LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que l'appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et notamment la similitude des marques et celle des produits ou services couverts et qu'ainsi un faible degré de similitude entre les marques peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les produits ou services couverts et inversement ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société La City, titulaire de la marque City, déposée le 24 novembre 2003 et enregistrée sous le n° 03 3 258 741, pour désigner de nombreux produits en classes 9, 14, 18 et 25 a formé un recours contre la décision par laquelle le directeur de l'INPI a rejeté l'opposition qu'elle avait formée à l'encontre de la demande d'enregistrement n° 07 3 538 388 de la marque City Love, déposée le 20 novembre 2007 pour désigner différents produits des classes 9, 14, 16, 18, 25, 26 et 34 par la société AB création conseil ;
Attendu que pour rejeter le recours formé par la société La City, l'arrêt retient que la marque déposée par cette société est constituée du signe verbal City présenté en lettres majuscules d'imprimerie grasses, droites et noires, que la marque seconde est composée de deux termes, City Love, ce qui lui confère une physionomie propre, que dans le signe second, le vocable Love n'a pas un caractère accessoire et est tout aussi distinctif que le mot City au regard des produits visés au dépôt de la marque ; qu'il retient encore qu'associé à ce terme, il revêt une signification particulière que le consommateur français ayant des notions de base en anglais traduira spontanément par "la ville de l'amour" et que l'ensemble City Love ne renvoie pas à l'univers de la mode et n'apparaîtra pas comme une déclinaison de la marque City aux yeux du consommateur d'attention moyenne qui ne sera pas conduit à confondre les marques en présence ; qu'il en déduit que le risque de confusion n'est pas démontré ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, au vu des seules similitudes et différences relevées entre les signes, sans rechercher si leur faible similitude n'était pas compensée par l'identité ou la similitude des produits couverts, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société La City ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société La City.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours formé par la société LA CITY contre la décision par laquelle le directeur de l'INPI a rejeté l'opposition qu'elle avait formée à l'encontre de la demande d'enregistrement n° 07 3 538 388 de la marque CITY LOVE ;
AUX MOTIFS QUE « le recours formé par la société LA CITY porte sur la seule comparaison des signes en présence qui, selon elle, recèle un risque de confusion (…) ; que la marque seconde contestée n'étant pas la reproduction à l'identique de la marque antérieure, il convient de rechercher s'il existe entre elles un risque de confusion, lequel doit être apprécié globalement en se fondant sur l'impression d'ensemble produite par les deux marques au regard de leurs éléments dominants et distinctifs et en tenant compte des facteurs pertinents du cas d'espèce ; que la marque déposée par la société LA CITY est constituée du signe verbal CITY présenté en lettres majuscules d'imprimerie grasses, droites et noires ; que la marque seconde est composée de deux termes, « CITY LOVE », ce qui lui confère une physionomie propre ; que dans le signe second, le vocable LOVE n'a pas un caractère accessoire et est tout aussi distinctif que le mot CITY au regard des produits visés au dépôt de la marque ; qu'associé à ce terme il revêt une signification particulière que le consommateur français ayant des notions de base en anglais traduira spontanément par « la ville de l'amour » sans relever une erreur de syntaxe consistant dans l'absence du terme « of » ; que l'ensemble CITY LOVE ne renvoye pas à l'univers de la mode et n'apparaîtra pas comme une déclinaison de la marque CITY aux yeux du consommateur d'attention moyenne qui ne sera pas conduit à confondre les marques en présence ; que le risque de confusion allégué par la requérante n'étant pas démontré, le recours de la société LA CITY sera rejeté » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, et notamment de la similitude des signes et des produits et de la connaissance de la marque antérieure sur le marché ; que cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et notamment la similitude des marques et celle des produits couverts ; que l'appréciation de la similitude des signes doit tenir compte, notamment, de la catégorie de produits ou services en cause ; qu'en application du principe d'interdépendance des facteurs, il peut exister un risque de confusion, malgré un faible degré de similitude entre les marques, lorsque la similitude des produits ou services est grande et que le caractère distinctif de la marque antérieure est fort, notamment en raison de la connaissance dont elle bénéficie sur le marché ; qu'en excluant, en l'espèce, tout risque de confusion entre les marques CITY et CITY LOVE sans tenir compte ni de l'identité ou de la similitude des produits couverts par les deux marques, visant toutes deux des articles et accessoires de mode, ni du caractère distinctif élevé de la marque antérieure CITY, invoquée par la société LA CITY, la Cour d'appel, qui n'a pas respecté les critères gouvernant l'appréciation globale du risque de confusion, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 711-4 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, tels qu'ils doivent s'interpréter à la lumière des articles 4 § 1b) et 5 § 1 b) de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (version codifiée) ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les signes en présence, les juges du fond doivent déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et intellectuelle ; qu'en s'abstenant de procéder à tout examen de la similitude phonétique entre les signes en cause, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter à la lumière des anciens articles 4 § 1 b) et 5 § 1 b) de la directive CE 89/104 du 21 décembre 1988, aujourd'hui articles 4 § 1 b) et 5 § 1 b) de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (version codifiée).