La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/2010 | FRANCE | N°08-45470

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mars 2010, 08-45470


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 21 octobre 2008) que se plaignant de harcèlement moral, Mme X..., engagée le 1er mars 1999 par l'association ADMR en qualité de secrétaire, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen, que lorsque le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harc

èlement moral, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ce...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 21 octobre 2008) que se plaignant de harcèlement moral, Mme X..., engagée le 1er mars 1999 par l'association ADMR en qualité de secrétaire, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen, que lorsque le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers ; qu'il ressort de l'arrêt que «les conditions de travail de Mme X... (...) s'étaient dégradées», que plusieurs de ses collègues ont fait état des «humiliations» dont elle a été victime et de l'altercation du 18 septembre 2006 au cours de laquelle madame Y... a tenu «des propos blessants et déstabilisants» à son égard, qu'à la suite de l'altercation du 18 septembre 2006 elle a été placée en arrêt de travail «pour angoisse réactionnelle» et que par une décision du 12 décembre 2006 la CPAM de Haute-Savoie reconnu le caractère professionnel de cet accident du travail; que ces éléments étaient suffisants pour faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, de sorte qu'il appartenait à l'employeur de prouver que les agissements qui lui étaient reprochés étaient étrangers à tout harcèlement ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Mais attendu que, sans méconnaître les règles d'administration de la preuve applicables en la matière, la cour d'appel a, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, estimé que les attestations produites par la salariée n'étaient pas suffisamment circonstanciées pour établir la matérialité d'éléments de faits précis et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté madame X... de ses demandes de résiliation judicaire de son contrat de travail et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et préjudice moral, d'indemnité de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE madame X... fait état de l'existence de « sévices moraux » pendant plus de 2 ans, de « suspicions, de remarques désagréables » émanant de madame Y... ; qu'elle prétend être devenue « le souffre douleur de cette dernière laquelle a instauré un « véritable climat de reproches et de terreur » à son égard et se plaint des « propos désobligeants et déstabilisants » tenus le 18 septembre 2006 par madame Y... ; qu'il convient de constater que madame X... n'apporte aucune précision sur les faits, les suspicions, les remarques désagréables dont elle aurait été victime ; qu'elle ne fait état d'aucun fait ou aucun événement précis permettant de faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral ; qu'il en est de même s'agissant de la lettre qu'elle a adressée conjointement avec madame Z... à I'A.D.M.R. le 19 août 2005 dans laquelle les deux salariées se plaignaient d'une dégradation de l'ambiance de travail, de suspicions, de remarques désagréables, sans toutefois faire référence à un événement particulier ; que les attestations produites par madame X..., établies par mesdames A... et B... (pièces 19 et 20) ne font état d'aucun fait en relation avec la situation de harcèlement moral dénoncée, ces deux personnes se contentant de vanter le professionnalisme de madame X... ; que les différents courriers émanant de Mme C... (pièces 17, 18 et 34) faisant état d'une ambiance faite de suspicion et de mensonges ne relatent aucun fait précis et si elle soutient qu'il « est toujours grave d'humilier une personne et que la réunion du 21 septembre 2006 a été insoutenable pour elle » ou que les reproches faits aux salariés lui paraissent injustifiés, il convient de relever qu'elle ne précise nullement la teneur des propos tenus et que la réunion du 29 septembre dont elle fait état est postérieure à l'arrêt de travail de madame X... ; que s'il est établi que madame Y... a pu courant 2005 faire des reproches à madame X... et à madame Z... sur la qualité de leur travail (cf. son courrier en réponse du 29 août 2005), il convient de relever que madame Y... fait état de faits précis, d'erreurs qu'elle a pu constater ; que l'envoi de ce courrier, les propos qui y sont tenus n'excédent pas I'exercice normal par madame Y... de ses pouvoirs de direction, d'organisation ou de contrôle ; que la petite note (pièce 35 de la salariée) du 9 février 2006 dans laquelle madame Y... demande à madame