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31/03/2010 | FRANCE | N°08-45167

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mars 2010, 08-45167


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 septembre 2008), que M. X..., engagé le 4 décembre 2000 par la société Top office, a été nommé directeur de magasin en 2003 et chef du projet du site de vente par Internet en décembre 2005 ; qu'il a été licencié pour faute grave le 21 juin 2006 ;

Attendu que la société Top office fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer diverses sommes alors, selon le moyen :r>
1°/ que le fait d'exercer une activité concurrente de celle de son employeur en cours...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 septembre 2008), que M. X..., engagé le 4 décembre 2000 par la société Top office, a été nommé directeur de magasin en 2003 et chef du projet du site de vente par Internet en décembre 2005 ; qu'il a été licencié pour faute grave le 21 juin 2006 ;

Attendu que la société Top office fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer diverses sommes alors, selon le moyen :

1°/ que le fait d'exercer une activité concurrente de celle de son employeur en cours d'exécution du contrat de travail constitue un manquement à l'obligation de loyauté du salarié, sans qu'il y ait lieu de distinguer si les actes de concurrence litigieux portaient sur l'activité principale ou accessoire de l'employeur ; qu'en écartant toute faute commise par M. X..., chef de projet chargé du site de vente par internet de la société Top office, cependant qu'elle constatait que celui-ci avait commercialisé, par l'intermédiaire d'une société ODC distribution qu'il détenait à 99 % et dont le gérant était, d'abord lui-même, puis son épouse, des perles de décoration qui étaient également commercialisées par son employeur sur son propre site internet, ce dont il s'inférait que M. X... avait manqué à son obligation de loyauté, peu important que l'activité exercée par la société ODC distribution ne concurrençait la société Top office que sur une seule gamme de produits qui pouvait être tenue pour accessoire au regard de l'activité principale de la société Top office, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé les articles L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1234-1, L. 1234-5,L. 1234-9 et L. 1232-1 du code du travail, ensemble l'article 134 du code civil ;

2°/ qu'en se fondant, pour dire que le manquement de M. X... à son obligation de loyauté envers la société Top office Société n'était pas caractérisé, sur le fait que celui-ci n'était plus gérant de la société ODC distribution à la date à laquelle il était établi que cette société était en situation de concurrence avec l'employeur, cependant qu'il était constant aux débats, d'une part, que M. X... restait détenir 99 % des parts de la société ODC distribution et, d'autre part, que le nouveau gérant était sa propre épouse, et en ne recherchant pas s'il n'en résultait pas une situation de concurrence par personne interposée caractérisant la déloyauté du salarié, la cour d'appel a privé de base légale sa décision au regard des articles L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1232-1 du code du travail, ensemble l'article 134 du code civil ;

3°/ que constitue une faute grave le fait pour un salarié de dissimuler sa participation, directe ou par personne interposée, dans une entreprise exerçant une activité directement concurrente de celle exercée par l'employeur ; que dès lors, en se fondant, pour écarter le caractère fautif du comportement du salarié, sur le fait qu'il n'était pas établi que l'employeur avait commencé à commercialiser des perles fantaisies à la date de création, par le salarié, de la société ODC distribution qui commercialisait les mêmes produits, sans rechercher comme cela lui était demandé si M. X... n'avait pas délibérément donné des informations inexactes à son employeur dans le but d'empêcher ce dernier de découvrir qu'il était le fondateur et l'actionnaire à 99% de la société ODC distribution, et si ces manoeuvres ne caractérisaient pas un manquement grave à l'obligation de loyauté, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1232-1 du code du travail ;

4°/ qu'en ne recherchant pas davantage si M. X... n'avait pas à tout le moins l'obligation, compte tenu du risque objectif de conflit d'intérêts, d'informer son employeur du fait qu'il détenait 99 % des parts d'une société dirigée par sa propre épouse et placée en situation de concurrence avec son employeur, la cour d'appel a, pour cette raison supplémentaire, privé derechef sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1232-1 du code du travail ;

5°/ que des motifs hypothétiques équivalent à une absence de motif ; qu'en retenant, pour dire dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de M. X..., que la sincérité du motif de licenciement «n'est pas certaine» pour la seule raison que les correspondances échangées antérieurement au licenciement «esquissent la perspective d'un litige», la cour d'appel a statué d'après des motifs dubitatifs et hypothétiques et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a constaté que le salarié avait constitué la société ODC distribution avant que l'employeur ne crée le service commercialisant un produit similaire à celui qu'elle offrait à la vente et qu'il ne jouait, depuis la création de ce service, aucun rôle actif dans ladite société ; d'autre part, que le salarié n'était pas tenu d'informer l'employeur de ce qu'il détenait des participations financières, fussent-elles majoritaires, dans la société ODC distribution ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Top office aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Top office

