La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/04/2010 | FRANCE | N°09-40837

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 avril 2010, 09-40837


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 1er janvier 2000 en qualité de pharmacienne assistante par la société Pharmacie de Carnel, a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et l'indemnisation du préjudice lié à un harcèlement moral ; qu'elle a été, par la suite, licenciée pour inaptitude ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que pour débout

er la salariée de ses demandes de résiliation judiciaire et de paiement de domm...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 1er janvier 2000 en qualité de pharmacienne assistante par la société Pharmacie de Carnel, a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et l'indemnisation du préjudice lié à un harcèlement moral ; qu'elle a été, par la suite, licenciée pour inaptitude ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes de résiliation judiciaire et de paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt retient que le harcèlement moral n'est pas caractérisé ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur avait adressé à la salariée trois lettres contenant des observations partiellement injustifiées, avait engagé une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle à laquelle il avait renoncé et avait provoqué, dans une période de trois mois, trois contrôles médicaux destinés à vérifier si l'état de santé de l'intéressée le justifiait, ce dont il résulte que la salariée fournissait des éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la cassation sur le premier moyen emporte la cassation par voie de conséquence sur les dispositions de l'arrêt relative au rejet implicite mais nécessaire des demandes portant sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme X... en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 18 décembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société Pharmacie de Carnel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Pharmacie de Carnel à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Madame X... tendant à voir prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur au 30 octobre 2007, voir juger que cette résiliation produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, obtenir le paiement des indemnités de préavis, dommages et intérêts du fait de cette rupture, obtenir le paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, et de l'avoir condamnée aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE Madame X... invoque les faits suivants : 1) retrait important de sa responsabilité de pharmacienne consistant à s'occuper de la gestion des tiers payants (règlements à l'ordinateur, problèmes et litiges avec les caisses, réclamations), voire également de la clientèle, en l'affectant essentiellement à des tâches ponctuelles peu intéressantes et valorisantes : Madame X... se prévaut à cet égard de l'attestation établie le 29 janvier 2007 par Madame Y..., autre salariée (préparatrice) qui atteste de ce que Madame Z... lui a confié les règlements tiers payants, elle-même s'occupant du reste alors que Madame X... était initialement chargée de la gestion des tiers payants ; en outre, Madame Y... atteste que le vendredi 6 octobre 2005, Monsieur Z... a indiqué à Madame X... de " faire moins de comptoir et plus de travail administratif ", lui demandant de quantifier les ventes de génériques et leurs principes suivant un catalogue... ; Madame X... a signalé dans sa lettre du 2 novembre 2005 avoir consacré à cette tâche quasiment une semaine alors que l'inventaire des génériques ne relevait pas selon elle ''à l'évidence" de sa qualité de cadre ; elle mentionne également état dans ce courrier qu'elle était reléguée à la réserve pour un travail subalterne ; l'employeur conteste cette affirmation et souligne qu'il n'a pas modifié les tâches de sa salariée telles qu'établies par son ancien employeur sur un tableau versé aux débats lequel fait effectivement apparaître que Madame X... était chargée notamment de la ''Télétransmission et Papiers" ; outre le fait que le 14 novembre 2006 en réponse au courrier du 2 novembre précité, l'employeur a effectivement contesté que le