LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° 08-44. 952 et 08-45. 222 ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi n° 08-44. 952 :
Vu l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
Attendu, selon ce texte, qui crée un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante, qu'une allocation de cessation anticipée d'activité (dite ACAATA) est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparations navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent certaines conditions ; que le salarié qui est admis au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité présente sa démission à son employeur ; qu'il résulte de ces dispositions que le salarié qui a demandé le bénéfice de l'allocation n'est pas fondé à obtenir de l'employeur fautif, sur le fondement des règles de la responsabilité civile, réparation d'une perte de revenu résultant de la mise en oeuvre du dispositif légal ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et trente cinq autres anciens salariés de la société ZF Masson, démissionnaires de cette société à l'effet de bénéficier de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) conformément à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, ont saisi la juridiction prud'homale pour demander qu'il soit jugé que la cessation prématurée de leur activité professionnelle était consécutive à une faute de leur ancien employeur, qu'il en était résulté une diminution de leur rémunération, et pour solliciter la condamnation de la société ZF Masson à leur payer une somme à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice ;
Attendu que pour déclarer les trente-six demandeurs recevables en leur action et condamner la société ZF Masson à payer à chacun d'eux une somme déterminée à titre d'indemnité liée au préjudice subi du fait de la différence entre leurs salaires et les allocations ACAATA perçues depuis leurs démissions données en 2003 pour se placer sous le régime de ces allocations, l'arrêt retient qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, qu'aux termes du chapitre 1er du deuxième titre du nouveau code de travail, intitulé " obligations de l'employeur ", ce dernier prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, que les employeurs successifs des demandeurs ont sciemment méconnu non seulement les règles générales sur les poussières mais celles plus spécifiques du décret du 17 août 1977, que cette négligence fautive a eu pour conséquence d'exposer l'ensemble des salariés de la société ZF Masson au risque d'amiante avec pour conséquence une réduction de leur espérance de vie, et leur a ainsi fait perdre la chance de poursuivre leur carrière à son terme, que dans ces conditions, ils se sont trouvés contraints d'opérer un choix entre, d'une part, la poursuite de leur activité professionnelle mais en prenant le risque de demeurer exposés à une contamination alors que différentes études révélaient de manière concordante que I'âge moyen des victimes de l'amiante ne dépassait pas, selon la pathologie développée, 64 ans, et, d'autre part, une cessation anticipée d'activité impliquant une baisse de revenu de 35 %, que l'option offerte à chacun des demandeurs de prendre l'initiative de rompre son contrat de travail, compte tenu des données scientifiques et médicales largement connues à cette époque de tous et a fortiori des travailleurs concernés, était nécessairement induite et ne pouvait être librement consentie, au regard du risque réel encouru de continuer à travailler dans une entreprise dont il est établi qu'à l'époque elle n'avait pas encore tout mis en oeuvre pour faire cesser l'exposition à l'amiante, qu'ils se trouvaient dès lors confrontés à un choix relatif, que leur choix dans ces circonstances est un choix par défaut, conséquence de la carence de l'employeur dans l'exécution de son obligation contractuelle de sécurité de résultat, qu'il a occasionné à chacun des demandeurs un préjudice qui ne saurait être réduit à un simple préjudice moral ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que la cassation sur le pourvoi n° 09-44. 952 formé par la société ZF Masson rend sans objet le pourvoi n° 08-45. 222 formé par l'AGS ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. X... et les 35 autres salariés et l'AGS-CGEA aux dépens ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi n° B 08-44. 952 par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils pour MM. Y..., A... et Z..., ès qualités et la société ZF Masson.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les trente six demandeurs recevables en leur action et d'avoir condamné la SA ZF MASSON à payer à chacun d'eux une somme déterminée à titre d'indemnité liée au préjudice subi du fait de la différence entre leurs salaires et les allocations ACAATA perçues depuis leurs démissions données en 2003 pour se placer sous le régime de ces allocations ;
