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08/06/2010 | FRANCE | N°09-68591;09-68594

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 juin 2010, 09-68591 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° S 09-68.591 et V 09-68.594 ;

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juin 2009), que le 14 décembre 2006 la société Communications Villette (la société) a cédé à la société Lemonde. com., son fonds de commerce, l'ordre des avocats au barreau de Paris (l'ordre des avocats) étant constitué séquestre d'une partie du prix de cession ; que par jugement du 26 avril 2007, la société a été mise en liquidation judiciaire, Mme X... étant nommée liqui

dateur ; que l'ordre des avocats a refusé de remettre au liquidateur les sommes ayant...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° S 09-68.591 et V 09-68.594 ;

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juin 2009), que le 14 décembre 2006 la société Communications Villette (la société) a cédé à la société Lemonde. com., son fonds de commerce, l'ordre des avocats au barreau de Paris (l'ordre des avocats) étant constitué séquestre d'une partie du prix de cession ; que par jugement du 26 avril 2007, la société a été mise en liquidation judiciaire, Mme X... étant nommée liquidateur ; que l'ordre des avocats a refusé de remettre au liquidateur les sommes ayant fait l'objet du séquestre conventionnel ;
Attendu que l'ordre des avocats fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné la remise au liquidateur de la somme de 30 968,90 euros sous réserve de la déduction des frais de séquestre, et d'avoir rejeté toutes ses prétentions, notamment, celle tendant à la désignation d'un séquestre répartiteur alors, selon le moyen :
1°/ que le prix de vente d'un fonds de commerce, qui a été remis au séquestre conventionnel, n'est pas entré dans le patrimoine de l'entreprise en liquidation judiciaire, le séquestre étant investi d'un mandat irrévocable d'effectuer les paiements et la distribution du prix de vente ne pouvant être soumise aux règles de la liquidation judiciaire ; qu'en l'espèce, en ayant affirmé que le prix de vente d'un fonds de commerce à distribuer par un séquestre conventionnel entre dans le patrimoine du débiteur, la cour d'appel a violé les articles L. 143-21 et R. 622-19 du code de commerce et l'article 1281-1 du code de procédure civile ;
2°/ que si les procédures de distribution mobilière, en dehors de toute procédure d'exécution ayant produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, en cours au jour de ce jugement, sont caduques et si les fonds sont, alors, remis au mandataire judiciaire, le cas échéant par le séquestre qui, par cette remise, est libéré à l'égard des parties, cette caducité et cette remise des fonds ne sauraient concerner l'hypothèse du séquestre conventionnel du prix de vente d'un fonds de commerce, décidé amiablement entre les parties à la vente et dont le mécanisme a été consolidé avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'en l'espèce, en ayant affirmé que ces règles s'appliquaient au séquestre conventionnel, la cour d'appel a, derechef, violé les articles L. 143-21 et R. 622-19 du code de commerce et l'article 1281-1 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la procédure de distribution du prix de cession d'un fonds de commerce ayant fait l'objet, avant le jugement d'ouverture, d'un séquestre conventionnel en cours à la date de ce jugement, constitue une procédure de distribution du prix de vente d'un meuble ne faisant pas suite à une procédure d'exécution ayant produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture au sens des dispositions de l'article R. 622-19 du code de commerce dans sa rédaction issue du décret du 27 juillet 2006 ; que l'arrêt constate par motifs propres et adoptés qu'avant le jugement d'ouverture, l'ordre des avocats a été désigné tiers détenteur d'une partie du prix de cession du fonds et relève que cette mission, en cours au jour du jugement