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12/05/2010 | FRANCE | N°09-40071

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 mai 2010, 09-40071


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 13 novembre 2008), qu'engagé le 8 octobre 2001 en qualité de chef de service de la pharmacie du centre de dialyse géré par l'association Saint-Jean le Baptiste, M. X... a été licencié le 17 mars 2006 pour faute grave, pour avoir méconnu entre le 1er septembre et le 24 octobre 2005 l'obligation de tenue du registre prévu à l'article R. 5132-9 du code de la santé publique ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre nota

mment de la rupture de son contrat de travail ;
Attendu que le salarié...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 13 novembre 2008), qu'engagé le 8 octobre 2001 en qualité de chef de service de la pharmacie du centre de dialyse géré par l'association Saint-Jean le Baptiste, M. X... a été licencié le 17 mars 2006 pour faute grave, pour avoir méconnu entre le 1er septembre et le 24 octobre 2005 l'obligation de tenue du registre prévu à l'article R. 5132-9 du code de la santé publique ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre notamment de la rupture de son contrat de travail ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de juger son licenciement fondé sur une faute grave, alors selon le moyen :
1°/ que l'article R. 5132-9 du code de la santé publique, qui impose la retranscription sur un registre spécial des ordonnances de médicaments soumis à la réglementation des substances vénéneuses, n'a vocation à s'appliquer qu'aux officines, à l'exclusion des pharmacies à usage intérieur ; qu'en affirmant que « cet article vise bien les obligations générales relatives à la distribution de certains médicaments quels qu'en soient les dispensateurs » pour estimer que la non-tenue d'un registre ordonnancier entre septembre et octobre 2005 par M. X... justifiait son licenciement disciplinaire, la cour d'appel de Pau a méconnu les dispositions de cet article, ainsi que celles de l'article R. 5132-42 du code de la santé publique et de l'arrêté du 31 mars 1999 «relatif à la prescription, à la dispensation et à l'administration des médicaments soumis à la réglementation des substances vénéneuses dans (…) les établissements médico-sociaux disposant d'une pharmacie à usage intérieur ;
2°/ qu'en se fondant sur l'état récapitulatif des médicaments sortis de la dotation d'urgence, tel qu'exigé dans les pharmacies à usage intérieur par l'article 13 de l'arrêté du 31 mars 1999, pour affirmer qu'« aucun texte ne vient exempter le pharmacien assurant la gérance d'une pharmacie à usage interne de la tenue des registres en matière de délivrance de certains médicaments en particulier de ceux relevant des listes I et II» alors que le document prévu par cet article s'avère différent dans sa forme et sa finalité du registre ordonnancier prévu aux articles R. 5132-9 et R. 5125-45 du code de la santé publique, la cour d'appel de Pau a violé l'article 13 de l'arrêté du 31 mars 1999 ;
3°/ qu'en tout état de cause, la faute grave s'apprécie in concreto en fonction du contexte et des circonstances de l'espèce; qu'en retenant l'existence d'une faute grave à la charge de M. X... au seul motif général et abstrait que « le défaut de tenue du registre constitue une faute grave», sans cependant apprécier la gravité de ce manquement au regard des circonstances propres à l'espèce, la cour d'appel de Pau a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
4°/ qu'en tout état de cause, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en se bornant à affirmer que «le défaut de tenue du registre constitue une faute grave», sans cependant caractériser l'impossibilité pour l'association de maintenir M. X... dans le centre de dialyse pendant la durée de son préavis, la cour d'appel de Pau a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
5°/ qu'en tout état de cause, M. X... a constaté, au sein de ses conclusions d'appel, qu'il «n'a jamais fait l'objet du moindre reproche avant son licenciement pour faute grave contrairement à ce que prétend l'employeur (…) et que l'employeur, sans mis à pied conservatoire préalable… a convoqué le 14 février 2006 le salarié à un entretien préalable pour des faits qu'il avait découverts le … 26 janvier 2006… et il attendra encore le 17 mars 2006, après un nouvel entretien fixé au 28 février 2006 pour le licencier … ! La longueur de ces délais est incompatible avec la faute grave» ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs péremptoires des conclusions dont il résultait que le manquement reproché à M. X... ne pouvait, en raison de son caractère isolé et du temps écoulé pour notifier le licenciement, être qualifié de faute grave, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que le salarié avait la responsabilité de l'exécution des prescriptions médicales, la dispensation, le contrôle des médicaments et autres produits et articles du monopole pharmaceutique et que le centre de dialyse utilisait des produits réglementés comme l'érythropoïetine relevant de la liste I, la cour