AUX MOTIFS QU'« en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat ; qu'au terme du chapitre 1er du deuxième titre du nouveau Code du travail, intitulé « Obligations de l'employeur », ce dernier prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs comprenant : 1° des actions de prévention des risques professionnels, 2° des actions d'information et de formation, 3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés ; que l'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ; qu'il met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes de prévention à savoir, notamment, éviter les risques, les évaluer s'ils ne peuvent être évités, les combattre à la source, adapter le travail à l'homme, tenir compte de l'évolution des techniques, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou moins dangereux, planifier la prévention, prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle, donner des instructions appropriées aux travailleurs ; que le décret n° 77-949 en date du 17 août 1977, relatif aux mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante impose :- des prélèvements d'atmosphère afin de surveiller le niveau de concentration moyenne en fibres d'amiante de l'atmosphère inhalée par un salarié (soit au plus deux fibres par cm ³) ;- le conditionnement des déchets de toutes natures susceptibles de dégager des fibres d'amiante ;- la vérification des installations et des appareils de protection collective et individuelle des salariés ;- un suivi médical ; que suite à la mise en évidence des risques de mortalité consécutifs à une exposition à l'amiante, a été créée l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ; que l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, modifié par la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, ouvre droit à la perception de cette allocation par les salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparations navales ainsi que plus généralement ses modalités de mise en oeuvre et de calcul, dès lors qu'ils ont travaillé dans un certain type d'établissements mentionnés sur une liste établie par arrêté ministériel, et atteint un âge déterminé variant en fonction de la durée du travail, sans pouvoir être inférieur à cinquante ans ; que le montant de l'allocation est calculé en fonction de la moyenne actualisée des salaires mensuels bruts des douze derniers mois d'activité salariée du bénéficiaire ; que l'allocation cesse d'être versée lorsque le bénéficiaire remplit les conditions requises pour bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein ; qu'en l'espèce, la SA ZF MASSON, entreprise spécialisée dans la production de réducteurs pour la marine et de disques de freins, a fait usage de manière constante d'amiante ; qu'il est établi que dès 1977, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a alerté l'employeur de la violation de la réglementation en vigueur concernant l'évacuation des poussières, que les recommandations faites par le médecin du travail en janvier 1978 sont restées sans suite, celui-ci rappelant en février 1979 que « l'installation de protection de l'amiante est urgente » ; qu'à plusieurs reprises, en octobre 1978, octobre 1980, mars 1987, mai 1988, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a dénoncé l'insuffisance des mesures prises ; que le 18 janvier 1988, la Caisse primaire d'assurance maladie a alerté la Société ZF MASSON des dangers de l'absence de captation des poussières sur certains postes ; que dans une note interne en date du 22 octobre 2002, le directeur qualité hygiène et sécurité relevait la présence d'amiante « dès l'origine de l'entreprise dans différents secteurs et dans les produits qu'elle fabrique », citant notamment la fonderie (gants, tabliers et revêtement des trois fours électriques), au GH bâtiment de fabrication mécanique dès 1948 (usinage des garnitures FERODO des mâchoires des boîtes de vitesse, fours de l'atelier de traitement thermique), dans l'atelier FR avec, à partir de 1978, le transfert de l'usinage des garnitures FERODO des mâchoires des boîtes de vitesse mais aussi les essais réalisés au banc d'essais des disques de frein ferroviaire et de leurs garnitures de freins ; que c'est ainsi qu'il a expressément indiqué dans ce document qu'aucun dépoussiérage effectif des garnitures (FERODO) n'était prévu, que les bancs d'essai n'étaient équipés d'aucune aspiration, que les joints d'étanchéité et les plaques d'amiante des fours étaient changés annuellement par le personnel du service thermique sans protection particulière ni aspiration, que les fumées et poussières produites lors des essais des freins étaient évacuées par aspiration directement sur le toit donnant sur la cour de l'entreprise, et enfin que le travail de réfection, tous les deux mois environ, des fours de la fonderie dont la garniture était composée de deux feuilles d'amiante, était de la même façon réalisé sans protection particulière, ce jusqu'en décembre 1996 ; or la société, qui comprend en son sein un service de médecine du travail, ne pouvait ignorer le caractère dangereux de l'amiante sous ses diverses formes et les différentes formes de pathologies dont sont atteints les salariés exposés à l'amiante, au regard des observations épidémiologiques effectuées dès la fin du 19ème siècle et des études médicales concernant notamment le caractère cancérogène de l'amiante, publiées dès la première moitié du vingtième siècle ; qu'il en résulte que les employeurs successifs des demandeurs ont sciemment méconnu non seulement les règles générales sur les