORS, D'UNE PART, QUE lorsqu'une cession illicite de bail rural a été dissimulée sous l'apparence d'une cession d'exploitation, les juges du fond décident à bon droit que les sommes indûment versées à l'occasion de cette opération doivent être restituées au preneur entrant ; qu'au demeurant, la créance du preneur entrant sur le preneur sortant, née à l'occasion d'un changement d'exploitant, de nature civile, est étrangère à l'activité commerciale que l'exploitant sortant a pu, par ailleurs, développer ; que dès lors en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article L. 411-74 du Code rural et les articles 13, 35 et 40 de la loi du 13 juillet 1967 alors applicable ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE toutes les indemnités issues de l'existence d'un bail à ferme n'existent que du jour où une décision judiciaire les accorde explicitement ou effectivement ; que dès lors jusqu'à la décision de justice le preneur évincé n'a jusqu'à la décision de justice qui fixe l'indemnité réclamée, ni titre, ni créance, ni droit reconnu dont il puisse se prévaloir ; qu'en l'espèce, la créance des consorts Z... étant nécessairement née postérieurement au jugement déclaratif, dans des circonstances auxquelles la masse était demeuré étrangère, était donc inopposable à celle-ci et n'avait pas à faire l'objet d'une déclaration au sens des articles 35, 40 et 41 de la loi du 13 juillet 1967 ; que dès lors, en statuant encore comme elle l'a fait, la Cour d'appel a procédé d'une violation des textes ci-dessus visés.