LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile et l'article 1259 du même code dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2008-1276 du 5 décembre 2008 ;
Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement ; que cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce présentée au juge ;
Attendu que le jugement attaqué, statuant sur le recours de Mme X... contre la décision du juge des tutelles ayant prononcé sa mise sous tutelle et désigné l'UDAF de la Moselle en qualité de tuteur, a été rendu sans que soit établi que les parties aient été avisées de la possibilité de consulter le dossier au greffe ; que Mme X..., qui n'était pas assistée lors de l'audience, a été privée de la possibilité de consulter et discuter les pièces présentées au juge, notamment les conclusions du rapport d'expertise ; que la procédure suivie ayant été dépourvue de caractère contradictoire, le tribunal de grande instance a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 29 janvier 2008, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Metz, autrement composé ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir rejeté le recours formé par Madame Wanda X... contre le jugement du tribunal de grande instance de BOULAY ayant prononcé sa mise sous tutelle ;
AUX MOTIFS ADOPTES QU'«il est établi par l'ensemble du dossier et plus spécialement par les éléments médicaux que Mme Wanda X... présente une altération de ses facultés personnelles et qu'elle a, de ce fait, besoin d'être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile ; qu'en effet, selon le certificat médical détaillé du docteur Y..., psychiatre, Mme X... présente un discours confus, mêlant passé et présent et un jugement perturbé par une exaltation permanente évoquant une hypomanie ; que, d'autre part, le médecin relève l'impossibilité pour Mme X... de vivre seule dans son appartement au risque de mettre sa vie en péril en raison des éléments susmentionnés, qui affectent ses capacités de jugement (…)» ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE «malgré ses affirmations sur la qualité de son organisation matérielle depuis sont retour de la maison de retraite et sa capacité à discuter et à répondre de manière appropriée aux questions qui lui sont posées, Madame X... Wanda, qui conteste les termes de l'expertise du docteur Y... en date du 15 mars 2007, s'est opposée à toutes vérification sur sa situation matérielle et patrimoniale depuis sont retour à domicile et ne manifeste à l'audience qu'une connaissance lacunaire de la consistance de son patrimoine ; que l'ignorance, lors de l'audition devant le juge des tutelles, de l'adresse du neveu dont elle se déclare pourtant proche, son état d'exaltation qu'elle assimile à de l'agilité intellectuelle et l'indétermination des voisins dont elle attend le soutien caractérisent une conjonction de faits et d'état mental conduisant à juger que Madame X... Wanda présente une altération de ses facultés mentales justifiant au regard de son patrimoine à protéger et de sa vulnérabilité l'ouverture d'une mesure de protection ; qu'il ressort de l'expertise médicale et du certificat du Dr Z... la nécessité d'une représentation continue dans les actes de la vie civile et en l'absence d'un rapport de l'UDAF permettant de contredire ces éléments par la démonstration de la mise en place d'une organisation pérenne et sure dans les conditions de vie de Madame X... Wanda, il convient de confirmer le jugement prononçant une mesure de tutelle conformément à l'article 492 du Code civil» ;
ALORS QUE D'UNE PART toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et contradictoirement ; que cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce ou observation présentée au juge en vue d'influencer sa décision ; qu'en l'espèce le jugement ordonnant la mise sous tutelle de Madame X... a été rendu au vu d'une expertise médicale sans qu'il ressorte du dossier que les parties aient été avisées de la possibilité de consulter le dossier au greffe, Madame X... ayant ainsi été privée de la faculté de connaître et de discuter les conclusions de l'expert ; qu'en statuant comme il l'a fait cependant que la procédure suivie ne présentait pas le caractère contradictoire requis, le tribunal a violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 16 et 1259 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE D'AUTRE PART en se fondant sur l'expertise médicale établie par le Docteur Y... sans fournir la moindre explication quant aux motifs du recours par lesquels Madame X... contestait, dans des termes particulièrement clairs, les conditions dans lesquelles était intervenu le docteur Y... en faisant valoir que ce médecin «a établi un certificat médical après qu'il se fut introduit dans la chambre (qu'elle) occupait à la maison de retrait du Hêtre Pourpre à Hombourg Haut, sans avoir pris rendez-vous, sans en informer la Direction et sans (lui) indiquer clairement la nature de sa mission» et qu'en conséquence, Madame X... n'avait pas eu le temps «vu la brièveté de son passage, de comprendre les raisons qui poussaient cet individu (qu'elle) ne connaissait pas à (lui) poser des questions très personnelles auxquelles (elle) ne voyait pas l'utilité de répondre», le tribunal a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QU'EN OUTRE les juges du fond ne peuvent déclarer un fait établi sans analyser, fût-ce succinctement, les éléments au vu desquels ils forment leur conviction ; qu'en relevant en l'espèce qu'il ressortait du certificat du Dr Z... la nécessité, pour Madame X..., d'une représentation continue dans les actes de la vie civile sans procéder à aucune analyse, même sommaire, du contenu de ce document, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 455 du Code de procédure civile,
ALORS QU'ENFIN Madame X... produisait, à l'appui de son recours, une attestation bancaire précisant que son compte fonctionnait de manière tout à fait normale depuis 1973 ainsi qu'une attestation du docteur A..., psychiatre, conseillant, après examen de l'exposante, d'alléger la mesure de tutelle en curatelle simple ; qu'en s'abstenant purement et simplement de s'expliquer sur ces éléments pourtant décisifs, le tribunal a une nouvelle fois privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.