d'appel a retenu à bon droit, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, que les dispositions de l'arrêté du 31 mars 1999 relatif à la prescription, à la dispensation et à l'administration des médicaments soumis à la réglementation des substances vénéneuses dans les établissements de santé, les syndicats interhospitaliers et les établissements médicaux-sociaux disposant d'une pharmacie à usage intérieur mentionnés à l'article L. 595-1 du code de la santé publique ne dispensent pas le pharmacien gérant une telle pharmacie de l'obligation prévue par l'article R. 5132-9 du code de la santé publique de transcrire sur un registre ou d'enregistrer immédiatement les ordonnances ou commandes comportant des médicaments relevant des listes I et II et des médicaments stupéfiants ; qu'elle a pu décider, sans méconnaître les exigences de l'article 455 du code de procédure civile, que le défaut de tenue d'un tel registre constituait une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que le moyen ne peut être admis ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le licenciement pour faute grave de Monsieur X... était justifié et d'avoir, en conséquence, débouté le salarié de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE le contrat de travail de Monsieur Antoine X... prévoit que le contrat de gérance signé le 5 octobre 2001 fixe les modalités d'exercice de son emploi, ce dernier précise dans son article 6 qu'il assure ou fait assurer sous sa responsabilité l'exécution des prescriptions médicales, la dispensation, le contrôle des médicaments et autres produits et articles du monopole pharmaceutique, la garde des produits toxiques et la comptabilité prévue par la règlementation des substances vénéneuses ; que l'article R 5104-20 du Code de la santé publique prévoit que les pharmacies à usage intérieur fonctionnent conformément aux bonnes pratiques des pharmacies hospitalières dont les principes sont fixés par arrêté du ministère de la santé ; que l'arrêté du 22 juin 2001 pris au vu de l'article R 5104-20 du Code de la santé publique énonce : « les règles auxquelles doivent se conformer les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé … sont énoncées dans les bonnes pratiques de pharmacie hospitalière annexées au présent arrêté » ; que ce document de 53 pages rappelle que le pharmacien assurant la gérance est responsable du système qualité des activités de la pharmacie à usage interne, que par ailleurs la pharmacie comprend des espaces réservés spécifiques adaptés à l'archivage garantissant la confidentialité et la conservation des données selon la règlementation en vigueur ; qu'il y est précisé à l'article 1-3-1 que les documents se présentent en fonction des textes réglementaires en vigueur sur tout support approprié ; or, aucun texte ne vient exempter le pharmacien assurant la gérance d'une pharmacie à usage interne de la tenue des registres en matière de délivrance de certains médicaments en particulier ceux relevant des listes I et II puisque tout au contraire, l'arrêté du 31 mars 1999 relatif à la dispensation, à l'administration des médicaments soumis à la règlementation des substances vénéneuses dans les établissements disposant d'une pharmacie à usage intérieur dispose, dans son article 13, que le renouvellement de la dotation pour les besoins urgents ne peut être effectué que sur présentation des doubles de documents de prescription accompagnés d'un état récapitulatif établi selon le modèle ci-dessous et signé par le responsable de l'unité de soins ; que la seule conservation des prescriptions n'est donc pas suffisante ; que le modèle évoqué par l'article 13 de cet arrêté correspond au registre tenu par Monsieur Antoine X... jusqu'au 1er septembre 2005 ; qu'enfin, la nouvelle partie règlementaire du Code de la santé publique au titre des dispositions communes codifiées sous les articles R 5132-1 et suivants précise que les dispositions de la présente section s'appliquent aux médicaments mentionnés à l'article L 5111-1 suit une liste de produits et l'article R 5132-9 résultant de l'article 12 du décret du 20 juillet 2005 est ainsi rédigé : « les personnes habilitées à exécuter les ordonnances ou les commandes comportant des médicaments ou des préparations relevant de la présente section les transcrivent aussitôt à la suite, sans blanc, rature ni surcharge, sur un registre prévu… » ; qu'en conséquence, cet article vise bien les obligations générales relatives à la distribution de certains médicaments quels qu'en soient les dispensateurs ; qu'enfin, l'Association SAINT JEAN LE BAPTISTE produit au dossier le nouveau registre ouvert par Madame Y... le 8 février 2006 signé du commissaire de police qui retranscrit l'article R 5198 « les personnes habilitées à exécuter les ordonnances ou les commandes comportant des médicaments… » ; qu'il n'est pas contesté en l'espèce que l'Association SAINT JEAN LE BAPTISTE utilise des produits faisant partie des produits spécialement règlementés comme l'EPO qui figure sur la liste I, que le rapport d'inspection du 10 mai 2006 rédigé par le pharmacien inspecteur de la santé publique dans sa remarque 