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07/04/2010 | FRANCE | N°09-12984;09-13163;09-65940

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 avril 2010, 09-12984 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° U 09-13.163, K 09-65.940 et Z 09-12.984 qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 29 juin 2007, pourvois n° U 07-10.303, n° Z 07-10.354, n° W 07-10.397), que, s'étant saisi d'office le 28 août 2001 de la situation de la concurrence dans le secteur de la téléphonie mobile et ayant été saisi le 22 février 2002 par l'association UFC - Que Choisir de pratiques d'ententes mises en

oeuvre par les sociétés Bouygues Télécom (Bouygues), SFR et Orange France (...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° U 09-13.163, K 09-65.940 et Z 09-12.984 qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 29 juin 2007, pourvois n° U 07-10.303, n° Z 07-10.354, n° W 07-10.397), que, s'étant saisi d'office le 28 août 2001 de la situation de la concurrence dans le secteur de la téléphonie mobile et ayant été saisi le 22 février 2002 par l'association UFC - Que Choisir de pratiques d'ententes mises en oeuvre par les sociétés Bouygues Télécom (Bouygues), SFR et Orange France (Orange) sur le marché des services de téléphonie mobile, le Conseil de la concurrence (le Conseil), devenu l'Autorité de la concurrence, a, par décision n° 05-D-65 du 30 novembre 2005, dit que ces trois opérateurs ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 81 du Traité CE, d'une part, en échangeant régulièrement, de 1997 à 2003, des informations confidentielles relatives audit marché, de nature à réduire l'autonomie commerciale de chacune d'elles et ainsi à altérer la concurrence sur ce marché oligopolistique, et d'autre part, en s'entendant pendant les années 2000 à 2002 pour stabiliser leurs parts de marché respectives autour d'objectifs définis en commun ; qu'il leur a infligé des sanctions pécuniaires allant de 16 à 41 millions d'euros pour les premiers faits et de 42 à 215 millions d'euros pour les seconds et a ordonné des mesures de publication ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° U 09-13.163 formé par la société Orange :
Attendu que la société Orange fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les recours dirigés contre la décision du Conseil, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en considérant d'une part qu'en l'état de la cassation partielle intervenue le 29 juin 2007 la cour de renvoi devait examiner les sanctions dans leur montant global et non seulement tel qu'individualisé dans les motifs de la décision au titre du seul grief remis en question d'échange d'informations, d'autre part que seuls devraient être examinés les moyens dirigés contre l'élément de la sanction se rapportant à l'échange d'informations en ce qu'il concourt à la sanction globale, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que l'arrêt de la chambre commerciale du 29 juin 2007 avait cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 décembre 2006 en ses dispositions infligeant des sanctions, sans distinguer selon les pratiques prétendument anticoncurrentielles en cause, exprimant le lien de dépendance nécessaire entre la question du caractère anticoncurrentiel de l'échange d'informations litigieux et l'entente de gel de parts de marché reprochée à l'exposante ; de sorte qu'en estimant que seuls devraient être examinés les moyens dirigés contre l'élément de la sanction se rapportant à l'échange d'informations, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine en violation des articles 624, 625 et 638 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en refusant expressément de répondre à la question, procédant de l'arrêt de cassation du 29 juin 2007 et posée par l'exposante, du lien entre l'échange d'informations et de l'entente sur les parts de marché, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte des articles 624 et 638 du code de procédure civile que la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire, et que lorsqu'une décision prononce une condamnation unique, mais correspondant à des chefs de demande distincts qui ne sont pas indivisément liés, et que la cassation n'intervient que sur l'un d'eux, cette décision n'est pas remise en cause des autres chefs ; que l'arrêt retient que les seuls points atteints par la cassation étaient la question du caractère anticoncurrentiel ou non des échanges d'informations qui ont eu lieu de 1997 à 2003 entre les sociétés Bouygues, SFR et Orange et les sanctions infligées contre ces sociétés, que si le dispositif de la décision du Conseil mentionne seulement, pour chaque opérateur, le montant global de la sanction prononcée, ce montant, à la lumière des motifs exposés dans la décision, apparaît comme la somme de deux éléments individualisés correspondant à chacune des pratiques qualifiées par le Conseil et qu'il ne résulte pas de l'arrêt du 29 juin 2007 que les deux pratiques ne pourraient être appréciées de manière autonome, la Cour de cassation ayant jugé que la cour d'appel, avait pu ne pas considérer comme unique le dommage causé à l'économie par les deux pratiques sanctionnées et fixer des sanctions distinctes pour chacune des infractions ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit que seuls devaient être examinés les moyens dirigés contre l'appréciation de l'élément de la sanction se rapportant à l'échange d'informations en ce qu'il concourait à la fixation de la sanction globale, la cour d'appel a fait, sans méconnaître l'étendue de sa saisine, l'exacte application des textes susvisés ; que le moyen qui critique un motif surabondant en sa première branche et manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° K 09-65.940 formé par la société SFR, le deuxième et le troisième moyens du pourvoi n° U 09-13.163 formé par la société Orange et le moyen unique du pourvoi n° Z 09-12.984 formé par la société Bouygues, réunis :
Attendu que les sociétés SFR, Bouygues, et Orange font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs recours contre la décision du Conseil, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en se bornant, pour l'essentiel, à reprendre en guise de motivation les motifs de la décision du Conseil de la concurrence, adoptés par l'arrêt cassé du 12 décembre 2006, donc annulés par l'arrêt de cassation du 29 juin 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 et L. 464-2 du code de commerce, ensemble l'article 81 du Traité CE et, en se refusant à exercer son pouvoir juridictionnel, a entaché sa décision d'un excès de pouvoir négatif ;
2°/ que lorsque la cour d'appel de Paris rejette le recours contre une décision du conseil de la concurrence, elle en adopte nécessairement les motifs non contraires aux siens propres ; que, la cour de cassation a prononcé le 29 juin 2007 une cassation pour manque de base légale contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 décembre 2006, pour n'avoir pas recherché de façon concrète si l'échange régulier, de 1997 à 2003, d'informations rétrospectives entre les trois entreprises opérant sur le marché, en ce qu'il portait sur certaines données non publiées par l'ART ou intervenait antérieurement aux publications de cette autorité, avait eu pour objet ou pour effet réel ou potentiel, compte tenu des caractéristiques du marché, de son fonctionnement, de la nature et du niveau d'agrégation des données échangées qui ne distinguaient pas entre forfaits et cartes pré-payées, et de la périodicité des échanges, de permettre à chacun des opérateurs de s'adapter au comportement prévisible de ses concurrents et ainsi de fausser ou de restreindre de façon sensible la concurrence sur le marché concerné ; que cette cassation signifie nécessairement qu'étaient insuffisants non seulement les motifs propres de la cour d'appel de Paris mais encore ceux de la décision du Conseil contre laquelle était formé le recours rejeté ; que dès lors, en l'espèce, en se fondant exclusivement sur les motifs du Conseil, déjà considérés comme insuffisants par la décision de la Cour de cassation, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 81 §1 du Traité de Rome et L. 420-1 du code de commerce ;
3°/ qu'en estimant que l'hypothèse d'une concurrence par les quantités dans laquelle un échange d'informations sur les ventes passées a un effet pro-concurrentiel n'aurait reposé sur aucune démonstration et ne serait étayée par aucun élément du dossier, quand la société Orange démontrait largement cette hypothèse, fondée en outre sur l'étude d'un cabinet d'économistes, la cour d'appel a dénaturé les termes du mémoire de la société Orange, en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°/ qu'en se bornant à estimer "qu'il ne serait pas exclu" que l'échange d'informations, dans l'hypothèse d'une concurrence par les quantités, soit anticoncurrentiel, sans pour autant l'établir positivement comme cela lui revenait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 81 du traité CE, et affecté sa décision d'un excès de pouvoirs négatifs ;
5°/ qu'il résulte des articles 81 § 1 du Traité de Rome et L. 420-1 du code de commerce, que l'échange régulier d'informations rétrospectives entre les trois entreprises opérant sur le marché n'est illicite, en ce qu'il portait sur certaines données non publiées par l'ART ou intervenait antérieurement aux publications de cette autorité, que s'il a eu concrètement pour objet ou pour effet réel ou potentiel, compte tenu des caractéristiques du marché, de son fonctionnement, de la nature et du niveau d'agrégation des données échangées qui ne distinguaient pas entre forfaits et cartes pré-payées, et de la périodicité des échanges, de permettre à chacun des opérateurs de s'adapter au comportement prévisible de ses concurrents et ainsi de fausser ou de restreindre de façon sensible la concurrence sur le marché concerné ; qu'en présumant à partir du seul caractère oligopolistique du marché, et de données abstraites, qu'un échange régulier d'informations est de nature à altérer sensiblement la concurrence qui subsiste, sans vérifier si la concurrence s'était trouvée, du fait de ces échanges d'informations, concrètement altérée par rapport à ce qu'elle eût été en l'absence d'échange d'informations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
