LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 avril 2009), que le fonds commun de placement Delta Prime ESSF (le fonds), organisme de placement collectif à règles d'investissement allégées à effet de levier, agréé le 26 février 2008 par l'Autorité des marchés financiers (l'AMF), a été constitué par la société Delta Alternative Management (la société DAM), société de gestion, et par la société RBC Dexia Investor services bank France (la société RBC Dexia), dépositaire ; que le 1er avril 2008 la société LCM a conclu avec la société de droit anglais Lehman Brothers international Europe (la société LBIE), un contrat dit de "prime brokerage" stipulant notamment que cette dernière fournirait au fonds des financements et qu'en vue de garantir les obligations en résultant, les actifs du fonds seraient nantis au profit de la société LBIE ; que, le même jour, les sociétés RBC Dexia, DAM et LBIE ont conclu une convention tripartite par laquelle la société RBC Dexia désignait la société LBIE en qualité de "sous-dépositaire" des actifs du fonds ; que la société LBIE ayant été, le 15 septembre 2008, placée sous administration judiciaire, la société DAM a entrepris auprès de la société RBC Dexia des démarches, dont elle a informé l'AMF, en vue d'obtenir la restitution des actifs du fonds ; que par décision du 13 novembre 2008, l'AMF a ordonné à la société RBC Dexia de restituer les instruments financiers dont la conservation avait été confiée à la société LBIE ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société RBC Dexia fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre cette décision alors, selon le moyen :
1°/ que si le dépositaire, en tant qu'il est teneur de compte conservateur, est tenu de restituer les actifs de l'organisme de placement collectif en valeurs mobilières dont il a la garde, les dispositions légales et réglementaires d'ordre public destinées à assurer la protection de l'épargne et le bon fonctionnement des marchés d'instruments financiers ne font pas obstacle à la conclusion, avec l'accord de la société de gestion représentant les intérêts du fonds commun de placement, d'une convention de délégation parfaite, portant sur tout ou partie des actifs du fonds et par laquelle un tiers, délégué, est investi de la qualité de teneur de compte conservateur s'agissant des actifs concernés et le dépositaire initial, déléguant, est déchargé, pour les mêmes actifs, de cette qualité et de l'obligation de restitution y afférente, cette obligation incombant dès lors au nouveau teneur de compte conservateur ; qu'en ne recherchant pas, comme l'y invitait pourtant la société RBC Dexia (exposé des moyens à l'appui du recours, pp. 13 à 16, observations en réplique, pp. 4 à 7), si, par l'effet de la convention tripartite du 1er avril 2008, portant, avec l'accord de la société de gestion représentant les intérêts de l'OPCVM, délégation parfaite, la société RBC Dexia ne s'était pas trouvée déchargée de la qualité de teneur de compte conservateur, et donc de son obligation de restitution, s'agissant des actifs délégués à la société LBIE, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1275 du civil, de l'article L. 214-26 du code monétaire et financier et des articles 323-2, 323-3 et 322-4 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;
2°/ qu'en se bornant à des considérations inopérantes, prises de l'absence de possibilité de dérogation contractuelle à l'obligation de restitution pesant sur le dépositaire en sa qualité de teneur de compte conservateur, dérogation non invoquée par la société RBC Dexia, qui se prévalait en revanche d'une délégation de l'obligation de restitution attachée à la qualité de teneur de compte conservateur, délégation l'ayant libérée de ladite obligation, laquelle continuait d'avoir un débiteur et ne faisait donc pas l'objet d'une dérogation, la cour d'appel a, de plus fort, privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des dispositions impératives de l'article L. 214-26 du code monétaire et financier et des articles 322-4, 323-1, 323-2 , 323-3 et 323-14 du règlement général de l'AMF que le dépositaire d'un fonds commun de placement ne peut être déchargé de l'obligation de restituer les instruments financiers dont il a la garde, même lorsqu'il délègue à un tiers la conservation des actifs de l'organisme de placement collectif ; qu'ainsi c'est à bon droit que la cour d'appel, qui a fait les recherches prétendument omises, a retenu que la société RBC Dexia ne s'était pas trouvée libérée par l'effet des accords conclus avec les sociétés DAM et LBIE de son obligation de restitution des instruments financiers faisant l'objet d'une sous-conservation par cette dernière ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société RBC Dexia fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel avait constaté que la société de gestion du fonds, la société DAM, était convenue avec la société LBIE d'affecter à la garantie des créances