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24/03/2010 | FRANCE | N°08-44917

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 mars 2010, 08-44917


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 6 septembre 1984 en qualité de magasinier par la société Exacompta dont l'activité est soumise à la convention collective des entreprises de fabrication d'articles de papeterie et de bureau ; qu'il a été affecté, en 1990, au poste de chauffeur véhicules légers puis, en octobre 2003 à celui de chauffeur poids lourds, catégorie P2, coefficient 154 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement d'heures supplémentaire

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 6 septembre 1984 en qualité de magasinier par la société Exacompta dont l'activité est soumise à la convention collective des entreprises de fabrication d'articles de papeterie et de bureau ; qu'il a été affecté, en 1990, au poste de chauffeur véhicules légers puis, en octobre 2003 à celui de chauffeur poids lourds, catégorie P2, coefficient 154 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement d'heures supplémentaires, d'indemnité de repos compensateur et de dommages-intérêts pour travail dissimulé ;

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié diverses sommes à titre de solde de rappel d'heures supplémentaires et congés payés incidents, solde d'indemnité de repos compensateur et congés payés incidents, dommages-intérêts pour dissimulation d'emploi, l'arrêt retient que selon le procès-verbal du 13 mai 2007 produit, l'inspecteur du travail constatait que les salariés de l'entreprise avaient travaillé 44 heures par semaine de 2000 à 2005 puis 42 heures à compter du 1er septembre 2005, que M. X... avait dû accomplir de nombreuses heures supplémentaires "cachées" et des heures fixées au-delà du contingent fixé par l'accord d'entreprise, qu'au regard des constatations de l'inspecteur du travail sur la durée hebdomadaire de travail et les attestations produites, la cour a la conviction que M. X... a accompli neuf heures supplémentaires par semaine de novembre 2000 à novembre 2005 qui ne lui ont pas été rémunérées en tant que telles ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'employeur qui faisait valoir que les 44 heures hebdomadaires de présence dans l'entreprise revendiquées par le salarié comprenaient les temps d'habillage et de déshabillage dénommés "temps de convenance" par l'accord collectif de réduction et d'aménagement du temps de travail du 27 avril 2000, lesquels, bien que ne constituant pas du temps de travail effectif, étaient rémunérés à hauteur d'une heure trente minutes par semaine à un taux de salaire horaire majoré de 25 %, de sorte qu'il y avait lieu de les déduire pour obtenir le temps de travail effectif, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 212-5-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 et l'article D. 212-25, alinéa 1er, du code du travail tel que modifié par le décret n° 2002-1257 du 15 octobre 2002 ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, "Les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % de ces heures pour les entreprises de dix salariés au plus et à 100 % dans les entreprises de plus de dix salariés" ;

Attendu que pour fixer le montant de la condamnation de l'employeur au titre des repos compensateurs non pris sur la période de novembre 2000 à novembre 2005, l'arrêt énonce que dans les entreprises de plus de vingt salariés, le repos compensateur est de 100 % "pour chaque heure accomplie au-delà du contingent conventionnel, en l'espèce 130 heures par an d'heures supplémentaires selon l'accord du 27 avril 2000" ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'antérieurement à la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003, le seuil de déclenchement du droit à repos compensateur de 100 % était constitué par le contingent annuel réglementaire lequel, pour l'année 2002, a été fixé à 180 heures par le décret n° 2002-1257 du 15 octobre 2002, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Exacompta

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société EXACOMPTA à payer à Monsieur X... diverses sommes à titre de solde de rappel d'heures supplémentaires et congés payés incidents, solde d'indemnité de repos compensateur et congés payés incidents, dommages et intérêts pour dissimulation d'emploi et frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE « selon le procès-verbal du 13 mai 2007 produit, l'inspecteur du travail constatait que les salariés de l'entreprise avaient travaillé 44 heures par semaine de 2000 à 2005 puis 42 heures à compter du 1er septembre 2005, que M. X... avait dû accomplir de nombreuses heures supplémentaires « cachées » et des heures au-delà du contingent fixé par l'accord d'entreprise ; que les calculs de la société d'expertise comptable SAB en la personne de M. Y... n'ont pas été effectués contradictoirement ; qu'au regard des constatations de l'inspecteur du travail sur la durée hebdomadaire de travail et les attestations produites, la cour a la conviction au sens de l'article L.3171-4 du Code du travail (ancien article L.212.1.1) que M. X... a accompli 9 heures supplémentaires de travail par semaine de novembre 2000 à novembre 2005 qui ne lui ont pas été rémunérées en tant que telles ; que M. X... établit en conséquence à juste titre un calcul des sommes qui lui étaient dues sur la période de novembre 2000 à novembre 2005 sur la base de 44 heures par semaine, soit 9 heures supplémentaires au regard de la durée légale de travail » ;

