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08/06/2010 | FRANCE | N°09-15080

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 juin 2010, 09-15080


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 mars 2009) que, titulaire d'un compte ouvert dans les livres de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence-Côte d'Azur (la caisse), Mme X..., exerçant l'activité de peinture sur vêtements, a adhéré, le 6 septembre 2002, au système de paiement par cartes bancaires, version "paiement à distance" ; que, contactée début mars 2004 par un client domicilié en Côte-d'Ivoire, elle a accepté de le livrer moyennant paiement

s fractionnés et effectués à partir de plusieurs cartes bancaires ; que le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 mars 2009) que, titulaire d'un compte ouvert dans les livres de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence-Côte d'Azur (la caisse), Mme X..., exerçant l'activité de peinture sur vêtements, a adhéré, le 6 septembre 2002, au système de paiement par cartes bancaires, version "paiement à distance" ; que, contactée début mars 2004 par un client domicilié en Côte-d'Ivoire, elle a accepté de le livrer moyennant paiements fractionnés et effectués à partir de plusieurs cartes bancaires ; que les titulaires des cartes ayant contesté ces opérations, la caisse a procédé à la contre-passation des sommes inscrites au compte de Mme X... et a assigné cette dernière en remboursement du solde de son compte devenu débiteur ; que Mme X..., soutenant que la caisse avait manqué à son égard à son devoir de conseil et de mise en garde, l'a assignée en dommages-intérêts ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la caisse la somme de 35 227,16 euros avec intérêts au taux contractuel jusqu'à parfait paiement au titre du solde débiteur de son compte professionnel et d'avoir rejeté ses demandes tendant à voir la responsabilité de la caisse engagée, alors, selon le moyen :
1°/ que le banquier est tenu à un devoir de mise en garde envers son client professionnel non averti quant aux risques de fraude liés à l'adhésion à un système de paiement à distance par carte bancaire et à la possibilité de débiter d'office ses comptes en cas de contestation par le titulaire de la carte ; qu'en retenant, pour estimer que la banque n'était tenue à aucun devoir de mise en garde à l'égard de Mme X..., que celle-ci était un professionnel averti dès lors qu'elle avait ouvert un compte professionnel pour l'exercice de son activité commerciale, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir la qualité de personne avertie de Mme X... et a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ que le banquier est tenu à une obligation d'information envers son client professionnel quant aux risques de fraude liés à l'adhésion à un système de paiement à distance par carte bancaire et à la possibilité de débiter d'office ses comptes en cas de contestation par le titulaire de la carte, dès lors que les compétences de celui-ci ne lui permettent pas d'en apprécier la portée ; qu'en retenant, pour estimer que la banque n'était tenue à aucune obligation d'information à l'égard de Mme X..., que celle-ci était un professionnel averti dès lors qu'elle avait ouvert un compte professionnel pour l'exercice de son activité commerciale, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir les compétences particulières de Mme X... et a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ qu'il n'est pas permis au juge, lorsque les termes d'une convention sont clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent et de modifier les stipulations qu'elle renferme ; que le contrat d'adhésion au système de paiement par carte bancaire n'interdit pas au commerçant d'accepter un paiement fractionné et ne prévoit à ce titre aucune mesure particulière de sécurité ; qu'en retenant que Mme X... n'avait pas respecté les consignes de sécurité définies au contrat en acceptant de voir régler un important volume d'opérations avec un nouveau client au moyen de paiements fractionnés, la cour d'appel a dénaturé le contrat d'adhésion et violé l'article 1134 du code civil ;
4°/ que seule la faute de la victime peut limiter ou exclure son droit à indemnisation ; que le contrat d'adhésion au système de paiement par carte bancaire prévoit que pour toute transaction d'un montant supérieur à 800 euros, la signature du titulaire de la carte doit figurer sur un support en papier ; que Mme X... soutenait que, les paiements intervenant le plus souvent pour un montant de 450 euros, il ne lui incombait pas de procéder à la vérification de signature du titulaire de la carte ; qu'en se bornant à retenir que Mme X... avait commis une faute en ne vérifiant pas l'existence de la signature du titulaire de la carte sur un support papier, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si les paiements étaient intervenus pour un montant supérieur à 800 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil ;