d'ouverture, ne fait pas suite à une procédure d'exécution ayant produit un effet attributif à la même date ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement déduit que la procédure de distribution de ce prix, qui entrait dans le champ d'application de l'article R. 622-19 du code de commerce, était caduque et que les fonds devaient être remis au liquidateur judiciaire ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne l'ordre des avocats au barreau de Paris aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à Mme X..., ès qualités, la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit aux pourvois n° S 09-68.591 et V 09-68.594 par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour l'ordre des avocats au barreau de Paris
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné à l'Ordre des Avocats du Barreau de Paris, service séquestre juridique, de remettre à Me Armelle X..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société COMMUNICATIONS VILLETTE, l'ensemble des sommes qu'il détenait en sa qualité de séquestre conventionnel du prix de vente du fonds de commerce de ladite société, soit la somme de 30.968,90 €, sous réserve de la déduction des frais de séquestre, de l'avoir débouté de toutes ses prétentions, et, notamment, de sa demandes tendant à la désignation d'un séquestre répartiteur en ses lieu et place, et de l'avoir condamné aux dépens ;
Aux motifs que : « il est constant et non contesté par les parties que le régime de distribution de fonds séquestrés conventionnellement est distinct de celui institué en matière de procédure collective ;
… que contrairement à ce que soutient l'Ordre des Avocats de la Cour d'Appel de PARIS, le prix de vente d'un fonds de commerce à distribuer par un séquestre conventionnel entre dans le patrimoine du débiteur, ce qui explique qu'une publicité et une surenchère légale aient été prévues aux fins de permettre aux créanciers de se manifester, l'opposition prévue par l'article L. 141-14 du Code de commerce, ne produisant pas en elle-même, effet attributif ;
… que la procédure de distribution de deniers en provenance d'une vente d'un bien mobilier, telle que prévue au chapitre V du titre II du livre troisième du Code de Procédure Civile et dont l'application est réclamée par l'Ordre des Avocats de la Cour d'Appel de PARIS est une procédure qui, comme le titre du chapitre l'énonce, ne peut être engagée qu'en dehors de toute procédure d'exécution, et plus précisément, en dehors de « toutes procédures civiles d'exécution » telles que visées par la loi 91-650 du 9 juillet 1991 ;
Or, … qu'en l'espèce, la procédure d'appréhension des biens et de distribution que Maître Armelle X... désire voir appliquer est une procédure relevant du droit commercial qui a institué dès 1967, un principe d'égalité des créanciers chirographaires pour la distribution des biens ayant appartenu à un commerçant placé sous le régime d'une procédure collective ;
… qu'il s'ensuit que la procédure de l'article 1281-1 du Code de Procédure Civile compris dans le chapitre V susvisé, ne peut trouver à s'appliquer à un débiteur commerçant sous régime d'une procédure collective, peu important en l'espèce qu'un séquestre conventionnel ait été désigné avant que le débiteur ne soit placé sous ce régime ;
… d'ailleurs, que l'article R. 622-19 du Code de commerce, qui est applicable à l'espèce dès lors que la liquidation judiciaire est postérieure au 1er janvier 2006 et qui reprend les dispositions de l'article 94 du Décret du 28 décembre 2005, lequel a remplacé l'article 65-1 du Décret du 27 décembre 1985, est très clair et rédigé comme suit :« Les procédures d'ordre en cours et les procédures de distribution mobilière, en dehors de toute procédure d'exécution ayant produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture, en cours au jour de ce jugement, sont caduques.Les fonds sont remis au mandataire judiciaire, le cas échéant par le séquestre qui, par cette remise, est libéré à l'égard des parties » ;