travail de Madame X... était réduit à des tâches administratives, rappelant qu'elles faisaient partie de ses fonctions et qu'il avait la responsabilité de l'organisation du travail et de l'emploi du temps, force est de constater que les courriers d'observations adressés ultérieurement à la salariée démontrent que celle-ci continuait à s'occuper tant de la télétransmission que de la clientèle puisqu'il lui était fait des reproches sur son attitude tels que le fait de ne pas avoir vérifié la mutuelle d'un client, d'avoir continué le travail en cours sans s'occuper des clients, de refuser de rendre service à un client par la mise de collyre, de ne pas avoir effectué le travail de télétransmission concernant le dossier de Monsieur A..., de ne pas avoir commandé les produits sollicités par les clients reçus par elle ; ces observations contredisent en conséquence l'affirmation de Madame X... affectée selon elle à des tâches subalternes ; 2) refus, lors des passages des représentants de laboratoires pharmaceutiques, de la présenter ou de la convier à participer à la présentation des médicaments : si Madame Y..., dans son attestation, reprend cette affirmation, celle-ci demeure générale, aucun fait précis ou daté n'étant invoqué tant par Madame X... que par Madame Y... ; cette situation est contestée par l'employeur qui souligne que les représentants fixent eux-mêmes les dates de leur passage en fonction de leurs disponibilités et de celles du pharmacien et ajoute qu'il n'était pas dans les attributions de Madame X... de les recevoir et de négocier avec eux, à l'exception de la société HARTMANN dont la salariée atteste s'être présentée au nouveau titulaire de la pharmacie le mardi 3 octobre 2006 dans l'après-midi alors que la salariée ne travaillait pas ; 3) refus de participer à des formations : Madame X... affirme que son employeur n'a pas voulu l'inscrire à une formation qui s'est déroulée les 23 et 24 octobre 2006 alors que l'employeur et ses collègues de travail y étaient inscrits ; elle estime qu'il s'agit d'un acte discriminatoire à son égard et inacceptable déontologiquement puisque l'article R4235-1 du Code de déontologie des pharmaciens rappelle que ceux-ci ont le devoir d'actualiser leurs connaissances ; ce fait est contesté par l'employeur qui prétend avoir proposé cette formation sur la ''vente conseil" à Madame X... qui a refusé au motif qu'elle avait un bébé dont elle devait s'occuper et que les lundi et mardi après midi étaient ses jours de repos ; aucun élément ne permet à la Cour de déterminer si effectivement la formation a été proposée à Madame X... qui l'aurait refusée ou si l'employeur a refusé de l'inscrire ; à cet égard, l'attestation de Madame Y... relève d'une pétition de principe puisqu'elle indique : " il a été organisé des formations dont Madame X... a été exclue puisqu'à l'initiative de Madame Z... elle-même, Madame B..., préparatrice et moi-même sommes allées à VANNES le lundi 23 octobre et le mardi 24 octobre pour une formation sur un thème important "le conseil associé à l'officine", l'intéressée ne pouvant à l'évidence connaître les conditions exactes de "''l'exclusion" de Madame X... sauf à reprendre ses dires ; Madame X... ne travaillant ni le lundi ni le mardi après midi, il ne peut être reproché à l'EURL PHARMACIE DU CARNEL de ne pas avoir inscrit Madame X... à cette formation ; par ailleurs, Madame Y... a indiqué : "Madame X... n'a pas rencontré le représentant du laboratoire BIOGARAN, laboratoire des génériques qui nous a expliqué les techniques de substitution vis-à-vis du client, c'était en septembre ou octobre " ; aucune date n'est indiquée ce qui ne permet pas à la Cour de vérifier que l'exclusion de Madame X... était volontaire et discriminatoire et ce alors même que les emplois de Madame X..., pharmacienne salariée et de Madame Y..., préparatrice, étaient différents ce qui impliquait également des besoins en formation différents ; 4) exclusion des challenges de vente : Madame X... indique qu'elle a été exclue de challenges de vente tel que celui organisé par le laboratoire MERCK ce qui l'a privée d'une prime non négligeable financièrement et perçue par le reste du personnel ; ce grief est totalement infondé dans la mesure où l'employeur produit le règlement complet du