5°/ que la faute de la victime ne peut limiter ou exclure son droit à indemnisation que si elle présente un lien de causalité avec son propre préjudice ; qu'en énonçant que le fait pour Mme X... de ne pas avoir respecté les mesures de sécurité mises à sa charge par le contrat d'adhésion en n'obtenant pas au préalable les bons de commande signés du client, en ne vérifiant pas l'existence de la signature du titulaire de la carte et en acceptant des paiements fractionnés, constituait la cause exclusive de son dommage, là où le respect de ces mesures n'auraient pas permis de déceler la fraude, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
6°/ que la faute de la victime ne la prive de son droit à indemnisation que si elle constitue la cause exclusive du préjudice qu'elle a subi ; qu'en énonçant que le fait pour Mme X... de ne pas avoir respecté les mesures de sécurité mises à sa charge par le contrat d'adhésion, en n'obtenant pas au préalable les bons de commande signés du client, en ne vérifiant pas l'existence de la signature du titulaire de la carte et en acceptant des paiements fractionnés, constituait la cause exclusive de son dommage, là où le manquement de la banque à son devoir de mise en garde ou à son obligation d'information lui a fait perdre une chance d'éviter la fraude et a ainsi concouru à la réalisation de son préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que Mme X... devait être considérée par la caisse comme un cocontractant averti, dès lors qu'elle avait sollicité l'ouverture d'un compte "affaires" réservé aux professionnels et qu'aux termes du contrat d'adhésion, elle avait expressément accepté de se définir comme un professionnel vendant des biens ou des prestations de service, l'arrêt retient que son adhésion au système de paiement à distance marque un objectif de développement de ses ventes, ce que confirment les commandes de son client ivoirien pour lesquelles elle est intervenue comme simple revendeur ; qu'ayant ainsi fait ressortir que Mme X... ne pouvait avoir légitimement ignoré les risques auxquels l'exposait le système de paiement à distance, la cour d'appel, abstraction faite des griefs des troisième, quatrième et cinquième branches qui visent un motif surabondant et du grief de la sixième branche devenu inopérant, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, non fondé en ses deux premières branches, ne peut être accueilli pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Madame X... à payer à la CRCAM PROVENCE ALPES COTE D'AZUR la somme de 35.227,16 euros avec intérêts au taux contractuel jusqu'à parfait paiement au titre du solde débiteur de son compte professionnel et de l'avoir déboutée de ses demandes tendant à voir la responsabilité de la CRCAM PROVENCE ALPES COTE D'AZUR engagée,
AUX MOTIFS QUE « Madame X..., contrairement à ce qu'elle prétend, devait être considérée par la banque comme un cocontractant averti, dès lors qu'elle a sollicité l'ouverture d'un compte « affaires » réservé aux professionnels, qu'aux termes du contrat par lequel elle a adhéré au système de paiement par carte bancaire à distance elle a expressément accepté de se définir comme « tout professionnel vendant des biens ou des prestations de service », que son adhésion audit système marquait un objectif de développement de ses ventes, toutes choses qui, nonobstant son immatriculation professionnelle à la rubrique « Activités artistiques » ne pouvaient que conduire la banque à estimer que l'aspect commercial primait sur son aspect artistique ;
Cette analyse est confirmée par les pièces qu'elle verse aux débats, qui révèlent que les commandes de son client ivoirien, renvoyant précisément à des références figurant de façon systématique sur des factures de son fournisseur (une société Top-Tex), ont concerné sinon exclusivement, du moins en grande partie, non pas des vêtements qu'elle aurait retravaillés en y portant des impressions de peinture, mais directement ceux livrés par ledit fournisseur, au titre desquels elle n'est donc finalement intervenue qu'en qualité de simple revendeur ;
Elle n'est en conséquence pas en droit de faire grief à la banque d'un manquement à une obligation de conseil ou de mise en garde, sachant au surplus, nonobstant la prétendue faute de la banque, que sa propre imprudence, ayant consisté à avoir livré des marchandises sans avoir respecté les consignes de sécurité définies au contrat, à savoir sans obtention préalable des bons de commande (ou factures pro-forma) signés du client et sans vérification de l'existence sur un support papier de la signature du titulaire du ou des cartes utilisées, et encore accepté de voir régler un volume important d'opérations avec un nouveau client, sur une courte période de temps (quelques semaines) au moyen de paiements fractionnés (d'un montant relativement modeste, notamment de 450 euros par rapport à la commande) soit sur une carte, soit sur plusieurs cartes (pratique inusuelle qui devait l'inciter à tester la fiabilité dudit client avant de consentir à s'engager de façon importante), est constitutive d'une faute seule à l'origine de son dommage » ;