de cette dernière certains actifs du fonds et l'avait autorisée, pour réaliser cette sûreté, à réutiliser lesdits actifs, lesquels se trouveraient dès lors exclus du champ d'application de l'obligation de restitution de la société RBC Dexia, dépositaire ; qu'ayant encore constaté que la société LBIE avait effectivement réutilisé les actifs du fonds objet de ladite garantie, à hauteur d'une certaine somme, et que les actifs ainsi réutilisés étaient sortis du patrimoine de l'OPCVM, la cour d'appel aurait dû en déduire que les actifs concernés se trouvaient exclus du champ d'application de l'obligation de restitution de la société RBC Dexia, nonobstant l'éventuelle irrégularité de cette réutilisation ; qu'en retenant néanmoins que lesdits actifs étaient au nombre de ceux restituables par la société RBC Dexia, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article R. 214-12 du code monétaire et financier et les articles 323-3 et 322-4 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2°/ que le pouvoir spécial d'injonction dévolu par la loi à l'Autorité des marchés financiers permet exclusivement à celle-ci d'ordonner préventivement qu'il soit mis fin, pour l'avenir, à des manquements aux obligations résultant des dispositions législatives ou réglementaires ou des règles professionnelles des marchés de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché, un tel pouvoir ne pouvant trouver à s'appliquer pour supprimer les effets desdits manquements lorsqu'une telle atteinte a déjà été consommée ; qu'en retenant que le dépositaire était responsable de la soustraction irrégulière par la société LBIE de certains des actifs du fonds, pour en déduire que l'obligation de restitution du dépositaire devait s'étendre même aux actifs ainsi sortis du patrimoine du fonds, cependant que la constatation d'une telle prétendue responsabilité civile, qui avait trait, non à la cessation d'un manquement potentiellement nuisible, mais à la suppression, par une indemnisation, de ses effets déjà consommés, et qui tendait donc nécessairement à la substitution de dommages et intérêts aux actifs sortis du fonds, excédait le pouvoir spécial d'injonction de l'Autorité des marchés financiers et relevait de la compétence exclusive du juge, la cour d'appel a violé l'article L. 621-14 du code monétaire et financier ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que la convention de "prime brokerage" autorisait la société LBIE à réutiliser les actifs sous-conservés faisant l'objet des sûretés qui lui avaient été consenties en garantie des créances qu'elle pourrait détenir sur le fonds mais qu'en violation de cette convention et des dispositions des articles R. 214-12 et R 214-35 du code monétaire et financier, la société LBIE avait utilisé une partie de ces actifs alors qu'elle n'était titulaire d'aucune créance sur le fonds ; que la cour d'appel en a exactement déduit que la société RBC Dexia était tenue de restituer les instruments financiers que la société LBIE s'était irrégulièrement appropriés ou leur équivalent ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que la société RBC Dexia n'avait pas restitué les actifs du fonds dont la propriété n'avait pas été régulièrement transférée à la société LBIE, la cour d'appel a jugé à bon droit que l'AMF n'avait fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient des dispositions visées par le moyen en lui ordonnant de mettre fin à ce manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement du marché ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société RBC Dexia Investor services bank France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à l'Autorité des marchés financiers la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat aux Conseils pour la société RBC Dexia Investor services bank France
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté le recours du dépositaire (la société RBC Dexia) d'un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (le fonds de placement Delta) contre la décision par laquelle l'Autorité des marchés financiers lui avait ordonné de restituer audit fonds des actifs confiés à la société LBIE et représentant, au 12 septembre 2008, la valeur de 13 001 029, 47 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le dépositaire, qui a reçu pour mission d'assurer la conservation des actifs de l'OPCVM dont il a la garde, est tenu, en toutes circonstances, même s'il en a confié la sous-conservation à un tiers, d'une obligation de restitution immédiate de ces actifs en vertu de dispositions d'ordre public destinées à assurer la protection de l'épargne investie dans les produits financiers et tous autres placements donnant lieu à appel public à l'épargne et le bon fonctionnement des marchés d'instruments financiers ; qu'en effet, l'article L. 214-26 du code monétaire et financier dispose que « le règlement du fonds doit prévoir que ses actifs sont conservés par un dépositaire unique distinct de