jeu "challenge MERCK génériques'' qui exclut expressément la participation des pharmaciens titulaires, associés ou salariés ce qui est le cas de Madame X... ; 5) exclusion des réunions du personnel : Madame Y... atteste : ''Chaque réunion du personnel est organisée sans Madame X..., les jours où elle est absente sauf ou une fois Monsieur Z... lui a demandé si elle voulait y participer, Madame X... a dit oui. Monsieur Z... a même offert un goûter le mardi 10 octobre à l'ensemble du personnel pour fêter son anniversaire, Madame X... n'était pas invitée'' ; comme le relève l'employeur, aucune précision de date n'est donnée sur les réunions du personnel organisées en l'absence de Madame X... et dont l'objet n'est d'ailleurs pas précisé étant rappelé qu'il s'agit d'une petite entreprise au sein de laquelle les "réunions professionnelles" sont nécessairement limitées voire ponctuelles ; s'agissant du goûter d'anniversaire de Monsieur Z..., celui-ci a eu lieu un mardi après-midi alors que Madame X... ne travaille pas cette demie journée ; il ne peut donc en être déduit une volonté d'exclusion ; 6) dénigrement de la salariée : Madame X... affirme que son employeur l'a dénigrée devant l'ensemble du personnel en indiquant qu'elle était trop rémunérée ou qu'elle "les emmerdait", de manière bien souvent agressive, les faits se renouvelant d'ailleurs devant les clients ; cette affirmation repose essentiellement sur l'attestation de Madame Y... laquelle n'a toutefois pas indiqué que Monsieur ou Madame Z... disait aux autres salariés que Madame X... "les emmerdait" mais a indiqué dans une deuxième attestation du 29 février 2007 que Monsieur Z... aurait effectivement tenu ce propos à Madame X..., cet incident étant lié à la détérioration d'un appareil photo numérique lequel sera évoqué ci-après ; Madame X... fait également état de deux attestations de clients, à savoir Madame C... qui déclare : "le comportement de cette nouvelle direction est très désobligeant et de surcroît devant la clientèle. Madame X... en a fait plusieurs fois les frais. J'ai constaté que cette personne était très fatiguée et qu'elle subissait cette désobligeance verbale devant les clients" et Monsieur D... qui fait état quant à lui du comportement des nouveaux propriétaires intolérable envers leurs employés, notamment envers Madame X..., précisant "qu 'il avait pu constater une agressivité verbale de la direction envers celle-ci et devant la clientèle" ; toutefois, aucune date n'est mentionnée et aucune précision sur les propos ou les formes de la "désobligeance ou agressivité verbales" n'est apportée ; or, l'EURL PHARMACIE DU CARNEL produit de son côté l'attestation de Madame E..., ancienne salariée ayant travaillé en même temps que Madame X... qui affirme avoir eu des relations cordiales et sans problème avec Madame Z... et celle de Madame F..., cliente, qui indique que celle-ci était compétente et agréable ainsi que son mari ; elle verse également aux débats des attestations de salariés engagés postérieurement à la période travaillée par Madame X... et qui soulignent que l'ambiance de travail était bonne et les relations avec Monsieur et Madame Z... courtoises et respectueuses ; si Madame Y... souligne que Monsieur Z... a tenté d'opposer Madame X... aux autres salariées en leur disant qu'en cas d'arrêt de travail, elles seraient obligées d'interrompre leurs vacances et de venir travailler, ce qui a été le cas pour elle en décembre 2006, la Cour observe que le faible effectif du personnel de la pharmacie rend compréhensibles les dites modifications qui pouvaient d'ailleurs être refusées par les salariées concernées ; Madame Y... précise également que Monsieur Z... aurait, le 16 octobre 2007 demandé aux autres salariées de ''surveiller Madame X..." ; or l'EURL PHARMACIE DE CARNEL contredit ce témoignage en produisant une attestation de Monsieur G... qui déclare s'être trouvé ce jour là à BREST avec Monsieur Z... ; 7) détérioration de l'appareil photo numérique : Madame X... fait état de ce que Monsieur Z... a détérioré dans un excès de colère l'appareil numérique appartenant à son conjoint en donnant le 28 février 2007 un coup de pied volontaire dans son sac ; Madame Y... atteste avoir, le mercredi 28 février 2007 vers 16H, vu Monsieur Z... donner