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13/04/2010 | FRANCE | N°09-12642

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 avril 2010, 09-12642


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 19, paragraphe 3, sous b, du Traité sur l'Union européenne et 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 février 2009), qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société Médiasucre international (la société Médiasucre) par jugement du 7 mai 2007 du tribunal de commerce de Marseille, le liquidateur a assigné devant ce tribunal la société de dr

oit italien Rastelli Davide et C. (la société Rastelli) aux fins d'extension à celle...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 19, paragraphe 3, sous b, du Traité sur l'Union européenne et 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 février 2009), qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société Médiasucre international (la société Médiasucre) par jugement du 7 mai 2007 du tribunal de commerce de Marseille, le liquidateur a assigné devant ce tribunal la société de droit italien Rastelli Davide et C. (la société Rastelli) aux fins d'extension à celle-ci de la procédure collective de la société Médiasucre, en invoquant la confusion de leurs patrimoines ; que le tribunal s'est déclaré incompétent après avoir relevé que la société Rastelli avait son siège social en Italie et n'avait aucun établissement sur le territoire français ; que la cour d'appel, statuant sur contredit, a dit que le tribunal de commerce de Marseille était compétent aux motifs que la demande ne tendait pas à l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société de droit italien Rastelli, mais à l'extension à celle-ci de la liquidation judiciaire de la société Médiasucre et que selon l'article L. 621-2 du code de commerce qui fonde cette demande, le tribunal compétent pour statuer sur la demande d'extension est celui de l'ouverture de la procédure initiale ; que l'arrêt a encore retenu que le principe de l'universalité de la faillite, selon lequel un seul tribunal est compétent concernant tous les actifs et les passifs du débiteur en liquidation judiciaire, quelle que soit leur localisation, doit prévaloir sur le règlement européen, qui ne concerne, en ses articles invoqués par la société Rastelli, que l'ouverture de la procédure, et non son extension ;

Attendu que la société Rastelli conteste cette décision en faisant valoir que la juridiction compétente pour prononcer une procédure principale d'insolvabilité est celle de l'État membre sur le territoire duquel le débiteur a le centre de ses intérêts principaux et qu'en jugeant que le tribunal de commerce de Marseille était compétent pour prononcer la liquidation judiciaire de la société de droit italien Rastelli, au motif inopérant qu'il statuerait ainsi en vertu du principe d'universalité de la faillite par extension d'une procédure collective qu'il a déjà prononcée, tandis qu'une telle mesure d'extension aurait, à l'égard de la société Rastelli, l'effet d'une ouverture de procédure collective, de sorte que le tribunal français, sur le territoire duquel cette société n'a aucun actif ni établissement, est incompétent, la cour d'appel a violé l'article 3 du Règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000, ensemble l'article L. 621-2 du code de commerce ;

Attendu que ce grief pose la question de la compétence internationale du juge de l'État membre sur le territoire duquel a été ouverte la procédure principale d'insolvabilité pour connaître d'une action en extension, dirigée contre une société ayant son siège social dans un autre Etat membre ;

Attendu que selon l'article 4 du Règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'Etat d'ouverture, laquelle détermine les conditions d'ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d'insolvabilité ;

Qu'aux termes de l'article L. 621-2 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, applicable à la procédure de sauvegarde et auquel renvoient l'article L. 631-7 pour le redressement judiciaire et l'article L. 641-1 pour la liquidation judiciaire, la procédure ouverte en France peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale et, à cette fin, le tribunal ayant ouvert la procédure initiale reste compétent ;

Que l'impossibilité de démêler les liens entre deux sociétés dont les patrimoines sont confondus impose l'unicité de procédure et de compétence prévue à l'article L. 621-2 du code de commerce ; qu'il convient toutefois de préciser que, si le constat de la confusion des patrimoines de deux personnes morales permet, en droit interne, l'extension de la procédure collective de l'une à l'autre personne morale , extension qui emporte unicité de la procédure collective, ce constat est sans incidence sur la personnalité juridique des deux sociétés ;

Attendu que se pose toutefois la question de la compatibilité de cette règle de droit interne avec les règles de compétence posées par le règlement européen ;

Que s'agissant de la détermination de la juridiction compétente, l'article 3, paragraphes 1 et 2, du règlement prévoit :

1. Les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu'à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire ;

2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d'un État membre, les juridictions d'un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité à l'égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire ;

