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24/03/2010 | FRANCE | N°08-70463

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 mars 2010, 08-70463


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen :

Vu les articles 2044 et 2052 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., employé par la société Guy Degrenne en qualité de directeur financier du groupe, a été licencié pour faute grave le 27 avril 2007 ; qu'une transaction, datée du 4 mai 2007, concernant les conséquences de la rupture, a été conclue entre les parties ; qu'invoquant la nullité de la transaction, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de demandes en paiement des indemnités de r

upture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen :

Vu les articles 2044 et 2052 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., employé par la société Guy Degrenne en qualité de directeur financier du groupe, a été licencié pour faute grave le 27 avril 2007 ; qu'une transaction, datée du 4 mai 2007, concernant les conséquences de la rupture, a été conclue entre les parties ; qu'invoquant la nullité de la transaction, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de demandes en paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que pour juger que la transaction était valable, l'arrêt retient que l'importance du poste occupé par le salarié permet de considérer que l'existence d'un désaccord continuel avec sa hiérarchie sur la gestion du financement et celle de l'équipe comptable ne constitue pas seulement une insuffisance professionnelle mais est de nature à constituer une faute grave ; qu'il n'est pas allégué que le montant de l'indemnité transactionnelle ait un caractère dérisoire ;

Attendu, cependant, que pour déterminer le caractère réel ou non des concessions contenues dans la transaction, le juge peut, sans heurter l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction, restituer aux faits énoncés dans la lettre de licenciement leur véritable qualification ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le désaccord du salarié avec sa hiérarchie invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement ne présentait pas, en lui-même, un caractère fautif, et qu'il résultait de ses constatations que l'indemnité transactionnelle était inférieure à l'indemnité de préavis à laquelle M. X... pouvait prétendre en cas de licenciement non motivé par une faute grave, ce dont il résultait que l'employeur n'avait pas consenti une véritable concession, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de la nullité de la transaction ;

Prononce la nullité de la transaction ;

Renvoie devant la cour d'appel de Rouen uniquement pour qu'il soit statué sur les conséquences de la nullité de la transaction ;

Condamne la société Guy Degrenne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Capron, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. Lionel X... de sa demande tendant à voir annuler la transaction qu'il a conclue avec la société Guy Degrenne et de ses demandes tendant à voir condamner la société Guy Degrenne à lui payer la somme de 23 205 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 2 320, 05 euros au titre des congés payés sur préavis, la somme de 5 151, 51 euros à titre d'indemnité légale de licenciement et la somme de 92 820 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la transaction signée de l'employeur comme du salarié porte la date du 4 mai 2007, sans qu'aucune mention n'ait été ajoutée par ce dernier, alors qu'il ne conteste pas avoir reçu notification de son licenciement le 27 avril précédent. / S'il doit être admis que bien antérieurement à la date du licenciement, cette mesure de rupture avait pu être envisagée par l'employeur ainsi que le révèle Monsieur Y... dans sa déclaration telle qu'elle résulte de la pièce 26 versée par l'appelant, il n'en résulte pas cependant que la transaction ait été conclue avant la rupture du contrat, rien ne venant établir que les parties s'étaient véritablement entendues avant la notification du licenciement. / Et il ne peut être tiré aucune conséquence de ce que cette notification n'ait été séparée que d'une semaine seulement de la signature du protocole d'accord, quand bien même cette semaine aurait-elle été réduite par le jeu d'un jour férié ou d'un pont, le salarié continuant de disposer, compte tenu de son niveau d'emploi et d'expérience, d'un temps suffisant pour réfléchir aux termes de la transaction d'autant qu'il faut admettre au vu des propos de Monsieur Y... et des propres déclarations de Monsieur Lionel X..., qu'il avait pu en envisager l'éventualité avant même la notification du licenciement. / En outre, faute d'enregistrement de la transaction, formalité qui seule est susceptible de donner date certaine à cette dernière il ne peut être tiré aucune conséquence de l'absence d'envoi en lettre recommandée avec accusé de réception. / De plus, alors que la mention de la date n'est pas une condition essentielle de la validité de la transaction, s'il convenait d'admettre en l'espèce que le 4 mai n'est pas la date exacte de cette dernière, la référence que le salarié voit dans la transaction à la lettre par laquelle il conteste la mesure de licenciement dont il a fait l'objet, qu'il déclare avoir écrite le 5 mai suivant et postée le 7, tendrait à démontrer que cette transaction n'a pu être signée que postérieurement à la réception de cette lettre et donc largement après le 27 avril 2007 date à laquelle Monsieur Lionel X... ne conteste pas avoir reçu notification de son licenciement, lui laissant ainsi a fortiori un délai suffisant de réflexion. / Dès lors sur ce premier point, la validité de la transaction signée ne peut être remise en cause » (cf., arrêt attaqué, p. 3) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « l'article 2044 du code civil stipule que : la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. / Ce contrat doit être rédigé par écrit. / Attendu que l'article 2052 du code civil stipule que : les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. / Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion. / Attendu que Monsieur X... a reçu la somme de 10 000 € en contrepartie de la convention signée entre les parties. / Attendu qu'en l'espèce Monsieur X... a signé ce document en toute connaissance de cause et qu'en tant que directeur financier, il ne peut raisonnablement prétendre ne pas avoir pris conscience de la portée de ses écrits. / Attendu qu'en l'espèce la transaction entre les parties est parfaitement valide. / Attendu qu'en conséquence Monsieur X... n'est pas fondé dans ses demandes » (cf., jugement entrepris, p. 4) ;