délibérément un grand coup de pied dans le sac à main de Madame X... qui se trouvait au pied du vestiaire à l'arrière de la pharmacie ; elle précise que choquée, elle a prévenu Madame X... "qui discrètement a constaté que la gâchette de son appareil numérique de marque CANON pourtant dans sa housse de protection avait été cassée, elle n'a rien osé dire de peur de sa réaction ; Madame Y... ajoute cependant : « puis vers 16h30 alors que Madame X... s'entretenait vivement avec Madame Z..., Madame X... lui demande de lui faire une fiche de poste, Monsieur Z... est intervenu dans la discussion de façon méchante et agressive, je cite :.. Vous nous emmerdez (il le répétera à plusieurs reprises) j'espère que vous aurez un personnel aussi emmerdant quant vous vous installerez ; il lui a reproché ses arrêts de travail notamment du temps des anciens propriétaires... pourtant Madame X... a répondu qu'en six ans elle n 'avait été que très peu absente. La discussion s'est poursuivie au bout des quelques minutes, Monsieur Z... a conclu en disant à Madame X... qu'elle aurait une fiche de poste par courrier accompagné d'un « petit mot ». Madame X... a demandé de sortir quelques minutes car elle ne se sentait pas bien. " ; Madame X... produit également l'attestation d'une cliente, Madame H... avec laquelle elle aurait discuté dans la rue le même jour vers 17 heures et dont il résulte qu'elle lui aurait déclaré qu'elle venait de se faire insulter par Monsieur et Madame Z... et signalé "en plus, Monsieur Z... a shooté dans mon sac, je suis fatiguée, j'ai besoin de prendre l'air", Madame H... précisant avoir constaté depuis la reprise de la pharmacie un changement radical : ambiance lourde, personnel tendu et apparemment stressé ; le fait allégué à rencontre de Monsieur Z... est contesté par l'employeur lequel produit une déclaration de Monsieur I... qui confirme la présence de Monsieur Z... à la réception du chantier le 28 février 2007 après-midi au 27 rue Glasgow à BREST ce qui rend effectivement improbable la présence de l'intéressé pour le moins vers 16 heures à la pharmacie ; en outre, il est surprenant que Madame X..., informée de ce fait par Madame Y..., ait gardé le silence alors que, une demie heure seulement après, elle "discutait vivement " avec Madame Z... à laquelle elle réclamait une fiche de poste ; par ailleurs, compte tenu du contexte, le fait pour l'employeur, même répréhensible, d'avoir dit à sa salariée "qu'elle les emmerdait" (en réaction avec sa demande de fiche de poste) ne peut être considéré comme étant une insulte contrairement à ce qu'a prétendu Madame X... auprès de Madame H... qui ne reproduit d'ailleurs pas les propos tenus ; 8) multiplication des lettres de reproches, avertissements et procédure disciplinaire : il est exact que l'employeur a remis ou adressé à sa salariée trois lettres d'observations (les 14 novembre, 14 et 26 décembre 2006) soulignant la nécessité d'améliorer son comportement professionnel ; la Cour observe cependant que si Madame X... affirme que les dits reproches étaient totalement inexistants, ils n'ont fait l'objet d'aucune dénégation à l'époque alors que les faits invoqués étaient particulièrement précis et pour certains confirmés par les éléments justificatifs produits. Il en est ainsi notamment en ce qui concerne le taux de substitution des génériques et l'absence de commandes de certains produits ; si l'employeur a effectivement engagé le 5 février 2007, suite au refus de Madame X... d'accepter le changement des horaires proposés, une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle, ainsi qu'il résulte de l'attestation du conseiller ayant assisté la salariée lors de l'entretien préalable, cette procédure n'a pas été menée à terme ; 9) multiplication des procédures de contre-visites médicales : du fait des arrêts de travail répétés de la salariée, l'employeur a effectivement fait intervenir la société MEDIVERIF qui a procédé à des contrôles le 27 décembre 2006, le 10 janvier 2007 et le 20 mars 2007 ; il est incontestable que l'employeur a toujours considéré que les arrêts de travail de Madame X... n'étaient pas justifiés par son état de santé ; iI ne peut cependant lui être fait grief d'avoir recouru aux procédures de contrôle parfaitement licites étant observé que Madame X... s'offusque à tort de ce que Monsieur Z... aurait, par ce biais, tenté de violer le secret médical alors que seuls les rapports de contrôle pouvaient lui être communiqués et en aucun cas des renseignements sur l'état de santé de la salariée ou la pathologie dont elle pouvait être atteinte ;