… qu'ainsi, pour ces procédures en cours, la caducité est rendue impossible seulement dans le cas où elles ont déjà produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture, ce qui signifie que la seule exception au principe de caducité susvisé est que les fonds soient sortis du patrimoine du débiteur avant le jugement déclaratif, ce qui n'est pas le cas dans la distribution conventionnelle litigieuse ;
… qu'au prétexte que le texte susvisé évoque « les procédures de distribution ou d'exécution », l'Ordre des Avocats de la Cour d'Appel de PARIS soutient à tort que la caducité ne concerne pas la distribution par un séquestre conventionnel ;
… qu'en effet, ces procédures prévoient préalablement une phase amiable qui peut aboutir à une convention et la mesure de séquestre n'emporte pas dessaisissement du droit de propriété du fonds de commerce ;
… enfin qu'en prévoyant une caducité en cas de procédure collective du débiteur ayant vendu son fonds de commerce, le législateur a clairement exclu toute superposition de régimes de distribution, en attribuant ce rôle au liquidateur, même si comme le relève l'Ordre des Avocats de la Cour d'Appel de PARIS, ce liquidateur n'a pas vocation à protéger le droit de solidarité fiscale de l'article 1684 du Code Général des Impôts, le droit de surenchère ou le droit de suite du chef des créanciers inscrits ;
… qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris, la désignation d'un séquestre répartiteur n'étant pas possible en raison de l'ouverture d'une procédure collective postérieure au 1er janvier 2006 et postérieure à la désignation d'un séquestre conventionnel des fonds en provenance de la vente du fonds de commerce » ;
1. Alors que, d'une part : le prix de vente d'un fonds de commerce, qui a été remis au séquestre conventionnel, n'est pas entré dans le patrimoine de l'entreprise en liquidation judiciaire, le séquestre étant investi d'un mandat irrévocable d'effectuer les paiements et la distribution du prix de vente ne pouvant être soumise aux règles de la liquidation judiciaire ; qu'en l'espèce, en ayant affirmé que le prix de vente d'un fonds de commerce à distribuer par un séquestre conventionnel entre dans le patrimoine du débiteur, la Cour d'appel a violé les articles L. 143-21 et R. 622-19 du Code de Commerce et l'article 1281-1 du Code de Procédure civile ;
2. Alors que, d'autre part : si les procédures de distribution mobilière, en dehors de toute procédure d'exécution ayant produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, en cours au jour de ce jugement, sont caduques et si les fonds sont, alors, remis au mandataire judiciaire, le cas échéant par le séquestre qui, par cette remise, est libéré à l'égard des parties, cette caducité et cette remise des fonds ne auraient concerner l'hypothèse du séquestre conventionnel du prix de vente d'un fonds de commerce, décidé amiablement entre les parties à la vente et dont le mécanisme a été consolidé avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'en l'espèce, en ayant affirmé que ces règles s'appliquaient au séquestre conventionnel, la Cour d'appel a, derechef, violé les articles L. 143-21 et R. 622-19 du Code de Commerce et l'article 1281-1 du Code de Procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-68591;09-68594
Date de la décision : 08/06/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Sauvegarde - Période d'observation - Arrêt des poursuites individuelles - Arrêt des procédures d'exécution - Distribution du prix de cession d'un fonds de commerce - Séquestre conventionnel - Portée

La procédure de distribution du prix de cession d'un fonds de commerce, objet, avant le jugement d'ouverture de la procédure collective du vendeur, d'un séquestre conventionnel en cours à la date de ce jugement, constitue une procédure de distribution du prix de vente d'un meuble ne faisant pas suite à une procédure d'exécution ayant produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture au sens des dispositions de l'article R. 622-19 du code de commerce dans sa rédaction issue du décret du 27 juillet 2006. Dès lors, une cour d'appel, qui constate qu'avant le jugement d'ouverture, un ordre des avocats a été désigné tiers détenteur du prix de cession du fonds et que cette mission, en cours au jour du jugement d'ouverture, ne fait pas suite à une procédure d'exécution ayant produit un effet attributif à la même date, en déduit exactement que la procédure de distribution de ce prix est caduque et que les fonds doivent être remis au liquidateur judiciaire


Références :

article R. 622-19 du code de commerce dans sa rédaction issue du décret du 27 juillet 2006

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 juin 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 jui. 2010, pourvoi n°09-68591;09-68594, Bull. civ. 2010, IV, n° 109
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, IV, n° 109

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Bonhomme
Rapporteur ?: M. Espel
Avocat(s) : Me Bertrand, Me Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.68591
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