LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que soutenant que Mme X... n'était pas l'auteur des paraphes et de la signature figurant dans l'engagement de caution, reçu en la forme authentique, sur le fondement duquel ils étaient poursuivis en paiement par la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Oise, aux droits de laquelle vient la caisse régionale de crédit agricole mutuel Brie-Picardie (la banque), M. et Mme X... l'ont assignée devant le tribunal de grande instance de Beauvais qui, par jugement du 17 juin 2002, passé en force de chose jugée, a déclaré nul l'engagement de caution de Mme X... et décidé que seul M. X... avait engagé ses ressources et ses biens propres en qualité de caution ; qu'invoquant la fraude de Mme X..., la banque a introduit un recours en révision contre ce jugement ;
Sur le premier moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours en révision ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le caractère mensonger des dénégations circonstanciées et réitérées de Mme X..., tant au cours de l'instance civile que de l'instruction diligentée à la suite de la plainte avec constitution de partie civile de M. et Mme X... des chefs de faux en écriture publique ou authentique et usage, n'avait été révélé qu'à la suite de deux contre-expertises graphologiques ordonnées par le magistrat instructeur et déposées bien postérieurement au jugement du 17 juin 2002, qui contredisaient la première expertise dont les conclusions avaient été versées aux débats ayant donné lieu à la décision susvisée, ce dont il résultait que la banque n'avait pu, sans faute de sa part, faire valoir la fraude de Mme X... qu'elle invoquait avant que ce jugement passe en force de chose jugée, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 601 du code de procédure civile ;
Attendu que si le juge déclare le recours en révision recevable, il statue par le même jugement sur le fond du litige ;
Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes des parties tendant à ce qu'il soit statué au fond sur la validité de l'engagement de caution de Mme X... et sur le recours de la banque sur les biens de M. X... et sur les biens communs et pour renvoyer les parties devant le tribunal de grande instance de Beauvais afin qu'il soit statué au fond, l'arrêt retient que le recours en révision a pour finalité la rétractation du jugement précédemment rendu et que les conditions d'une évocation par la cour d'appel ne sont pas réunies ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes des parties tendant à ce que la cour d'appel statue au fond sur la validité de l'engagement de caution de Mme X... et sur le recours de la banque sur les biens de M. X... et a renvoyé les parties devant le tribunal de grande instance de Beauvais afin qu'il soit statué au fond, l'arrêt rendu le 13 novembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour M. et Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST REPROCHE à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable le recours en révision formé par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL BRIE PICARDIE venant aux droits de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'OISE à l'encontre du jugement rendu le 17 juin 2002 par le Tribunal de grande instance de BEAUVAIS ;
AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article 595 du code civil, le recours en révision est ouvert s'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle il a été rendu ; Que pour l'application de ce texte, un mensonge peut constituer une fraude lorsque ce mensonge a eu une influence déterminante sur la solution du litige, étant observé que contrairement à ce que soutiennent les époux X..., il n'est pas nécessaire que des manoeuvres soient associées au dit mensonge, son caractère frauduleux résultant suffisamment de sa portée décisive au regard de la motivation de la décision objet du recours en révision ; Que pour déclarer nul l'engagement de caution opposé par la banque à Mme Lydie X... par jugement du 17 juin 2002, le tribunal de grande instance de BEAUVAIS a retenu (page 3) que : « Les époux X... soulèvent la nullité de l'acte de prêt des 13, 23 et 27 janvier 1993, au motif que Mme X... ne s 'est jamais présentée chez le notaire et n'a donc pu signer l'acte portant son engagement de caution» et (pages 4 et 5) que «le défaut de signature par l'une des parties fut-elle simplement l'une des cautions, constitue un vice de forme affectant l'acte notarié de nullité absolue .... il en résulte que Mme X... n'a pas manifesté son consentement à l'engagement de caution des prêts litigieux. Le cautionnement