Et AUX MOTIFS QUE Madame X... considère que compte tenu de ces circonstances, l'attitude de son employeur a conduit à son isolement total de la vie quotidienne de la pharmacie en violation évidente du Code de déontologie dont l'article R 4235-36 stipule que "les pharmaciens doivent traiter en confrères les pharmaciens placés sous leur autorité '' ; selon elle, cette situation a détérioré de manière évidente sa santé dans la mesure où depuis la reprise de la pharmacie, elle a d'abord été sous anxiolytiques puis arrêtée ponctuellement pour maladie et enfin de façon continue depuis le 2 mai 2007 (en réalité le 16 mars 2007) pour "état dépressif réactionnel empêchant toute reprise de travail dans les conditions actuelles" ; toutefois, en dehors des attestations de clients faisant état d'une détérioration de l'ambiance régnant au sein de la pharmacie suite à sa reprise par Madame Z... (ce qui confirme que Madame X... était bien affectée au service de la clientèle, en contradiction avec son affirmation quant à un isolement total de la vie quotidienne de l'officine), force est de constater que la position de la salariée ne repose que sur 1' attestation de sa collègue de travail, Madame Y... ; or, celle-ci a eu, dès la reprise de l'exploitation par Madame Z..., un litige avec son employeur lié à la reprise anticipée de son congé parental et relatif au fait qu'il lui était demandé de travailler le lundi ce qui n'était pas le cas auparavant ; cette situation a conduit Madame Y... à faire intervenir son conseil, Maître X..., soeur de l'intimée, laquelle, dans son courrier du 8 août 2006, a fait état d'une attitude discriminatoire à l'égard de Madame Y... dans la mesure où des horaires modifiés lui étaient imposés, sans aucune négociation préalable, alors même que d'autres salariés avaient eu la possibilité d'obtenir les horaires qui les satisfaisaient, étant rappelé que même si les horaires de travail sont prévus par le contrat, ils peuvent, dans certaines limites, être modifiés par l'employeur sauf s'il est précisé contractuellement que les horaires constituent un élément essentiel du contrat de travail ; si ce litige qui s'est d'ailleurs conclu par un accord entre Madame Y... et l'employeur ne permet pas de la suspecter de collusion avec Madame X..., l'attestation de Madame E..., autre salariée présente dans l'entreprise à la même période, contrairement à ce qu'indiqué Madame X... mais comme le démontre le bulletin de salaire de Madame E... de novembre 2006 (son départ se situe au décembre 2006), démontre l'existence d'une complicité certaine entre Madame Y... et Madame X... ; en effet, Madame E... qui fait état de ce qu'elle a toujours eu des relations cordiales et sans problème avec Madame Z..., affirme qu'au contraire, Madame X... avait un comportement méprisant envers celle-ci, ne lui adressant pas la parole et à peine un bonjour ; la salariée indique avoir en outre entendu une conversation entre Madame Y... et Madame X... qui parlait d'une cliente de la pharmacie potentiellement acheteuse de l'officine en disant "si c'est elle, on pourra en faire ce qu'on veut" et ajoutant : "quand j'ai quitté la pharmacie de CARNEL, Madame X... et Madame Y... m'ont dit "c'est bête, il n 'y aura plus personne pour passer l'aspirateur", la Cour relevant à cet égard que sur le tableau établi par l'ancien pharmacien, il était mentionné au titre des tâches devant être effectuées par chaque salariée la mention : aspirateur + sachets l semaine sur 4 effectivement raturée à l'exception de la colonne concernant Madame Claire E... ; dès lors, l'entente manifeste existant entre Madame X... et Madame Y... conduit à relativiser l'attestation de celle-ci d'autant que, ainsi que la Cour l'a déjà relevé, son témoignage procède essentiellement d'une affirmation générale, sans éléments permettant de dater les événements évoqués à l'exception de quelques uns pour lesquels l'employeur a démontré qu'ils ne pouvaient être intervenus au jour