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13/04/2010 | FRANCE | N°10-80546

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 avril 2010, 10-80546


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Khalid,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 31 décembre 2009, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a rejeté sa demande de mise en liberté ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention de sauvegard

e des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article préliminaire, ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Khalid,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 31 décembre 2009, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a rejeté sa demande de mise en liberté ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article préliminaire, 81, 148-4, 186, 197, 198, 802, 591 à 593, du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté de Khalid X... ;
" aux motifs que, d'une part, le greffe de cette cour a, par notification télécopiée, en date du 14 décembre 2009, avisé de l'audience du 17 décembre 2009 Me Cohen-Sabban, avocat choisi, et Khalid X... qui a signé ladite notification le 15 décembre 2009 ; que par mémoire régulièrement déposé, Me Cohen-Sabban, qui n'a pas signalé la présence d'un autre avocat dans ce dossier, a sollicité la mise en liberté immédiate de Khalid X..., en faisant valoir que le délai prévu à l'article 197 du code de procédure pénale n'ayant pas été respecté, le mis en examen n'avait pas été mis en mesure d'assurer sa défense ; que Khalid X... a refusé de comparaître devant la cour ; qu'en cet état, la présente cause a été renvoyée à l'audience du 23 décembre 2009 ; que, consécutivement, par notification télécopiée, en date du 17 décembre 2009, ont été dûment convoqués pour ladite audience Khalid X..., qui a signé ladite notification le même jour, et Me Cohen-Sabban ; qu'ainsi, par l'effet d'une erreur due au fait que le nom d'un second avocat n'avait pas été porté sur la chemise ad hoc, a été omise la convocation de Me Bidnic, l'autre conseil de Khalid X... ; qu'à l'audience du 23 décembre 2009, Me Bidnic, le second avocat de Khalid X..., a, par mémoire régulièrement déposé, sollicité à nouveau la mise en liberté d'office de celui-ci, en arguant de la méconnaissance des articles 115 et 197 du code de procédure pénale en ce que, s'étant déplacé à la maison d'arrêt le 22 décembre pour y rencontrer son client dans la perspective d'un interrogatoire du 20 janvier 2010, il y avait appris que Khalid X... « avait dernièrement saisi la chambre de l'instruction d'une demande de mise en liberté dont il avait reçu notification de la date d'examen, le 23 décembre à 9 heures », alors que lui-même n'avait pas reçu notification de cette date ; qu'au soutien de ses dires, Me Bidnic a joint divers documents destinés à les justifier ; que Khalid X... a refusé de comparaître devant la cour ; qu'en cet état, la présente cause a été renvoyée à l'audience du 30 décembre 2009 ; que, consécutivement, Khalid X... et ses deux avocats, Me Cohen-Sabban et Me Bidnic, ont été dûment convoqués, par notification télécopiée, en date du 23 décembre 2009, pour ladite audience ; qu'à l'audience du 30 décembre 2009, les débats se sont, conformément à l'arrêt susvisé, déroulés en chambre du conseil ; qu'après prononcé du délibéré relativement à-ce dernier point, Khalid X..., interrogé par le président, a, par l'intermédiaire de l'interprète, indiqué à la cour qu'il ne livrerait pas d'explications et laisserait son avocat présenter ses observations ; que Me Bidnic, l'un des deux avocats de Khalid X..., a, reprenant les termes de son mémoire, demandé une nouvelle fois la mise en liberté d'office de son client en constatant le caractère incomplet du dossier déposé au greffe de la chambre de l'instruction, l'atteinte aux droits de Khalid X... et l'impossibilité d'un renvoi ; qu'il a fait valoir que sa collaboratrice étant venue consulter le dossier la veille de cette audience, elle avait constaté que faisaient défaut les cotes C relatives aux nommés Jaouad A..., Hassan C..., Ouadie A..., Madani B... et Kamel D... ainsi que la cote B relative à Hassan C..., d'une part ; que plus de quatre cents cotes de fond, d'autre part, dont lui-même avait appris qu'il s'agissait notamment de commissions rogatoires techniques ; qu'ainsi, la défense avait été privée de la possibilité de consulter en temps utile le dossier, alors que celui-ci doit comprendre tous les actes et pièces de l'information, l'absence de l'une de ces pièces portant atteinte aux intérêts de la personne mise en examen ; que, d'autre part, les dispositions alléguées n'ont d'autre finalité, explicite ou implicite, que de donner à la partie concernée et à son conseil les moyens de sa défense, ainsi que le souligne Me Cohen-Sabban dans son mémoire, ou encore, de réunir toutes pièces utiles au soutien de la demande de mise en liberté et de prendre en compte les éléments ainsi recueillis dans le cadre d'un entretien préparatoire à l'audience avec Khalid X..., selon les termes du mémoire de Me Bidnic ; qu'ainsi, au regard de cette raison législative, l'atteinte aux droits de la défense, appréciée in concreto, consiste