X... de « s'appliquer pour pouvoir avoir un classeur plus facile à consulter » est banale et anodine ; que contrairement à ce que soutient madame X..., I'A.D.M.R. n'était pas de « façon constante et générale satisfaite de son travail » ; que notamment, l'ancienne présidente, madame D..., avec laquelle madame X... déclare avoir de bonnes relations, a précisé lors de son audition dans le cadre de l'enquête accident du travail faite par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (pièce n° 3) avoir eu le même genre de problèmes avec Madame X... qu'elle a qualifiée de manipulatrice, que celle-ci ne tenait pas compte des remarques qui lui étaient faites, qu'elle ne respectait pas les consignes et qu'elle l'avait menacée également de harcèlement ; qu'en dernier lieu, si une altercation a eu lieu effectivement le 18 septembre 2006 entre madame Y... et madame X... et en présence de madame Z..., altercation au cours de laquelle madame Y... aurait tenu des propos, déstabilisants et blessants envers madame X..., il convient également de constater que la nature des propos tenus n'est nullement précisée et cette altercation du 18 septembre, certes regrettable, constitue un événement unique et ne peut constituer à elle seule un fait de harcèlement moral lequel pour être établi doit être constitué par des agissements répétés ; qu'au surplus, aucun élément ne permet de caractériser que I'A.D.M.R aurait manqué à l'exécution de bonne foi du contrat de travail, en ne la protégeant pas notamment des attaques de Madame Y..., l'existence de telles attaques n'étant pas établie de même qu'il n'est pas établi que madame X... aurait subi au sein de I'A.D.M.R. des mesures vexatoires ; que madame X... sera déboutée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de ses demandes indemnitaires subséquentes et la décision du conseil de prud'hommes sera confirmée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE madame X... produit différentes attestations, établies par Mmes Michèle C..., Nadia A..., ou encore Marie-Agnès B..., qui ne relatent aucun événement précis concernant le comportement de Mme Y... à son égard ; qu'il en va de même des auditions de Mmes F..., C... et G... devant la CPAM, dans le cadre de l'enquête relative à l'accident du travail du 18 septembre 2006, dans lesquelles les témoins font état de reproches formulés par madame Y... sur la qualité du travail de madame X..., sans préciser en quoi ces remarques excédaient l'exercice normal du pouvoir de contrôle et de direction de l'employeur ; qu'enfin, madame Z..., témoin de l'accident du 18 septembre 2006, fait état en des termes généraux de propos blessants et déstabilisants de la part de madame Y..., sans préciser en quoi les propos tenus pouvaient être ainsi qualifiés ; que de plus, si l'enquête réalisée par la CPAM relative à l'accident du 18 septembre 2006 a conclu à son caractère professionnel, cette décision est aujourd'hui contestée par I'ADMR qui a engagé à cette fin une procédure devant le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que si les conditions de travail de madame X... au sein de I'ADMR étaient dégradées, elle n'apporte pas la preuve de faits qui permettent de présumer « l'existence d'un harcèlement moral, d'agissements vexatoires ou de violences morales, qui constitueraient de la part de l'employeur un manquement à ses obligations contractuelles » ;

ALORS QUE lorsque le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers ; qu'il ressort de l'arrêt que « les conditions de travail de madame X... (...) s'étaient dégradées » (jugement 4 § 1), que plusieurs de ses collègues ont fait état des « humiliations » dont elle a été victime et de l'altercation du 18 septembre 2006 au cours de laquelle madame Y... a tenu « des propos blessants et déstabilisants » à son égard (arrêt p. 3 § 3 et 6), qu'à la suite de l'altercation du 18 septembre 2006 madame X... a été placée en arrêt de travail « pour angoisse réactionnelle » (cf. arrêt p. 1 § 3), et que par une décision du 12 décembre 2006 la CPAM de Haute Savoie reconnu le caractère professionnel de cet accident du travail (cf. jugement p. 2 § 5 et p. 3 ult. §) ; que ces éléments étaient suffisants pour faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, de sorte qu'il appartenait à l'employeur de prouver que les agissements qui lui étaient reprochés étaient étrangers à tout harcèlement ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-45470
Date de la décision : 31/03/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 21 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 mar. 2010, pourvoi n°08-45470


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.45470
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award