mentionné ; par ailleurs, il est incontestable que les relations de Madame X... avec son nouvel employeur sont à mettre en lien avec la revendication relative au travail du samedi aprèsmidi exprimé avec volontarisme et précipitation par la salariée ; en effet, cette demande a été formulée avant même le 1er août 2008 comme le démontre l'attestation établie par le cabinet de transactions pharmaceutiques ; celui-ci précise que lors de la réunion organisée à la fin du mois de juin 2006 pour présenter au nouveau titulaire le personnel de l'officine, Madame Z... avait été extrêmement surprise de l'attitude d'une partie des salariées en place qui avaient revendiqué de façon véhémente des modifications substantielles concernant les emplois du temps notamment sur les horaires en général et le travail du samedi après-midi en particulier ; cette attitude est confirmée par le courrier surprenant adressé dès le 4 août 2006 par Madame X... à son nouvel employeur confirmant d'ailleurs sa demande exprimée fin juin de ne plus travailler le samedi après-midi, l'intéressée indiquant : '"je n'ai pas eu de réponse... J'ai réitéré mon souhait ce jeudi 3 août et vous m'avez répondu " ne pas avoir réfléchi". Vous comprendrez Madame, que je dois rapidement organiser la garde de mon bébé pour cette rentrée en septembre qui est maintenant dans moins d'un mois. Par la présente je vous demande de me répondre par courrier en recommandé à mon souhait de modification de planning. Sans réponse claire et nette de votre part sous dix jours, je considérerais que vous acceptez mon nouvel emploi du temps c'est-à-dire de ne plus travailler le samedi après-midi dès le mois de septembre. " ; il est évident que ce courrier qui s'inscrivait dans un rapport de force avec l'employeur ne pouvait que contribuer à l'établissement d'une mauvaise relation d'autant que l'absence de la salariée prévue pour congés du mardi 8 août au lundi 24 août a été prolongée par un arrêt maladie du vendredi 25 août au mardi 29 août, alors que cette période correspondait au remplacement prévu de l'employeur qui devait assister au mariage d'un membre de sa famille ; les explications des parties et les pièces versées aux débats, notamment les courriers échangés entre employeur et salariée démontrent qu'incontestablement, les revendications émises par Madame X... et les perturbations liées à ses arrêts maladie ont conduit l'employeur à adopter une attitude particulièrement exigeante envers elle, voire pointilleuse, tandis que de son côté, Madame X..., dépitée de ne pas avoir obtenu satisfaction sur le travail du samedi aprèsmidi, (ce que le fait qu'elle en ait parlé à une cliente à laquelle elle a indiqué en septembre 2006 que l'ouverture des samedis après-midi n'était pas justifiée, ainsi qu'en a attesté Madame F... qui a au demeurant ajouté, contrairement aux attestations de clients produites par la salariée, que Madame Z... était compétente et agréable ainsi que son mari), a interprété les décisions prises par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction et de contrôle, sous l'angle de la discrimination ; ceci explique en effet que dans sa lettre du 2 novembre 2006, Madame X... fait grief à son employeur d'avoir modifié les horaires de ses collègues dans la mesure où elle se retrouvait plus souvent seule lors de l'ouverture et de la fermeture de la pharmacie augmentant ainsi l'insécurité, situation que ne peut d'ailleurs pas apprécier la Cour puisqu'aucune explication n'est donnée à cet égard ; de même, elle lui fait à tort reproche d'avoir fixé, sans négociation, ses congés payés à des dates non souhaitées par elle alors que ne pas obtenir satisfaction n'équivaut pas à une absence de concertation, la salariée rappelant ellemême dans son courrier qu'elle avait exprimé le souhait d'obtenir la première semaine de janvier, période qui s'est par la suite trouvée incluse dans un arrêt maladie ; par ailleurs, l'accusation de discrimination et de harcèlement contenue dans ce courrier du 2 novembre 2006 doit être relativisée au regard du temps de présence effective limitée de Madame X... qui n'a travaillé au sein de la pharmacie que 82 jours entrecoupés de congés et absences maladie, la première prescription médicamenteuse datant du 12 septembre 2006 (Xanax, Stilnox) alors