la société de gestion du fonds et qui s'assure de la régularité des décisions de cette société. Ce dépositaire est choisi par la société de gestion sur une liste établie par le ministre chargé de l'économie (…) Sa responsabilité n'est pas affectée par le fait qu'il confie à un tiers tout ou partie des actifs dont il a la garde (…) » ; que cette exigence est rappelée par l'article 323-14 du règlement général de l'AMF qui énonce que « la responsabilité du dépositaire n'est pas affectée par le fait qu'il mandate un tiers pour conserver les actifs de l'OPC » ; que l'article 323-2 du règlement général de l'AMF énonce également que le dépositaire « exerce la tenue de compte conservation des instruments financiers mentionnés aux 1° et 3° du I de l'article L. 221-1 du code monétaire et financier à l'exclusion des instruments financiers nominatifs purs » et « ouvre dans ses livres au nom de l'OPC … un ou plusieurs comptes d'instruments financiers, ainsi que tout autre compte nécessaire à la conservation des actifs de l'OPC » ; que l'article 323-2 de ce règlement précise, enfin, que la tenue de compte conservation des instruments financiers figurant à l'actif de l'OPCVM est soumise aux dispositions applicables au teneur de compte conservateur lequel, aux termes de l'article 322-4 du règlement général de l'AMF, « respecte, en toutes circonstances, les obligations suivantes : (…) 3° le teneur de compte conservateur a l'obligation de restituer les instruments financiers inscrits en compte dans ses livres (…) » ; qu'en l'absence, dans le code monétaire et financier, à la date de la constitution du fonds Delta, d'une possibilité de dérogation contractuelle à l'obligation de restitution pesant sur le dépositaire, les accords conclus par la société RBC Dexia avec la société DAM et la société LBIE ne lui permettant pas de s'exonérer de cette obligation ou même d'en limiter la portée, peu important, par ailleurs, que l'AMF ait pris connaissance de ces accords dans le cadre de la procédure d'agrément ; qu'il s'ensuit que c'est à juste titre que le collège a enjoint à la société RBC Dexia de restituer à la société DAM les actifs bloqués chez la société LBIE (arrêt, p.7) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en qualité de dépositaire du fonds Delta et conformément à l'article L. 214-26 du code monétaire et financier, la société RBC Dexia assure la garde des actifs ; qu'à ce titre et en application de l'article 323-2 du règlement général de l'AMF, la société RBC Dexia assure la tenue de compte conservation des instruments financiers composant l'actif du fonds Delta, lorsqu'ils relèvent des 1° et 3° du I de l'article L. 211-1 du code monétaire et financier ; qu'ainsi qu'il est mentionné à l'article 322-4 du règlement général de l'AMF, la tenue de compte conservation fait peser sur le dépositaire une obligation de restitution des instruments financiers inscrits en compte dans ses livres ; qu'aux termes d'une convention de sous conservation conclue le 1er avril 2008 (ci-après la « convention de sous conservation ») dont la société RBC Dexia a présenté un projet à l'AMF à l'occasion de la demande d'agrément du fonds Delta, la société RBC Dexia a confié à la société LBIE la garde des actifs du fonds Delta ; que compte tenu du placement sous administration de la société LBIE le 15 septembre 2008, le fonds Delta s'est trouvé dans l'impossibilité de disposer de ses droits sur les actifs sous conservés par la société LBIE et a demandé à la société RBC Dexia, par courrier en date du 24 septembre 2008 transmis en copie à l'AMF, la restitution des éléments d'actifs entrant dans le périmètre de la sous conservation confiée par la société RBC Dexia à la société LBIE ; qu'en effet, l'article L.214-26 du code monétaire et financier rappelle que la responsabilité du dépositaire n'est pas affectée par le fait qu'il confie à un tiers tout ou partie des actifs dont il a la garde ; qu'en application de ce qui précède, lorsque les instruments financiers dont il a délégué la garde au sous conservateur sont rendus indisponibles par la procédure ouverte à l'encontre de ce dernier, il revient au dépositaire de l'OPCVM d'honorer la demande de restitution émanant de l'OPCVM, aux lieu et place du sous conservateur ; qu'en conséquence, la société RBC Dexia est tenue, en qualité de dépositaire, de restituer au fonds delta les instruments financiers faisant l'objet d'une sous conservation par la société LBIE (ci après les « actifs restituables ») ; que, par ailleurs, le collège a considéré que le principe même de la responsabilité du dépositaire telle qu'elle est mentionnée à l'article L. 214-26 du code monétaire et financier et 322-4 du règlement général de l'AMF, oblige le dépositaire à restituer à l'OPCVM les actifs bloqués chez le sous conservateur sans attendre que ce dernier les lui ait préalablement restitués (décision de l'AMF, p. 2) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE si le dépositaire, en tant