6°/ qu'un échange d'informations non tarifaires entre oligopoleurs n'est jamais prohibé per se ; que l'arrêt du 12 décembre 2006 ayant rejeté les recours exercés contre la décision du Conseil de la concurrence sanctionnant un échange d'informations non tarifaires entre opérateurs a été censuré pour manque de base légale, à défaut d'avoir recherché de façon concrète si l'échange régulier, de 1997 à 2003, d'informations rétrospectives encore confidentielles entre les trois entreprises opérant sur le marché, avait eu pour objet ou pour effet réel ou potentiel, compte tenu des caractéristiques du marché, de son fonctionnement, de la nature et du niveau d'agrégation des données échangées, de permettre à chacun des opérateurs de s'adapter au comportement prévisible de ses concurrents et ainsi de fausser ou de restreindre de façon sensible la concurrence sur le marché concerné ; qu'ainsi ni l'arrêt cassé, ni la décision déférée du Conseil de la concurrence dont la motivation avait été adoptée par l'arrêt censuré n'avait mis en évidence, par une motivation circonstanciée, l'objet ou l'effet anticoncurrentiel potentiel ou réel de l'échange d'informations visé ; qu'en décidant que la restriction de concurrence, condition nécessaire de l'entente, résultait suffisamment de la seule motivation de la décision du Conseil de la concurrence, la cour de renvoi a violé les articles L. 420-1 du code de commerce et 81 § 1 du Traité CE ;
7°/ qu'en retenant, en guise d'appréciation de l'objet ou des effets, réels ou potentiels, de l'échange d'informations litigieux, des éléments caractérisant l'entente prétendument distincte de parts de marché, la cour d'appel a statué par motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 81 du Traité CE ;
8°/ qu'un système d'informations non tarifaires n'est susceptible d'altérer la concurrence entre oligopoleurs en atténuant ou en supprimant le degré d'incertitude sur le fonctionnement du marché et de contrevenir aux dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 81 § 1 du Traité CE que s'il porte sur des données précises et individualisées ; qu'en retenant que l'attention avec laquelle les informations échangées étaient analysées au plus haut niveau par les opérateurs suffit à démontrer le caractère stratégique des données échangées pour anticiper les politiques commerciales des concurrents, la cour de renvoi qui a statué par des motifs impropres à établir que les informations échangées présentaient un degré de précision suffisant au sens de la jurisprudence communautaire pour produire des effets anticoncurrentiels, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 81 § 1 du Traité CE ;
9°/ qu'un système d'informations non tarifaires n'est susceptible d'altérer la concurrence entre oligopoleurs en atténuant ou en supprimant le degré d'incertitude sur le fonctionnement du marché et de contrevenir aux dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 81 § 1 du Traité CE que s'il porte sur des données précises et individualisées ; qu'en considérant que les informations échangées sur les ventes brutes, les résiliations et les ventes nettes, étaient suffisamment précises pour constituer des données stratégiques et permettre à chaque opérateur d'évaluer les politiques commerciales de ses concurrents, après avoir constaté que l'échange portait sur des données globales, non ventilées par région, par nature d'offre, pré ou post payée, par canal de distribution ou catégorie de clientèle, la cour de renvoi qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
10°/ qu'en négligeant la considération que les informations, essentielles stratégiquement, relatives à la ventilation des ventes entre forfaits et prépayés n'étaient pas échangées par les concurrents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 81 du Traité CE ;
11°/ qu'ayant été spécialement invité par l'arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2007 à tenir compte, pour vérifier l'existence d'une restriction de concurrence, que les informations en cause n'opéraient aucune distinction entre les forfaits et les cartes pré-payées, la cour de renvoi qui a décidé que cette circonstance importait peu, a violé de plus fort les articles L. 420-1 du code de commerce et 81 § 1 du Traité CE ;
12°/ qu'en négligeant la réorientation des stratégies commerciales des opérateurs, essentielle à l'appréciation du caractère stratégique des données échangées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 et 81 du Traité CE ;
Mais attendu que l'arrêt retient que si, sur un marché oligopolistique fortement concentré protégé par des barrières à l'entrée et caractérisé par une concurrence en quantité, un échange d'informations peut avoir dans certaines circonstances des effets bénéfiques pour le consommateur dans la mesure, par exemple, où il permettrait aux opérateurs d'anticiper un accroissement de la demande et finalement d'adapter en conséquence les capacités de leurs réseaux pour mieux satisfaire la clientèle, l'hypothèse selon laquelle l'échange d'informations entre les opérateurs de téléphonie mobile aurait eu un tel effet bénéfique ne repose sur aucune démonstration et n'est étayée par aucune pièce du dossier, certaines des informations confidentielles échangées mensuellement n'apportant aux opérateurs aucune information sur le volume de la consommation et la localisation des saturations éventuelles, que l'observation de l'évolution des ventes brutes est le seul indicateur capable de les renseigner de façon synthétique sur "l'effort concurrentiel" fait par leurs concurrents, que, si les opérateurs ont regardé comme souhaitable l'échange d'indicateurs plus complets comportant par exemple une ventilation entre pré et post payés, celle-ci n'a pourtant jamais été mise en oeuvre, les données globales échangées présentant en elles-mêmes un intérêt stratégique suffisant par leur grande actualité et la périodicité rapprochée des communications sur une longue période de temps, et que les informations échangées ont été utilisées concrètement par les opérateurs pour évaluer les conséquences de la politique commerciale mise en oeuvre, justifier les mesures commerciales prévues, infléchir, le cas échéant, la politique commerciale, enfin anticiper le comportement de l'un d'entre eux en réaction à une baisse de ses parts ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel qui ne s'est pas bornée à reprendre les motifs propres et adoptés de l'arrêt partiellement cassé du 12 décembre 2006, qui n'a pas présumé à partir du seul caractère oligopolistique du marché, et de données abstraites, qu'un échange régulier d'informations était de nature à altérer sensiblement la concurrence, qui ne s'est pas bornée à déduire le caractère stratégique des données échangées du seul fait qu'elles étaient analysées au plus haut niveau par les opérateurs et qui n'a pas décidé que l'absence de distinction entre les forfaits et les cartes pré-payées, importait peu, mais a vérifié que les informations échangées, en dépit de leurs imperfections, avaient été effectivement utilisées par les opérateurs pour ajuster leur stratégie, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le quatrième moyen du pourvoi n° U 09-13.163 formé par la société Orange, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 464-2 du code de commerce ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le montant de la sanction d'une pratique, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, doit être proportionné à l'importance du dommage causé par cette pratique à l'économie ; que ce dommage ne saurait être présumé ;
Attendu que pour rejeter le recours formé par la société Orange, l'arrêt retient que le Conseil a fait une exacte appréciation du dommage à l'économie provoqué par l'échange d'informations, étant observé que l'existence d'un dommage à l'économie est présumée dans le cas d'une entente ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le même moyen pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 464-2 du code de commerce ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que les éléments qui permettent de mesurer l'importance du dommage causé à l'économie sont suffisants, le Conseil ayant notamment relevé que la taille du marché était très importante et que la totalité des opérateurs intervenants sur ce marché avait participé à l'échange d'informations ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans tenir également compte de la sensibilité de la demande au prix, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses seules dispositions relatives aux sanctions prononcées contre la société Orange pour avoir participé à un échange d'informations, l'arrêt n° 0719110 rendu le 11 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les sociétés Bouygues, Orange France et SFR aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Vu l'article R. 470-2 du code de commerce, dit que sur les diligences du directeur du greffe de la Cour de cassation, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'économie ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi n° Z 09-12.984 par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils pour la société Bouygues Télécom.