des dits prêts par Mme X... est donc nul» ; Qu'en effet, selon la plainte avec constitution de partie civile pour faux et usage de faux en date du 24 juin 2000 déposée par les époux X... à l'encontre de « l'auteur du faux et de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'OISE» ceux-ci indiquaient : « Il est néanmoins constant que Mme X... ne s'est jamais présentée chez le notaire et n'a donc pas signé l'acte dont les mentions principales ont été ci-dessus rappelées, notamment en ce qui concerne son engagement de caution solidaire » ; Que lors de son audition par les services de police de CREIL le 8 ft novembre 1999, Mme Lydie X... maintenait sa contestation en affirmant : «Je n'ai jamais signé l'acte authentique en date des 13, 23 et 27 janvier 1993. Je suis allée une seule fois à l'étude de Maître Y... pour l'acte d'achat du terrain en 1989. Vous me présentez le scellé SEPT, figure sous ce scellé la minute de l'acte qui a été passé devant Maître Y.... Après avoir examiné ce document, je vous confirme que je n'ai jamais signé cet acte. Les initiales qui sont portées sur les premiers 27 feuillets ne semblent pas être de mon écriture ... en ce qui concerne ma signature qui est portée au 27ème feuillet, ce n'est pas moi qui est fait cette dernière ... on a donc imité ma signature, je suis sûre de ne pas avoir été chez maître Y... pour signer cet acte, les initiales et la signature portées sur ce documents ne correspondent pas à ce que je fais habituellement » ; Qu'il résulte de l'ordonnance de non-lieu rendue le 8 janvier 2004 par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de SENLIS qu'aux « termes de la contre-expertise graphologique confiée à Suzanne Z..., expert en écritures, le 12 février 2003, .... Lydie A... épouse X... .... avai(en)t signé l'acte d'ouverture de crédit des 13, 23 et 27 janvier 1993, chacun pour les paraphes et 1 signatures qui lui étaient attribués» ; « A la demande des parties civiles, une nouvelle expertise était ordonnée et confiée à une dualité d'experts graphologues. Aux termes des conclusions du rapport déposé le 16 juillet 2003, aucune anomalie n'était relevée au niveau des signatures et des paraphes examinés. La comparaison entre les signatures et paraphes litigieux d'une part et les spécimens effectués par les souscripteurs d'autre part, permettait de conclure que chacune des parties à l'acte était l'auteur de ses signatures et paraphes .... l'ensemble des investigations effectuées et notamment les deux dernières expertises graphologiques ne permettent pas d'imputer une quelconque falsification des signatures des co-signataires à l'acte de cautionnement litigieux » ; Que le caractère mensonger des dénégations de Mme Lydie X... qui contestait avoir signé l'acte de prêt en cause, allant même jusqu'à prétendre ne jamais s'être rendue chez le notaire, a ainsi été révélé par l'ordonnance du 8 janvier 2004 qui a ordonné un non-lieu du chef de faux en écriture publique ou authentique ou usage ; Que ce mensonge revêt bien le caractère frauduleux exigé par l'article 595 du code civil puisque les dénégations de Mme Lydie X... quant à sa signature et aux paraphes figurant sur l'acte de prêt en qualité de caution ont été déterminantes dans l'annulation du dit engagement de caution par le tribunal de grande instance de BEAUVAIS le 17 juin 2002 ; Que le fait que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'OISE n'ait pas demandé au tribunal, dans l'instance qui a donné lieu au jugement du 17 juin 2002, de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure d'instruction ne saurait priver cette banque d'un recours en révision, étant rappelé que les textes qui régissent le recours en révision ne visent nullement une éventuelle faute du demandeur en révision susceptible de le priver d'un tel recours, de sorte qu'en motivant sa décision sur une telle prétendue faute le tribunal a ajouté une condition non prévue par le législateur, et étant observé que le premier juge qui a statué le 17 juin 2002 disposait de la faculté d'ordonner d'office un sursis à statuer s'il l'estimait nécessaire, ce qu'il n'a pas cru devoir faire, de sorte qu'il ne saurait reprocher à une partie une telle abstention, une telle négligence voire une telle faute à cet égard » ;
ALORS D'UNE PART QUE le recours en révision n'est ouvert que si son auteur n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée ; qu'en niant l'existence de cette condition d'absence de faute de l'auteur du recours en révision, la Cour d'appel a violé l'article 595 du Code de procédure civile;
