LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 septembre 2007), que pour financer l'acquisition du fonds de commerce de la société Saver, la Bonnasse Lyonnaise de banque (la banque) a consenti à la société Saint-Joseph diffusion (la société) un prêt de 266 785, 78 euros, dont M. X..., gérant de la société, s'est rendu caution à concurrence de 133 392, 89 euros ; qu'à la suite du redressement judiciaire de la société, la banque a déclaré sa créance puis poursuivi la caution en exécution de ses engagements ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à la condamnation de la banque au paiement de dommages-intérêts venant se compenser avec le montant des sommes réclamées par celle-ci, et de sa demande tendant à juger que l'engagement de caution souscrit par M. Y... était disproportionné par rapport à ses revenus au jour de sa conclusion et de l'avoir condamné à payer à la banque la somme de 173 392, 89 euros avec intérêts conventionnels à compter de la mise en demeure, soit le 5 août 2003, et ce, jusqu'à complet paiement, alors, selon le moyen :
1° / que pour qualifier l'emprunteur d'averti ou de profane, le juge doit se livrer à une analyse in concreto, sans pouvoir déduire cette qualité d'une quelconque présomption ; qu'en déduisant la qualité d'emprunteur averti de M. Y... de ce que, pour le financement de la cession du fonds de commerce, il avait créé une Sarl unipersonnelle Saint-Joseph dont il était l'associé unique et gérant, était compétent en droit des entreprises, pour avoir été notamment délégué général de l'Union pour les entreprises pour la région PACA et que le sérieux de son projet de reprise démontrait ses connaissances, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si M. Y..., qui intervenait dans un secteur d'activité qu'il découvrait au moment de la reprise de la société Saver et qui n'était pas rompu aux opérations techniques de financements, était capable lors de la souscription de l'emprunt et de son engagement de caution, concomittante à la signature de la cession du fonds de commerce, de connaître la portée financière de son engagement au regard de l'opération projetée, alors surtout que la société, société unipersonnelle, n'était alors qu'en formation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2° / que M. Y... faisait valoir dans ses conclusions récapitulatives que la banque, qui avait une parfaite connaissance du fonds de commerce qu'il envisageait de reprendre puisqu'elle en était le banquier depuis 20 ans, ne pouvait ignorer que sa situation structurelle était fragile et qu'elle n'avait pas porté cette information à sa connaissance ; qu'il en déduisait que la banque avait engagé sa responsabilité en ne lui communiquant pas les informations qu'elle détenait sur les risques de l'opération financière, information que lui-même ignorait ; qu'en retenant qu'il n'était pas démontré que la banque ait été en possession d'informations sur l'opération projetée qu'elle aurait dissimulées et que la caution avait une connaissance parfaite de son entreprise, sans rechercher, comme l'y invitait M. Y..., si les informations sur le taux de crédit à la consommation dans le chiffre d'affaires et le taux de sinistre dans ces crédits, qui rendaient la structure de ce chiffre d'affaires fragile, ne lui avaient pas été cachées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
3° / que les juges du fond ne peuvent débouter une partie de ses demandes sans examiner l'ensemble des pièces qui lui sont soumises ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était pas démontré que la banque ait été en possession d'informations sur l'opération projetée qu'elle aurait dissimulées sans énoncer ni même viser les preuves sur lesquelles reposait cette affirmation ni analyser les éléments de preuve contraires, notamment les attestations de MM. Z...et X..., sur lesquelles se fondaient M. Y... pour démontrer qu'à la date de la souscription de l'emprunt et de son engagement en sa qualité de caution, la banque disposait d'informations sur la situation de la société Saver qu'elle ne lui avait pas transmises, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4° / que la caution dirigeante de la société cautionnée qui établit que la banque avait sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'entreprise, des informations qu'elle-même ignorait, est fondée à rechercher la responsabilité de cette banque à raison de la disproportion pouvant exister entre le montant de son engagement et sa capacité financière ; que M. Y... faisait valoir que la banque savait, au vu de son patrimoine et de ses revenus tirés des allocations ASSEDIC, que seuls les revenus tirés de sa nouvelle activité étaient de nature à lui permettre d'assumer son engagement de caution et qu'elle lui avait donc fait souscrire un engagement disproportionné au regard de l'information qu'elle-même détenait sur la fragilité de l'entreprise, dont elle était le banquier, information que M. Y... ignorait ; qu'en se bornant à retenir que M. Y..., gérant de la société qu'il