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté le recours de la société BOUYGUES TELECOM contre la décision du Conseil de la concurrence l'ayant condamnée à une amende administrative pour entente anticoncurrentielle, et à une injonction de publication de sa décision,
AUX MOTIFS QUE « Considérant qu'il est constant que, de 1997 à 2003, les trois sociétés requérantes ont régulièrement échangé chaque mois des informations portant sur les ventes brutes, les résiliations et les ventes nettes ; qu'il y a lieu de rechercher si, compte tenu des caractéristiques et du fonctionnement du marché concerné, de la nature des informations transmises, ces échanges avaient pour objet ou ont eu pour effet potentiel ou réel de restreindre la concurrence sur le marché concerné ;2.1. Sur la structure et le fonctionnement du marché :Considérant que les trois opérateurs en cause se partagent la totalité de l'offre de services de téléphonie mobile, qui consistent, pour l'essentiel, en unités de temps de communications téléphoniques, sous la forme d'abonnements, de forfaits ou de cartes prépayées qui, en dépit des caractéristiques de présentation ou de tarification propres à chaque marque, constituent des produits homogènes et substituables ; que le marché concerné présente ainsi les caractères d'un marché oligopolistique fortement concentré ; qu'il est par ailleurs fermé par fortes barrières à l'entrée que sont les impératifs technologiques et administratifs liés à l'établissement d'un réseau de télécommunications et à l'obtention d'une coûteuse licence ; Considérant que les données relatives à la répartition des parts de marchés entre les trois opérateurs pour la période considérée, telles qu'exposées aux points 117 à 122 de la décision, dont l'exactitude n'est pas contestée, permettent, en dépit des variations mensuelles observées, de regarder la place relative de chacun comme fixée de manière suffisamment stable dans la durée ; que les évolutions de la demande, dont la croissance, forte jusqu'en 2000, s'est ralentie par la suite, sans effet réellement sensible sur l'évolution de la répartition des parts de marchés, non seulement ne remettent pas en cause cette appréciation, mais ne font au contraire que la renforcer ; que, de même, l'intensité de la concurrence a connu, à partir de 2000, un fléchissement qui s'est traduit par une diminution des efforts consentis en vue de l'acquisition de nouveaux clients et une augmentation des tarifs, ces éléments s'inscrivant dans une « politique de pacification » mentionnée dans le document émanant de France Télécom analysé par le Conseil aux § 60 et 72 de la décision ; Considérant, au contraire de ce que soutient la société Orange, qu'il n'est pas exclu qu'un échange d'informations sur les ventes passées dans le cas d'une concurrence par les quantités puisse produire un effet anticoncurrentiel, même s'il peut être favorable au consommateur dans certaines conditions ; que l'hypothèse de la requérante selon laquelle ces conditions se seraient rencontrées en l'espèce dans la mesure où, l'évolution des ventes ayant permis aux opérateurs d'anticiper un accroissement de la demande et finalement d'adapter en conséquence les capacités de leurs réseaux pour mieux satisfaire la clientèle ne repose sur aucune démonstration et n'est étayée par aucun élément du dossier ; que, tout au contraire, la connaissance des ventes brutes, qui n'apporte aucune information sur le volume des consommations et la localisation des saturations éventuelles, ne présente aucune utilité à cette fin ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Conseil a exactement déduit des éléments de l'enquête, dans les § 152 à 187 de la décision, que le marché concerné présentait des caractères de structure et de fonctionnement tels qu'un échange régulier d'informations confidentielles et stratégiques entre les sociétés opérant sur ce marché pouvait se traduire par une restriction de concurrence ;2.2. Sur les informations échangées :Considérant que le caractère confidentiel des informations échangées entre les opérateurs est attesté notamment par l'avertissement joint aux messages de diffusion des données au sein de la société Bouygues affirmant : « Je vous rappelle que ces chiffres sont échangés entre les trois opérateurs à titre confidentiel. Ils ne doivent en aucune façon être communiqués à l'extérieur et notamment pas auprès de nos instances réglementaires (ART, ministère,...) » ; que ce caractère confidentiel n'est pas démenti, mais plutôt confirmé par le fait que des considérations d'opportunité financière, invoquées notamment par la société Bouygues, imposent, à côté de préoccupations liées au droit de la concurrence une discrétion sur ces échanges ; Considérant que les sociétés requérantes soutiennent vainement qu'elles auraient de toute façon pu obtenir les données échangées par d'autres canaux, tels que les publications de l'ART, les informations données par les distributeurs ou la presse ; Considérant qu'il est constant que les échanges entre les opérateurs étaient toujours antérieurs de près d'une semaine à l'envoi des données à l'ART destiné à l'observatoire des mobiles ; que ce dernier n'a donné lieu, à partir d'avril 2000, qu'à une publication trimestrielle de sorte qu'il ne pouvait permettre, en tout état de cause, aux opérateurs de disposer des données avec le même degré d'actualité que par l'échange organisé entre eux ; que les diverses analyses ou études de marchés publiées en ordre dispersé par des organismes spécialisés ou la presse économique, qui ne pouvaient être élaborées qu'à partir des données fournies par l'ART ou par les opérateurs eux-mêmes, ne pouvaient évidemment être plus récentes ni plus précises, ni plus fiables, ni plus régulières que leurs sources, ni être exploitées avec autant d'efficacité qu'un ensemble de données systématiquement actualisé tous les mois pendant plusieurs années ; Considérant, au surplus, que le chiffre des ventes brutes que les opérateurs se communiquaient chaque mois n'était pas publié par l'ART ; Considérant, par ailleurs, que l'enquête a montré que les renseignements donnés par les distributeurs aux opérateurs ne portaient que sur les ventes des produits de chacun d'eux et non sur ceux des autres et ne permettaient donc pas de reconstituer l'information globale sur la répartition des parts de marché ; Considérant que c'est donc à juste titre que le Conseil a retenu que les informations échangées entre les opérateurs avant toute autre communication avaient, au moins pendant un certain temps, un caractère confidentiel ; que ce caractère se conservait plus longtemps s'agissant des informations relatives aux ventes brutes, non publiées par l'observatoire des mobiles ; Considérant, par ailleurs, que le Conseil a justement expliqué, compte tenu des circonstances propres à la présente espèce, en quoi les informations échangées, et particulièrement celles sur les ventes brutes, en dépit du caractère global de ces données et de l'absence de ventilation par région, par nature d'offre pré- ou post-payée, par canal de distribution ou catégorie de clientèle, présentaient à elles seules un intérêt stratégique déterminant pour éclairer la prise de décision de politique commerciale, notamment parce qu'elles permettaient de faire un lien direct entre les mouvements de prix des produits et l'évolution de l'indicateur ventes brutes ; qu'il a ainsi pertinemment retenu (§ 210) que, sur le marché concerné, où la transparence est atténuée par la multiplicité des formules d'abonnements, de cartes ou de forfaits, la diversité des options et la fréquence de renouvellement des offres, « l'observation de l'évolution des ventes brutes est le seul indicateur capable de renseigner de façon synthétique sur "l'effort concurrentiel" fait par les concurrents » ; que le Conseil a encore relevé, se référant à l'extrait du comité exécutif du 24 juin 2002 cité par la société Orange, que, si les opérateurs avaient regardé comme souhaitable l'échange d'indicateurs plus complets comportant par exemple une ventilation entre pré et post payés, celle-ci n'avait pourtant jamais été mise en oeuvre, les données globales présentant en elles-mêmes un intérêt stratégique suffisant ; Considérant encore que, bien que rétrospectives, les informations échangées, par leur grande actualité et la périodicité rapprochée des communications, compte tenu, en outre, de leur accumulation constitutive d'une série continue pendant plusieurs années, présentaient une utilité certaine pour anticiper une évolution ; Considérant, au surplus, que le caractère stratégique des données échangées est suffisamment établi, dans la réalité, par l'attention avec laquelle ces informations étaient analysées, au plus haut niveau de la direction des entreprises, par les instances décisionnelles en charge, précisément, de la stratégie commerciale des sociétés en cause ; Considérant, à cet égard, que le Conseil a montré de manière détaillée, dans les § 220 à 224 de la décision et en se référant aux comptes rendus des comités exécutifs ou des conseils d'administration examinés et cités aux § 38 à 49 et 86 à 9l, que les informations échangées avaient été utilisées concrètement par les opérateurs pour évaluer les conséquences de la politique commerciale mise en oeuvre, justifier les mesures commerciales prévues, infléchir, le cas échéant, la politique commerciale, enfin anticiper le comportement de l'un d'entre eux en réaction à une baisse de ses parts de marché ; Considérant que le Conseil a ainsi démontré non seulement, au regard de la structure du marché et de son fonctionnement, du caractère confidentiel, de la nature et du niveau d'agrégation des informations échangées et de leur intérêt stratégique, de la périodicité des échanges, que ceux-ci étaient de nature à atténuer ou à supprimer l'incertitude quant au caractère prévisible du comportement des concurrents, mais encore, qu' ils avaient concrètement permis aux opérateurs de réduire leur autonomie pour s'adapter aux évolutions des politiques commerciales de leurs concurrents en ayant pour effet de fausser ou de restreindre de façon sensible la concurrence sur le marché de la téléphonie mobile ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est par des motifs pertinents que la cour fait siens que le Conseil a conclu que les sociétés Orange, SFR et Bouygues, seuls offreurs sur le marché des services de téléphonie mobile, ont échangé, systématiquement tous les mois de 1997 à 2003, à leur seul profit, à l'exclusion des consommateurs, des informations qu'elles tenaient pour des secrets d'affaires et qui n'étaient accessibles par aucune autre source ; que ces informations, suffisamment précises et d'une grande actualité, concernaient un marché oligopolistique fermé en phase d'expansion puis de consolidation sur lequel la concurrence était en voie d'atténuation ; que ces échanges avaient accru la transparence du marché et révélé aux opérateurs leurs stratégies respectives en leur permettant, par leur accord de volonté, de limiter la concurrence résiduelle ; que le grief notifié à ce titre aux trois opérateurs sur le fondement des articles L.420-1 du code de commerce et 81 du traité CE est établi ; » ( cf arrêt p. 6 à 8).