que la salariée avait travaillé seulement un peu plus de deux semaines ; dans ces conditions, les relations tendues entre l'employeur et la salariée ne peuvent suffire à caractériser une situation de harcèlement moral ayant entraîné l'état dépressif réactionnel allégué par Madame X... fondé sur des certificats et documents médicaux établis en fonction des seuls dires de la salariée ; à cet égard, l'EURL PHARMACIE DE CARNEL observe que l'état de santé de Madame X... ne l'a pas empêchée de s'investir dans son projet d'installation personnelle puisqu'elle a repris, en qualité d'associée, l'exploitation d'une officine de pharmacie à PONTIVY dès le 1er décembre 2007 ; l'examen des documents médicaux démontre que ceux-ci doivent être relativisés puisque si dans une lettre du 11 octobre 2007, le Docteur J..., psychiatre, indiquait au Docteur K..., médecin généraliste de Madame X... que la poursuite du traitement pharmacologique était nécessaire et qu'il existait des éléments en faveur d'un stress post-traumatique au sens d'un traumatisme psychologique le Docteur L..., dans un questionnaire médical établi par lui le 19 novembre 2007 et destiné à l'organisme devant assurer le prêt souscrit par Madame X..., faisait état d'une date de guérison en septembre 2007 ; dès lors, c'est à tort que le Conseil de Prud'hommes a retenu comme établie une situation de harcèlement moral justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail à une date au demeurant antérieure à la cessation de la relation salariale ; le jugement déféré sera en conséquence réformé en ses dispositions relatives à la rupture étant observé que Madame X... ne remet pas en cause par ailleurs le licenciement pour inaptitude notifié le 30 octobre 2007 ; le jugement sera en revanche confirmé en ce qu'il a débouté Madame X... de sa demande en paiement de la somme de 399 euros correspondant au rachat de l'appareil photo numérique dont il pas prouvé qu'il ait été détérioré par Monsieur Z... ;
ALORS QUE constituent le harcèlement moral des agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la salariée avait été exclue de la participation à des formations et à des réunions du personnel, que l'employeur avait déclaré à la salariée qu'elle « les emmerdait », que l'employeur avait multiplié les lettres de reproches et avait engagé à l'encontre de la salariée une procédure de licenciement qu'il n'avait pas menée à son terme, que lors des absences de la salariée pour cause de maladie, l'employeur avait multiplié des demandes de contre-visites médicales, que des clients faisaient état d'une détérioration de l'ambiance régnant au sein de la pharmacie, que les relations entre l'employeur et la salariée étaient tendues, que l'employeur avait adopté une attitude particulièrement exigeante envers la salariée, voire pointilleuse, en réaction aux revendications émises par Madame X... et aux perturbations liées à ses arrêts maladie et que la salariée, qui avait subi plusieurs arrêts de travail et avait du suivre un traitement médicamenteux, avait été licenciée pour inaptitude « à tout poste dans l'entreprise avec danger immédiat pour sa santé » tout en étant reconnue apte à un poste similaire dans une autre entreprise ; qu'en rejetant néanmoins, la demande de Madame X... tendant à voir juger qu'elle avait été victime de harcèlement moral, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du Travail (anciennement L 122-49 et L 122-52) ;
ALORS subsidiairement QUE dès lors que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la salariée avait été exclue de la participation à des formations et à des réunions du personnel, que l'employeur avait déclaré à la salariée qu'elle « les emmerdait », que l'employeur avait multiplié les lettres de reproches et avait engagé à l'encontre de la salariée une procédure de licenciement qu'il n'avait pas menée à son terme, que lors des absences de la salariée pour cause de maladie, l'employeur avait multiplié des demandes de contre-visites médicales, que des clients faisaient état d'une détérioration de l'ambiance régnant au sein de la pharmacie, que les relations entre l'employeur et la salariée étaient tendues, que l'employeur avait adopté une attitude particulièrement exigeante envers la salariée, voire pointilleuse, en