essentiellement dans le fait de ne pas mettre le ou les avocats en mesure d'assurer la défense de leurs clients alors que, dans le contentieux de la liberté, les délais de convocation de la personne mise en examen et de son conseil sont très brefs ; qu'en premier lieu, en l'espèce, la défense a, dès le 14 décembre 2009, été régulièrement avisée, par la notification susévoquée, de la demande de mise en liberté déposée par Khalid X... sur le fondement de l'article 148-4 du code de procédure pénale et de la date d'audience corrélative ; qu'apprenant le 15 décembre par la soeur de celui-ci que Khalid X... avait signé ladite notification ce 15 décembre, Me Cohen-Sabban a, le 16 décembre, dans les conditions susexposées, sollicité par mémoire la mise en liberté immédiate de Khalid X... pour non-respect du délai légal, alors qu'en l'état de la procédure comportant le terme du 31 décembre 2009 pour statuer, la méconnaissance dudit délai ne pouvait avoir, sauf à ignorer la raison législative, d'autre conséquence légale que de renvoyer la cause à une prochaine audience pour laisser à la partie concernée le temps légalement imposé ; que Me Cohen-Sabban ayant, à cette dernière fin, été convoqué à l'audience du 23 décembre 2009, Me Bidnic, le deuxième avocat de Khalid X..., a demandé, par le mémoire susmentionné, en date du 22 décembre, la mise en liberté d'office de celui-ci en faisant valoir que lors d'une rencontre avec son client à la maison d'arrêt de Dijon ce même 22 décembre, il venait d'apprendre, alors qu'il n'en avait pas reçu notification, que Khalid X... était convoqué à l'audience du 23 décembre de la chambre de l'instruction qu'il avait saisie d'une demande de mise en liberté, alors même que l'état de la procédure ne permettait pas davantage la proposition, à cette cour, d'une telle conclusion, non conforme aux dispositions alléguées par le requérant ; qu'en second lieu, le monopole de la défense par l'avocat qui, inscrit à l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971, est inhérent à la protection des citoyens et au fondement d'une société démocratique au sens de la Convention européenne, impose à l'avocat une double obligation de conseil et d'assistance ; que la présence de deux avocats dans un même dossier ne contrevient nullement à l'unicité d'une défense dictée par les intérêts du justiciable concerné, chacun des deux conseils devant, à cette fin, l'aider dans sa défense en justice en présentant des observations écrites ou orales en son nom selon la définition de l'assistance, d'une part, lui prodiguer des conseils au mieux de ses intérêts, d'autre part ; que sous ce regard, avisée dès le 14 décembre 2009 de la demande de mise en liberté déposée par Khalid X..., la défense unique de celui-ci avait la faculté, en application des obligations susvisées, alors qu'elle disposait alors d'un délai de dix-sept jours à cette fin, de tout mettre en oeuvre pour assurer la défense de l'intéressé par une information réciproque de chacun des conseils, voire par le signalement à l'autorité judiciaire, conforme à la qualité d'auxiliaire de justice inscrite à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1971, de l'erreur apparemment commise par la non-convocation de Me Bidnic, corrélativement perceptible mais nullement indiquée dans le mémoire du 16 décembre 2009 ; que la défense a, pendant cette durée de dix-sept jours, disposé du temps nécessaire à la consultation du dossier de la procédure, notamment à chacune des deux audiences antérieures, et à la demande des actes ou pièces éventuellement manquants sans attendre la veille de l'audience du 30 décembre pour, effectuant alors tardivement l'inventaire du très volumineux dossier de la procédure, constater le manquement d'actes ou pièces qui eussent pu être fournis dans un temps permettant leur consultation sereine, alors surtout que dans la perspective d'un interrogatoire organisé le 20 janvier 2010, l'un des défenseurs avait déposé auprès du juge d'instruction, le 8 décembre 2009, une demande de copie de l'entier dossier renouvelée le 23 décembre, ainsi qu'il résulte des documents fournis au soutien du mémoire en date du 29 décembre (pièce n° 23) ; que, sauf à détourner la loi de sa finalité susdite, la violation des droits de la défense ne peut être valablement invoquée que si une partie ou ses conseils ont été, notamment du fait de l'autorité judiciaire, placé dans l'impossibilité d'exercer les droits à eux reconnus par la loi, justement censurée par la jurisprudence alléguée applicable aux cas dans lesquels le contentieux était enfermé dans les courts délais habituels ; qu'en cet état, alors que la défense de Khalid X... n'explique pas, par les divers mémoires déposés, en quoi elle a été empêchée de prendre connaissance du dossier de la procédure à sa disposition au greffe de la chambre de l'instruction dès le 14 décembre 2009 afin d'exiger, comme elle en avait légalement le droit, la production des actes et pièces manquants, il apparaît que l'atteinte à ses droits n'est pas concrètement caractérisée ; que, dans le respect de la loi ainsi éclairée par la raison qui la fonde, seul l'échec d'une telle démarche eût pu leur permettre d'invoquer ensuite l'impossibilité d'exercer les droits de la défense et une indiscutable atteinte à ces droits, alors qu'en l'espèce, contrairement aux allégations des mémoires, il ne peut être dûment soutenu que la défense a été privée de la possibilité de consulter en temps utile le dossier de son client, de réunir toutes pièces utiles au soutien de la demande de mise en liberté et de prendre en compte les éléments ainsi recueillis dans le cadre d'un entretien préparatoire à l'audience avec Khalid X..., au demeurant immédiatement possible le 22 décembre 2009, au temps où l'un des deux conseils se trouvait à la maison d'arrêt de Dijon ; qu'il convient donc de rejeter les prétentions de Khalid X... ;