ALORS, d'une part, QUE le banquier est tenu à un devoir de mise en garde envers son client professionnel non averti quant aux risques de fraude liés à l'adhésion à un système de paiement à distance par carte bancaire et à la possibilité de débiter d'office ses comptes en cas de contestation par le titulaire de la carte ; qu'en retenant, pour estimer que la banque n'était tenue à aucun devoir de mise en garde à l'égard de Madame X..., que celle-ci était un professionnel averti dès lors qu'elle avait ouvert un compte professionnel pour l'exercice de son activité commerciale, la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir la qualité de personne avertie de Madame X... et a violé l'article 1147 du Code civil ;
ALORS, d'autre part, et à tout le moins, QUE le banquier est tenu à une obligation d'information envers son client professionnel quant aux risques de fraude liés à l'adhésion à un système de paiement à distance par carte bancaire et à la possibilité de débiter d'office ses comptes en cas de contestation par le titulaire de la carte, dès lors que les compétences de celui-ci ne lui permettent pas d'en apprécier la portée ; qu'en retenant, pour estimer que la banque n'était tenue à aucune obligation d'information à l'égard de Madame X..., que celle-ci était un professionnel averti dès lors qu'elle avait ouvert un compte professionnel pour l'exercice de son activité commerciale, la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir les compétences particulières de Madame X... et a violé l'article 1147 du Code civil ;
ALORS, de surcroît, QU'il n'est pas permis au juge, lorsque les termes d'une convention sont clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent et de modifier les stipulations qu'elle renferme ; que le contrat d'adhésion au système de paiement par carte bancaire n'interdit pas au commerçant d'accepter un paiement fractionné et ne prévoit à ce titre aucune mesure particulière de sécurité ; qu'en retenant que Madame X... n'avait pas respecté les consignes de sécurité définies au contrat en acceptant de voir régler un important volume d'opérations avec un nouveau client au moyen de paiements fractionnés, la Cour d'appel a dénaturé le contrat d'adhésion et violé l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, en outre, QUE seule la faute de la victime peut limiter ou exclure son droit à indemnisation ; que le contrat d'adhésion au système de paiement par carte bancaire prévoit que « pour toute transaction d'un montant supérieur à 800 euros, la signature du titulaire de la carte doit figurer sur un support en papier » ; que Madame X... soutenait que, les paiements intervenant le plus souvent pour un montant de 450 euros, il ne lui incombait pas de procéder à la vérification de signature du titulaire de la carte ; qu'en se bornant à retenir que Madame X... avait commis une faute en ne vérifiant pas l'existence de la signature du titulaire de la carte sur un support papier, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si les paiements étaient intervenus pour un montant supérieur à 800 euros, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;
ALORS, encore, et en tout état de cause, QUE la faute de la victime ne peut limiter ou exclure son droit à indemnisation que si elle présente un lien de causalité avec son propre préjudice ; qu'en énonçant que le fait pour Madame X... de ne pas avoir respecté les mesures de sécurité mises à sa charge par le contrat d'adhésion en n'obtenant pas au préalable les bons de commande signés du client, en ne vérifiant pas l'existence de la signature du titulaire de la carte et en acceptant des paiements fractionnés, constituait la cause exclusive de son dommage, là où le respect de ces mesures n'auraient pas permis de déceler la fraude, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
ALORS, enfin, et en toute hypothèse, QUE la faute de la victime ne la prive de son droit à indemnisation que si elle constitue la cause exclusive du préjudice qu'elle a subi ; qu'en énonçant que le fait pour Madame X... de ne pas avoir respecté les mesures de sécurité mises à sa charge par le contrat d'adhésion, en n'obtenant pas au préalable les bons de commande signés du client, en ne vérifiant pas l'existence de la signature du titulaire de la carte et en acceptant des paiements fractionnés, constituait la cause exclusive de son dommage, là où le manquement de la banque à son devoir de mise en garde ou à son obligation d'information lui a fait perdre une chance d'éviter la fraude et a ainsi concouru à la réalisation de son préjudice, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-15080
Date de la décision : 08/06/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 mars 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 jui. 2010, pourvoi n°09-15080


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.15080
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