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12/05/2010 | FRANCE | N°09-40910

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 mai 2010, 09-40910


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 19 décembre 2008), que M. X..., engagé le 1er mars 1973 par la Société européenne de travaux ferroviaires (ETF), et en dernier lieu conducteur d'engin principal, a été licencié le 14 novembre 2005 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;
Attendu que la société ETF fait grief à l'arrêt de dire que l'inaptitude médicale de M. X... était la conséquence d'un harcèlement moral, en conséquence de prononcer la nullité du licenci

ement et de la condamner à payer diverses indemnités, alors, selon le moyen :
1°/...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 19 décembre 2008), que M. X..., engagé le 1er mars 1973 par la Société européenne de travaux ferroviaires (ETF), et en dernier lieu conducteur d'engin principal, a été licencié le 14 novembre 2005 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;
Attendu que la société ETF fait grief à l'arrêt de dire que l'inaptitude médicale de M. X... était la conséquence d'un harcèlement moral, en conséquence de prononcer la nullité du licenciement et de la condamner à payer diverses indemnités, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il incombe au salarié, qui ne peut se constituer une preuve à lui-même, d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la partie défenderesse devant seulement, au vu de ces éléments, prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement ; que pour conclure à l'existence du harcèlement moral allégué par M. X..., la cour d'appel s'est fondée sur une lettre émanant de l'intéressé lui-même, adressée à la société ETF, alléguant un harcèlement moral dont il ferait l'objet ; qu'en se fondant sur un élément probatoire émanant de l'intéressé lui-même, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé, privant son arrêt de base légale au regard des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail ;
2°/ qu'en prenant en considération le contenu d'une lettre anonyme, non datée, adressée par une personne se prétendant collègue de travail de M. X..., et faisant état des préférences équines de ce dernier, la cour d'appel, en se fondant sur cet élément isolé et insuffisant à lui seul, en l'absence de répétition, à établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail ;
3°/ que seuls les témoignages directs relatant des faits personnellement constatés par leur auteur sont admissibles aux débats ; qu'en se fondant sur les observations du médecin traitant de M. X..., relatant ses affirmations, qu'il ne pouvait pourtant contrôler, la cour d'appel a méconnu la règle susvisée et privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté que le salarié avait dénoncé, dans une lettre adressée à l'employeur, des faits de harcèlement dont il affirmait être victime, qu'il avait reçu un billet anonyme au contenu odieux et que l'altération de son état de santé avait nécessité deux arrêts de travail, a pu décider que l'ensemble de ces éléments permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, de sorte qu'ayant constaté que l'employeur ne produisait aucun élément établissant que le harcèlement n'était pas constitué, elle a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société européenne de travaux ferroviaires aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société européenne de travaux ferroviaires à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Brouchot, avocat aux Conseils pour la Société européenne de travaux ferroviaires.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que l'inaptitude médicale de Monsieur X... était la conséquence du harcèlement moral dont il aurait été victime et d'AVOIR, en conséquence, prononcé la nullité du licenciement qui en a été la suite et condamné son employeur, la Société E.T.F., à lui verser diverses indemnités subséquentes ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... verse en premier lieu aux débats deux avis d'arrêt de travail établis par son médecin traitant les 21 décembre 2004 et 4 décembre 2005 énonçant : « Problème dépressif : harcèlement au travail » , un certificat d'un médecin psychiatre en date du 6 septembre 2005 détaillant de même une absence d'amélioration de l'état psychique de Monsieur X... avec une situation de stress et des idées d'autolyse à la reprise du travail et enfin un certificat récapitulatif de son médecin traitant en date du 12 juin 2008 rappelant de façon détaillée le problème de santé présenté par Monsieur X... par rapport à son travail en raison d'une situation de harcèlement moral et psychologique ; que si ces éléments médicaux font apparaître l'intensité de la souffrance mentale de Monsieur X..., ils ne peuvent à eux seuls établir l'existence de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement, dans la mesure où les praticiens ne disposent pas de la faculté de contrôler personnellement les dires de leur patient ; que toutefois, Monsieur X... produit en second lieu la copie d'un courrier adressé par lui en recommandé avec avis de réception à son employeur le 19 juillet 2004, en réponse à une lettre de celui-ci du 9 juillet précédent faisant état d'une situation d'absence autorisée non payée depuis le 7 juin et non autorisée et non payée à compter du 1er juillet 2004 ; que dans ce courrier, Monsieur X... écrit : « Je viens donc, comme vous me le demandez, expliquer les causes et les conditions qui justifient mon absence depuis le 07.06.04. Je suis dans l'obligation de rappeler le harcèlement depuis plusieurs mois dont j'ai été l'objet de la part de certaines personnes, sans que je sache quelles étaient les raisons de tant de haine et tellement de méchanceté de leur part. Malgré ma volonté à essayer de garder un bon état d'esprit au sein de l'équipage, j'ai fait part de mon inquiétude et mon désarroi de cette situation à mon chef de machine Monsieur Z... qui m'a conseillé d'aviser mon chef d'agence, ce que j'ai fait. Confronté à ce problème que je considère très, très grave pour ce qui concerne ma santé, j'ai préféré demander à mon chef d'agence la possibilité de m'absenter le temps