LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en qualité d'informaticien par la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) le 3 avril 1978 ; que son contrat de travail, conclu au visa de l'ordonnance du 21 août 1967 relative à l'organisation administrative et financière de la sécurité sociale modifiée par la loi de ratification du 21 juillet 1968, stipulait que la convention collective du personnel de direction et des ingénieurs-conseils des organismes de sécurité sociale ne lui était pas applicable sauf pour la revalorisation du point servant de base au calcul du salaire ; qu'estimant que son employeur aurait dû lui appliquer la convention collective pour le faire bénéficier des différentes classifications dans le déroulement de sa carrière, le salarié a saisi le 24 décembre 2004 la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 2254-1 du code du travail et la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes pour obtenir la classification au niveau X coefficient 655 de ladite convention collective à compter du 1er janvier 1993 ainsi que la régularisation, sous astreinte, par la CNAMTS des cotisations de retraite sur la base d'une perte de rémunération pour la période d'avril 1978 à décembre 1999 ou, à titre subsidiaire, sa condamnation à lui verser des dommages-intérêts pour défaut de cotisations, l'arrêt retient que l'article 3 du contrat de travail prévoit que la convention collective n'était pas applicable au salarié, qu'aucune disposition légale ou conventionnelle n'imposait à l'employeur d'y intégrer les salariés engagés dans le cadre de la loi du 21 juillet 1968 et que M. X..., ayant seulement réclamé le 6 février 2003 l'application de la convention collective et ayant ainsi bénéficié jusqu'à cette date d'un statut qui a comporté des avantages, ne pouvait solliciter pour la période antérieure son intégration dans la convention collective ;
Qu'en statuant ainsi, alors que lorsque l'employeur est lié par les clauses d'une convention collective, ces clauses s'appliquent de plein droit au contrat de travail sauf stipulations plus favorables de sorte que l'absence de réclamation du salarié ne le prive pas du droit de former, dans les limites de la prescription quinquennale s'agissant de la demande en paiement de la rémunération et dans les limites de la prescription trentenaire alors applicable s'agissant de la demande relative aux cotisations de retraite, une demande fondée sur l'application de dispositions conventionnelles plus favorables que les stipulations contractuelles, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1134 du code civil et la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes pour obtenir la classification au niveau X coefficient 655 de ladite convention collective à compter du 1er janvier 1993 ainsi que la condamnation de son employeur à lui verser en conséquence pour la période de janvier 2000 à décembre 2007 un rappel de salaire, la cour d'appel retient que la comparaison de la carrière de M. X... avec celle de M. Y..., directeur adjoint classé au niveau X, et avec celle de M. Z..., ingénieur d'études classé au niveau VIII, montre une similitude de positionnement des emplois occupés par MM. X... et Z... et que la proposition de l'employeur de placer le salarié au niveau VIII du 1er janvier 2000 au 1er janvier 2006 puis au niveau IX à partir de cette date paraît conforme au niveau de responsabilité du salarié ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le salarié avait exercé ou non les fonctions définies par la convention collective pour l'attribution de la classification revendiquée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 1153 du code civil ;
Attendu que pour fixer à la date de son arrêt le point de départ des intérêts moratoires portant sur le différentiel de rémunération, la cour d'appel a retenu que le retard apporté au règlement de la dette résultait de la contestation du salarié ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la créance de salaire produit intérêts à compter du jour de la sommation de payer ou de la demande en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la CNAMTS et le directeur régional des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la CNAMTS et le directeur régional des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de ses demandes tendant à obtenir la classification niveau X coefficient 655 de la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale à compter du 1er janvier 1993, à ce que soit ordonnée à la CNAMTS la régularisation, sous astreinte, des cotisations de retraite sur la base d'une perte de rémunération de 257.966 € pour la période d'avril 1978 à décembre 1999 et à titre subsidiaire à ce qu'il lui soit versé des dommages et intérêts compensatoires pour défaut de cotisations aux caisses de retraites complémentaires ;
AUX MOTIFS QUE le contrat d'engagement de Roger X... a été conclu le 28 mars 1978 en se référant expressément aux dispositions de l'article 60 de la loi n°68-698 du 26 juillet 1968 qui permettaient alors d'allouer au salarié bénéficiaire d'un tel contrat un salaire mensuel supérieur à celui prévu par la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale ; que l'article 3 du contrat relatif à la rémunération précise que la convention régissant le personnel de direction et des ingénieurs conseils des organismes de sécurité sociale n'est pas applicable au salarié ; que si l'article 60 de la loi n°68-698 a été modifié ultérieurement, aucune disposition légale ou conventionnelle n'a imposé à la Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés d'intégrer dans la convention collective les employés embauchés au titre des dispositions légales applicables antérieurement ; que pour sa part, Roger X... n'a sollicité son intégration dans la convention collective que le 6 février 2003 ; qu'il ne saurait dès lors réclamer les avantages liés à l'application de la convention collective pour la période antérieure à cette date, étant observé que la Caisse offre de l'en faire bénéficier dès le 1er janvier 2000 ;