ALORS D'UNE PART, que lorsque la Cour d'appel de Paris rejette le recours contre une décision du conseil de la concurrence, elle en adopte nécessairement les motifs non contraires aux siens propres ; que, la cour de cassation a prononcé le 29 juin 2007 une cassation pour manque de base légale contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 décembre 2006, pour n'avoir pas recherché de façon concrète si l'échange régulier, de 1997 à 2003, d'informations rétrospectives entre les trois entreprises opérant sur le marché, en ce qu'il portait sur certaines données non publiées par l'ART ou intervenait antérieurement aux publications de cette autorité, avait eu pour objet ou pour effet réel ou potentiel, compte tenu des caractéristiques du marché, de son fonctionnement, de la nature et du niveau d'agrégation des données échangées qui ne distinguaient pas entre forfaits et cartes pré-payées, et de la périodicité des échanges, de permettre à chacun des opérateurs de s'adapter au comportement prévisible de ses concurrents et ainsi de fausser ou de restreindre de façon sensible la concurrence sur le marché concerné ; que cette cassation signifie nécessairement qu'étaient insuffisants non seulement les motifs propres de la Cour d'appel de PARIS mais encore ceux de la décision du Conseil contre laquelle était formé le recours rejeté ; Que dès lors, en l'espèce, en se fondant exclusivement sur les motifs du Conseil, déjà considérés comme insuffisants par la décision de la cour de cassation, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 81 §1 du Traité de Rome et L 420-1 du code de commerce.
ALORS D'AUTRE PART, qu'il résulte des articles 81 §1 du Traité de Rome et L 420-1 du code de commerce, que l'échange régulier d'informations rétrospectives entre les trois entreprises opérant sur le marché n'est illicite, en ce qu'il portait sur certaines données non publiées par l'ART ou intervenait antérieurement aux publications de cette autorité, que s'il a eu concrètement pour objet ou pour effet réel ou potentiel, compte tenu des caractéristiques du marché, de son fonctionnement, de la nature et du niveau d'agrégation des données échangées qui ne distinguaient pas entre forfaits et cartes pré-payées, et de la périodicité des échanges, de permettre à chacun des opérateurs de s'adapter au comportement prévisible de ses concurrents et ainsi de fausser ou de restreindre de façon sensible la concurrence sur le marché concerné ; qu'en présumant à partir du seul caractère oligopolistique du marché, et de données abstraites, qu'un échange régulier d'informations est de nature à altérer sensiblement la concurrence qui subsiste, sans vérifier si la concurrence s'était trouvée, du fait de ces échanges d'informations, concrètement altérée par rapport à ce qu'elle eût été en l'absence d'échange d'informations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

Moyen produit au pourvoi n° K 09-65.940 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la Société française de radiotéléphone.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, sur renvoi après cassation, rejeté le recours de la société SFR contre la décision n° 05-D-65 rendue le 30 novembre 2005 par le Conseil de la concurrence,
AUX MOTIFS QUE, sur le caractère anticoncurrentiel de l'échange d'informations, il est constant que, de 1997 à 2003, les trois sociétés requérantes ont régulièrement échangé chaque mois des informations portant sur les ventes brutes, les résiliations et les ventes nettes ; qu'il y a lieu de rechercher si, compte tenu des caractéristiques et du fonctionnement du marché concerné, de la nature des informations transmises, ces échanges avaient pour objet ou ont eu pour effet potentiel ou réel de restreindre la concurrence sur le marché concerné ; que sur la structure et le fonctionnement du marché, les trois opérateurs en cause se partagent la totalité de l'offre de services de téléphonie mobile, qui consistent, pour l'essentiel, en unités de temps de communications téléphoniques, sous la forme d'abonnements, de forfaits ou de cartes prépayées qui, en dépit des caractéristiques de présentation ou de tarification propres à chaque marque, constituent des produits homogènes et substituables ; que le marché concerné présente ainsi les caractères d'un marché oligopolistique fortement concentré ; qu'il est par ailleurs fermé par fortes barrières à l'entrée que sont les impératifs technologiques et administratifs liés à l'établissement d'un réseau de télécommunications et à l'obtention d'une coûteuse licence ; que les données relatives à la répartition des parts de marchés entre les trois opérateurs pour la période considérée, telles qu'exposées aux points 117 à 122 de la décision, dont l'exactitude n'est pas contestée, permettent, en dépit des variations mensuelles observées, de regarder la place relative de chacun comme fixée de manière suffisamment stable dans la durée ; que les évolutions de la demande, dont la croissance, forte jusqu'en 2000, s'est ralentie par la suite, sans effet réellement sensible sur l'évolution de la répartition des parts de marchés, non seulement ne remettent pas en cause cette appréciation, mais ne font au contraire que la renforcer ; que, de même, l'intensité de la concurrence a connu, à partir de 2000, un fléchissement qui s'est traduit par une diminution des efforts consentis en vue de l'acquisition de nouveaux clients et une augmentation des tarifs, ces éléments s'inscrivant dans une « politique de pacification » mentionnée dans le document émanant de France Télécom analysé par le Conseil aux § 60 et 72 de la décision ; qu'au contraire de ce que soutient la société Orange, il n'est pas exclu qu'un échange d'informations sur les ventes passées dans le cas d'une concurrence par les quantités puisse produire un effet anticoncurrentiel, même s'il peut être favorable au consommateur dans certaines conditions ; que l'hypothèse de la requérante selon laquelle ces conditions se seraient rencontrées en l'espèce dans la mesure où, l'évolution des ventes ayant permis aux opérateurs d'anticiper un accroissement de la demande et finalement d'adapter en conséquence les capacités de leurs réseaux pour mieux satisfaire la clientèle ne repose sur aucune démonstration et n'est étayée par aucun élément du dossier ; que, tout au contraire, la connaissance des ventes brutes, qui n'apporte aucune information sur le volume des consommations et la localisation des saturations éventuelles, ne présente aucune utilité à cette fin ; qu'il résulte de ce qui précède que le Conseil a exactement déduit des éléments de l'enquête, dans les § 152 à 187 de la décision, que le marché concerné présentait des caractères de structure et de fonctionnement tels qu'un échange régulier d'informations confidentielles et stratégiques entre les sociétés opérant sur ce marché pouvait se traduire par une restriction de concurrence ;
ET AUX MOTIFS QUE sur les informations échangées, le caractère confidentiel des informations échangées entre les opérateurs est attesté notamment par l'avertissement joint aux messages de diffusion des données au sein de la société Bouygues affirmant : « Je vous rappelle que ces chiffres sont échangés entre les trois opérateurs à titre confidentiel. Ils ne doivent en aucune façon être communiqués à l'extérieur et notamment pas auprès de nos instances réglementaires (ART ministère,...) » ; que ce caractère confidentiel n'est pas démenti, mais plutôt confirmé par le fait que des considérations d'opportunité financière, invoquées notamment par la société Bouygues, imposent, à côté de préoccupations liées au droit de la concurrence une discrétion sur ces échanges ; que les sociétés requérantes soutiennent vainement qu'elles auraient de toute façon pu obtenir les données échangées par d'autres canaux, tels que les publications de l'ART, les informations données par les distributeurs ou la presse ; qu'il est constant que les échanges entre les opérateurs étaient toujours antérieurs de près d'une semaine à l'envoi des données à l'ART destiné à l'observatoire des mobiles ; que ce dernier n'a donné lieu, à partir d'avril 2000, qu'à une publication trimestrielle de sorte qu'il ne pouvait permettre, en tout état de cause, aux opérateurs de disposer des données avec le même degré d'actualité que par l'échange organisé entre eux ; que les diverses analyses ou études de marchés publiées en ordre dispersé par des organismes spécialisés ou la presse économique, qui ne pouvaient être élaborées qu'à partir des données fournies par l'ART ou par les opérateurs eux-mêmes, ne pouvaient évidemment être plus récentes ni plus précises, ni plus fiables, ni plus régulières que leurs sources, ni être exploitées avec autant d'efficacité qu'un ensemble de données systématiquement actualisé tous les mois pendant plusieurs années ; qu'au surplus, le chiffre des ventes brutes