LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article R. 13-49, alinéas 2 et 3, du code de l'expropriation ;
Attendu que l'arrêt fixe le montant des indemnités au vu des conclusions déposées le 20 octobre 2008 par le commissaire du gouvernement ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, si ces conclusions avaient été déposées dans le mois de la notification du mémoire de l'appelant intervenue le 28 avril 2008, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le deuxième moyen et les première et cinquième branches du troisième moyen, qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 décembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes (chambre des expropriations) ;
Condamne la société Arcades automobiles aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Arcades automobiles, la condamne à payer à la communauté d'agglomération de Montpellier la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille dix.
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour la communauté d'agglomération de Montpellier
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé à la somme de 1. 830. 350 euros l'indemnité principale d'expropriation due par la Communauté d'agglomération de MONTPELLIER à la société ARCADES AUTOMOBILES SA, en lui allouant au surplus une indemnité de remploi égale à 184. 035 euros outre des indemnités accessoires pour un montant global de 516. 309 euros,
Aux motifs que la SA ARCADES AUTOMOBILES a relevé appel le 11 avril 2008 ; elle a déposé son mémoire d'appelant le 23 avril 2008 (notification régulière le 28) et un mémoire en réplique le 25 septembre 2008 (notifié le même jour) ; la Communauté d'agglomération a déposé son mémoire d'intimé et d'appelant incident le 22 mai 2008 ; le Commissaire du gouvernement a déposé ses conclusions le 20 octobre 2008,
Alors, que le commissaire du gouvernement doit à peine d'irrecevabilité déposer ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le mois de la notification du mémoire de l'appelant ; qu'en se prononçant de la sorte, au vu des conclusions déposées par le Commissaire du gouvernement le 20 octobre 2008, après avoir constaté que la SA ARCADES AUTOMOBILES, appelante, avait déposé son mémoire d'appelant le 23 avril 2008, lequel avait été régulièrement notifié le 28 avril suivant, sans rechercher, d'office, si ces conclusions n'étaient pas tardives, et, partant, irrecevables, eu égard à la date à laquelle le mémoire de l'appelant lui avait été notifié, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R 13-49 alinéa 3 du code de l'expropriation.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé à la somme de 1. 830. 350 euros l'indemnité principale d'expropriation due par la Communauté d'agglomération de MONTPELLIER à la société ARCADES AUTOMOBILES SA, en lui allouant au surplus une indemnité de remploi égale à 184. 035 euros outre des indemnités accessoires pour un montant global de 516. 309 euros,
Aux motifs que la date de référence n'est pas litigieuse, à savoir un an avant l'ouverture de l'enquête d'utilité publique ayant abouti à la déclaration d'utilité publique en date du 10 mai 2004 ; que la mission de la Cour consiste à réparer intégralement le préjudice résultant pour la SA ARCADES AUTOMOBILES de l'expropriation due à la construction du tramway et qui a porté sur deux parcelles louées par cette société,
Alors que les biens expropriés doivent être estimés à la date de la décision de première instance ; qu'il en va de même du préjudice subi par le preneur à bail, y compris lorsque ce préjudice est considéré comme tenant à la disparition du fonds de commerce et est évalué à la valeur de ce fonds ; qu'en s'abstenant de toute précision à cet égard, cependant qu'elle infirmait le jugement entrepris, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 13-15 I du code de l'expropriation.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé à la somme de 1. 830. 350 euros l'indemnité principale d'expropriation due par la Communauté d'agglomération de MONTPELLIER à la société ARCARDES AUTOMOBILES SA en lui allouant au surplus une indemnité de remploi égale à 184. 035 euros outre des indemnités accessoires pour un montant global de 516. 309 euros,