ALORS QUE, de première part, la transaction ayant pour objet de prévenir ou terminer une contestation, celle-ci ne peut être valablement conclue par le salarié licencié que lorsqu'il a eu la connaissance effective des motifs du licenciement par la réception de la lettre de licenciement prévue à l'article L. 1232-6 du code du travail et, donc, avant la date à laquelle le salarié a signé l'accusé de réception de cette lettre et, dans le cas où il était absent de son domicile au jour où cette lettre a été présentée, avant celle où il l'a retirée au bureau de poste ; que, d'autre part, l'aveu judiciaire fait pleine foi contre celui qui l'a fait ; qu'en énonçant, par conséquent, pour débouter M. Lionel X... de toutes ses demandes, que la transaction conclue entre M. Lionel X... et la société Guy Degrenne portait la date du 4 mai 2007 et que M. Lionel X... ne contestait pas avoir reçu notification de son licenciement le 27 avril précédent, quand la société Guy Degrenne avait avoué, dans ses conclusions d'appel écrites soutenues oralement à l'audience des débats, que la date de la lettre de licenciement était le 27 avril 2007 et qu'en conséquence, la date à laquelle M. Lionel X... l'aurait, effectivement, reçue était nécessairement postérieure à cette date, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1356 et 2044 du code civil, ensemble les dispositions des articles L. 1234-1 et L. 1232-6 du code du travail ;