poussières telles que prescrites par la loi du 12 juin 1893 ainsi que ses décrets d'application et le code du travail, mais aussi celles plus spécifiques du décret du 17 août 1977 ; que de la même façon, ils n'ont pas pris en considération les avertissements du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui, de manière réitérée, a sollicité la mise en oeuvre de la législation applicable et l'installation de système d'aspiration ou autre dispositif propre à éviter toute exposition aux poussières d'amiante des salariés et se sont abstenus, de surcroît, d'informer les salariés des risques encourus ainsi que le décret de 1977 l'imposait ; que cette négligence fautive a eu pour conséquence d'exposer l'ensemble des salariés de la SA ZF MASSON au risque d'amiante, avec pour conséquence une réduction de leur espérance de vie, et leur a ainsi fait perdre la chance de poursuivre leur carrière à son terme ; que, dans ces conditions, ils se sont trouvés contraints d'opérer un choix entre, d'une part, la poursuite de leur activité professionnelle mais en prenant le risque de demeurer exposés à une contamination alors que différentes études (INSERM E99-05, rapport de la Cour des comptes établi en 2005, étude du comité d'aide et d'orientation des victimes de l'amiante de Lausanne) révélaient de manière concordante que l'âge moyen des victimes de l'amiante ne dépassait pas, selon la pathologie développée, 64 ans et, d'autre part, une cessation anticipée d'activité impliquant une baisse de revenu de 35 % ; que lorsque, par arrêté du 25 mars 2003, la SA ZF MASSON a été inscrite sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, l'option offerte à chacun des demandeurs de prendre l'initiative de rompre son contrat de travail, compte tenu des données scientifiques et médicales largement connues à cette époque de tous, et a fortiori des travailleurs concernés, était nécessairement induite et ne pouvait être librement consentie, au regard du risque réel encouru de continuer à travailler dans une entreprise dont il est établi qu'à l'époque, elle n'avait pas encore tout mis en oeuvre pour faire cesser l'exposition à l'amiante ; qu'ils se trouvaient dès lors confrontés à un choix relatif :- soit continuer de travailler jusqu'à l'âge légal de la retraite mais sous la menace statistiquement avérée de développer l'une des maladies consécutives à l'exposition à l'amiante, dont il a été souvent constaté qu'elles apparaissent avec un certain retard, et par conséquent risquer d'avoir une retraite écourtée ;- soit privilégier le droit de partir en préretraite à 50 ans mais au prix d'une diminution de revenus de 35 % et donc d'un préjudice matériel important ; que leur dans ces circonstances est un choix par défaut, conséquence de la carence de l'employeur dans l'exécution de son obligation contractuelle de sécurité de résultat ; qu'il a occasionné à chacun des demandeurs un préjudice qui ne saurait être réduit à un simple préjudice moral ; que demandeurs, quelle que soit leur situation personnelle au sein de l'entreprise, ont en effet subi un préjudice économique direct et certain, résultant de la privation d'un déroulement de carrière normale ainsi que d'une retraite d'une durée conforme à l'allongement de l'espérance de vie, et correspondant à la différence entre l'allocation versée par la CRAM et le salaire moyen en vigueur dans l'entreprise ;
que la SA ZF MASSON, pour s'exonérer de sa responsabilité, invoque le fait qu'elle n'a été constituée qu'en 1999, que la période d'exposition visée dans l'arrêté du 25 mars 2003 s'étend de 1948 à 1993, et que les demandeurs ne pouvaient, en 2003, être placé dans les conditions de travail qu'ils allèguent ; qu'il y a lieu de constater en premier lieu que la convention de cession intervenue en 1999 entre le Groupe ZF MARINE et la SOCIETE EUROPEENNE D'ENGRENAGE n'est pas versée aux débats et qu'il n'est donc pas justifié de clause spécifique concernant la prise en charge des salariés contaminés, étant relevé qu'à cette époque, l'acquéreur, compte tenu de l'activité de l'entreprise acquise, ne pouvait ignorer la situation de ces salariés et les conséquences pour l'avenir de leur exposition à l'amiante ; qu'en second lieu, la SA ZF MASSON est mal fondée à se prévaloir de l'effet relatif des contrats dès lors que c'est en vertu de la loi que les contrats de travail en cours subsistent à l'égard du nouvel employeur, ce dernier ne pouvant être tiers au contrat conclu par le précédent employeur et ne pouvant s'exonérer des obligations de son prédécesseur ; que la SA ZF MASSON, en l'absence de convention avec les employeurs successifs, est donc tenue des obligations incombant à ces derniers du fait du contrat de travail de chacun des salariés, notamment en ce qui concerne les conséquences du non-respect des prescriptions d'ordre public de santé et sécurité au travail applicables à une entreprise dont les salariés ont été de manière continue exposés à l'amiante, non seulement entre 1948 et 1993, mais postérieurement, ainsi que cela résulte de la note interne du 22 octobre 2002 ; qu'il convient donc de condamner la SA ZF MASSON, en présence de Maître Y... en sa qualité de liquidateur ad hoc de la SA ZF MASSON, de Maître
Z...
