LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA SOCIÉTÉ COMPAGNIE GÉNÉRALE DES ETABLISSEMENTS MICHELIN, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 18 décembre 2008, qui l'a déboutée de ses demandes après annulation de la procédure et relaxe d'Annie X..., épouse Y..., de Jean-Claude Y..., et de Fabien Z... des chefs d'infractions au code de la propriété intellectuelle et au code des douanes ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 323 3° du code des douanes, 385, 591, 593 et 802 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, infirmant le jugement de première instance, a constaté que le procureur de la République n'a pas été informé immédiatement du placement en rétention douanière des époux Y..., a annulé les actes de la procédure douanière et a, en conséquence, relaxé les prévenus des fins de la poursuite ;
"aux motifs que les poursuites de droit commun fondées sur les dispositions du code de la propriété intellectuelle reposent sur la seule procédure établie par l'administration des douanes ; que la décision dont appel sera infirmée ; qu'il est constant que les époux Y... ont été placés en rétention douanière le 11 avril 2006, à 10 heures 45, le procureur de la République ayant été avisé de ce placement à 14 heures ; que les agents qui, pour les nécessités de l'enquête, placent en rétention douanière une personne à l'encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre un délit flagrant doivent en informer le procureur de la République dès le début de la garde à vue ; que tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par des circonstances insurmontables, fait nécessairement grief aux intérêts de la personne concernée, s'agissant d'une formalité substantielle ; qu'en l'espèce, rien ne justifie que le procureur de la République ait été informé plus de trois heures après la mise en rétention des époux Y..., et notamment pas la nécessité de procéder au dénombrement des marchandises supposées contrefaites, diligence qui devait être accomplie postérieurement à l'avertissement du procureur et non antérieurement, sauf à vider de tout sens l'obligation d'information immédiate ; que si les époux Y... ont été placés en rétention douanière, c'est précisément parce qu'il existait préalablement, par définition, des indices faisant présumer leur participation à la commission (ou à la tentative de commission) d'un ou de délits flagrants ; que la cour relèvera, en outre, que les agents douaniers sont intervenus, après avoir pris soin, pour reprendre leurs dires, « d'asseoir » le délit ; que l'argumentation tardivement invoquée (dans les conclusions de première instance de l'administration douanière) pour expliquer le retard de l'information du parquet, tenant à la difficulté des liaisons téléphoniques depuis un mobile à partir du Perthus, ne sont par ailleurs aucunement avérées ; qu'au contraire, les prévenus produisent un constat attestant de ce qu'aucune difficulté de liaison, par le réseau mobile, ne perturbe les communications sur la commune du Perthus ; que de plus, la cour relèvera que, outre le fait qu'il existe des téléphones fixes sur la dite commune, les agents des douanes se trouvaient, à 12 heures 20, au siège de l'antenne de leur direction des opérations douanières de Perpignan, sans que pour autant ils aient alerté le procureur de la République de la mesure de rétention ; que l'existence de circonstances insurmontables ayant empêché l'information du parquet n'étant pas rapportée, il y aura lieu d'annuler le placement en rétention douanière, l'interrogatoire des prévenus et tous les actes subséquents de la procédure tels qu'établis par les agents des douanes qui en découlent, et partant de relaxer les prévenus des fins de la poursuites ;
"alors que l'annulation d'une mesure de rétention douanière s'étend aux actes subséquents de la procédure qui ont eu pour support nécessaire la mesure annulée ; qu'en l'espèce, il résulte du procès-verbal de constat effectué par les enquêteurs des douanes le 11 avril 2006, à 10 heures 30, que des blousons de motos contrefaisants la marque Michelin ont été découvert dans le magasin et les deux remises de la société Harry D ; que ce procès-verbal de constat n'avait pas pour support nécessaire la mesure de placement en rétention douanière puisque celle-ci est intervenue postérieurement à 10 heures 45 ; que l'annulation de la mesure de rétention ne pouvait donc affecter la validité dudit procès-verbal de constat antérieurement intervenu et de nature à fonder valablement la citation à comparaître des prévenus devant le tribunal correctionnel ; qu'en décidant, cependant, pour annuler l'ensemble de la procédure et relaxer les prévenus des fins de la poursuite, qu'il y avait lieu « d'annuler le placement en rétention douanière, l'interrogatoire des prévenus et tous les actes subséquents de la procédure (…) qui en découlent », sans rechercher si le procès-verbal de constat de détention et de mise en vente d'articles contrefaisants, antérieur à la mesure de rétention annulée et partant non affectée par la nullité entachant celle-ci, ne conférait pas aux actes de poursuites un fondement légal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Vu les articles 323 3° du code des douanes, 385 et 802 du code de procédure pénale ;
Attendu que la nullité d'une mesure de retenue douanière n'entraîne la nullité des actes subséquents qu'à la condition que ceux-ci aient eu pour seul support et pour support nécessaire la mesure annulée ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 11 avril 2006, à 10 heures 30, des agents de l'administration des douanes, exploitant un renseignement selon lequel des blousons de moto étaient proposés à la vente sous des marques contrefaites dans un magasin exploité par la société Harry D au Perthus (Pyrénées-Orientales), se sont rendus dans cet établissement où ils ont constaté la présence de plusieurs articles contrefaisants ; qu'à 10 heures 45, ils ont établi, en présence d'Annie Y..., et de son époux, Jean-Claude Y..., respectivement gérante et salarié de la société, un procès-verbal de constat que ceux-ci ont signé ; que, par procès-verbal distinct, ils leur ont aussitôt notifié qu'ils étaient mis en retenue douanière et ont entrepris un contrôle physique et documentaire portant sur les marchandises présentes dans les locaux et l'activité de la société ; qu'ils ont informé le procureur de la République de la retenue des prévenus à 14 heures ;
Attendu qu'à l'issue de l'enquête, les époux Y... et leur fournisseur, Fabien Z..., ont été cités devant le tribunal correctionnel, pour avoir, les premiers, détenu, proposé à la vente et vendu des produits contrefaits réputés importés en contrebande, le troisième, importé, transporté, détenu et vendu de tels produits ; qu'avant toute défense au fond, les prévenus ont excipé de la nullité de la procédure en invoquant notamment l'inobservation de l'article 323 3° du code des douanes, aux termes duquel, en cas de flagrant délit, le procureur de la République est immédiatement informé de la retenue des prévenus ; que le tribunal a rejeté cette exception, les a condamnés et a prononcé sur les intérêts civils et sur l'action douanière ;
Attendu que, pour infirmer le jugement, annuler les actes de la procédure douanière, relaxer les prévenus et débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt retient qu'en l'absence de démonstration de circonstances insurmontables ayant empêché l'information du procureur de la République, il y a lieu d'annuler la retenue douanière, l'interrogatoire des prévenus et tous les actes subséquents de la procédure établie par les agents des douanes qui en découlent, et, partant, de relaxer la prévenue des fins de la poursuite ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la saisine de la juridiction correctionnelle ne pouvait être affectée par l'annulation de la mesure de retenue, qui n'en était pas le support nécessaire, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les constatations des enquêteurs antérieures à cette mesure ne pouvaient servir de fondement aux poursuites, a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 18 décembre 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, sur les seuls intérêts civils ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de la société compagnie générale des établissements Michelin, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Chaumont conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Villar ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;