qu'il est teneur de compte conservateur, est tenu de restituer les actifs de l'organisme de placement collectif en valeurs mobilières dont il a la garde, les dispositions légales et réglementaires d'ordre public destinées à assurer la protection de l'épargne et le bon fonctionnement des marchés d'instruments financiers ne font pas obstacle à la conclusion, avec l'accord de la société de gestion représentant les intérêts du fonds commun de placement, d'une convention de délégation parfaite, portant sur tout ou partie des actifs du fonds et par laquelle un tiers, délégué, est investi de la qualité de teneur de compte conservateur s'agissant des actifs concernés et le dépositaire initial, déléguant, est déchargé, pour les mêmes actifs, de cette qualité et de l'obligation de restitution y afférente, cette obligation incombant dès lors au nouveau teneur de compte conservateur ; qu'en ne recherchant pas, comme l'y invitait pourtant la société RBC Dexia (exposé des moyens à l'appui du recours, pp. 13 à 16, observations en réplique, pp. 4 à 7), si, par l'effet de la convention tripartite du 1er avril 2008, portant, avec l'accord de la société de gestion représentant les intérêts de l'OPCVM, délégation parfaite, la société RBC Dexia ne s'était pas trouvée déchargée de la qualité de teneur de compte conservateur, et donc de son obligation de restitution, s'agissant des actifs délégués à la société LBIE, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1275 du civil, de l'article L. 214-26 du code monétaire et financier et des articles 323-2, 323-3 et 322-4 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se bornant à des considérations inopérantes, prises de l'absence de possibilité de dérogation contractuelle à l'obligation de restitution pesant sur le dépositaire en sa qualité de teneur de compte conservateur, dérogation non invoquée par la société RBC Dexia, qui se prévalait en revanche d'une délégation de l'obligation de restitution attachée à la qualité de teneur de compte conservateur, délégation l'ayant libérée de ladite obligation, laquelle continuait d'avoir un débiteur et ne faisait donc pas l'objet d'une dérogation, la cour d'appel a, de plus fort, privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté le recours du dépositaire (la société RBC Dexia) d'un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (le fonds de placement Delta) contre la décision par laquelle l'Autorité des marchés financiers lui avait ordonné de restituer audit fonds des actifs confiés à la société LBIE et représentant, au 12 septembre 2008, la valeur de 13 001 029, 47 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article 10 de la convention internationale de primebrokerage, la société DAM a consenti à la société LBIE, en garantie des éventuelles créances qu'elle pourrait détenir sur le fonds dans le cadre de l'exercice de ses activités de primebrokerage, une sûreté générale sur l'ensemble des actifs sous-conservés permettant au prime broker, afin de réaliser cette sûreté, de réutiliser les actifs gagés à ses propres fins, les actifs ainsi réutilisés par le prime broker étant exclus de l'obligation de restitution du dépositaire ; qu'en application de l'article 11 de cet accord et conformément aux dispositions des articles L. 431-7-3, R. 214-12 et R. 214-35 du code monétaire et financier, toutefois, cette garantie ne peut être constituée que lorsque le prime broker détient une créance exigible sur le fonds ; que la société LBIE n'ayant jamais détenu une telle créance, c'est à juste titre que le collège a constaté que la réutilisation à hauteur de 11 517 319 euros d'instruments financiers confiés par le fonds était irrégulière, tant au regard de la convention internationale de primebrokerage que des dispositions des articles R. 214-12 et R. 214-35 du code monétaire et financier et que, dès lors, il n'y avait pas lieu de procéder à une déduction de ces actifs, étant observé que rien ne permet de démontrer que le fonds aurait été informé de cette irrégularité et l'aurait approuvée, même tacitement ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, les défaillances du prime broker n'affectent pas son obligation de restitution puisqu'elle est tenue, en sa qualité de dépositaire, en application des dispositions rappelés ci-dessus du code monétaire et financier, de restituer, en toutes circonstances, les actifs dont elle a la garde et que sa responsabilité n'est pas affectée par le fait qu'elle a confié à un tiers une partie de ces actifs ; qu'en conséquence, compte tenu d'une valorisation des actifs fixée à la somme de 13 001 029, 47 euros ; que c'est à juste titre que l'AMF a fixé à cette somme, sans procéder à une quelconque déduction, la valeur des actifs restituables par la société RBC Dexia au 12 septembre 2008 (arrêt, pp. 9 et 10) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, pour déterminer les actifs restituables, il convient de considérer, en premier lieu, les actifs