que les opérateurs se communiquaient chaque mois n'était pas publié par l'ART ; que par ailleurs, l'enquête a montré que les renseignements donnés par les distributeurs aux opérateurs ne portaient que sur les ventes des produits de chacun d'eux et non sur ceux des autres et ne permettaient donc pas de reconstituer l'information globale sur la répartition des parts de marché ; que c'est donc à juste titre que le Conseil a retenu que les informations échangées entre les opérateurs avant toute autre communication avaient, au moins pendant un certain temps, un caractère confidentiel ; que ce caractère se conservait plus longtemps s'agissant des informations relatives aux ventes brutes, non publiées par l'observatoire des mobiles ; que par ailleurs, le Conseil a justement expliqué, compte tenu des circonstances propres à la présente espèce, en quoi les informations échangées, et particulièrement celles sur les ventes brutes, en dépit du caractère global de ces données et de l'absence de ventilation par région, par nature d'offre pré ou post-payée, par canal de distribution ou catégorie de clientèle, présentaient à elles-seules un intérêt stratégique déterminant pour éclairer la prise de décision de politique commerciale, notamment parce qu'elles permettaient de faire un lien direct entre les mouvements de prix des produits et l'évolution de l'indicateur ventes brutes ; qu'il a ainsi pertinemment retenu (§ 210) que, sur le marché concerné, où la transparence est atténuée par la multiplicité des formules d'abonnements, de cartes ou de forfaits, la diversité des options et la fréquence de renouvellement des offres, « l'observation de l'évolution des ventes brutes est le seul indicateur capable de renseigner de façon synthétique sur "l'effort concurrentiel" fait par les concurrents » ; que le Conseil a encore relevé, se référant à l'extrait du comité exécutif du 24 juin 2002 cité par la société Orange, que, si les opérateurs avaient regardé comme souhaitable l'échange d'indicateurs plus complets comportant par exemple une ventilation entre pré et post payés, celle-ci n'avait pourtant jamais été mise en oeuvre, les données globales présentant en elles-mêmes un intérêt stratégique suffisant ; que, bien que rétrospectives, les informations échangées, par leur grande actualité et la périodicité rapprochée des communications, compte tenu, en outre, de leur accumulation constitutive d'une série continue pendant plusieurs années, présentaient une utilité certaine pour anticiper une évolution ; qu'au surplus, le caractère stratégique des données échangées est suffisamment établi, dans la réalité, par l'attention avec laquelle ces informations étaient analysées, au plus haut niveau de la direction des entreprises, par les instances décisionnelles en charge, précisément, de la stratégie commerciale des sociétés en cause ; qu'à cet égard, le Conseil a montré de manière détaillée, dans les § 220 à 224 de la décision et en se référant aux comptes rendus des comités exécutifs ou des conseils d'administration examinés et cités aux § 38 à 49 et 86 à 91, que les informations échangées avaient été utilisées concrètement par les opérateurs pour évaluer les conséquences de la politique commerciale mise en oeuvre, justifier les mesures commerciales prévues, infléchir, le cas échéant, la politique commerciale, enfin anticiper le comportement de l'un d'entre eux en réaction à une baisse de ses parts de marché ; que le Conseil a ainsi démontré non seulement, au regard de la structure du marché et de son fonctionnement, du caractère confidentiel, de la nature et du niveau d'agrégation des informations échangées et de leur intérêt stratégique, de la périodicité des échanges, que ceux-ci étaient de nature à atténuer ou à supprimer l'incertitude quant au caractère prévisible du comportement des concurrents, mais encore, qu' ils avaient concrètement permis aux opérateurs de réduire leur autonomie pour s'adapter aux évolutions des politiques commerciales de leurs concurrents en ayant pour effet de fausser ou de restreindre de façon sensible la concurrence sur le marché de la téléphonie mobile ; qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est par des motifs pertinents que la cour fait siens que le Conseil a conclu que les sociétés Orange, SFR et Bouygues, seuls offreurs sur le marché des services de téléphonie mobile, ont échangé, systématiquement tous les mois de 1997 à 2003, à leur seul profit, à l'exclusion des consommateurs, des informations qu'elles tenaient pour des secrets d'affaires et qui n'étaient accessibles par aucune autre source ; que ces informations, suffisamment précises et d'une grande actualité, concernaient un marché oligopolistique fermé en phase d'expansion puis de consolidation sur lequel la concurrence était en voie d'atténuation ; que ces échanges avaient accru la transparence du marché et révélé aux opérateurs leurs stratégies respectives en leur permettant, par leur accord de volonté, de limiter la concurrence résiduelle ; que le grief notifié à ce titre aux trois opérateurs sur le fondement des articles L.420-1 du code de commerce et 81 du traité CE est établi ;
1°) ALORS QU'un échange d'informations non tarifaires entre oligopoleurs n'est jamais prohibé per se ; que l'arrêt du 12 décembre 2006 ayant rejeté les recours exercés contre la décision du Conseil de la concurrence sanctionnant un échange d'informations non tarifaires entre opérateurs a été censuré pour manque de base légale, à défaut d'avoir recherché de façon concrète si l'échange régulier, de 1997 à 2003, d'informations rétrospectives encore confidentielles entre les trois entreprises opérant sur le marché, avait eu pour objet ou pour effet réel ou potentiel, compte tenu des caractéristiques du marché, de son fonctionnement, de la nature et du niveau d'agrégation des données échangées, de permettre à chacun des opérateurs de s'adapter au comportement prévisible de ses concurrents et ainsi de fausser ou de restreindre de façon sensible la concurrence sur le marché concerné ; qu'ainsi ni l'arrêt cassé, ni la décision déférée du Conseil de la concurrence dont la motivation avait été adoptée par l'arrêt censuré n'avait mis en évidence, par une motivation circonstanciée, l'objet ou l'effet anticoncurrentiel potentiel ou réel de l'échange d'informations visé ; qu'en décidant que la restriction de concurrence, condition nécessaire de l'entente, résultait suffisamment de la seule motivation de la décision du Conseil de la concurrence, la cour de renvoi a violé les articles L 420-1 du Code de commerce et 81 §1 du traité CE ;
2°) ALORS QU'un système d'informations non tarifaires n'est susceptible d'altérer la concurrence entre oligopoleurs en atténuant ou en supprimant le degré d'incertitude sur le fonctionnement du marché et de contrevenir aux dispositions des articles L 420-1 du Code de commerce et 81 §1 du Traité CE que s'il porte sur des données précises et individualisées ; qu'en considérant que les informations échangées sur les ventes brutes, les résiliations et les ventes nettes, étaient suffisamment précises pour constituer des données stratégiques et permettre à chaque opérateur d'évaluer les politiques commerciales de ses concurrents, après avoir constaté que l'échange portait sur des données globales, non ventilées par région, par nature d'offre, pré ou post payée, par canal de distribution ou catégorie de clientèle, la cour de renvoi qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
3°) ALORS QU 'ayant été spécialement invité par l'arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2007 à tenir compte, pour vérifier l'existence d'une restriction de concurrence, que les informations en cause n'opéraient aucune distinction entre les forfaits et les cartes pré-payées, la cour de renvoi qui a décidé que cette circonstance importait peu, a violé de plus fort les articles L 420-1 du Code de commerce et 81 §1 du Traité CE ;
4°) ALORS QU'un système d'informations non tarifaires n'est susceptible d'altérer la concurrence entre oligopoleurs en atténuant ou en supprimant le degré d'incertitude sur le fonctionnement du marché et de contrevenir aux dispositions des articles L 420-1 du Code de commerce et 81 §1 du Traité CE que s'il porte sur des données précises et individualisées ; qu'en retenant que l'attention avec laquelle les informations échangées étaient analysées au plus haut niveau par les opérateurs suffit à démontrer le caractère stratégique des données échangées pour anticiper les politiques commerciales des concurrents, la cour de renvoi qui a statué par des motifs impropres à établir que les informations échangées présentaient un degré de précision suffisant au sens de la jurisprudence communautaire pour produire des effets anticoncurrentiels, a privé sa décision de base légale au regard des articles L 420-1 du Code de commerce et 81 §1 du traité CE.