Alors, d'une part, que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation ; qu'en énonçant, après avoir justement relevé qu'il appartenait à la société ARCADES AUTOMOBILES de « démontrer que l'emprise ne lui permettait pas de poursuivre son activité », que « sur ce volet, et tenant les principes constitutionnels qui régissent le droit de l'expropriation, la Société ARCADES AUTOMOBILES peut légitimement revendiquer la capacité bénéficiaire de son outil commercial, et ne saurait se voir imposer une continuité d'activité dans des conditions telles que cette rentabilité en soit définitivement affectée ; et que tel est le cas d'espèce, quelque soit l'approche », quant il lui appartenait de rechercher non pas si la société ARCADES AUTOMOBILES pouvait se voir imposer de continuer à exercer son activité sur place, avec une moindre rentabilité, mais si son fonds de commerce pouvait malgré tout continuer à être exploité sur place, hypothèse dans laquelle, le fonds de commerce n'ayant pas disparu, l'indemnité d'expropriation ne pouvait pas être évaluée à la valeur de ce fonds, la perte de rentabilité ayant en revanche vocation à être indemnisée dans le cadre de la procédure d'expropriation, la Cour d'appel a violé l'article L 13-13 du code de l'expropriation,
alors, de troisième part, qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que les deux entreprises qui s'étaient installées sur place après le départ de la société ARCADES AUTOMOBILES exerçaient exactement la même activité de vente et de réparation automobiles qu'elle n'était pas de nature à établir que l'expropriation n'empêchait pas la société ARCADES AUTOMOBILES de continuer à exploiter son fonds de commerce sur place, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 13-13 du code de l'expropriation,
et alors, enfin, que les parties s'opposaient également au sujet du caractère transférable ou non du fonds de commerce, que le Premier juge avait exclu, après avoir constaté, « Sur l'impossibilité de se réinstaller », que « dès le 2 octobre 2003, la Communauté d'agglomération de MONTPELLIER faisait part à la demanderesse de la disponibilité d'une parcelle de 11. 700 m2 dotée d'une constructibilité de 6. 000 m2 en bordure de la route nationale 113, sur la commune limitrophe du CRES … dans le courrier du 22 mars 2004 est mentionnée la préférence de la SA ARCADES AUTOMOBILES pour un montage en propre ; dans un courrier du 27 juillet 2004, SA ARCADES AUTOMOBILES demandait ainsi de bloquer la parcelle au prix proposé de 180 euros / m2 pour déboucher sur un compromis de vente envisagé en septembre 2004 », état de fait dont il résultait que la société ARCADES AUTOMOBILES avait elle-même dans un premier temps entendu se réinstaller ailleurs ; qu'en s'abstenant de procéder à une telle recherche, après avoir à son tour relevé, dans le même sens, que « force est de constater que c'est la SA ARCADES AUTOMOBILES (courrier du 7 mars 2002 au Maire de Vendargues) qui voulait se relocaliser », constatation dont il s'évinçait, de la même façon, qu'une telle réinstallation était possible, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision d'évaluer l'indemnité d'expropriation à la valeur du fonds de commerce au regard de l'article L 13-13 du code de l'expropriation.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé à la somme de 1. 830. 350 euros l'indemnité principale d'expropriation due par la Communauté d'agglomération de MONTPELLIER à la société ARCADES AUTOMOBILES SA, en lui allouant au surplus une indemnité de remploi égale à 184. 035 euros outre des indemnités accessoires pour un montant global de 516. 309 euros,
Alors qu'en allouant à la société ARCADES AUTOMOBILES une somme de 49. 534 euros représentant « les intérêts sur compte courant », soit les intérêts dus par elle en rémunération des avances en compte courant faites par ses dirigeants, après avoir relevé que c'est en raison des difficultés rencontrées par celle-ci à partir du début de l'année 2005, par suite de la réalisation des travaux de construction du tramway, qui avaient entraîné une détérioration du chiffre d'affaires, que ses dirigeants avaient effectué de telles avances en compte courant, pour une somme de plus de 900. 000 euros, la société ARCADES AUTOMOBILES indiquant en outre elle-même, dans ses écritures d'appel, que « ce sont plus de 900. 000 euros qui ont été injectés dans la trésorerie entre 2006 et 2007 pour faire face aux 861. 500 euros de pertes d'exploitation générées par les travaux de construction de la ligne et pour maintenir l'affaire en vie », ce dont il résulte que ces avances en compte courant étaient sans lien avec l'expropriation, de même, partant, que les intérêts susceptibles d'être payés par la société à ce titre, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L 13-6 et L 13-13 du code de l'expropriation.