LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu la loi des 16-24 août 1790 ;
Attendu que par convention du 28 février 1995 intitulée convention de "concession temporaire", renouvelée à plusieurs reprises et en dernier lieu le 10 juillet 2002, avec prorogation jusqu'au 31 décembre 2005, l'Etablissement Public pour l'aménagement de la défense (EPAD), a autorisé la société Bâtiment construction rénovation, (BCR), à occuper des locaux à usage d'entrepôt, de bureaux et d'activités situés à Nanterre ; que par acte du 21 décembre 2005, la société BCR à laquelle l'EPAD avait notifié son congé, a revendiqué l'application du statut des baux commerciaux ;
Attendu que pour déclarer les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes, l'arrêt retient, par motifs propres, que la concession temporaire par l'EPAD, de l'occupation d'un ensemble immobilier faisant partie de la zone d'aménagement différé s'inscrit dans le cadre de sa mission de service public d'aménagement du quartier de la défense et de la gestion de la réserve foncière constituée à cette fin, et, par motifs adoptés, que la clause dérogatoire au statut des baux commerciaux reproduisant les dispositions de l'article L. 221-2 du code de l'urbanisme, est exorbitante du droit commun ;
Qu'en statuant ainsi alors d'une part, qu'il résultait de ses constatations que la convention litigieuse, si elle répondait aux besoins de l'EPAD, n'avait pas pour objet l'exécution du service public, d'autre part, que le fait qu'une clause déroge au statut des baux commerciaux en conférant un caractère précaire au droit concédé à l'occupant ne suffit pas, à lui seul, à emporter la qualification de clause exorbitante du droit commun, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 novembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne l'EPAD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'EPAD et le condamne à payer à la société BCR la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Luc-Thaler, avocat aux Conseils pour la société Bâtiment construction rénovation.
SUR
LE MOYEN DE CASSATION :
, TEL QUE LIBELLE DANS LE MEMOIRE AMPLIATIFCe moyen est libellé ainsi :
- « IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR, confirmant le jugement entrepris, fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par l'EPAD ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'EPAD est un établissement public à caractère industriel et commercial auquel il n'est pas discuté qu'a été confiée la mission, de service public, d'aménagement du quartier de La Défense qui s'étend sur les territoires des communes de Puteaux, Courbevoie et Nanterre et qui a justifié la création d'une zone d'aménagement différé ZAD qui inclut, notamment, les terrains et construction litigieux situés 278 rue de la Garenne à Nanterre ; que, dans le cadre de la gestion de la réserve foncière constituée à ce titre, l'EPAD a concédé temporairement à la société BCR l'occupation de cet ensemble immobilier aux termes de conventions successivement conclues les 28 février 1995, 2 janvier 1998 et 10 juillet 2002 ; que ces conventions portent sur des biens immobiliers qui font partie intégrante de la zone d'aménagement ; qu'elles s'inscrivent donc dans le cadre de la mission de service public confiée à l'EPAD ; que leur interprétation et leur exécution ressortissent à la compétence des juridictions administratives ; que doit, en conséquence, recevoir confirmation le jugement qui a fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par l'EPAD et qui a renvoyé la société BCR à mieux se pourvoir ;
ALORS QUE ne constitue pas une modalité d'exécution de la mission de service public d'aménagement du quartier de la Défense, confiée à l'EPAD, la conclusion d'un contrat de location, par définition temporaire et exclusif d'une quelconque cession de droits, portant sur un bâtiment situé dans la zone d'intervention de cet établissement ; qu'en décidant le contraire pour faire droit à l'exception d'incompétence soulevée par l'EPAD, la Cour d'appel a violé le principe de séparation des pouvoirs et la loi du 16-24 août 1790 ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE les contrats litigieux reproduisent les dispositions de l'article L. 221-2 du Code de l'urbanisme et stipulent en leur article 1 que : « Le bénéficiaire reconnaît formellement que ladite concession temporaire ne saurait lui conférer aucun des droits et avantages reconnus aux locataires ou occupants d'immeubles à usage commercial ou industriel et notamment aucun droit à la propriété commerciale ou à une indemnité quelconque à ce titre » ; que cette clause, qui déroge au statut d'ordre public des baux commerciaux, est exorbitante du droit commun ; que le contenu et le préambule des conventions litigieuses démontrent en conséquence qu'elles échappent au droit privé ; que ces conventions relèvent ainsi, quant à leur interprétation et à leur exécution, des juridictions de l'ordre administratifs ;
ALORS QUE, les contrats litigieux ne constituant pas une modalité d'exécution de la mission de service public confiée à l'EPAD, leur clause dérogeant au régime d'ordre public des baux commerciaux doit être réputée non écrite et ne peut donc constituer une clause exorbitante du droit commun : qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé le principe de séparation des pouvoirs et la loi du 16-24 août 1790 ».