LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu qu'ayant constaté que le bénéficiaire de la reprise habitait à 393 kilomètres des parcelles données à bail et qu'il n'était pas démontré que le matériel dont disposait ce bénéficiaire pouvait être affecté aux besoins de l'exploitation de ces parcelles, la cour d'appel a souverainement retenu, sans ajouter aux articles L. 411-58 et L. 411-59 du code rural une condition qu'ils ne prévoyaient pas, qu'à défaut d'exploitation personnelle des parcelles par le bénéficiaire de la reprise le congé devait être annulé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour Mme X....
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué, d'avoir annulé le congé signifié le 28 mars 2007 pour le 30 septembre 2008, constaté que le bail se trouvait renouvelé pour une période de neuf ans à compter du 1er octobre 2008 et condamné Madame Thérèse X... à payer à Monsieur Vincent Y... la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles,
AUX MOTIFS QUE Monsieur Y... fait valoir que 393 km séparent l'habitation du bénéficiaire de la reprise dans le Pas de Calais, où il exploite d'autres terres, de la parcelle objet du congé, sise à ROUVRAY-SAINT-DENIS en EURE ET LOIR ; qu'il en déduit que celui-ci ne pourra pas exploiter cette dernière de manière effective et permanente ainsi que l'impose l'article L 411-59 du même Code, en prévoyant que le repreneur doit avoir une habitation à proximité du fonds concerné ; qu'il ajoute que le bénéficiaire de la reprise ne dispose sur place d'aucun moyen d'exploitation et qu'il fait cultiver par des tiers la parcelle qu'il exploite à proximité de celle objet de la reprise ; que, certes, l'appelant ne conteste pas que la parcelle voisine cadastrée YM 5 est emblavée en céréales tout comme celle objet du congé ; qu'il ne dément pas l'affirmation de Mme X... selon laquelle ce type de culture nécessite seulement 5 à 6 déplacements par période culturale pour les labours, semis, traitements et récoltes ; qu'il n'en demeure pas moins que ce type de culture exige un matériel important ; Que Madame X... se borne à produire une évaluation du matériel, faite le 3 mars 2004 par l'expert Z..., à BEAUVOIR WAVANS (62), que son fils se proposait d'apporter à une EARL ainsi qu'un relevé des immobilisations de cette dernière pour l'exercice comptable du 1er avril 2006 au 31 mars 2007 ; qu'aucun élément ne permet de retenir qu'une partie de ce matériel se trouve à ROUVRAY SAINT DENIS pour les besoins de l'exploitation de la parcelle voisine cadastrée YM 5 ; que Madame X... n'a pas jugé utile de faire intervenir son fils à la procédure en sorte que la Cour n'est pas en mesure de connaître les conditions dans lesquelles celui-ci exploite cette parcelle voisine, notamment s'il y transporte son propre matériel, s'il en loue sur place ou s'il recourt à des tiers disposant du matériel nécessaire et de quelle façon il compte exploiter la parcelle litigieuse ; que, par ailleurs, la Cour observe qu'une partie importante du matériel dont dispose le bénéficiaire de la reprise, à BEAUVOIR WAVANS, a trait à une activité d'élevage laitier et que cette dernière implique sa présence quotidienne à heures régulières ou, à tout le moins, celle d'un personnel pouvant assurer la traite du bétail ; que Mme X... reste taisante à ce sujet et que l'absence de son fils à la procédure ne permet pas de connaître les conditions dans lesquelles il exerce son activité d'éleveur à BEAUVOIR WAVANS ; que, dès lors, Madame X... ne démontre pas que la distance existant entre l'habitation du bénéficiaire de la reprise à BEAUVOIR WAVANS et la terre objet du congé, sise à ROUVRAY SAINT DENIS, permettra à celui-ci d'exploiter personnellement cette dernière ainsi que l'impose l'article L.411-59 précité ; qu'il s'ensuit que le congé délivré à Monsieur Y... doit être annulé ; qu'en application de l'article II (2°) de la convention des parties, son bail se trouve renouvelé depuis le 1er octobre 2008 pour une durée de neuf ans ainsi que le soutient Monsieur Y... ; que sa demande subsidiaire d'indemnité de sortie au titre des améliorations culturales s'avère en conséquence sans objet ; qu'il convient d'attribuer à Monsieur Y... la somme de 2.000 € au titre des frais non compris dans les dépens,
ALORS, D'UNE PART, QUE s'il diffère de l'auteur du congé, le bénéficiaire de la reprise d'un bien agricole n'est pas tenu d'être partie à l'instance judiciaire de contestation du congé introduite par le preneur, dès lors qu'il appartient uniquement à l'auteur du congé d'établir, par tous moyens, que les conditions de la reprise sont remplies à la date d'échéance du bail ; de sorte qu'en relevant à deux reprises que l'absence à la procédure du fils de Madame X..., bénéficiaire du congé, ne permettait pas de connaître les conditions dans lesquelles, d'une part, il exploitait la parcelle voisine à la parcelle objet du congé et, d'autre part, il exerçait son activité d'éleveur à BEAUVOIR WAVANS, la Cour d'appel a violé les articles L 411-47, L 411-58 et L 411-59 du Code rural,
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en vertu de l'article L 411-59 du Code rural, le bénéficiaire de la reprise doit bénéficier du matériel nécessaire à l'exploitation du bien repris ou à défaut les moyens de les acquérir, mais n'est pas tenu de justifier que ce matériel se situe sur la commune de situation du bien repris ; si bien qu'en considérant qu'aucun élément ne permettait de retenir qu'une partie du matériel dont disposait le bénéficiaire de la reprise se trouvait sur la commune de situation de l'immeuble repris, la Cour d'appel a ajouté au texte une condition qu'il ne prévoit pas et, ce faisant, violé derechef l'article susvisé,
ALORS, ENFIN, QUE le bénéficiaire de la reprise est tenu de procéder à une exploitation personnelle, effective et permanente du bien repris pendant neuf années ; de sorte qu'en retenant que Madame X... ne démontrait pas que la distance existant entre l'habitation du bénéficiaire de la reprise et la parcelle objet du congé permettait à celui-ci d'exploiter personnellement cette dernière, tout en constatant que le type de culture céréalière poursuivi sur cette parcelle ne nécessitait que 5 à 6 déplacements par période culturale pour les labours, semis, traitements et récoltes et étant au surplus observé que le bénéficiaire du congé exploitait en bon père de famille la parcelle de 34 ha 46 a située non loin de la parcelle objet de la reprise, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles L 411-58 et L 411-59 du Code rural.