Moyens produits au pourvoi n° U 09-13.163 par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour la société Orange France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
(la méconnaissance par la cour d'appel de Paris de l'étendue de sa saisine)
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les recours dirigés contre la décision du Conseil de la concurrence 05-D-65 du 30 novembre 2005 ;
1°) AUX MOTIFS QU' :
« en l'état de la cassation partielle intervenue :
(…) les parties sont replacées dans l'état où elles étaient avant l'arrêt cassé sur les seuls points atteints par la cassation, soit, premièrement, sur la question du caractère anticoncurrentiel ou non des échanges d'informations qui ont eu lieu de 1997 à 2003 entre les sociétés Bouygues, SFR et Orange, deuxièmement sur les sanctions infligées contre ces sociétés, étant observé que le Conseil, ayant prononcé, par une seule disposition, une sanction unique à raison des deux griefs pris ensemble pour chacune des sociétés, la cour doit examiner les sanctions dans leur montant global et non pas seulement tel qu'individualisé dans les motifs de la décision au titre du seul grief remis en question ;
(…)
seuls doivent être examinés les moyens dirigés contre l'appréciation de l'élément de la sanction se rapportant à l'échange d'informations en ce qu'il concourt à la fixation de la sanction globale »
ALORS QU'en considérant d'une part qu'en l'état de la cassation partielle intervenue le 29 juin 2007 la cour de renvoi devait examiner les sanctions dans leur montant global et non seulement tel qu'individualisé dans les motifs de la décision au titre du seul grief remis en question d'échange d'informations, d'autre part que seuls devraient être examinés les moyens dirigés contre l'élément de la sanction se rapportant à l'échange d'informations en ce qu'il concourt à la sanction globale, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) AUX MOTIFS QUE :
« 3. SUR LES SANCTIONS :
(…) si le dispositif de la décision déférée mentionne seulement, pour chacune des sociétés requérantes, le montant global de la sanction prononcée à son encontre, ce montant, à la lumière des motifs exposés aux § 342 pour la société Orange, 344 pour la société SFR et 346 pour la société Bouygues, apparaît comme la somme de deux éléments individualisés correspondant à chacune des pratiques qualifiées ; (…) c'est ainsi qu'à la pratique relative à l'échange d'informations correspondent des éléments de sanction, respectivement, de 4l millions d'euros pour la société Orange, de 35 millions d'euros pour la société SFR et de 16 millions d'euros pour la société Bouygues ;
(…) au rebours de ce que soutient la société Orange, qui fait valoir que la mention au dispositif du seul montant global de la sanction s'explique par la raison que, l'une des deux pratiques ayant pu, pendant un temps, servir à la mise en oeuvre de l'autre, les deux seraient indissociables, (…) il ne résulte pas de l'arrêt de la Cour de cassation que les deux pratiques ne pourraient être appréciées de manière autonome que, tout au contraire, la Haute juridiction a jugé que la cour d'appel, en ne considérant pas comme unique le dommage causé à l'économie par les deux pratiques sanctionnées, et en fixant des sanctions distinctes pour chacune des infractions, n'avait pas méconnu les textes invoqués par les sociétés requérantes ;
(…) dès lors, (…) seuls doivent être examinés les moyens dirigés contre l'appréciation de l'élément de la sanction se rapportant à l'échange d'informations en ce qu'il concourt à la fixation de la sanction globale » ;
ALORS QUE, d'une part, l'arrêt de la chambre commerciale du 29 juin 2007 avait cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 décembre 2006 en ses dispositions infligeant des sanctions, sans distinguer selon les pratiques prétendument anticoncurrentielles en cause, exprimant le lien de dépendance nécessaire entre la question du caractère anticoncurrentiel de l'échange d'informations litigieux et l'entente de gel de parts de marché reprochée à l'exposante ; de sorte qu'en estimant que seuls devraient être examinés les moyens dirigés contre l'élément de la sanction se rapportant à l'échange d'informations, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine en violation des articles 624, 625 et 638 du code de procédure civile ;
ALORS QUE d'autre part, en refusant expressément de répondre à la question, procédant de l'arrêt de cassation du 29 juin 2007 et posée par l'exposante, du lien entre l'échange d'informations et de l'entente sur les parts de marché, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les recours dirigés contre la décision du Conseil de la concurrence 05-D-65 du 30 novembre 2005 ;
AUX MOTIFS QUE :
« 2. SUR LE CARACTÈRE ANTICONCURRENTIEL DE L'ÉCHANGE D'INFORMATIONS :
(…)2.1. Sur la structure et le fonctionnement du marché :
(…) les données relatives à la répartition des parts de marchés entre les trois opérateurs pour la période considérée, telles qu'exposées aux points 117 à 122 de la décision, dont l'exactitude n'est pas contestée, permettent, en dépit des variations mensuelles observées, de regarder la place relative de chacun comme fixée de manière suffisamment stable dans la durée ; (…) les évolutions de la demande, dont la croissance, forte jusqu'en 2000, s'est ralentie par la suite, sans effet réellement sensible sur l'évolution de la répartition des parts de marchés, non seulement ne remettent pas en cause cette appréciation, mais ne font au contraire que la renforcer ; (…) de même, l'intensité de la concurrence a connu, à partir de 2000, un fléchissement qui s'est traduit par une diminution des efforts consentis en vue de l'acquisition de nouveaux clients et une augmentation des tarifs, ces éléments s'inscrivant dans une « politique de pacification » mentionnée dans le document émanant de France Télécom analysé par le Conseil aux § 60 et 72 de la décision ;
(…) il résulte de ce qui précède que le Conseil a exactement déduit des éléments de l'enquête, dans les § 152 à 187 de la décision, que le marché concerné présentait des caractères de structure et de fonctionnement tels qu'un échange régulier d'informations confidentielles et stratégiques entre les sociétés opérant sur ce marché pouvait se traduire par une restriction de concurrence ;
2.2. Sur les informations échangées :
(…) c'est donc à juste titre que le Conseil a retenu que les informations échangées entre les opérateurs avant toute autre communication avaient, au moins pendant un certain temps, un caractère confidentiel ; (…) ce caractère se conservait plus longtemps s'agissant des informations relatives aux ventes brutes, non publiées par l'observatoire des mobiles ;
(…) par ailleurs, (…) le Conseil a justement expliqué, compte tenu des circonstances propres à la présente espèce, en quoi les informations échangées, et particulièrement celles sur les ventes brutes, en dépit du caractère global de ces données et de l'absence de ventilation par région, par nature d'offre pré- ou post-payée, par canal de distribution ou catégorie de clientèle, présentaient à elles-seules un intérêt stratégique déterminant pour éclairer la prise de décision de politique commerciale, notamment parce qu'elles permettaient de faire un lien direct entre les mouvements de prix des produits et l'évolution de l'indicateur ventes brutes ; (…) il a ainsi pertinemment retenu (§ 210) que, sur le marché concerné, où la transparence est atténuée par la multiplicité des formules d'abonnements, de cartes ou de forfaits, la diversité des options et la fréquence de renouvellement des offres, « l'observation de l'évolution des ventes brutes est le seul indicateur capable de renseigner de façon synthétique sur "l'effort concurrentiel" fait par les concurrents » ; (…) le Conseil a encore relevé, se référant à l'extrait du comité exécutif du 24 juin 2002 cité par la société Orange, que, si les opérateurs avaient regardé comme souhaitable l'échange d'indicateurs plus complets comportant par exemple une ventilation entre pré et post payés, celle-ci n'avait pourtant jamais été mise en oeuvre, les données globales présentant en elles-mêmes un intérêt stratégique suffisant ;
(…) à cet égard, (…) le Conseil a montré de manière détaillée, dans les § 220 à 224 de la décision et en se référant aux comptes rendus des comités exécutifs ou des conseils d'administration examinés et cités aux § 38 à 49 et 86 à 91, que les informations échangées avaient été utilisées concrètement par les opérateurs pour évaluer les conséquences de la politique commerciale mise en oeuvre, justifier les mesures commerciales prévues, infléchir, le cas échéant, la politique commerciale, enfin anticiper le comportement de l'un d'entre eux en réaction à une baisse de ses parts de marché ;