en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SA ZF MASSON et de la SCP CROZAT-BARAULT-A... représentant des créanciers de la SA ZF MASSON, à verser à chacun des demandeurs la somme qu'il a sollicité à titre de dommages-intérêts et dont la base, notamment le montant du salaire moyen de référence retenu, et les modalités de calcul ne sont pas expressément discutées par ces derniers » ;
ALORS QUE, D'UNE PART, aux termes de l'article 41- V de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, « le salarié qui est admis au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité présente sa démission à l'employeur » ; que ce texte prévoit encore que « le contrat de travail cesse de s'exécuter dans les conditions prévues à l'article L. 122-6 » et que « cette rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié ouvre droit au versement par l'employeur d'une indemnité de cessation d'activité d'un montant égal à celui de l'indemnité de départ en retraite » ; qu'il résulte de ces dispositions que le salarié qui choisit de présenter sa démission pour se placer sous le régime de l'allocation prend l'initiative de la rupture du contrat et ne peut en conséquence imputer cette rupture à l'employeur comme il pourrait le faire au moyen d'une prise d'acte ou d'une action en résiliation judiciaire ; qu'il ne peut en conséquence réclamer à l'employeur réparation du préjudice lié à cette rupture ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé par refus d'application l'article 41 de la loi précitée du 23 décembre 1998 et par fausse application les articles L. 230-2 du Code du travail et 1147 du Code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la Cour d'appel, constatant que l'entreprise n'a été inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA que pour la période de 1948 à 1993 et ne relevant une poursuite de l'exposition à l'amiante que jusqu'en 2002, ne pouvait imputer la décision prise par les salariés de démissionner en 2003 à « la menace statistiquement avérée de développer l'une des maladies consécutives à l'exposition à l'amiante » sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1147 du Code civil ;
ALORS QU'EN OUTRE, en énonçant que les sommes réclamées par les salariés n'étaient pas contestées, après avoir pourtant elle-même constaté que les appelants faisaient valoir que les demandeurs ne fournissaient aucun élément permettant de justifier lesdites sommes, la Cour d'appel a méconnu l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, DE SURCROÎT, il incombe au demandeur d'établir la consistance et l'étendue du préjudice dont il demande réparation ; qu'en présence des conclusions de la SA ZF MASSON faisant valoir qu'aucun élément n'était fourni à cet égard, la Cour d'appel ne pouvait statuer comme elle l'a fait sans violer l'article 1315 du Code civil ;
ALORS QU'ENFIN, les appelants faisaient valoir que les salariés n'avaient jamais eu la garantie de leur emploi et qu'ils n'auraient pas pu continuer à travailler jusqu'à leur retraite en raison de la procédure collective dont a fait l'objet la SA ZF MASSON, ce dont il résultait que le préjudice invoqué ne pouvait en toute occurrence consister qu'en une perte de chance, insusceptible de réparation intégrale ; qu'en leur allouant cependant l'intégralité des sommes réclamées sans aucun motif, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil. Moyen produit au pourvoi n° V 08-45. 222 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour l'AGS et l'UNEDIC.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré opposable à l'AGS sa décision fixant, au passif de l'employeur, des dommages-intérêts compensant la perte de revenus subie par les salariés admis au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ;
