LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité joint les pourvois n°s T 09-40.095 et T 09-65.050 ;
Sur les moyens uniques des deux pourvois réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 novembre 2008), que M. X... a été engagé par la RATP le 8 février 1991 en qualité de chargé de communication, statut agent de maîtrise ; qu'il a été révoqué, après avis du conseil de discipline, le 2 mai 2005 ; que le 7 juin 2005, il a saisi le conseil de prud'hommes de Paris pour obtenir l'annulation de cette sanction et sa réintégration ; que le syndicat UGICT/CGT/RATP (le syndicat) est intervenu à l'instance ;
Attendu que M. X... et le syndicat font grief à l'arrêt de dire que la révocation non justifiée constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen de M. X..., que, dès lors qu'en vertu du principe fondamental, en droit du travail, la situation des salariés doit être régie, en cas de conflit de normes, par celle qui leur est la plus favorable, les agents commissionnés, qui, soumis au statut du personnel de la RATP, ne peuvent, en application des articles 49 et 149 de celui-ci, être révoqués que pour manquements graves, ne peuvent donc faire l'objet d'un licenciement selon le droit commun du travail ; qu'en énonçant, pour débouter M. X... de ses demandes en nullité de sa révocation et en réintégration, qu'en l'absence de disposition statutaire prévoyant la nullité d'une révocation injustifiée d'un agent et, par suite, la réintégration de celui-ci, le juge peut conférer à cette révocation les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, tout en relevant que les dispositions statutaires régissant les agents du personnel de la RATP ignorent pour ces derniers le licenciement, d'où il résultait qu'en donnant à la constatation du caractère injustifié de la rupture la portée d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au lieu et place de l'annulation de sa révocation, et, par suite, de sa réintégration, les premiers juges avaient porté atteinte aux dispositions protectrices du statut personnel de la RATP, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé les articles 49 et 149 du statut de la RATP, ensemble le principe susvisé ; et selon le moyen du syndicat :
1°/ qu'en vertu de l'article 48, in fine, du statut du personnel de la RATP, les agents commissionnés ne peuvent être licenciés que dans des cas limitativement énumérés, à savoir lorsqu'ils n'ont pas respecté les engagements pris par eux, relatifs aux conditions du recrutement, et s'ils ont fourni, au moment de leur admission à la Régie, une fausse déclaration relativement aux renseignements à eux demandés sur leur bulletin d'engagement ; qu'hormis ces cas strictement définis, les agents commissionnés ne peuvent être licenciés, mais seulement révoqués ; qu'en prévoyant ainsi, sans ignorer l'hypothèse d'un licenciement, d'une part des cas limitativement définis de licenciement des agents commissionnés, et d'autre part la sanction de la révocation, le statut a exclu leur assimilation, et au contraire entendu distinguer la révocation du licenciement, par sa nature comme par son régime ; que dès lors, en requalifiant à tort la révocation injustifiée prononcée à l'encontre de M. X... en licenciement, fût-il sans cause réelle et sérieuse, quand il est constant que M. X..., agent commissionné, ne se trouvait dans aucune des deux hypothèses de licenciement autorisé par le statut du personnel de la RATP, la cour d'appel a méconnu les articles 48 et 49 du statut ;
2°/ que le juge a le pouvoir, en vertu de l'article L. 1333-2 du code du travail, d'annuler une sanction disciplinaire à chaque fois qu'il constate qu'une telle sanction est injustifiée ; que ce pouvoir s'exerce notamment dans l'hypothèse où l'employeur a pris une sanction disciplinaire prévue par des dispositions conventionnelles ; qu'au cas d'espèce, en refusant cependant d'annuler, sur le fondement de l'article L. 1333-2 du code du travail, la révocation prononcée à l'encontre M. X..., qu'elle estimait injustifiée, au motif qu'elle ne disposait pas d'un tel pouvoir, les dispositions du statut du personnel de la RATP ne prévoyant pas que la révocation injustifiée d'un agent était nulle, quand la cour d'appel tenait de la loi le pouvoir d'annuler une sanction disciplinaire injustifiée, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 et L. 1333-2 du code du travail, ensemble les articles 49 et 149 du statut du personnel de la RATP, et entaché sa décision d'un excès de pouvoir négatif ;