ET QUE « compte tenu du constat sur la durée de 44 heures de travail effectif par semaine la société EXACOMPTA n'est pas fondée à prétendre que les jours de RTT seraient en fait des jours de repos compensateurs, et, pour les motifs qui précèdent, se fonder sur les conclusions de M. Y... » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE tout rapport d'expertise peut valoir à titre de preuve, dès lors qu'il est soumis à la libre discussion des parties ; qu'en l'espèce, la Société EXACOMPTA avait produit aux débats le rapport du Cabinet SAB-BERTIN, cabinet d'expertise-comptable indépendant, qui avait, au vu d'éléments objectifs, déterminé le nombre d'heures supplémentaires accomplies par chaque salarié, mois par mois ; que Monsieur X... avait ainsi été mis à même de discuter contradictoirement des conclusions de ce rapport d'expertise ; qu'en écartant néanmoins ce rapport d'expertise, au motif inopérant qu'il n'avait pas été établi de manière contradictoire, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le mécanisme probatoire prévu par l'article L.3171-4 du Code du travail se traduit par un aménagement de la charge de la preuve favorable au salarié, en ce sens où celui-ci doit seulement fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, cependant qu'il appartient à l'employeur de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'en refusant d'examiner les éléments produits par la Société EXACOMPTA au motif que ceux-ci n'auraient pas été établis contradictoirement et en refusant de faire droit à sa demande subsidiaire d'ordonner une expertise judiciaire, la cour d'appel a encore aggravé l'obligation pesant sur l'employeur et a placé ce dernier en situation de preuve pratiquement impossible à rapporter ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a privé la Société EXACOMPTA de son droit à bénéficier d'un procès équitable et a violé l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, ensemble l'article L.3171-4 du Code du travail ;

ALORS, PAR AILLEURS, QUE sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles contraires, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage ne constitue pas un temps de travail effectif, mais doit donner lieu à une contrepartie en temps ou en argent lorsque le port d'une tenue de travail est obligatoire ; qu'en l'espèce, l'accord de réduction et d'aménagement du temps de travail du 27 avril 2000 prévoyait qu'au début et à la fin de chaque demi-journée de travail, les salariés disposaient de cinq minutes de « temps de convenance » pour s'habiller et se déshabiller et que ce « temps de convenance », bien que ne constituant pas du temps de travail effectif, était rémunéré à hauteur d'une heure trente minutes par semaine, à un taux de salaire horaire majoré de 25 % ; que les quarante quatre heures hebdomadaires de présence dans l'entreprise revendiquées par Monsieur X... comprenaient ces « temps de convenance » ; qu'en affirmant néanmoins que Monsieur X... avait travaillé quarante-quatre heures par semaine, la cour d'appel a assimilé ces « temps de convenance » à du temps de travail effectif et violé l'article L. 3121-3 du Code du travail et l'accord collectif du 27 avril 2000 ;

ALORS, EGALEMENT, QU' à supposer même que les temps de convenance aient constitué du temps de travail effectif, il n'était pas discuté qu'ils avaient été payés au taux de 125 % ; de sorte qu'en incluant ces temps de convenance dans le calcul des heures supplémentaires effectuées par Monsieur X..., sans déduire du salaire dû en contrepartie de ces heures supplémentaires les sommes déjà versées en rémunération de ces temps de convenance, la cour d'appel a condamné la Société EXACOMPTA à payer une seconde fois ces temps de convenance ; qu'elle a ainsi violé de plus fort l'accord collectif du 27 avril 2000, ensemble les articles 1234, 1235 et 1376 du Code civil ;