30 mentionne « les dotations des services doivent être formalisées et comprendre la liste qualitative et quantitative conforme aux spécifications des articles 12 et 13 de l'arrêté du 31 mars 1999 » ; que Monsieur Antoine X... ne peut prétendre enfin que le manuel assurance qualité mis en place au sein de l'établissement l'exemptait de tenir le registre faute d'évoquer la tenue de l'ordonnancier, puisque ce manuel a pour objet de définir les protocoles de commandes, de réception, de sortie, de prescription des produits en salle de soins et non les obligations du pharmacien à l'égard de la règlementation applicable ; que dès lors, le défaut de tenue du registre constitue une faute grave qui justifie le licenciement et la réformation du jugement de première instance sur la qualification du licenciement et ses conséquences financières sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs plus anciens reprochés à Monsieur Antoine X... ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE l'article R 5132-9 du Code de la santé publique, qui impose la retranscription sur un registre spécial des ordonnances de médicaments soumis à la réglementation des substances vénéneuses, n'a vocation à s'appliquer qu'aux officines, à l'exclusion des pharmacies à usage intérieur ; qu'en affirmant que « cet article vise bien les obligations générales relatives à la distribution de certains médicaments quels qu'en soient les dispensateurs » pour estimer que la non-tenue d'un registre ordonnancier entre septembre et octobre 2005 par Monsieur X... justifiait son licenciement disciplinaire, la Cour d'appel de Pau a méconnu les dispositions de cet article, ainsi que celles de l'article R 5132-42 du Code de la santé publique et de l'arrêté du 31 mars 1999 « relatif à la prescription, à la dispensation et à l'administration des médicaments soumis à la réglementation des substances vénéneuses dans (…) les établissements médico-sociaux disposant d'une pharmacie à usage intérieur ».
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU'en se fondant sur l'état récapitulatif des médicaments sortis de la dotation d'urgence, tel qu'exigé dans les pharmacies à usage intérieur par l'article 13 de l'arrêté du 31 mars 1999, pour affirmer qu'« aucun texte ne vient exempter le pharmacien assurant la gérance d'une pharmacie à usage interne de la tenue des registres en matière de délivrance de certains médicaments en particulier de ceux relevant des listes I et II » alors que le document prévu par cet article s'avère différent dans sa forme et sa finalité du registre ordonnancier prévu aux articles R 5132-9 et R5125-45 du Code de la santé publique, la Cour d'appel de Pau a violé l'article 13 de l'arrêté du 31 mars 1999.
ALORS, EN TROISIEME LIEU et en tout état de cause, QUE la faute grave s'apprécie in concreto en fonction du contexte et des circonstances de l'espèce; qu'en retenant l'existence d'une faute grave à la charge de Monsieur X... au seul motif général et abstrait que « le défaut de tenue du registre constitue une faute grave », sans cependant apprécier la gravité de ce manquement au regard des circonstances propres à l'espèce, la Cour d'appel de Pau a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9 du Code du travail.
ALORS, EN QUATRIEME LIEU et en tout état de cause, QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en se bornant à affirmer que « le défaut de tenue du registre constitue une faute grave », sans cependant caractériser l'impossibilité pour l'association de maintenir Monsieur X... dans le centre de dialyse pendant la durée de son préavis, la Cour d'appel de Pau a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9 du Code du travail.
ALORS, EN CINQUIEME LIEU et en tout état de cause, QUE Monsieur X... a constaté, au sein de ses conclusions d'appel, qu'il « n'a jamais fait l'objet du moindre reproche avant son licenciement pour faute grave contrairement à ce que prétend l'employeur (…) et que l'employeur, sans mis à pied conservatoire préalable… a convoqué le 14 février 2006 le salarié à un entretien préalable pour des faits qu'il avait découverts le … 26 janvier 2006…et il attendra encore le 17 mars 2006, après un nouvel entretien fixé au 28 février 2006 pour le licencier … ! La longueur de ces délais est incompatible avec la faute grave » (pages 8 et 9) ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs péremptoires des conclusions dont il résultait que le manquement reproché à Monsieur X... ne pouvait, en raison de son caractère isolé et du temps écoulé pour notifier le licenciement, être qualifié de faute grave, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-40071
Date de la décision : 12/05/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 13 novembre 2008, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 13 novembre 2008, 07/00941

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 13 novembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 mai. 2010, pourvoi n°09-40071


Composition du Tribunal
Président : M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.40071
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