LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 121-12 du code des assurances ;
Attendu qu'il résulte du premier alinéa de ce texte, que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un immeuble appartenant à la ville de Paris qui l'avait donné à bail commercial à la société Hôtel du Palais qui l'avait donné en location-gérance à la société Hôtel Progrès Bastille a été endommagé par un incendie criminel ; qu'estimant qu'en ne procédant pas à l'interpellation d'un suspect que pourtant elles surveillaient, avant qu'il ne mette le feu, les forces de police avaient eu un comportement constitutif d'une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat, la société Albingia, qui avait indemnisé ses assurées de leurs préjudices, a fait assigner l'agent judiciaire du Trésor devant le tribunal de grande instance pour dysfonctionnement du service public de la justice, en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ;
Attendu que pour déclarer irrecevables ses demandes, l'arrêt énonce que l'action de l'assuré engagée par ce dernier en sa qualité d'usager du service public de la Justice ne peut entrer dans les actions visées par l'article L. 121-12 du code des assurances dès lors que dans une telle hypothèse, elle ne tendrait pas à réparer un dommage de même nature que celui ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ; qu'en effet, l'assureur verse à l'assuré une indemnité d'assurance en raison de la police d'assurance souscrite et en raison de la survenance d'un sinistre et que sa responsabilité d'assureur ne se trouve engagée que dans ce cadre contractuel ; qu'en revanche, le dommage pouvant être invoqué par un usager du service public de la Justice, comme lié à un dysfonctionnement dudit service, n'est pas susceptible d'engager la responsabilité de l'assureur mais, lorsque le dysfonctionnement est établi, celle de l'Etat pour faute donnant alors droit à une réparation distincte de celle qui s'attache aux conséquences d'un sinistre couvert par le contrat d'assurance ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le recours subrogatoire de l'assureur qui a payé l'indemnité, peut être exercé contre toute personne responsable, quel que soit le fondement de cette responsabilité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 14 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne le Trésor public aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux conseils pour la société Albingia ;
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la société ALBINGIA irrecevable en ses demandes et de l'AVOIR condamnée à payer 4.000 € à l'Agent judiciaire du Trésor au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « aux termes de l'article L. 121-12 (du Code des assurances) « l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur » ; que l'action de l'assuré engagée par ce dernier en sa qualité d'usager du service public de la Justice ne peut entrer dans les actions visées par cet article L. 121-12, dès lors que dans une telle hypothèse, elle ne tendrait pas à réparer un dommage de même nature que celui ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ; qu'en effet, l'assureur verse à l'assuré une indemnité d'assurance en raison de la police d'assurance souscrite et en raison de la survenance d'un sinistre et que sa responsabilité d'assureur ne se trouve engagée que dans ce cadre contractuel ; qu'en revanche, le dommage pouvant être invoqué par un usager du service public de la Justice, comme lié à un dysfonctionnement du dit service, n'est pas susceptible d'engager la responsabilité de l'assureur mais, lorsque le dysfonctionnement est établi, celle de l'Etat pour faute donnant alors droit à une réparation distincte de celle qui s'attache aux conséquences d'un sinistre couvert par le contrat d'assurance ; qu'en conséquence, sur la base de ce texte, la Compagnie ALBINGIA ne dispose pas de l'action subrogatoire à laquelle elle prétend ; que par ailleurs, elle ne peut davantage se subroger à son assuré dans l'exercice, par ce dernier, d'une action en responsabilité de l'Etat en sa qualité d'usager du service public dès lors que cette qualité lui est restée personnelle et distincte des droits cédés au subrogé dans le cadre de la police d'assurance souscrite ; que pour ces motifs, l'intégralité des arguments développés par la Compagnie ALBINGIA est dénuée de pertinence et que celle-ci est irrecevable en son action subrogatoire » ;
ALORS QUE le recours subrogatoire, institué par l'article L. 121-12 du Code des assurances au profit de l'assureur qui a payé l'indemnité, peut être exercé contre toute personne responsable, quel que soit le fondement de cette responsabilité ; qu'en jugeant que la compagnie ALBINGIA ne pourrait être subrogée dans les droits de ses assurés, qu'elle a indemnisés pour les conséquences dommageables de l'incendie criminel de l'Hôtel du Palais, lequel a été rendu possible par le dysfonctionnement du service public de la Justice consécutif à l'abstention de deux fonctionnaires de police qui, après avoir surpris le pyromane devant une poubelle à laquelle il venait de mettre le feu et l'avoir suivi, l'ont laissé, sous les yeux de l'un des deux agents, entrer dans l'Hôtel du Palais, y déclencher un incendie et en ressortir, au motif que le dommage couvert par le contrat d'assurance serait distinct de celui causé par le dysfonctionnement du service public de la justice, la Cour d'appel a violé l'article L. 121-12 du Code des assurances.