ALORS D'AUTRE PART QUE les parties conduisent l'instance et ont la charge d'établir les faits nécessaires au succès de leurs prétentions, le juge se bornant à trancher le litige conformément à la règle de droit applicable ; qu'en l'espèce, l'exposante soutenait que la Caisse avait commis une faute en s'abstenant de se prévaloir de l'existence de la plainte pour faux sur laquelle elle s'était constituée partie civile, plainte dont l'échec était de nature à établir le bien fondé de sa prétention tendant à faire condamner Mme X... en qualité de caution, et ce alors que le sursis à statuer est obligatoire pour le juge dès lors que l'issue de la plainte peut exercer une influence certaine sur le procès civil ; que la Cour d'appel qui écarte toute faute de la Caisse demanderesse à la révision de la décision rendue avant le terme de la procédure répressive, au motif erroné et inopérant que « le premier juge avait la faculté d'ordonner d'office un tel sursis et ne l'avait pas fait et qu'il ne saurait reprocher à la Caisse une telle abstention », a violé les articles 9 et 12 du Code de procédure civile, ensemble l'article 4 du Code de procédure pénale ;
ALORS ENFIN QUE tout jugement doit être motivé ; que le recours en révision n'est ouvert que si son auteur n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque : qu'en laissant sans réponse les conclusions des époux X... faisant valoir que la Caisse avait commis une faute consistant à ne pas avoir produit une copie complète de l'acte authentique dont elle se prévalait au cours de la procédure qui avait donné lieu à la décision dont la révision était poursuivie, la Cour d'appel a privé de motif sa décision, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST REPROCHE à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable le recours en révision formé par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL BRIE PICARDIE venant aux droits de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'OISE à l'encontre du jugement rendu le 17 juin 2002 par le Tribunal de grande instance de BEAUVAIS, d'avoir déclaré irrecevables les demandes des parties tendant à ce qu'il soit statué au fond sur la validité de l'engagement de caution de Madame X... et d'avoir renvoyé les parties devant le Tribunal de grande instance de BEAUVAIS afin qu'il soit statué au fond ;
AUX MOTIFS QUE « selon l'article 601 du Code de procédure civile, « si le juge déclare le recours recevable, il statue par le même jugement sur le fond du litige ... » ; Que le recours en révision ayant pour finalité la rétractation du jugement précédemment rendu et les conditions d'une évocation par la cour, telles que prévues par l'article 568 du code de procédure civile, n'étant pas réunies en l'espèce dès lors que le jugement du 4 décembre 2006 qui a déclaré irrecevable le recours en révision dont l'avait saisi la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'OISE n'a pas ordonné de mesure d'instruction ni n'a mis fin à l'instance en statuant sur une exception de procédure, les demandes des deux parties tendant à ce que la cour statue au fond, tant sur la validité de l'engagement de caution de Mme Lydie X... que sur le recours limité ou non du créancier sur les biens de l'époux sont irrecevables ; Qu'il convient donc de renvoyer les parties devant le tribunal de grande instance de BEAUVAIS pour qu'il soit statué au fond » ;
ALORS D'UNE PART QUE le recours en révision tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; que si le juge déclare le recours en révision recevable, il statue par le même jugement sur le fond du litige, sauf s'il y a lieu à complément d'instruction ; qu'en déclarant irrecevables les demandes des parties tendant à qu'il soit statué au fond sur la validité de l'engagement de caution de Madame X... et en renvoyant les parties devant le Tribunal de grande instance de BEAUVAIS afin qu'il soit statué au fond, la Cour d'appel a excédé ses pouvoirs par refus d'application des articles 593 et 601 du Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE que l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit, que la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité ; que le jugement qui, en l'espèce a déclaré irrecevable le recours en révision, en raison tant de l'absence de l'une des causes de révision de l'article 595 du Code de procédure civile que de la faute du requérant, avait tranché, dans son dispositif le principal ; qu'en renvoyant les parties devant le Tribunal de grande instance de BEAUVAIS afin qu'il soit statué au fond, au prétexte que les conditions de l'évocation n'étaient pas réunies, la Cour d'appel a excédé ses pouvoirs par refus d'application de l'article 561 du Code de procédure civile.