réaction aux revendications émises par Madame X... et aux perturbations liées à ses arrêts maladie et que la salariée, qui avait subi plusieurs arrêts de travail et avait du suivre un traitement médicamenteux, avait été licenciée pour inaptitude « à tout poste dans l'entreprise avec danger immédiat pour sa santé » tout en étant reconnue apte à un poste similaire dans une autre entreprise ; qu'en rejetant néanmoins la demande de Madame X... tendant à voir juger qu'elle avait été victime de harcèlement alors que le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la Cour d'appel, n'a pas donné de base légale à sa décision au sens des articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du Travail (anciennement L 122-49 et L 122-52) ;
ALORS encore QU'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la salariée avait subi plusieurs arrêts de travail, qu'elle avait du suivre un traitement médicamenteux lié à un état de stress post-traumatique, et qu'elle avait été licenciée pour inaptitude « à tout poste dans l'entreprise avec danger immédiat pour sa santé » tout en étant reconnue apte à un poste similaire dans une autre entreprise ; que la Cour d'appel a considéré que « les relations tendues entre l'employeur et la salariée ne peuvent suffire à caractériser une situation de harcèlement moral ayant entraîné l'état dépressif réactionnel allégué par Madame X... fondé sur des certificats et documents médicaux établis en fonction des seuls dires de la salariée » ; que la Cour d'appel, qui ne pouvait rejeter la demande de la salariée au motif de l'absence de preuve de relations entre son état de santé et la dégradation de ses conditions de travail, n'a pas donné de base légale à sa décision au sens des articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du Travail (anciennement L 122-49 et L 122-52) ;
ALORS subsidiairement QUE le harcèlement subi par le salarié sur son lieu de travail résulte de l'avis du médecin du travail qui déclare la salariée inapte « à tout poste dans l'entreprise avec danger immédiat pour sa santé » tout en la reconnaissant apte à un poste similaire dans une autre entreprise ; que la Cour d'appel a considéré que « les relations tendues entre l'employeur et la salariée ne peuvent suffire à caractériser une situation de harcèlement moral ayant entraîné l'état dépressif réactionnel allégué par Madame X... fondé sur des certificats et documents médicaux établis en fonction des seuls dires de la salariée » ; qu'en ne recherchant pas si l'inaptitude de la salariée « à tout poste dans l'entreprise avec danger immédiat pour sa santé » ne trouvait pas sa cause dans le comportement de l'employeur, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au sens des articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du Travail (anciennement L 122-49 et L 122-52).
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Madame X... tendant à obtenir le paiement d'une indemnité de préavis outre les congés payés ;
Et ce sans aucun motif ;
ALORS QUE toute décision doit être motivée à peine de nullité ; qu'en rejetant les demandes de Madame X... tendant à obtenir le paiement d'une indemnité de préavis outre les congés payés et ce, sans aucun motif, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile ;
ALORS subsidiairement QUE lorsque l'impossibilité d'exécuter le préavis résulte de la faute de l'employeur, le salarié peut prétendre au versement de l'indemnité de préavis ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif à la rupture du contrat de travail et au harcèlement subi par la salariée emportera cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ce qu'il a rejeté les demandes de Madame X... tendant à obtenir le paiement d'une indemnité de préavis outre les congés payés et ce, en application de l'article 624 du Code de Procédure Civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-40837
Date de la décision : 13/04/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 18 décembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 avr. 2010, pourvoi n°09-40837


Composition du Tribunal
Président : M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Hémery, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.40837
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award