dont la conservation était, au jour du placement sous administration de la société LBIE, assurée par ce dernier au titre de la convention de sous conservation ; qu'en second lieu, le collège a examiné s'il était légitime de déduire de ces actifs les instruments financiers qui avaient fait l'objet d'une appropriation par la société LBIE en application du contrat de primebrokerage et qui, en conséquence, sont sortis du patrimoine du fonds Delta ; que le collège a relevé que le contrat de primebrokerage autorisait la réutilisation par la société LBIE d'une quote-part des actifs du fonds Delta faisant l'objet d'une sûreté au bénéfice de la société LBIE ; que l'article 11 (right of use) du contrat de primebrokerage fixe cette quote-part à 140% du montant de la dette du fonds Delta sur la société LBIE, conformément à l'article R. 214-35 du code monétaire et financier ; que le fonds Delta n'ayant pas et n'ayant jamais eu de dette vis-à-vis de la société LBIE, comme la société RBC Dexia et le fonds Delta en sont d'accord, le collège a constaté que la réutilisation au 12 septembre 2008 par la société LBIE d'actifs du fonds Delta était contraire aux accords contractuels alors en vigueur et à l'article R. 214-35 du code monétaire et financier ; que le collège a estimé que cette appropriation abusive d'actifs du fonds Delta par la société LBIE constituait une atteinte au droit de propriété du fonds Delta, que le dépositaire se devait de protéger en prévenant toute soustraction irrégulière du périmètre des actifs restituables ; que le collège a dès lors considéré que le dépositaire demeurait responsable vis-à-vis de l'OPCVM de la restitution des actifs abusivement sortis du patrimoine de celui-ci, relevant, en particulier, que cette appropriation abusive se révèle être le fait du sous-conservateur auquel le dépositaire avait lui-même confié la conservation desdits actifs ; qu'en conséquence, et sans préjudice des éventuelles responsabilités qui pourraient être recherchées par les différents protagonistes à l'égard notamment du fonds Delta, de sa société de gestion, de la société RBC Dexia ou encore de la société LBIE, le collège a estimé que les instruments financiers ayant fait l'objet d'une appropriation abusive par la société LBIE devaient demeurer dans le périmètre des actifs restituables par la société RBC Dexia (décision, p.3) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la cour d'appel avait constaté que la société de gestion du fonds, la société DAM, était convenue avec la société LBIE d'affecter à la garantie des créances de cette dernière certains actifs du fonds et l'avait autorisée, pour réaliser cette sûreté, à réutiliser lesdits actifs, lesquels se trouveraient dès lors exclus du champ d'application de l'obligation de restitution de la société RBC Dexia, dépositaire ; qu'ayant encore constaté que la société LBIE avait effectivement réutilisé les actifs du fonds objet de ladite garantie, à hauteur d'une certaine somme, et que les actifs ainsi réutilisés étaient sortis du patrimoine de l'OPCVM, la cour d'appel aurait dû en déduire que les actifs concernés se trouvaient exclus du champ d'application de l'obligation de restitution de la société RBC Dexia, nonobstant l'éventuelle irrégularité de cette réutilisation ; qu'en retenant néanmoins que lesdits actifs étaient au nombre de ceux restituables par la société RBC Dexia, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article R. 214-12 du code monétaire et financier et les articles 323-3 et 322-4 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, ensemble l'article 1134 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le pouvoir spécial d'injonction dévolu par la loi à l'Autorité des marchés financiers permet exclusivement à celle-ci d'ordonner préventivement qu'il soit mis fin, pour l'avenir, à des manquements aux obligations résultant des dispositions législatives ou règlementaires ou des règles professionnelles des marchés de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché, un tel pouvoir ne pouvant trouver à s'appliquer pour supprimer les effets desdits manquements lorsqu'une telle atteinte a déjà été consommée ; qu'en retenant que le dépositaire était responsable de la soustraction irrégulière par la société LBIE de certains des actifs du fonds, pour en déduire que l'obligation de restitution du dépositaire devait s'étendre même aux actifs ainsi sortis du patrimoine du fonds, cependant que la constatation d'une telle prétendue responsabilité civile, qui avait trait, non à la cessation d'un manquement potentiellement nuisible, mais à la suppression, par une indemnisation, de ses effets déjà consommés, et qui tendait donc nécessairement à la substitution de dommages et intérêts aux actifs sortis du fonds, excédait le pouvoir spécial d'injonction de l'Autorité des marchés financiers et relevait de la compétence exclusive du juge, la cour d'appel a violé l'article L. 621-14 du code monétaire et financier