LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Somsavanh,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de CHAMBÉRY, en date du 16 décembre 2009, qui, l'a renvoyé devant la cour d'assises de la HAUTE-SAVOIE sous l'accusation de viols et agressions sexuelles aggravés ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 201, 205 et 593 du code de procédure pénale et 6 § 3, d, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté la demande de Somsavanh
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tendant à voir ordonner un supplément d'instruction ayant pour objet de procéder à l'audition de divers témoins ;
" aux motifs qu'il est demandé l'audition de Reine E..., grand-mère maternelle d'Anaëlle
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, au motif qu'elle serait susceptible d'apporter un éclairage nouveau sur l'affaire ; que Reine E..., à qui Anaëlle a été confiée par le juge des enfants, a cependant déjà été entendue le 17 mars 2007 puisque c'est elle qui s'est présentée à la gendarmerie avec sa petite-fille pour y déposer plainte contre Somsavanh
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(D 1) ; qu'elle a aussi pu s'exprimer dans le cadre de la mesure d'investigation et d'orientation éducative ordonnée par le juge des enfants (D181) ; qu'elle a encore communiqué une longue attestation rédigée récemment dans laquelle elle semble avoir changé d'avis sur sa petite-fille et mettre en doute ses déclarations et celles des autres victimes déclarées, notamment sa propre fille Sandra Y... ; qu'elle a donc eu suffisamment la possibilité de faire valoir son point de vue, y compris au travers de l'attestation nouvellement produite aux débats dans laquelle elle ne peut émettre, comme d'autres personnes entendues, qu'un avis personnel ; qu'une nouvelle audition ne serait donc d'aucune utilité pour la manifestation de la vérité alors qu'elle ne peut témoigner sur les faits reprochés à Somsavanh
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, auxquels elle n'a pas assisté et qu'aucune des victimes ou parties civiles directement concernées n'est revenue sur ses déclarations ; qu'il est aussi demandé l'audition de plusieurs autres personnes, témoins de moralité en faveur de Somsavanh
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, expliquant qu'elles-mêmes n'ont jamais été victimes d'agissements suspects de la part de ce dernier ou émettant des doutes sur le comportement de sa fille ; que ces personnes ne peuvent cependant pas plus témoigner sur les faits matériels reprochés au mis en examen et le fait qu'elles-mêmes affirment qu'elles n'ont jamais eu de difficultés avec celui-ci n'implique pas que les personnes qui se sont déclarées en qualité de victime n'ont rien subi, alors qu'aucune n'est revenue sur ses déclarations ; que l'une de ces victimes, Aurélia Z..., est la soeur de Laurie Z..., qui est l'une des personnes qui atteste en faveur du mis en examen sans évoquer les faits que sa propre soeur a dénoncés ; que ces témoins se sont ainsi suffisamment exprimés dans les attestations jointes au dossier, leur témoignage venant s'ajouter à d'autres, similaires ou contraires, déjà recueillis dans le cadre de l'information ; que les auditions de ces personnes, tardivement sollicitées ne sont donc pas utiles à la manifestation de la vérité et n'auraient pour effet que de retarder le règlement de la procédure ; que la demande de supplément d'information formée par le mis en examen est donc rejetée ;
" alors que toute personne mise en examen dans une affaire criminelle a droit, notamment, à interroger ou faire interroger des témoins à charge ; qu'il s'ensuit que, sauf impossibilité dont il leur appartient de préciser les causes, les juges sont tenus, lorsqu'ils en sont légalement requis, d'ordonner l'audition contradictoire des témoins à charge qui n'ont, à aucun stade de la procédure, été confrontés à l'accusé ; que la chambre de l'instruction ne pouvait dès lors légalement refuser d'ordonner l'audition de Reine E..., qui avait dans un premier temps produit un témoignage à charge à l'encontre de Somsavanh
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, puis qui avait émis une attestation dans laquelle elle revenait sur ses précédentes déclarations " ;
Attendu que le rejet par la chambre de l'instruction de la demande de nouvelle audition d'un témoin ne méconnaît pas les dispositions de l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, selon lesquelles l'accusé a le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d'obtenir la convocation et l'interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge, dés lors que ce droit peut s'exercer devant la cour d'assises ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-23 du code pénal, 214 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Somsavanh
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devant la cour d'assises de la Haute-Savoie du chef de viol sur mineure de 15 ans par ascendant légitime sur la personne d'Anaëlle
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;
" aux motifs que les déclarations initiales d'Anaëlle