Mais attendu que la révocation d'un agent, prononcée sans que l'une des causes limitativement énoncées par le statut du personnel soit constituée, est dépourvue de cause réelle et sérieuse, mais n'est pas atteinte, pour cette seule raison, de nullité, en l'absence de disposition légale ou statutaire prévoyant cette sanction ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que M. X... avait fait l'objet d'une révocation, a décidé, à bon droit, que, bien que cette mesure fût injustifiée au regard des causes prévues par le statut, elle ne pouvait l'annuler et prononcer en conséquence la réintégration de l'intéressé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes du syndicat ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi n° T 09-40.095 par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour le syndicat Confédéré UGICT/CGT-RATP des agents d'encadrement techniciens, personnel des bureaux et assimilés.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la révocation de Monsieur X... était un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR débouté, en conséquence, le syndicat confédéré UGICT/CGT des agents d'encadrement, techniciens, personnels des bureaux et assimilés de la RATP, de ses demandes d'annulation de la révocation et de réintégration de Monsieur X... ainsi que de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 2132-3 du Code du travail pour mise en danger des intérêts de la profession du fait du non respect du statut du personnel ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « si les dispositions statutaires régissant les agents du personnel de la RATP s'appliquent à ces derniers aux lieu et place de celles du code du travail, elles n'excluent pas, pour autant, qu'il soit fait application à ces mêmes agents – de droit privé – des règles de droit commun prévues par le code du travail, dès lors que ces règles ne portent pas atteinte à celles du statut ; qu'il résulte des énonciations qui précèdent que si le statut de la RATP ignore le terme de « licenciement », cette circonstance – en l'absence de toute disposition statutaire prévoyant que la révocation injustifiée d'un agent est nulle et que celui-ci doit être réintégré – ne saurait faire obstacle à ce que le juge tire, de cette révocation, les conséquences légalement prévues par le code du travail en cas de rupture contractuelle imputable à l'employeur, et confère, ainsi, à ladite révocation les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la Cour ne peut donc, d'emblée, que rejeter, en leur principe, les demandes d'annulation et de réintégration, formées par M. X... et dépourvues de fondement » (arrêt attaqué, p. 3 et 4) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « comme il a été rappelé dans la chronologie des faits, Monsieur X... a été convoqué à un entretien préalable, à l'audience préparatoire du 18 avril 2005 et à l'audience du Conseil de Discipline du 27 avril 2005 et a été assisté par un conseiller ; que la lettre de révocation est signée de Monsieur Y..., chef de l'établissement METRO, à qui pouvoir a été donné le 30 décembre 2004, en application de la décision n° 5545 du 20 septembre 2004, de prononcer les mesures disciplinaires du 2ème degré ; que la procédure disciplinaire a été respectée et la demande de nullité de la révocation n'est pas fondée ; (…) ; qu'il apparaît à la lecture des pièces produites que Monsieur X... n'était pas un « mauvais » professionnel, qu'il a effectivement refusé de participer à la réunion du 18 février 2005, qu'il avait parfois un comportement « discourtois » et qu'il ne s'entendait pas avec sa supérieure hiérarchique et que les délégués du personnel n'ont jamais été alertés de son comportement évoqué dans les attestations produites par la RATP ; que compte tenu des éléments soumis au Conseil, la « révocation » de Monsieur X... n'apparaît pas fondée, et elle constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse » (jugement entrepris, p. 7 et 10) ;