(…) le Conseil a ainsi démontré non seulement, au regard de la structure du marché et de son fonctionnement, du caractère confidentiel, de la nature et du niveau d'agrégation des informations échangées et de leur intérêt stratégique, de la périodicité des échanges, que ceux-ci étaient de nature à atténuer ou à supprimer l'incertitude quant au caractère prévisible du comportement des concurrents, mais encore, qu' ils avaient concrètement permis aux opérateurs de réduire leur autonomie pour s'adapter aux évolutions des politiques commerciales de leurs concurrents en ayant pour effet de fausser ou de restreindre de façon sensible la concurrence sur le marché de la téléphonie mobile ;
(…) il résulte de tout ce qui précède que c'est par des motifs pertinents que la cour fait siens que le Conseil a conclu que les sociétés Orange, SFR et Bouygues, seuls offreurs sur le marché des services de téléphonie mobile, ont échangé, systématiquement tous les mois de 1997 à 2003, à leur seul profit, à l'exclusion des consommateurs, des informations qu'elles tenaient pour des secrets d'affaires et qui n'étaient accessibles par aucune autre source ; (…) ces informations, suffisamment précises et d'une grande actualité, concernaient un marché oligopolistique fermé en phase d'expansion puis de consolidation sur lequel la concurrence était en voie d'atténuation ; (…) ces échanges avaient accru la transparence du marché et révélé aux opérateurs leurs stratégies respectives en leur permettant, par leur accord de volonté, de limiter la concurrence résiduelle ; (…) le grief notifié à ce titre aux trois opérateurs sur le fondement des articles L.420-1 du code de commerce et 8l du traité CE est établi ;
3. SUR LES SANCTIONS :
(…) s'agissant d'une entente horizontale, appartenant aux restrictions de concurrence les plus graves, (…) les sociétés requérantes ne sont pas fondées à minimiser la gravité de la pratique d'échange d'informations, dont le Conseil a fait une appréciation mesurée en retenant que celle-ci n'atteignait pas le caractère de gravité d'une entente expresse sur les prix ou de répartition de marchés, ni même celui d'un échange d'informations entre soumissionnaires à un marché public préalablement à la remise des offres ; (…) le Conseil a néanmoins souligné la durée de la pratique, étalée sur sept années avant qu'il n'y soit mis fin, non pas seulement sur l'initiative de la société Bouygues, comme cette dernière s'en flatte, mais par la mise en oeuvre de la procédure, et qu'il n'y avait pas lieu de porter une appréciation différente de la gravité de la pratique selon les opérateurs concernés ;
(…) le Conseil a encore justement évalué les effets de l'échange d'informations sur le marché en cause et fait une exacte appréciation du dommage à l'économie que cette pratique avait provoqué, étant observé que l'existence d'un dommage à l'économie est présumée dans le cas d'une entente et qu'il n'est pas nécessaire que celui-ci soit chiffré avec précision dès lors que les éléments qui permettent d'en mesurer l'importance sont suffisants ; (…) le Conseil a notamment relevé que la taille du marché était très importante et que la totalité des opérateurs intervenant sur ce marché y avaient participé » ;
ALORS QU'en se bornant, pour l'essentiel, à reprendre en guise de motivation les motifs de la décision du Conseil de la concurrence, adoptés par l'arrêt cassé du 12 décembre 2006, donc annulés par l'arrêt de cassation du 29 juin 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 et L.464-2 du code de commerce, ensemble l'article 81 du traité CE et, en se refusant à exercer son pouvoir juridictionnel, a entaché sa décision d'un excès de pouvoir négatif.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(l'absence d'examen concret du caractère anticoncurrentiel ou non de l'échange d'informations litigieux).
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les recours dirigés contre la décision du Conseil de la concurrence 05-D-65 du 30 novembre 2005 ;
1°) AUX MOTIFS QUE:
« 2. SUR LE CARACTÈRE ANTICONCURRENTIEL DE L'ÉCHANGE D'INFORMATIONS :
(…)
les données relatives à la répartition des parts de marchés entre les trois opérateurs pour la période considérée, telles qu'exposées aux points 117 à 122 de la décision, dont l'exactitude n'est pas contestée, permettent, en dépit des variations mensuelles observées, de regarder la place relative de chacun comme fixée de manière suffisamment stable dans la durée ; (…) les évolutions de la demande, dont la croissance, forte jusqu'en 2000, s'est ralentie par la suite, sans effet réellement sensible sur l'évolution de la répartition des parts de marchés, non seulement ne remettent pas en cause cette appréciation, mais ne font au contraire que la renforcer;(…), de même, l'intensité de la concurrence a connu, à partir de 2000, un fléchissement qui s'est traduit par une diminution des efforts consentis en vue de l'acquisition de nouveaux clients et une augmentation des tarifs, ces éléments s'inscrivant dans une «politique de pacification» mentionnée dans le document émanant de France Télécom analysé par le Conseil aux § 60 et 72 de la décision ;
(…) le Conseil a montré de manière détaillée, dans les § 220 à 224 de la décision et en se référant aux comptes rendus des comités exécutifs ou des conseils d'administration examinés et cités aux § 38 à 49 et 86 à 9l, que les informations échangées avaient été utilisées concrètement par les opérateurs pour évaluer les conséquences de la politique commerciale mise en oeuvre, justifier les mesures commerciales prévues, infléchir, le cas échéant, la politique commerciale, enfin anticiper le comportement de l'un d'entre eux en réaction à une baisse de ses parts de marché ;
(…) le Conseil a ainsi démontré non seulement, au regard de la structure du marché et de son fonctionnement, du caractère confidentiel, de la nature et du niveau d'agrégation des informations échangées et de leur intérêt stratégique, de la périodicité des échanges, que ceux-ci étaient de nature à atténuer ou à supprimer l'incertitude quant au caractère prévisible du comportement des concurrents, mais encore, qu' ils avaient concrètement permis aux opérateurs de réduire leur autonomie pour s'adapter aux évolutions des politiques commerciales de leurs concurrents en ayant pour effet de fausser ou de restreindre de façon sensible la concurrence sur le marché de la téléphonie mobile » ;
ALORS QU'en retenant, en guise d'appréciation de l'objet ou des effets, réels ou potentiels, de l'échange d'informations litigieux, des éléments caractérisant l'entente prétendument distincte de parts de marché, la cour d'appel a statué par motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 81 du traité CE ;
2°) AUX MOTIFS QUE :
« (…) au contraire de ce que soutient la société Orange, (…) il n'est pas exclu qu'un échange d'informations sur les ventes passées dans le cas d'une concurrence par les quantités puisse produire un effet anticoncurrentiel, même s'il peut être favorable au consommateur dans certaines conditions ; (…) l'hypothèse de la requérante selon laquelle ces conditions se seraient rencontrées en l'espèce dans la mesure où, l'évolution des ventes ayant permis aux opérateurs d'anticiper un accroissement de la demande et finalement d'adapter en conséquence les capacités de leurs réseaux pour mieux satisfaire la clientèle ne repose sur aucune démonstration et n'est étayée par aucun élément du dossier ; (…) tout au contraire, la connaissance des ventes brutes, qui n'apporte aucune information sur le volume des consommations et la localisation des saturations éventuelles, ne présente aucune utilité à cette fin ;
ALORS QUE, d'une part, en estimant que l'hypothèse d'une concurrence par les quantités dans laquelle un échange d'informations sur les ventes passées a un effet pro-concurrentiel n'aurait reposé sur aucune démonstration et ne serait étayée par aucun élément du dossier, quand l'exposante démontrait largement cette hypothèse, fondée en outre sur l'étude d'un cabinet d'économistes, la cour d'appel a dénaturé les termes du mémoire de la société Orange, en violation de l'article 1134 du code civil ;
ALORS QUE d'autre part en se bornant à estimer « qu'il ne serait pas exclu » que l'échange d'informations, dans l'hypothèse d'une concurrence par les quantités, soit anticoncurrentiel, sans pour autant l'établir positivement comme cela lui revenait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 81 du traité CE, et affecté sa décision d'un excès de pouvoirs négatifs ;
3°) AUX MOTIFS QUE :
« 2.2. Sur les informations échangées :
(…) le caractère confidentiel des informations échangées entre les opérateurs est attesté notamment par l'avertissement joint aux messages de diffusion des données au sein de la société Bouygues affirmant : « Je vous rappelle que ces chiffres sont échangés entre les trois opérateurs à titre confidentiel. Ils ne doivent en aucune façon être communiqués à l'extérieur et notamment pas auprès de nos instances réglementaires (ART, ministère,...) » ; (…) ce caractère confidentiel n'est pas démenti, mais plutôt confirmé par le fait que des considérations d'opportunité financière, invoquées notamment par la société Bouygues, imposent, à côté de préoccupations liées au droit de la concurrence une discrétion sur ces échanges ;