Que la Cour de justice des Communautés européennes a précisé (CJCE, 2 mai 2006, Eurofood IFSC Ltd, affaire C-341/04, point n° 30) que dans le système de détermination de la compétence des juridictions des États membres mis en place par le règlement, il existe une compétence juridictionnelle propre pour chaque débiteur constituant une entité juridiquement distincte ;

Que la Cour de justice des Communautés européennes a indiqué (CJCE, 12 février 2009 , C339/07, point 21) que compte tenu de l'intention du législateur et de l'effet utile du règlement, l'article 3, paragraphe 1, de ce dernier doit être interprété en ce sens qu'il attribue également une compétence internationale à l'État membre sur le territoire duquel a été ouverte la procédure d'insolvabilité pour connaître des actions qui dérivent directement de cette procédure et qui s'y insèrent étroitement ;

Qu'il apparaît ainsi que l'action aux fins d'extension pourrait, d'un côté, s'analyser comme une action en ouverture d'une procédure d'insolvabilité ou de l'autre, appartenir à la catégorie des actions qui dérivent directement de la procédure initiale et qui s'y insèrent étroitement ;

Que se pose, dès lors, la question de savoir si les règles de compétence posées par le règlement européen autorisent l'extension, pour cause de confusion des patrimoines, de la procédure collective ouverte par un juge français à une société dont le siège statutaire et donc, par présomption, le centre des intérêts principaux, est situé dans un autre Etat membre ;

PAR CES MOTIFS :

RENVOIE à la Cour de justice de l'Union européenne aux fins de répondre aux questions suivantes :

- Lorsqu'une juridiction d'un État membre ouvre la procédure principale d'insolvabilité d'un débiteur, en retenant que le centre de ses intérêts principaux est situé sur le territoire de cet État, le règlement (CE) n 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité s'oppose-t-il à l'application par cette juridiction d'une règle de son droit national lui donnant compétence pour étendre la procédure à une société dont le siège statutaire est fixé dans un autre État membre, sur le seul fondement de la constatation d'une confusion des patrimoines du débiteur
et de cette société ?

- Si l'action aux fins d'extension doit s'analyser comme l'ouverture d'une nouvelle procédure d'insolvabilité, subordonnée, pour que le juge de l'Etat membre initialement saisi puisse en connaître, à la démonstration que la société visée par l'extension ait dans cet Etat le centre de ses intérêts principaux, cette démonstration peut-elle découler du seul constat de la confusion des patrimoines ?

SURSOIT à statuer sur le pourvoi jusqu'à ce que la Cour de justice se soit prononcée ;

Réserve les dépens ;

Dit qu'une expédition du présent arrêt ainsi qu'un dossier, comprenant notamment le texte de la décision attaquée, seront transmis par le directeur de greffe de la Cour de cassation au greffier en chef de la Cour de justice de l'Union européenne ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille dix.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-12642
Date de la décision : 13/04/2010
Sens de l'arrêt : Sursis a statuer
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

UNION EUROPEENNE - Cour de justice de l'Union européenne - Question préjudicielle - Interprétation des actes pris par les institutions de l'Union - Règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 - Article 3 - Extension de procédure d'insolvabilité

Il convient de poser à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes : 1°/ Lorsqu'une juridiction d'un Etat membre ouvre la procédure principale d'insolvabilité d'un débiteur, en retenant que le centre de ses intérêts principaux est situé sur le territoire de cet Etat, le Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité s'oppose t-il à l'application par cette juridiction d'une règle de son droit national lui donnant compétence pour étendre la procédure à une société dont le siège statutaire est fixé dans un autre Etat membre, sur le seul fondement de la constatation d'une confusion des patrimoines du débiteur et de cette société ? 2°/ Si l'action aux fins d'extension doit s'analyser comme l'ouverture d'une nouvelle procédure d'insolvabilité, subordonnée, pour que le juge de l'Etat membre initialement saisi puisse en connaître, à la démonstration que la société visée par l'extension ait dans cet Etat le centre de ses intérêts principaux, cette démonstration peut-elle découler du seul constat de la confusion des patrimoines ?


Références :

article 19, paragraphe 3, sous b, du Traité sur l'Union européenne

article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

article 3 du Règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000

article L. 621-2 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 février 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 avr. 2010, pourvoi n°09-12642, Bull. civ. 2010, IV, n° 81
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, IV, n° 81

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Bonnet
Rapporteur ?: Mme Orsini
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.12642
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