AUX MOTIFS QUE suite à la mise en évidence des risques de mortalité consécutifs à une exposition à l'amiante, a été créée l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ; que l'article 31 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, modifié par la loi du n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, ouvre droit à la perception de cette allocation par les salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparations navales ainsi que plus généralement ses modalités de mise en oeuvre et de calcul, dès lors qu'ils ont travaillé dans un certain type d'établissements mentionnés sur une liste établie par arrêté ministériel, et atteint un âge déterminé variant en fonction de la durée du travail, sans pouvoir être inférieur à cinquante ans ; qu'en l'espèce la S. A. ZF MASSON, entreprise spécialisée dans la production de réducteurs pour la marine et de disques de freins, a fait usage de manière constante d'amiante ; que cette négligence fautive a eu pour conséquence d'exposer l'ensemble des salariés de la S. A. ZF MASSON au risque d'amiante, avec pour conséquence une réduction de leur espérance de vie, et leur a ainsi fait perdre la chance de poursuivre leur carrière à long terme ; que dans ces conditions ils se sont trouvés contraints d'opérer un choix entre, d'une part, la poursuite de leur activité professionnelle mais en prenant le risque de demeurer exposés à une contamination alors que différentes études (INSERM E 99-05, rapport de la Cour de comptes établi en 2005, étude du comité d'aide et d'orientation des victimes de l'amiante de Lausanne) révélaient de manière concordante que l'âge moyen des victimes ne dépassait pas, selon la pathologie développée, 64 ans, et, d'autre part, une cessation anticipée d'activité impliquant une baisse de revenu de 35 % que lorsque par arrêté du 25 mars 2003, la S. A. ZF LASSON a été inscrite sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrit droit à l'allocation de cassation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, l'option offerte à chacun des demandeurs de prendre l'initiative de rompre son contrat de travail, compte tenu des données scientifiques et médicales largement connues à cette époque de tous, et a fortiori des travailleurs concernés, était nécessairement induite et ne pouvait être librement consentie, au regard du risque réel encouru de continuer à travailler dans une entreprise dont il était établi qu'à l'époque elle n'avait pas encore tout mis en oeuvre pour faire cesser l'exposition à l'amiante ; qu'ils se trouvaient dès lors confrontés à un choix relatif :- soit continuer de travailler jusqu'à l'âge légal de la retraite mais sous la menace statistiquement avérée de développer l'une des maladies consécutives à l'exposition à l'amiante, dont il a été souvent constaté qu'elles apparaissent avec un certain retard, et par conséquent risquer d'avoir une retraite écourtée,- soit privilégier le droit de partir en préretraite à 50 ans mais au prix d'une diminution de revenus de 35 %, et donc d'un préjudice matériel important ; que leur choix dans ces circonstances est un choix par défaut, conséquence de la carence de l'employeur dans l'exécution de son obligation contractuelle de sécurité de résultat ; qu'il a occasionné à chacun des demandeurs un préjudice qui ne saurait être réduit à un simple préjudice moral ; que les demandeurs, quelle que soit leur situation personnelle au sein de l'entreprise, ont en effet subi un préjudice économique direct et certain, résultant de la privation du déroulement d'une carrière normale ainsi que d'une retraite d'une durée conforme à l'espérance de vie, et correspondant à la différence entre l'allocation versée par la CRAM et le salaire moyen en vigueur dans l'entreprise ; que la créance de demandeurs ainsi que cela a été démontré précédemment, se rattache directement à l'exécution du contrat de travail, s'agissant des conditions d'exercice de leur activité et est, par conséquent, opposable au CGEA-AGS qui sera tenu, en tant que de besoin, de garantir, dans la limite de sa garantie, les sommes allouées, à l'exception de celles relatives à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
ALORS QUE la garantie de l'AGS ne couvre pas les dettes de l'entreprise, mais les créances qui sont dues en exécution du contrat de travail ; qu'en décidant que I'AGS était tenue de garantir des dommages-intérêts qui constituaient une dette de l'entreprise, dès lors qu'ils avaient pour objet de réparer le préjudice consécutif à la perte de revenus subie par les salariés admis au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, la cour d'appel a violé l'article L. 3553-8 du code du travail.