ALORS, ENFIN, QUE pour refuser de considérer que les jours de repos, dénommés « jours de RTT », dont Monsieur X... avait bénéficié, chaque année, constituaient des repos compensateurs, la cour d'appel s'est bornée à indiquer qu'elle avait constaté que la durée du travail du salarié était de 44 heures par semaine ; qu'en se prononçant de la sorte, elle n'a pas fait ressortir que ces jours de repos ont été pris en compte dans le calcul de la durée de travail moyenne hebdomadaire accomplie par le salarié, et ainsi, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-22 et L. 3121-26 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société EXACOMPTA à payer à Monsieur X... diverses sommes à titre de solde d'indemnité de repos compensateur et congés payés incidents, prime de panier et congés payés incidents et frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE « sur les repos compensateurs, aux termes de l'article L.3121-26 du Code du travail (ancien article L.212.5.1 al.1 et 3) dans les entreprises de plus de vingt salariés les salariés ont droit à repos compensateur dès lors qu'ils ont accompli des heures supplémentaires au-delà du seuil de 41 heures par semaine à hauteur de 50 % du temps de travail accompli après 41 heures, soit une demi heure par heure travaillée ; que le taux est majoré à hauteur de 100 % pour chaque heure accomplie au-delà du contingent conventionnel, en l'espèce 130 heures par an d'heures supplémentaires selon l'accord du 27 avril 2000 ; que M. X... doit donc être indemnisé des repos compensateurs dont il n'a pas bénéficié ; compte tenu du constat sur la durée de 44 heures de travail effectif par semaine la société EXACOMPTA n'est pas fondée à prétendre que les jours de RTT seraient en fait des jours de repos compensateurs, et, pour les motifs qui précèdent, se fonder sur les conclusions de M. Y... » ; Que la société EXACOMPTA admet devoir un solde qu'elle fixe sur la base de ces conclusions à 7.158,85 euros congés payés inclus ; que pour sa part M. X... détermine par un calcul précis qu'il lui est dû au titre du dépassement du seuil hebdomadaire de 41 heures et du contingent annuel la somme de 15.88O euros sur cinq ans, de novembre 2000 à novembre 2005 outre l'incidence des congés payés, soit la somme totale de 17.746 euros après déduction de la régularisation effectuée sur une base de 76 heures en juin 2008 ; que l'article 2 du chapitre 2 sur la réduction du temps de travail de l'accord précité prévoit une prime de panier pour les personnels des ateliers et magasin équivalant à une heure vingt par semaine calculée sur le salaire des heures supplémentaires à 25 % ; que la société EXACOMPTA reconnaît que jusqu'en janvier 2006 cette prime était versée qu'à hauteur d'une heure par semaine majorée de 25 %, qu'à l'arrêt du système de paiement d'une partie des heures supplémentaires par le biais notamment de primes de panier majorées elle a cessé de payer ces primes jusqu'en juillet 2006 ; qu'elle estime cependant n'avoir été redevable au titre d'un rappel de vingt minutes majorées par semaine que de 1175,21 euros à cette date, que compte tenu des régularisations qu'elle a effectuées et des taux horaires, M. X... ne justifie pas de sa demande ; que M. X... démontre par des calculs précis prenant en compte les taux horaires applicables qu'il aurait dû percevoir sur les années 2000 à juillet 2006 4.488 euros alors qu'il n'a perçu que 2.797 euros ; qu'un solde de 1691 euros doit en conséquence lui être alloué » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 2003, il résultait de la combinaison des articles L. 212-6 et L. 212-5-1 du Code du travail, que le droit à repos compensateur s'exerçait au-delà du contingent d'heures supplémentaires fixé par décret ; qu'en décidant néanmoins que Monsieur X... pouvait prétendre, pour toute la période comprise entre novembre 2000 et novembre 2005, à un repos compensateur pour chaque heure accomplie au-delà du contingent conventionnel, la cour d'appel a violé les articles L. 212-6, L. 212-5-1 et D. 212-25 du Code du travail, dans leur version applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 2003 ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE pour justifier de sa demande de rappel de prime de panier pour la période de novembre 2000 à novembre 2006, Monsieur X... calculait d'un côté, le montant de la prime qui aurait dû lui être versée chaque année et, de l'autre, le montant de celle qu'il avait perçue chaque année ; que la Société EXACOMPTA s'opposait à cette prétention, en faisant valoir qu'elle avait régularisé le paiement de cette prime, par des versements complémentaires effectués en juillet 2006, octobre 2006 et avril 2008, comme il apparaissait sur les bulletins de paie correspondants ; qu'en se bornant néanmoins à affirmer, pour accorder à Monsieur X... le rappel de prime de panier réclamé par ce dernier, que ses calculs étaient précis, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la Société EXACOMPTA n'avait pas effectué des versements complémentaires dont ces calculs ne tenaient pas compte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'accord collectif du 27 avril 2000 ;

ALORS, ENFIN, QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi formé par la Société EXACOMPTA entraînera en application des dispositions des articles 624 et 625 du Code de procédure civile, compte tenu du lien de dépendance nécessaire entre la question du nombre d'heures supplémentaires effectuées par le salarié et celle de ses droits à repos compensateurs, la cassation par voie de conséquence du chef de l'arrêt ayant jugé que Monsieur X... pouvait prétendre au paiement d'une somme de 17.468,70€ au titre des repos compensateurs non pris.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44917
Date de la décision : 24/03/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 mar. 2010, pourvoi n°08-44917


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.44917
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