" 1°) alors que, en cas de demande de mise en liberté formulée directement devant la chambre de l'instruction, le dossier de l'information ou sa copie certifiée conforme, comprenant tous les actes d'information et toutes les pièces de la procédure, doit être transmis au procureur général puis déposé au greffe de la chambre de l'instruction et tenu à la disposition des avocats des mis en examen et des parties civiles pendant le délai légal ; que, dès lors qu'il ressort des mentions de l'arrêt et des pièces de la procédure que ni les juges ni les avocats du mis en examen n'avaient eu connaissance de l'entier dossier soit en original soit en copie certifiée conforme par le greffier pendant le délai légal, la chambre de l'instruction aurait du constater la nullité de la procédure et remettre en liberté le mis en examen ;
" 2°) alors que la nullité tirée de l'inobservation des prescriptions de l'article 197 du code de procédure pénale n'est pas encourue en l'absence d'atteinte aux intérêts de la partie ou aux droits de la défense ; que, dès lors que la chambre de l'instruction n'a pas constaté que l'avocat de la personne mise en examen aurait disposé dans le délai légal d'une copie de l'entier dossier ou que sa demande de mise en liberté serait manifestement irrecevable, sans qu'il soit besoin de vérifier les pièces du dossier manquantes, la chambre de l'instruction n'a pas justifié l'absence d'atteinte aux intérêts de la partie ou aux droits de la défense et ainsi privé sa décision de toute base légale au regard des textes et principes susvisés ;
" 3°) alors que la chambre de l'instruction ne pouvait se contenter de relever, pour justifier une prétendue absence d'atteinte aux droits de la défense, que la défense aurait eu la possibilité de prendre connaissance du dossier de la procédure à sa disposition au greffe de la chambre de l'instruction dès le 14 décembre 2009 afin d'exiger, comme elle en avait légalement le droit, la production des actes et pièces manquants ; qu'en l'état de tels motifs inopérants et mal fondés, la chambre de l'instruction a privé sa décision de toute base légale " ;
Vu les articles 197, alinéa 3, et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que les prescriptions du premier de ces textes, qui ont pour objet de permettre aux avocats des parties de prendre connaissance de l'ensemble du dossier d'information, et de pouvoir, en temps opportun, produire devant la chambre de l'instruction tous mémoires utiles, sont essentielles aux droits de la défense, et doivent être observées à peine de nullité ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Khalid X... a formé, le 11 décembre 2009, une demande de mise en liberté auprès de la chambre de l'instruction, en application de l'article 148-4 du code de procédure pénale ; qu'après deux renvois, ordonnés aux audiences des 17 et 23 décembre 2009, l'affaire a été appelée à l'audience du 30 décembre 2009, pour laquelle le mis en examen et ses avocats ont été avisés ; que la veille de l'audience, l'un des avocats a déposé un mémoire faisant valoir que le dossier communiqué n'était pas complet, en l'absence de plus de quatre cents cotes de fond, et de pièces relatives à la détention et à la personnalité d'autres mis en examen ;
Attendu que, pour écarter ce moyen de nullité de la procédure, et rejeter la demande de mise en liberté de Khalid X..., l'arrêt retient notamment que la défense a eu connaissance dès le 14 décembre 2009 de la demande de mise en liberté déposée par celui-ci, qu'elle avait alors la faculté de tout mettre en oeuvre pour assurer la défense de ses intérêts, en consultant le dossier, en constatant l'absence de certaines pièces, et en exigeant leur production, et que faute d'une telle démarche, l'atteinte à ses droits n'est pas caractérisée ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les avocats du mis en examen n'avaient pas eu la possibilité de prendre connaissance, durant le délai prévu à l'article 197 susvisé, de l'ensemble du dossier de l'information, et qu'ainsi avait été méconnue une disposition essentielle aux droits de la défense, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 31 décembre 2009, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Monfort conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-80546
Date de la décision : 13/04/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, 31 décembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 avr. 2010, pourvoi n°10-80546


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:10.80546
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