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR, en conséquence, condamné la Société TOP OFFICE à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité de préavis et congés payés y afférents, indemnité conventionnelle de licenciement et dommages et intérêts pour licenciement injustifié, outre les frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE « la lettre de licenciement précise, sous la rubrique « manquement à l'obligation de loyauté et à l'obligation de non concurrence » que l'employeur a été informé de la participation très active de M. X... à l'activité d'une entreprise exerçant une activité concurrente dont il détient 99% du capital et dont il a assumé la gérance jusqu'en janvier 2006, avant de la confier à son épouse. La société Top office commercialise principalement du matériel de bureau. Elle établit également par la production de factures, qu'elle propose à la vente des perles fantaisies pour la décoration ou pour bijoux à monter soi-même. La société ODC distribution a été inscrite au registre du commerce et des sociétés le 15 mars 2005 avec M. X... comme gérant. Son activité est « la vente de produits de loisir par tous moyens et plus particulièrement à distance ». Suivant le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 31 janvier 2006, M. X... possède 99 parts sociales et son épouse une ; elle a accepté, en cette occasion, la fonction de gérant en remplacement de M. X.... Celui-ci reconnaît qu'ODC distribution vend également les perles commercialisées par Top office, mais souligne que le secteur de recoupement commercial se limite à ce produit. Il relève que son employeur ne propose les perles à la vente que dans deux magasins et pas sur Internet ; que ces produits ne sont proposés que depuis fin 2005 alors que son activité est antérieure. Il affirme enfin n'avoir jamais caché son activité à son employeur. Un salarié ne peut, sans méconnaître son obligation de loyauté, exercer une activité concurrente de celle de son employeur. Toutefois, on ne saurait qualifier l'activité de la société dont M. X... est associé majoritaire de concurrente de celle de son employeur. En effet la société Top office emploie 400 salariés dans près de 50 magasins et commercialise principalement du matériel de bureau alors qu'ODC distribution propose exclusivement des composants de bijoux fantaisie. S'il est établi que les deux sociétés offrent concurremment des perles fantaisies, Top office ne conteste pas que cette offre est récente (début de l'année 2006) et limitée (deux établissements selon l'appelant). Quoi qu'il en soit de ce dernier point, les seuls documents produits par l'employeur sont trois factures d'achats de ces perles, des 10 février, 1er et 19 juin 2006 pour un montant global de 11 877,55 €, ce qui est insignifiant pour 5 mois d'activité d'une société de la taille de Top office. Il convient de relever par ailleurs qu'il est formellement contesté et nullement établi par les éléments produits que les deux aient été en situation de concurrence lors de la création de la société ODC ; qu'il est en revanche constant qu'à la date où il est prouvé que Top office s'est intéressée à un produit commercialisé par ODC, M. X... n'en était plus gérant mais simplement associé majoritaire, ce qui ne caractérise pas un acte de déloyauté ; que rien n'établit que le salarié ait obtenu des informations commerciales sur son employeur qui aurait pu lui servir en dehors de l'entreprise. Sur ce dernier point, l'indication verbale fournie par le salarié suivant laquelle il aurait obtenu des prix plus intéressants d'un fournisseur est sans portée. Enfin la sincérité du motif de licenciement n'est pas certaine dans la mesure où l'employeur affirme dans ses écritures que c'est M. X... qui aurait souhaité se retirer, en avril 2006 de l'activité web qu'il animait depuis décembre 2005 et que la société a décidé de mettre le site en veille dans l'attente du recrutement d'un autre chef de projet. Elle affirme que le poste aurait été de nouveau proposé à M. X.... Mais il découle d'une lettre à l'entreprise du 13 avril 2004, sous la signature de M. Y..., que le projet est abandonné parce que les résultats sont insuffisants (chiffre d'affaires fin mars : 52 k€ pour un objectif de 187 k€) et que, si ce courrier salue « l'audace, la motivation et le courage » dont M. X... a su faire preuve, un autre courrier du 15 mai, également sous la signature de M. Y... mais celui-là à destination exclusive du salarié, rappelle les mauvais résultats obtenus. Il affirme que c'est M. X... lui-même qui a renoncé au poste de responsable e-commerce, sans que cette affirmation soit autrement démontrée et par les remarques qu'il formule («nous souhaitons attirer votre attention sur le fait que nous n'avions aucune obligation légale de chercher à vous reclasser dans la mesure où c'est vous qui êtes à l'origine de votre arrêt d'activité au poste de responsable e-commerce ») esquisse la perspective d'un litige sans mentionner nullement l'offre au salarié de reprendre son poste dont rien n'établit qu'il y ait renoncé de son propre c hef. Il convient dès lors de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

