LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Bernadette, épouse Y..., partie civile,
- LA MAIF, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 13 mars 2009, qui, dans la procédure suive contre Michel Z... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, 1382 du code civil, 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, ensemble le principe de la réparation intégrale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté intégralement la demande de Bernadette Y... tendant à la condamnation de Michel Z..., tiers responsable, et son assureur à indemniser son préjudice professionnel, après avoir considéré que le préjudice global de Bernadette Y... s'élevait, au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle, à la somme de 70 000 euros et qu'il ne lui revenait aucune somme à ce titre, après déduction des arrérages échus et du capital représentatif de la rente d'invalidité, d'un montant de 74 782,18 euros ;
"aux motifs que, au vu des éléments produits au débat, le préjudice de Bernadette Y... doit être évalué ainsi qu'il suit : que Bernadette Y... produit une attestation de la présidente de l'association, en date du 22 décembre 1997, attestation aux termes de laquelle elle devait être réembauchée à son ancien poste, à compter du 2 février 1998, à un salaire mensuel de 1 318,99 euros ; que, sans mettre en doute cette attestation, comme le sollicite Michel Z..., force est de constater que Bernadette Y... n'exerçait pas d'activité professionnelle à la date de l'accident ; que, dès lors, il ne peut être fait droit à sa demande tendant à voir retenir la perte de gains professionnels actuels tant au titre de l'incapacité temporaire totale que de l'incapacité temporaire partielle sur cette base ; que, par contre, le salaire minimum interprofessionnel de croissance étant actuellement de 1 300 euros et cette somme devant être retenue comme constituant la base de tout calcul pour une personne au foyer à la date de l'accident, dès lors sa perte de gains actuels s'élève, à ce titre, à la somme de 2 107,08 euros, déduction faite des indemnités journalières versées, somme retenue par Bernadette Y... et qui est inférieure au calcul mathématique obtenu ; que, sur les préjudices patrimoniaux permanents, perte de gains professionnels futurs, pour les mêmes raisons, ce poste ne peut être calculé sur la base d'un salaire mensuel que Bernadette Y... ne touchait pas à la date de l'accident ; que, par contre, Bernadette Y... a eu incontestablement un préjudice économique puisque l'expert a précisé que, suite à son accident, elle ne pouvait exercer la fonction d‘éducatrice qu'elle a occupée jusqu'en 1995, sauf dans des conditions aménagées ; qu'elle a été reconnue comme adulte handicapée et reçoit depuis le 13 janvier 2001 une pension d'invalidité à hauteur de 764 euros ; que le revenu annuel de Bernadette Y..., sur la base du salaire minimum interprofessionnel de croissance, s'élève à la somme de 15 600 euros ; que sa pension d'invalidité s'élève à la somme annuelle de 9 168 euros ; que la différence s'établit donc à la somme de 6 432 euros ; qu'en prenant le taux de 7 602 sa perte est de 48 896,06 euros ; qu'il convient, par voie de conséquence, de retenir la somme de 55 000 euros proposée par Michel Z... ; que, sur l'incidence professionnelle, l'accident a eu une incidence professionnelle incontestable puisque Bernadette Y... n'a pu envisager de reprendre son ancienne activité ; qu'au vu de cette incidence qui reste présente, Bernadette Y... n'ayant pas atteint l'âge de la retraite, ce préjudice sera réparé par la somme de 15 000 euros ; que le préjudice global de Bernadette Y... s'élève, au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle, à la somme de 70 000 euros ; que Bernadette Y... ayant perçu la somme de 74 782,18 euros au titre des arrérages échus et du capital représentatif de la rente d'invalidité, il ne lui reviendra aucune somme à ce titre ;
"1°) alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour la victime ; que, par suite, le préjudice professionnel sujet à indemnisation correspond, d'une part, à la perte de gains professionnels à hauteur des sommes que la victime aurait pu percevoir, si elle n'avait pas été victime de l'infraction, d'autre part, à l'ensemble de l'incidence professionnelle préjudiciable de l'infraction ; qu'en l'espèce, pour évaluer l'indemnité réparant le préjudice professionnel de Bernadette Y..., la cour d'appel a déduit du revenu annuel que celle-ci aurait pu percevoir, si elle n'avait pas eu d'accident, la pension d'invalidité servie annuellement par la caisse de sécurité sociale ; qu'après capitalisation et prise en compte de l'incidence professionnelle, elle a déduit à nouveau de la somme globale ainsi obtenue le montant des arrérages et du capital représentatif de la pension d'invalidité servie par la caisse de sécurité sociale ; que la cour d'appel ne pouvait pourtant, sauf à violer les textes visés au moyen et le principe de la réparation intégrale, déduire ainsi deux fois le montant de la pension d'invalidité servie par la caisse de sécurité sociale de l'indemnité correspondant au préjudice professionnel subi par la victime et priver, en conséquence, la demanderesse de l'indemnisation complémentaire de son préjudice professionnel par le tiers responsable et son assureur, à laquelle elle avait droit ;
"2°) alors que les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices pris en charge par les prestations servies par ces organismes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait dès lors, sans méconnaître ce principe et porter atteinte au droit à réparation de la victime de l'infraction, imputer sur le préjudice professionnel permanent les arrérages échus de la rente d'invalidité servis avant la consolidation, quand ces prestations ne tendaient pas à indemniser les pertes de gains professionnels subies par la victime après consolidation, de sorte qu'elles ne pouvaient s'imputer sur ce poste de préjudice ;
"3°) alors qu'à tout le moins, la cour d'appel ne pouvait, sauf à priver sa décision de base légale, imputer les arrérages de la rente échus avant la consolidation sur le préjudice professionnel permanent de Bernadette Y... subi après la consolidation, sans caractériser en quoi ces prestations indemnisaient un tel préjudice subi après consolidation" ;
Vu les articles 1382 du code civil, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que le préjudice résultant de l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, qui sert de limite au remboursement des prestations versées par les tiers payeurs, doit être apprécié en tous ses éléments, même s'il est en tout ou partie réparé par le service de ces prestations ;
Attendu qu'appelée à statuer sur les conséquences dommageables d'un accident de la circulation, dont Bernadette Y... a été victime et dont Michel Z..., reconnu coupable de blessures involontaires, a été déclaré tenu à réparation intégrale, la juridiction du second degré était saisie de conclusions de la partie civile tendant à obtenir l'indemnisation de ses préjudices patrimoniaux permanents, soumis à recours subrogatoire ;
Attendu que, pour dire qu'il ne reviendra aucune somme à ce titre à la victime, l'arrêt attaqué, après avoir déterminé les pertes de gains professionnels futurs qu'elle subira en déduisant la pension d'invalidité que lui sert la sécurité sociale des revenus qu'elle perçoit depuis la date de sa consolidation, retient que les arrérages échus et le capital représentatif de cette pension excèdent le montant des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 13 mars 2009, en ses seules dispositions relatives à la réparation des pertes de gains et de l'incidence professionnelle, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 500 euros la somme que Michel Z... devra payer à Bernadette Y... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Radenne conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;