cautionnait, ne démontrait pas que la banque aurait eu sur ses revenus, son patrimoine et sur ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles au regard de l'opération envisagée des informations que lui-même aurait ignorées, sans rechercher si la banque envers laquelle il s'engageait en qualité de caution, n'avait pas eu des informations sur ses capacités de remboursement prévisibles en l'état du succès escompté de l'opération de reprise du fonds, notamment sur la fragilité de la société reprise due à la faiblesse structurelle du chiffre d'affaires, que lui-même aurait ignorées, ce qui rendait son engagement disproportionné, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que M. Y..., gérant et associé fondateur de la société Saint-Joseph, était particulièrement compétent en matière de droit des entreprises, qu'il avait fait effectuer une étude sérieuse et détaillée relative au projet de reprise, qu'il disposait de compétences en matière de diagnostic d'entreprises, stratégie et gestion, ainsi que de connaissances de l'environnement de l'entreprise ; qu'ainsi la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, évoquées aux première et deuxième branches, a caractérisé, sans la présumer, la qualité de caution avertie de M. Y... et retenu qu'il a procédé en toute connaissance à l'acquisition du fonds de commerce et avait sollicité le prêt dont il s'est porté caution ;
Attendu, en second lieu, que la cour d'appel qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle écartait, a retenu qu'il n'était démontré ni que la banque ait été en possession d'informations sur l'opération projetée qu'elle lui aurait dissimulées, ni qu'elle ait eu sur les capacités de remboursement prévisibles en l'état du succès escompté de l'opération de reprise du fonds, des informations que la caution aurait ignorées ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, avocat aux Conseils pour M. Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur Bernard Y... de sa demande tendant à la condamnation de la banque BLB au paiement de dommages et intérêts venant se compenser avec le montant des sommes réclamées par celle-ci, de sa demande tendant à juger que l'engagement de caution souscrit par Monsieur Y... était disproportionné par rapport à ses revenus au jour de sa conclusion et de l'AVOIR condamné à payer à la SA BONNASSE LYONNAISE DE BANQUE la somme de 173. 392, 89 euros avec intérêts conventionnels à compter de la mise en demeure, soit le 5 août 2003, et ce, jusqu'à complet paiement,
AUX MOTIFS QUE « le fonds de commerce a été acquis au prix de 3. 560. 000 francs financé au moyen de deux prêts consentis par la Bonnasse Lyonnaise de Banque et la Banque Populaire Provençale et Corse, à concurrence de 1. 750. 000 francs chacun ; que le prêt, concernant la Bonnasse Banque était remboursable en 6 ans, au taux de 6, 45 %, soit 84 versements de 25. 944, 17 francs ; que l'établissement bancaire a accordé à la société St Joseph, le prêt sollicité, sur la base de documents remis par son gérant, Monsieur Y..., ainsi que cela résulte du dossier de présentation adressé à la banque, destiné à l'acquisition du fonds de commerce dans lequel, Monsieur Y... :- faisait état de ses compétences en matière de diagnostic d'entreprises, stratégie et gestion, de sa connaissance de l'environnement de l'entreprise, de sa bonne culture d'entreprise acquise sur le terrain du conseil et de son parcours professionnel depuis 1997,- joignait le tableau des chiffres d'affaires des 5 dernières années, de l'attestation de son comptable, du compte prévisionnel sur 5 années, des projets de bilan de départ et à 1 an ; qu'il résulte de ces pièces que Monsieur Y..., gérant et associé fondateur de Saint Joseph, était particulièrement compétent en matière du droit des entreprises, pour avoir été notamment délégué général de l'Union pour les Entreprises pour la région PACA, et l'étude sérieuse et détaillée effectuée relative au projet de reprise, démontre ces connaissances ; que ce projet, soumis à la banque, comprenait tous les détails de l'opération projetée et les moyens de mise en oeuvre pour assurer sa parfaite réussite ; que les chiffes d'affaires réalisés étaient élevés (moyenne annuelle de 2. 744. 082, 31 €) et les bénéfices conséquents ; que c'est donc en toute connaissance qu'il a procédé à l'acquisition du fonds de commerce et qu'il a sollicité le prêt ; qu'à ce titre, la banque, n'était redevable d'aucune obligation de conseil ou d'information, et il n'est pas démontré qu'elle ait été en possession d'informations sur l'opération projetée, qu'elle aurait dissimulées ; que, de même, la caution dirigeante avertie est infondée à rechercher la responsabilité du banquier pour soutien abusif, dans la mesure où il est démontré que la caution avait une connaissance parfaite de la situation de son entreprise ;
Sur la disproportion du cautionnement, que Monsieur Y..., gérant de la société cautionnée, ne démontre pas que la banque aurait eu ses revenus, sur son patrimoine et sur ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles au regard de l'opération envisagées, des informations que lui-même aurait ignorées »,