ALORS, DE PREMIÈRE PART, QUE le fait d'exercer une activité concurrente de celle de son employeur en cours d'exécution du contrat de travail constitue un manquement à l'obligation de loyauté du salarié, sans qu'il y ait lieu de distinguer si les actes de concurrence litigieux portaient sur l'activité principale ou accessoire de l'employeur ; qu'en écartant toute faute commise par Monsieur X..., chef de projet chargé du site de vente par internet de la Société TOP OFFICE, cependant qu'elle constatait que celui-ci avait commercialisé, par l'intermédiaire d'une société ODC DISTRIBUTION qu'il détenait à 99 % et dont le gérant était, d'abord lui-même, puis son épouse, des perles de décoration qui étaient également commercialisées par son employeur sur son propre site internet, ce dont il s'inférait que Monsieur X... avait manqué à son obligation de loyauté, peu important que l'activité exercée par la Société ODC DISTRIBUTION ne concurrençait la Société TOP OFFICE que sur une seule gamme de produits qui pouvait être tenue pour accessoire au regard de l'activité principale de la Société TOP OFFICE, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé les articles L.1221-1, L.1222-1, L.1234-, L.1234-5, L.1234-9 et L.1232-1 L.121-1, L.120-4, L.122-6, L.122-8, L.122-9 et L.122-14-3 anciens du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU' en se fondant, pour dire que le manquement de Monsieur X... à son obligation de loyauté envers la Société TOP OFFICE n'était pas caractérisé, sur le fait que celui-ci n'était plus gérant de la Société ODC DISTRIBUTION à la date à laquelle il était établi que cette société était en situation de concurrence avec l'employeur, cependant qu'il était constant aux débats, d'une part, que Monsieur X... restait détenir 99 % des parts de la Société ODC DISTRIBUTION et, d'autre part, que le nouveau gérant était sa propre épouse, et en ne recherchant pas s'il n'en résultait pas une situation de concurrence par personne interposée caractérisant la déloyauté du salarié, la cour d'appel a privé de base légale sa décision au regard des articles L.1221-1, L.1222-1, L.1234-, L.1234-5, L.1234-9 et L.1232-1 L.121-1, L.120-4, L.122-6, L.122-8, L.122-9 et L.122-14-3 anciens du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE constitue une faute grave le fait pour un salarié de dissimuler sa participation, directe ou par personne interposée, dans une entreprise exerçant une activité directement concurrente de celle exercée par l'employeur ; que dès lors, en se fondant, pour écarter le caractère fautif du comportement du salarié, sur le fait qu'il n'était pas établi que l'employeur avait commencé à commercialiser des perles fantaisies à la date de création, par le salarié, de la Société ODC DISTRIBUTION qui commercialisait les mêmes produits, sans rechercher comme cela lui était demandé si Monsieur X... n'avait pas délibérément donné des informations inexactes à son employeur dans le but d'empêcher ce dernier de découvrir qu'il était le fondateur et l'actionnaire à 99% de la Société ODC DISTRIBUTION, et si ces manoeuvres ne caractérisaient pas un manquement grave à l'obligation de loyauté, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.1221-1, L.1222-1, L.1234-, L.1234-5, L.1234-9 et L.1232-1 L.121-1, L.120-4, L.122-6, L.122-8, L.122-9 et L.122-14-3 anciens du Code du travail ;

QU'en ne recherchant pas davantage si Monsieur X... n'avait pas à tout le moins l'obligation, compte tenu du risque objectif de conflit d'intérêts, d'informer son employeur du fait qu'il détenait 99 % des parts d'une société dirigée par sa propre épouse et placée en situation de concurrence avec son employeur, la cour d'appel a, pour cette raison supplémentaire, privé derechef sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1, L.1222-1, L.1234-, L.1234-5, L.1234-9 et L.1232-1 L.121-1, L.120-4, L.122-6, L.122-8, L.122-9 et L.122-14-3 anciens du Code du travail ;

ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE QUE des motifs hypothétiques équivalent à une absence de motif ; qu'en retenant, pour dire dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur X..., que la sincérité du motif de licenciement « n'est pas certaine » pour la seule raison que les correspondances échangées antérieurement au licenciement « esquissent la perspective d'un litige », la cour d'appel a statué d'après des motifs dubitatifs et hypothétiques et a ainsi violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-45167
Date de la décision : 31/03/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 30 septembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 mar. 2010, pourvoi n°08-45167


Composition du Tribunal
Président : M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.45167
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