nécessaire en vue de la recherche d'un emploi. Avec son accord j'ai pris plusieurs semaines de RTT et il m'a conseillé de prendre mes congés annuels en suivant. De ce fait je n'ai pas vu la nécessité de faire un arrêt maladie pour me justifier. Je sais bien que cette situation ne peut pas durer indéfiniment et c'est pour cette raison que je continue à rechercher un emploi chez moi » ; qu'il n'est pas établi ni même allégué par la SA E.T.F. que celle-ci ait alors entrepris des investigations afin de vérifier les dires de Monsieur X... sur l'existence de comportements de harcèlement qui le conduisaient à vouloir quitter la société après plus de 30 ans de travail en son sein ; que Monsieur X... produit en troisième lieu un courrier anonyme auquel est jointe la photographie d'un cheval découpée sur un quotidien, ainsi rédigé : « A l'attention de Monsieur X... Jean-Claude. Cher collègue, Lors d'une conversation, vous m'aviez fait part de votre intérêt pour les chevaux et surtout pour les juments. Or, il se trouve que récemment, ayant toujours en mémoire votre enthousiasme pour une jument du nom de « Fan Idole » j'ai découvert cet article dans un journal local accompagné d'une photo de votre idole. Je me permets donc de vous expédier, ainsi vous pourrez peut-être la faire encadrer et la poser sur votre chevet à la place de la photo de votre femme car si mes souvenirs sont exacts ce jour-Ià, vous m'aviez confié que votre préférence allait plutôt vers la jument, votre femme arrivant en seconde position. Amicalement Le roi des Bourrins » ; que le ton odieux de ce document vient confirmer l'intensité des agissements révélés par Monsieur X... à son employeur puis confiés par lui à son médecin traitant et au médecin psychiatre ; qu'à cet égard, le certificat récapitulatif du médecin traitant en date du 12 juin 2008 énonce que Monsieur X... a fait état auprès de lui de problèmes de relations humaines par rapport au chef du personnel, d'un conflit par rapport à son chef de machine et du harcèlement et d'un grave conflit avec son chef d'équipe ; que ces différents éléments s'analysent en un faisceau d'indices conduisant à considérer que Monsieur X... établit des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'au regard de cette situation, la SA E.T.F. se contente de contester les faits ainsi invoqués, sans produire aucun élément tel que des attestations des personnes visées par Monsieur X... ou d'autres collègues de travail, alors que pour sa part elle est demeurée inactive à réception du courrier du salarié du 19 juillet 2004 dénonçant l'existence du harcèlement moral dont il était victime ; qu'il apparaît en conséquence, au regard des règles de preuve applicables, que la situation de harcèlement moral dont fait état Monsieur X... est suffisamment établie ; que dans son certificat établi le 6 septembre 2005, le Docteur A..., médecin psychiatre, considère que la reprise du travail n'est plus envisageable et envisage que le médecin du travail déclare le salarié inapte à tout travail dans l'entreprise ; que le Docteur B..., médecin traitant fait état pour sa part d'une conversation avec le médecin du travail le 14 octobre 2005 au cours de laquelle il a précisé la cause des arrêts de travail subis par Monsieur X..., l'avis d'inaptitude a suivi de quelques jours cet entretien entre les deux praticiens ; qu'il est ainsi établi que l'inaptitude médicale de Monsieur X... est la conséquence des faits de harcèlement moral subis par lui au sein de l'entreprise ; que de plus, alors qu'il est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en vue de la préservation de la santé de ses salariés, l'employeur n'a en l'espèce pris aucune mesure afin de vérifier les dires de Monsieur X... dans son courrier du 19 juillet 2004 dans lequel il faisait état de façon explicite du harcèlement moral dont il était l'objet, pas plus que le supérieur hiérarchique, précédemment informé de ces faits par Monsieur X..., n'avait lui-même réagi ; que Monsieur X... est en conséquence fondé à soutenir que l'inaptitude médicale ayant entraîné son licenciement est la conséquence du harcèlement moral dont il a été l'objet ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il incombe au salarié, qui ne peut se constituer une preuve à lui-même, d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la partie défenderesse devant seulement, au vu de ces éléments, prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement ; que pour conclure à l'existence du harcèlement moral allégué par Monsieur X..., la Cour d'appel s'est fondée sur une lettre émanant de l'intéressé lui-même, adressée à la Société E.T.F., alléguant un harcèlement moral dont il ferait l'objet ; qu'en se fondant sur un élément probatoire émanant de l'intéressé lui-même, la Cour d'appel a méconnu le principe susvisé, privant son arrêt de base légale au regard des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1154-1 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en prenant en considération le contenu d'une lettre anonyme, non datée, adressée par une personne se prétendant collègue de travail de Monsieur X..., et faisant état des préférences équines de ce dernier, la Cour d'appel, en se fondant sur cet élément isolé et insuffisant à lui seul, en l'absence de répétition, à établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1154-1 du Code du travail ;
ALORS, ENFIN, QUE seuls les témoignages directs relatant des faits personnellement constatés par leur auteur sont admissibles aux débats ; qu'en se fondant sur les observations du médecin traitant de Monsieur X..., relatant ses affirmations, qu'il ne pouvait pourtant contrôler, la Cour d'appel a méconnu la règle susvisée et privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1154-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-40910
Date de la décision : 12/05/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 19 décembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 mai. 2010, pourvoi n°09-40910


Composition du Tribunal
Président : M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Brouchot, Me Hémery

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.40910
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