1. / ALORS, D'UNE PART, QUE pour qualifier l'emprunteur d'averti ou de profane, le juge doit se livrer à une analyse in concreto, sans pouvoir déduire cette qualité d'une quelconque présomption ; qu'en déduisant la qualité d'emprunteur averti de Monsieur Y... de ce que, pour le financement de la cession du fonds de commerce, il avait créé une Sari unipersonnelle SAINT JOSEPH, dont il était l'associé unique et gérant, était compétent en droit des entreprises, pour avoir été notamment délégué général de l'Union pour les entreprises pour la région PACA et que le sérieux de son projet de reprise démontrait ses connaissances, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si Monsieur Y..., qui intervenait dans un secteur d'activité qu'il découvrait au moment de la reprise de la SARL SAVER et qui n'était pas rompu aux opérations techniques de financements, était capable lors de la souscription de l'emprunt et de son engagement de caution, concomittante à la signature de la cession du fonds de commerce, de connaître la portée financière de son engagement au regard de l'opération projetée, alors surtout que la société SAINT JOSEPH, société unipersonnelle, n'était alors qu'en formation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2. / ALORS, D'AUTRE PART, QUE Monsieur Y... faisait valoir (conclusions récapitulatives de Monsieur Y... p. 8 et s.) que la banque, qui avait une parfaite connaissance du fonds de commerce qu'il envisageait de reprendre puisqu'elle en était le banquier depuis 20 ans, ne pouvait ignorer que sa situation structurelle était fragile et qu'elle n'avait pas porté cette information à sa connaissance ; qu'il en déduisait que la banque avait engagé sa responsabilité en ne lui communiquant pas les informations qu'elle détenait sur les risques de l'opération financière, information que lui-même ignorait ; qu'en retenant qu'il n'était pas démontré que la banque ait été en possession d'informations sur l'opération projetée qu'elle aurait dissimulées et que la caution avait une connaissance parfaite de son entreprise, sans rechercher, comme l'y invitait Monsieur Y..., si les informations sur le taux de crédit à la consommation dans le chiffre d'affaires et le taux de sinistre dans ces crédits, qui rendaient la structure de ce chiffre d'affaires fragile, ne lui avaient pas été cachées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
3. / ALORS, ENCORE, QUE les juges du fond ne peuvent débouter une partie de ses demandes sans examiner l'ensemble des pièces qui lui sont soumises ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était pas démontré que la banque ait été en possession d'informations sur l'opération projetée qu'elle aurait dissimulées sans énoncer ni même viser les preuves sur lesquelles reposait cette affirmation ni analyser les éléments de preuve contraires, notamment les attestations de Monsieur Michel Z...et de Monsieur Elia X..., sur lesquelles se fondaient Monsieur Y... pour démontrer qu'à la date de la souscription de l'emprunt et de son engagement en sa qualité de caution, la banque disposait d'informations sur la situation de la SARL SAVER qu'elle ne lui avait pas transmises (conclusions récapitulatives d'appel p 11 et s), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4. / ALORS, ENFIN, QUE la caution dirigeante de la société cautionnée qui établit que la banque avait sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'entreprise, des informations qu'elle-même ignorait, est fondée à rechercher la responsabilité de cette banque à raison de la disproportion pouvant exister entre le montant de son engagement et sa capacité financière ; que Monsieur Y... faisait valoir (conclusions récapitulatives p. 13) que la banque BLB savait, au vu de son patrimoine et de ses revenus tirés des allocations ASSEDIC, que seuls les revenus tirés de sa nouvelle activité étaient de nature à lui permettre d'assumer son engagement de caution et qu'elle lui avait donc fait souscrire un engagement disproportionné au regard de l'information qu'elle-même détenait sur la fragilité de l'entreprise, dont elle était le banquier, information que Monsieur Y... ignorait ; qu'en se bornant à retenir que Monsieur Y..., gérant de la société qu'il cautionnait, ne démontrait pas que la banque aurait eu sur ses revenus, son patrimoine et sur ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles au regard de l'opération envisagée des informations que lui-même aurait ignorées, sans rechercher si la banque BLB, envers laquelle il s'engageait en qualité de caution, n'avait pas eu des informations sur ses capacités de remboursement prévisibles en l'état du succès escompté de l'opération de reprise du fonds, notamment sur la fragilité de la société reprise due à la faiblesse structurelle du chiffre d'affaires, que lui-même aurait ignorées, ce qui rendait son engagement disproportionné, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.