(…) les sociétés requérantes soutiennent vainement qu'elles auraient de toute façon pu obtenir les données échangées par d'autres canaux, tels que les publications de l'ART, les informations données par les distributeurs ou la presse ;
(…) il est constant que les échanges entre les opérateurs étaient toujours antérieurs de près d'une semaine à l'envoi des données à l'ART destiné à l'observatoire des mobiles ; que ce dernier n'a donné lieu, à partir d'avril 2000, qu'à une publication trimestrielle de sorte qu'il ne pouvait permettre, en tout état de cause, aux opérateurs de disposer des données avec le même degré d'actualité que par l'échange organisé entre eux ; que les diverses analyses ou études de marchés publiées en ordre dispersé par des organismes spécialisés ou la presse économique, qui ne pouvaient être élaborées qu'à partir des données fournies par l'ART ou par les opérateurs eux-mêmes, ne pouvaient évidemment être plus récentes ni plus précises, ni plus fiables, ni plus régulières que leurs sources, ni être exploitées avec autant d'efficacité qu'un ensemble de données systématiquement actualisé tous les mois pendant plusieurs années ;
(…) au surplus, que le chiffre des ventes brutes que les opérateurs se communiquaient chaque mois n'était pas publié par l'ART ;
(…) par ailleurs, (…) l'enquête a montré que les renseignements donnés par les distributeurs aux opérateurs ne portaient que sur les ventes des produits de chacun d'eux et non sur ceux des autres et ne permettaient donc pas de reconstituer l'information globale sur la répartition des parts de marché ;
(…) c'est donc à juste titre que le Conseil a retenu que les informations échangées entre les opérateurs avant toute autre communication avaient, au moins pendant un certain temps, un caractère confidentiel ; que ce caractère se conservait plus longtemps s'agissant des informations relatives aux ventes brutes, non publiées par l'observatoire des mobiles ;
(…) par ailleurs, (…) le Conseil a justement expliqué, compte tenu des circonstances propres à la présente espèce, en quoi les informations échangées, et particulièrement celles sur les ventes brutes, en dépit du caractère global de ces données et de l'absence de ventilation par région, par nature d'offre pré- ou post-payée, par canal de distribution ou catégorie de clientèle, présentaient à elles-seules un intérêt stratégique déterminant pour éclairer la prise de décision de politique commerciale, notamment parce qu'elles permettaient de faire un lien direct entre les mouvements de prix des produits et l'évolution de l'indicateur ventes brutes ; qu'il a ainsi pertinemment retenu (§ 210) que, sur le marché concerné, où la transparence est atténuée par la multiplicité des formules d'abonnements, de cartes ou de forfaits, la diversité des options et la fréquence de renouvellement des offres, « l'observation de l'évolution des ventes brutes est le seul indicateur capable de renseigner de façon synthétique sur "l'effort concurrentiel" fait par les concurrents » ; (…) le Conseil a encore relevé, se référant à l'extrait du comité exécutif du 24 juin 2002 cité par la société Orange, que, si les opérateurs avaient regardé comme souhaitable l'échange d'indicateurs plus complets comportant par exemple une ventilation entre pré et post payés, celle-ci n'avait pourtant jamais été mise en oeuvre, les données globales présentant en elles-mêmes un intérêt stratégique suffisant ;
(…) bien que rétrospectives, les informations échangées, par leur grande actualité et la périodicité rapprochée des communications, compte tenu, en outre, de leur accumulation constitutive d'une série continue pendant plusieurs années, présentaient une utilité certaine pour anticiper une évolution ;
(…) au surplus, (…) le caractère stratégique des données échangées est suffisamment établi, dans la réalité, par l'attention avec laquelle ces informations étaient analysées, au plus haut niveau de la direction des entreprises, par les instances décisionnelles en charge, précisément, de la stratégie commerciale des sociétés en cause ;
(…) à cet égard, (…) le Conseil a montré de manière détaillée, dans les § 220 à 224 de la décision et en se référant aux comptes rendus des comités exécutifs ou des conseils d'administration examinés et cités aux § 38 à 49 et 86 à 91, que les informations échangées avaient été utilisées concrètement par les opérateurs pour évaluer les conséquences de la politique commerciale mise en oeuvre, justifier les mesures commerciales prévues, infléchir, le cas échéant, la politique commerciale, enfin anticiper le comportement de l'un d'entre eux en réaction à une baisse de ses parts de marché ;
(…) le Conseil a ainsi démontré non seulement, au regard de la structure du marché et de son fonctionnement, du caractère confidentiel, de la nature et du niveau d'agrégation des informations échangées et de leur intérêt stratégique, de la périodicité des échanges, que ceux-ci étaient de nature à atténuer ou à supprimer l'incertitude quant au caractère prévisible du comportement des concurrents, mais encore, qu' ils avaient concrètement permis aux opérateurs de réduire leur autonomie pour s'adapter aux évolutions des politiques commerciales de leurs concurrents en ayant pour effet de fausser ou de restreindre de façon sensible la concurrence sur le marché de la téléphonie mobile»;
ALORS QUE d'une part en négligeant la considération que les informations, essentielles stratégiquement, relatives à la ventilation des ventes entre forfaits et prépayés n'étaient pas échangées par les concurrents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 81 du traité CE ;
ALORS QUE d'autre part en négligeant la réorientation des stratégies commerciales des opérateurs, essentielle à l'appréciation du caractère stratégique des données échangées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 et 81 du traité CE.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
(l'absence d'appréciation du dommage à l'économie, nécessaire à l'évaluation de la sanction)
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les recours dirigés contre la décision du Conseil de la concurrence 05-D-65 du 30 novembre 2005 ;
AUX MOTIFS QUE :
« le Conseil a encore justement évalué les effets de l'échange d'informations sur le marché en cause et fait une exacte appréciation du dommage à l'économie que cette pratique avait provoqué, étant observé que l'existence d'un dommage à l'économie est présumée dans le cas d'une entente et qu'il n'est pas nécessaire que celui-ci soit chiffré avec précision dès lors que les éléments qui permettent d'en mesurer l'importance sont suffisants ; (…) le Conseil a notamment relevé que la taille du marché était très importante et que la totalité des opérateurs intervenant sur ce marché y avaient participé » ;
1°) ALORS QU'en estimant que l'existence d'un dommage à l'économie serait présumée dans le cas d'une entente la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;
2°) ALORS QU'en se refusant à examiner concrètement, comme cela le lui était demandé notamment grâce à une étude économique, l'incidence réelle des pratiques en cause sur le marché concerné, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce.


Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONCURRENCE - Conseil de la concurrence - Décision - Sanction - Sanction pécuniaire - Dommage causé à l'économie par une entente - Critères à prendre en compte

Prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce, la cour d'appel qui, pour apprécier l'importance du dommage causé à l'économie par une entente anticoncurrentielle, ne prend pas en compte, outre la taille du marché concerné, la sensibilité de la demande du produit ou service en cause à son prix


Références :

Sur le numéro 1 : article L. 464-2 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 mars 2009


Publications
Proposition de citation: Cass. Com., 07 avr. 2010, pourvoi n°09-12984;09-13163;09-65940, Bull. civ. 2010, IV, n° 70
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, IV, n° 70
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Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Jenny
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Thomas-Raquin et Bénabent, SCP Defrenois et Levis, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Formation : Chambre commerciale
Date de la décision : 07/04/2010
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09-12984;09-13163;09-65940
Numéro NOR : JURITEXT000022086519 ?
Numéro d'affaires : 09-12984, 09-13163, 09-65940
Numéro de décision : 41000430
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2010-04-07;09.12984 ?
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