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08/04/2010 | FRANCE | N°09-14399

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 avril 2010, 09-14399


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que Mme X... a saisi les autorités ordinales d'une plainte contre M. Y..., médecin fondateur d'un centre spécialisé dans l'épilation au laser, faisant état de pratiques commerciales et malhonnêtes, reproduite sur le forum du site "Au féminin.com" ; que M. Y..., et la SELARL docteur Y... ont fait assigner Mme X... et la société "Au féminin.com SA" du chef de diffamation et d'injures en raison de passages déterminés ; q

ue par ordonnance du 18 décembre 2007 le juge de la mise en état a annulé ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que Mme X... a saisi les autorités ordinales d'une plainte contre M. Y..., médecin fondateur d'un centre spécialisé dans l'épilation au laser, faisant état de pratiques commerciales et malhonnêtes, reproduite sur le forum du site "Au féminin.com" ; que M. Y..., et la SELARL docteur Y... ont fait assigner Mme X... et la société "Au féminin.com SA" du chef de diffamation et d'injures en raison de passages déterminés ; que par ordonnance du 18 décembre 2007 le juge de la mise en état a annulé l'assignation en son ensemble en raison de son imprécision ;
Attendu que pour confirmer l'ordonnance, la cour d'appel a énoncé que l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 applicable aux instances civiles, impose, à peine de nullité, que l'assignation précise et qualifie les faits incriminés et indique le texte de loi applicable, de telle sorte, notamment que le défendeur puisse savoir quels passages sont considérés par le demandeur injurieux ou diffamatoires et puisse, le cas échéant, organiser sa défense et faire une offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires dans le délai légal de dix jours ; que l'assignation doit qualifier les faits incriminés et permettre au défendeur de faire la distinction et de savoir en quoi les passages similaires sont susceptibles de caractériser soit l'imputation de faits précis contraires à l'honneur ou à la considération soit des injures et qu'à défaut il en résulte une incertitude contraire aux exigences de la loi sur la presse et aux droits de la défense ;
Qu'en statuant ainsi quand satisfait aux prescriptions du texte précité la citation qui indique exactement au défendeur les faits et les infractions qui lui sont reprochés, et le met ainsi en mesure de préparer utilement sa défense sans qu'il soit nécessaire que la citation précise ceux des faits qui constitueraient des injures, et ceux qui constitueraient des diffamations, la cour d'appel a violé ce texte ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Au féminin.com et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Au féminin.com à payer à M. Y... et la SELARL Dominique Y... la somme totale de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Bouthors, avocat de M. Y... et la société docteur Dominique Y...

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir annulé l'assignation introductive d'instance du 14 juin 2007 à raison de son imprécision prétendue sur les faits poursuivis des chefs de diffamation et d'injures ;
aux motifs que l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, applicable aux instances civiles, impose, à peine de nullité, que l'assignation précise et qualifie les faits incriminés et indique le texte de loi applicable, de telle sorte, notamment, que le défendeur puisse savoir quels passages sont considérés par le demandeur injurieux ou diffamatoires et puisse, le cas échéant, organiser sa défense et faire une offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires dans le délai légal de dix jours ; considérant qu'il résulte de la lecture de l'assignation que des propos identiques sont poursuivis sous la double qualification de diffamation et d'injure ; qu'ainsi, l'expression …« Je dénonce les pratiques commerciales malhonnêtes… » est visée comme étant tout à la fois diffamatoire et injurieuse ; qu'il en est de même des propos : «il faut mettre fin à ces abus commerciaux qui ne sont pas dignes d'un médecin qui n'est autre qu'un business man » et de l'expression « … 55 av. Marceau : à fuir !!!! » qui est visée comme diffamatoire alors que l'expression : « 55 av. Marceau : des voleurs à fuir !!!!... » est visée comme injurieuse ; que si des propos présentant de telles similitudes peuvent, certes, revêtir une qualification distincte en fonction du contexte dans lequel ils s'insèrent et de leur « localisation », ainsi que le soutiennent les appelants, encore faut-il que l'assignation qualifie les faits incriminés et permette au défendeur de faire la distinction et de savoir en quoi des passages similaires sont susceptibles de caractériser soit l'imputation de faits précis contraires à l'honneur ou à la considération, soit des injures ; qu'à défaut, comme en l'espèce, il en résulte une incertitude contraire aux exigences de la loi sur la presse et aux droits de la défense ; considérant, au surplus, que la seule mention selon laquelle les propos poursuivis seraient diffamatoires et injurieux tant à l'égard de Dominique Y... que de la clinique exploitée par la société du même nom apparaît également imprécise, alors que certains de ces propos, visés comme diffamatoires, ne peuvent à l'évidence, que difficilement s'appliquer à une personne morale, et que les propos visés comme étant injurieux sont poursuivis selon les termes de l'assignation, pour dénier « au docteur Y... une qualité de médecin honnête ;
1°) alors que, d'une part, la régularité de l'acte introductif d'instance en matière de presse au regard de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 s'apprécie de manière distributive sous le rapport de la précision des faits et de leur qualification ; qu'il suit de là que l'assignation ne peut être déclarée nulle dans son ensemble à raison de la double qualification retenue pour certaines imputations ; qu'en annulant pour ce motif l'assignation dans son ensemble sans établir que l'imprécision prétendue de certains griefs affecterait également les nombreux autres griefs articulés par les requérants, qu'elle n'a en conséquence pas examinés, la cour a violé le texte susvisé, ensemble les articles 6, 10 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°) alors que, d'autre part, le grief d'imprécision prétendu est lui-même déduit de motifs inopérants puisque les énonciations retenues comme identiques par la cour sous des qualifications différentes procédaient elles-mêmes d'itérations distinctes par leur date et leur contexte ; qu'en identifiant à tort ces énonciations cependant distinctes, notamment par leur date d'apparition sur le forum, la cour s'est déterminée par des motifs inopérants, violant ainsi l'article 53 de la loi de 1881, ensemble les articles 6, 10 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°) alors que, de troisième part, la détermination univoque de la qualité de victime n'entre pas dans les exigences de l'article 53 de la loi de 1881 ; qu'en déduisant l'imprécision prétendue de l'assignation introductive d'instance de ce que certains propos visés pouvaient difficilement s'appliquer à une personne morale, lors même que les propos incriminés visaient clairement le docteur Y... et la clinique exploitée par sa société éponyme, la cour a violé de nouveau le texte susvisé, ensemble les articles 6, 10 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-14399
Date de la décision : 08/04/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PRESSE - Procédure - Action en justice - Assignation - Validité - Conditions - Précision et qualification du fait incriminé - Portée

Satisfait aux prescriptions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, la citation qui indique exactement au prévenu les faits et les infractions qui lui sont reprochés, et le met en mesure de préparer utilement sa défense sans qu'il soit nécessaire que la citation précise ceux des faits qui constitueraient des injures, et ceux qui constitueraient des diffamations


Références :

article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 mars 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 08 avr. 2010, pourvoi n°09-14399, Bull. civ. 2010, I, n° 87
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, I, n° 87

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Rapporteur ?: Mme Crédeville
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Defrenois et Levis, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.14399
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