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, qui s'était confiée à plusieurs personnes, ont été confortées ensuite par celles faites par quatre autres victimes déclarées et qui ont aussi accusé le mis en examen de faits de viols ou agressions sexuelles ; que leurs déclarations sont circonstanciées, précises et concordantes et rendent difficilement crédible la thèse du complot invoqué par le mis en examen qui supposerait que toutes les victimes, dont certaines ne se connaissaient pas, aient été conjointement associées à celui-ci ; que les explications fournies par le mis en examen en réponse aux accusations portées contre lui, notamment sur des incidents concrets, sont restées confuses et parfois fantaisistes ou provocatrices ou difficilement crédibles ; que quatre des victimes déclarées ont maintenu leurs dires lors de la confrontation avec le mis en examen ; que ces déclarations, qui se confortent entre elles, sont encore étayées par des éléments matériels, notamment pour ce qui concerne Anaëlle ; qu'ainsi, l'expertise génétique établit que les tâches de sperme retrouvées sur sa housse de couette appartiennent au patrimoine génétique de son père, lequel n'a pu donner que des explications confuses ; que M. A... a indiqué que Somsavanh
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lui avait dit que sa fille lui en voulait car il l'avait giflée peu de temps avant et qu'il lui avait aussi dit que « si cela se trouvait, sa fille l'avait masturbé pour mettre son sperme dans son lit » ; que les raisons qu'il a données au juge d'instruction sur la découverte de ce sperme sont tout aussi discutables ; que sont aussi contestables celles qu'il a avancées sur la perte de la virginité de sa fille et qui n'ont pas été confirmées par l'instruction alors qu'une nouvelle expertise gynécologique démontre qu'en réalité la défloration était ancienne, ce à quoi le mis en examen a répondu que sa fille était homosexuelle et qu'elle avait certainement eu des relations avec sa meilleure amie ; que ces éléments sont encore renforcés par les expertises psychologiques de certaines des victimes déclarées dont les profils sont symptomatiques de celui présenté généralement par les personnes ayant subi des agressions sexuelles (repli sur soi, manque de confiance en soi et aux autres, perturbation de la vie affective, dévalorisation du corps), au point que l'expert psychologue a souhaité qu'elles suivent une psychothérapie ; que le mis en examen a, quant à lui, été soumis à une expertise psychiatrique et à deux expertises psychologiques ; que le docteur B..., psychiatre, le décrit comme étant sur la défensive et note qu'il a des fantasmes de pubis épilé sans que l'on puisse sous entendre fantasme pédophile, l'intéressé ayant précisé que " c'est moins gênant et plus propre " ; que l'expert ajoute qu'il ne met aucune distance physique avec le corps des enfants qu'il côtoie, cette attitude étant ou très immature (le sujet se met au niveau des enfants) ou très perverse (le sujet se met au niveau des enfants pour les contraindre à des pratiques sexuelles) " ; qu'il en ressort que, selon l'expert, les infractions reprochées au sujet si elles sont exactes, sont à mettre en relation avec une difficulté qu'il a à maîtriser ses pulsions sexuelles et sont révélatrices d'une personnalité perverse " (B 14) ; que l'expert psychologue, M. C..., s'interroge sur la position de l'intéressé vis-à-vis de l'élément féminin dans la mesure où, à travers ses propos, la responsabilité incombe toujours aux adolescentes ou enfants se déclarant victimes ; que cette attitude, dit l'expert, est caractéristique d'un clivage de la personnalité qui conduit à considérer celle-ci comme perverse, que les actes reprochés aient été ou non commis ; qu'il ajoute que ce type de personnalité pourrait être la conséquence d'un traumatisme sexuel (B3) ; que Mme D..., psychologue, conclut quant à elle que la structuration psychologique de l'intéressé dénote une psychologie rigide qui fonctionne sur des modèles " archétypaux " (B17) ; que, concernant les éléments constitutifs des infractions de viols et d'agressions sexuelles, le mis en examen a utilisé la contrainte, voire la violence pour imposer les actes aux jeunes filles ; qu'il a agi également par surprise, de nuit, alors qu'il les pensait endormies ; que les charges précitées sont graves et concordantes et justifient dès lors le renvoi de Somsavanh
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devant la juridiction de jugement ;
" alors que tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menaces ou surprise est un viol ; que le crime de viol n'est donc pas caractérisé en l'absence d'actes de pénétration sexuelle ; que la chambre de l'instruction ne pouvait dès lors renvoyer Somsavanh
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devant la cour d'assises du chef de viol sur la personne d'Anaëlle
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, sans constater qu'il aurait existé à son encontre des charges suffisantes de ce qu'il aurait commis sur sa personne un acte de pénétration sexuelle " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-23 du code pénal, 214 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Somsavanh
X...