ALORS QUE, de seconde part, la transaction ayant pour objet de prévenir ou terminer une contestation, celle-ci ne peut être valablement conclue par le salarié licencié que lorsqu'il a eu la connaissance effective des motifs du licenciement par la réception de la lettre de licenciement prévue à l'article L. 1232-6 du code du travail ; qu'il en résulte que la transaction conclue par le salarié licencié, sans que le licenciement ait été préalablement notifié au salarié par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, est nulle ; qu'en conséquence, en énonçant, pour débouter M. Lionel X... de toutes ses demandes, que la transaction conclue entre M. Lionel X... et la société Guy Degrenne portait la date du 4 mai 2007 et que M. Lionel X... ne contestait pas avoir reçu notification de son licenciement le 27 avril précédent, sans constater que la société Guy Degrenne avait notifié à M. Lionel X... son licenciement par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2044 du code civil, ensemble les dispositions des articles L. 1234-1 et L. 1232-6 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. Lionel X... de sa demande tendant à voir annuler la transaction qu'il a conclue avec la société Guy Degrenne et de ses demandes tendant à voir condamner la société Guy Degrenne à lui payer la somme de 23 205 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 2 320, 05 euros au titre des congés payés sur préavis, la somme de 5 151, 51 euros à titre d'indemnité légale de licenciement et la somme de 92 820 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée : " suite à l'entretien préalable que nous avons eu le 24 avril 2007 (…), nous avons pris la décision de vous licencier en raison des faits suivants : désaccord continuel avec votre hiérarchie sur la gestion stratégique du financement du groupe et sur la gestion de l'équipe comptable mettant en péril l'activité et les résultats de l'entreprise. / Ce comportement est incompatible avec la fonction de directeur financier du groupe Guy Degrenne, poste-clé que vous occupez aujourd'hui (…) ". / Indépendamment de la réalité ou du sérieux des motifs invoqués dans la lettre qu'il n'appartient pas au juge saisi de la validité d'une transaction de vérifier, il convient de constater que le courrier en cause est rédigé conformément aux exigences légales puisqu'il contient des motifs matériellement vérifiables. / De plus, l'importance du poste occupé par monsieur Lionel X..., à savoir directeur financier du groupe, permet de considérer que l'existence d'un désaccord continuel sur la gestion du financement et sur la gestion de l'équipe comptable, ne constitue pas seulement une insuffisance professionnelle mais est de nature à constituer une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail. / Alors que le protocole transactionnel prévoit le versement d'une indemnité de 10 000 € dont il n'est pas contesté qu'elle n'aurait pas été perçue dans le cadre d'une procédure de licenciement pour faute grave et dont le caractère dérisoire n'est pas allégué, il convient de constater que les parties ont fait, de part et d'autre, des concessions et que la demande d'annulation de la transaction ne peut être accueillie. / En conséquence, le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé » (cf., arrêt attaqué, p. 3) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « l'article 2044 du code civil stipule que : la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. / Ce contrat doit être rédigé par écrit. / Attendu que l'article 2052 du code civil stipule que : les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. / Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion. / Attendu que Monsieur X... a reçu la somme de 10 000 € en contrepartie de la convention signée entre les parties. / Attendu qu'en l'espèce Monsieur X... a signé ce document en toute connaissance de cause et qu'en tant que directeur financier, il ne peut raisonnablement prétendre ne pas avoir pris conscience de la portée de ses écrits. / Attendu qu'en l'espèce la transaction entre les parties est parfaitement valide. / Attendu qu'en conséquence Monsieur X... n'est pas fondé dans ses demandes » (cf., jugement entrepris, p. 4) ;

ALORS QUE l'existence de concessions réciproques conditionne la validité d'une transaction et le juge peut, pour apprécier si ces concessions sont réelles, sans heurter l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction, restituer aux faits, tels qu'ils ont été énoncés par l'employeur dans la lettre de licenciement, leur véritable qualification ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir l'existence de concessions réciproques faites par chacune des parties à la transaction conclue entre M. Lionel X... et la société Guy Degrenne et pour débouter M. Lionel X... de toutes ses demandes, que l'importance du poste occupé par M. Lionel X..., à savoir directeur financier du groupe, permet de considérer que l'existence d'un désaccord continuel sur la gestion du financement et sur la gestion de l'équipe comptable ne constitue pas seulement une insuffisance professionnelle, mais est de nature à constituer une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail, quand de tels faits ne pouvaient être constitutifs d'une faute grave privative de l'indemnité de préavis et quand elle relevait que la transaction conclue entre M. Lionel X... et la société Guy Degrenne prévoyait le versement par l'employeur au salarié d'une indemnité de 10 000 euros, soit une somme inférieure à l'indemnité de préavis à laquelle M. Lionel X... pouvait prétendre en cas de licenciement non motivé par une faute grave, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2044 et 2052 du code civil, ensemble les dispositions des articles L. 1231-4, L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-70463
Date de la décision : 24/03/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partiellement sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Cour d'appel de Caen, Chambre sociale, 31 octobre 2008, 08/00942

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 31 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 mar. 2010, pourvoi n°08-70463


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.70463
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