1°) ALORS QUE en vertu de l'article 48, in fine, du statut du personnel de la RATP, les agents commissionnés ne peuvent être licenciés que dans des cas limitativement énumérés, à savoir lorsqu'ils n'ont pas respecté les engagements pris par eux, relatifs aux conditions du recrutement, et s'ils ont fourni, au moment de leur admission à la Régie, une fausse déclaration relativement aux renseignements à eux demandés sur leur bulletin d'engagement ; qu'hormis ces cas strictement définis, les agents commissionnés ne peuvent être licenciés, mais seulement révoqués ; qu'en prévoyant ainsi, sans ignorer l'hypothèse d'un licenciement, d'une part des cas limitativement définis de licenciement des agents commissionnés, et d'autre part la sanction de la révocation, le statut a exclu leur assimilation, et au contraire entendu distinguer la révocation du licenciement, par sa nature comme par son régime ; que dès lors, en requalifiant à tort la révocation injustifiée prononcée à l'encontre de Monsieur X... en licenciement, fût-il sans cause réelle et sérieuse, quand il est constant que Monsieur X..., agent commissionné, ne se trouvait dans aucune des deux hypothèses de licenciement autorisé par le statut du personnel de la RATP, la cour d'appel a méconnu les articles 48 et 49 du statut ;
2°) ALORS QUE le juge a le pouvoir, en vertu de l'article L. 1333-2 du Code du travail, d'annuler une sanction disciplinaire à chaque fois qu'il constate qu'une telle sanction est injustifiée ; que ce pouvoir s'exerce notamment dans l'hypothèse où l'employeur a pris une sanction disciplinaire prévue par des dispositions conventionnelles ; qu'au cas d'espèce, en refusant cependant d'annuler, sur le fondement de l'article L. 1333-2 du Code du travail, la révocation prononcée à l'encontre Monsieur X..., qu'elle estimait injustifiée, au motif qu'elle ne disposait pas d'un tel pouvoir, les dispositions du statut du personnel de la RATP ne prévoyant pas que la révocation injustifiée d'un agent était nulle (arrêt attaqué, p. 4, § 3), quand la cour d'appel tenait de la loi le pouvoir d'annuler une sanction disciplinaire injustifiée, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 et L. 1333-2 du Code du travail, ensemble les articles 49 et 149 du statut du personnel de la RATP, et entaché sa décision d'un excès de pouvoir négatif.
Moyen produit au pourvoi n° T 09-65.050 par la SCP Bachellier et Potier de la Varde, avocat aux Conseils pour M. X....
Monsieur X... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que sa révocation non justifiée constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
AUX MOTIFS QUE si les dispositions statutaires régissant les agents du personnel de la RATP s'appliquent à ces derniers au lieu et place de celles du code du travail, elles n'excluent pas, pour autant, qu'il soit fait application à ces mêmes agents de droit privé des règles de droit commun prévues par le code du travail dès lors que ces règles ne portent pas atteinte à celles du statut ; qu'il résulte des énonciations qui précèdent que si le statut de la RATP ignore le terme de "licenciement", cette circonstance, en l'absence de toute disposition statutaire prévoyant que la révocation injustifiée d'un agent est nulle et que celui-ci doit être réintégré, ne saurait faire obstacle à ce que le juge tire, de cette révocation, les conséquences légalement prévues par le code du travail en cas de rupture contractuelle imputable à l'employeur et confère ainsi à ladite révocation les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la cour ne peut donc, d'emblée, que rejeter, en leur principe, les demandes d'annulation et de réintégration, formées par monsieur X... et dépourvues de fondement ;
ALORS QUE dès lors qu'en vertu du principe fondamental, en droit du travail, la situation des salariés doit être régie, en cas de conflit de normes, par celle qui leur est la plus favorable, les agents commissionnés, qui, soumis au statut du personnel de la RATP, ne peuvent, en application des articles 49 et 149 de celui-ci, être révoqués que pour manquements graves, ne peuvent donc pas faire l'objet d'un licenciement selon le droit commun du travail ; qu'en énonçant, pour débouter monsieur X... de ses demandes en nullité de sa révocation et en réintégration, qu'en l'absence de disposition statutaire prévoyant la nullité d'une révocation injustifiée d'un agent et, par suite, la réintégration de celui-ci, le juge peut conférer à cette révocation les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, tout en relevant que les dispositions statutaires régissant les agents du personnel de la RATP ignorent pour ces derniers le licenciement, d'où il résultait qu'en donnant à la constatation du caractère injustifié de la rupture la portée d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au lieu et place de l'annulation de sa révocation et, par suite, de sa réintégration, les premiers juges avaient porté atteinte aux dispositions protectrices du statut personnel de la RATP, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé les articles 49 et 149 du statut du personnel de la RATP, ensemble le principe susvisé.