devant la cour d'assises de la Haute-Savoie du chef de viol sur mineure de 15 ans ;
" aux motifs que, concernant les éléments constitutifs des infractions de viols et d'agressions sexuelles, le mis en examen a utilisé la contrainte, voire la violence pour imposer les actes aux jeunes filles ; qu'il a agi également par surprise, de nuit, alors qu'il les pensait endormies ; que, quant aux circonstances graves entretenues, elles sont établies par l'âge de la victime, pour les faits antérieurs au 24 août 1991 ; que les charges précitées sont graves et concordantes et justifient dès lors le renvoi de Somsavanh
X...
devant la juridiction de jugement ; que les faits dont Sandra Y... s'est déclarée victime, même s'ils sont anciens, ne sont pas prescrits ;
" alors que tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menaces ou surprise est un viol ; que le crime de viol n'est donc pas caractérisé en l'absence d'actes de pénétration sexuelle ; que la chambre de l'instruction ne pouvait, dès lors, renvoyer Somsavanh
X...
devant la cour d'assises du chef de viol sur la personne de Sandra Y..., sans constater qu'il aurait existé à son encontre des charges suffisantes de ce qu'il aurait commis sur sa personne un acte de pénétration sexuelle " ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-23 du code pénal, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Somsavanh
X...
devant la cour d'assises de la Haute-Savoie du chef de viol sur mineure de 15 ans sur la personne d'Aurélia Z... ;
" aux motifs que, pour ce qui concerne Aurélia Z..., Somsavanh
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n'a été mis en examen que pour avoir commis un acte de pénétration sexuelle (D161), conformément d'ailleurs au réquisitoire supplétif du 13 septembre 2007 (D88) qui n'a saisi le juge d'instruction que pour la commission d'un viol sur l'intéressée ; qu'il ne peut donc être opéré de distinction, comme l'a fait le juge d'instruction, entre des faits qui auraient été commis avant et après le 11 mars 1994, puisqu'il n'est reproché au mis en examen qu'un acte unique ; que la date de cet acte ne peut être fixée avec précision et la mise en examen vise une date de commission courant 1993 et 1994 ; qu'Aurélia Z... a indiqué que la dernière fois qu'elle avait été agressée, le couple
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avait déjà déménagé au Bois Jolivet, déménagement intervenu le premier juillet 1993 et que " c'est là qu'il l'a pénétrée vaginalement avec son sexe " ; que rien ne permet de dire que cet acte a été commis après qu'Aurélie ait atteint l'âge de 15 ans, soit le 10 juin 1994, ses déclarations permettant au contraire de le situer courant 1993 ou début 1994 et en tout cas depuis temps non rescrit ; qu'en effet, lui sont applicables, pour la fixation de la date de prescription, les mêmes principes que ceux retenus pour Sandra Y... ;
" alors qu'en se bornant à relever qu'Aurélia Z... avait déclaré que Somsavanh
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l'avait pénétrée vaginalement avec son sexe, sans indiquer en quoi cette seule déclaration de la prétendue victime, qui n'était corroborée par aucun autre élément, était crédible et pouvait constituer une charge suffisante, à l'encontre de Somsavanh
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, d'avoir commis le crime de viol sur la personne d'Aurélia Z..., la chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs " ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-23, 222-28 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Somsavanh
X...
devant la cour d'assises de la Haute-Savoie des chefs d'agressions sexuelles aggravées ;
" aux motifs que, concernant les éléments constitutifs des infractions d'agressions sexuelles, Somsavanh
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a utilisé la contrainte, voire la violence, pour imposer les actes aux jeunes filles ; qu'il a agi également par surprise, de nuit, alors qu'il les pensait endormies ;
" alors qu'en s'abstenant d'indiquer quels auraient été les actes commis par Somsavanh
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, pouvant être qualifiés d'agressions sexuelles, la chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes contre Somsavanh
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pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de viols aggravés et agressions sexuelles aggravées ;
Qu'en effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que, dès lors, les moyens ne peuvent qu'être écarté ;
Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Castel conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;