ET AUX MOTIFS QUE la demande subsidiaire de dommagesintérêts compensatoires qu'il formule devant la Cour pour défaut de cotisation aux caisses de retraites complémentaires doit également être rejetée puisqu'en s'abstenant de demander le bénéfice de la convention collective avant le 6 février 2003, le salarié qui a entendu bénéficier jusqu'à cette date d'un statut qui a comporté des avantages est lui-même à l'origine du préjudice dont il prétend être victime ;
ALORS QUE lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord collectif de travail, ces clauses s'appliquent de plein droit aux contrats de travail conclus avec lui, sauf dispositions plus favorables ; qu'il importe peu qu'aucun texte légal ou conventionnel n'ait imposé à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés d'appliquer la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale aux employés embauchés sous un texte spécial, dès lors qu'ils figurent parmi ses salariés et qu'aucun texte législatif ne les en exclut; qu'il n'était pas contesté que la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 était applicable aux rapports de travail entre la Caisse et M. X... ; qu'en refusant de lui en faire bénéficier dès son embauche sous contrat de travail le 3 avril 1978, la Cour d'appel a violé l'article L. 135-2 et L. 2254-1 du Code du travail ;
ALORS encore QUE l'absence de réclamation d'un salarié du bénéfice de la convention collective applicable ne le prive pas des droits qu'il tient d'elle ; qu'il n'était pas contesté que la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale était applicable aux rapports de travail entre la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et M. X... ; qu'il s'ensuit qu'elle lui était applicable depuis son embauche sous contrat de travail le 3 avril 1978 ; qu'en le privant néanmoins de son bénéfice pour la période antérieure à sa réclamation en date du 6 février 2003, la Cour d'appel a violé le texte susvisé.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de ses demandes tendant à obtenir la classification niveau X coefficient 655 de la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale à compter du 1er janvier 1993, à la condamnation de son employeur à lui verser pour la période de janvier 2000 à décembre 2007 un rappel de salaire de 213.541 € à titre principal et de 108.795 à titre subsidiaire, et à ce qu'il soit dit et jugé que son salaire s'élèvera à la somme de 80.667 € à titre principal, et de 68.283 € à titre subsidiaire, à compter du 1er janvier 2008 ;
AUX MOTIFS QUE Roger X... est ingénieur d'études au sein de la division des projets informatiques branches de la CNAMTS, directeur du projet Oscarr (outil de suivi et de collecte des activités et de répartition des ressources) qui est un projet complexe destiné à permettre aux caisses d'assurer un pilotage plus précis et plus fiable de leurs activités, projet qui a commencé à se déployer et qui s'inscrit dans les standards technologiques issus du schéma directeur des systèmes d'information et qui intègre les technologies Web ; que le protocole d'accord relatif aux dispositifs de rémunération et à la classification des emplois au sein des caisses nationales de sécurité sociale définit comme suit les niveaux de qualification des emplois d'informaticiens: niveau VIII : les fonctions requièrent la mise en oeuvre d'activités de conseil dans le domaine informatique permettant de réaliser la maîtrise d'oeuvre de projets complexes, d'assurer l'animation et le contrôle de plusieurs secteurs d'activité ; niveau IX A : les fonctions requièrent la mise en oeuvre d'une expertise reconnue dans le domaine de l'informatique accompagnée de bonnes connaissances générales permettant, de réaliser des études et de mettre en oeuvre des activités de conception de haut niveau dans le cadre de projets très complexes, de diriger à ou plusieurs secteurs d'activité importants au regard des missions de l'organisme ; niveau IX B : les fonctions requièrent une expertise reconnue dans le domaine de l'informatique accompagnée de connaissances générales de haut niveau permettant la conduite de projets importants impliquant la mise en oeuvre de structures complexes et diversifiées, niveau X : les fonctions requièrent une collaboration directe avec la direction et exigent un très haut niveau d'expertise permettant : d'apporter sur le plan technique un concours majeur dans la définition des choix d'orientation en matière d'informatique et à leur réalisation, d'assurer la direction, l'animation et le contrôle de secteurs d'activité très importants au regard de la mission de l'organisme ; que la comparaison de la carrière de Roger X... avec celle de Maurice Y..., directeur adjoint classé niveau X, et celle d'Armand Z..., ingénieur d'études classé niveau VIII engagé le 11 octobre 1979, montre une similitude de positionnement des emplois occupés par messieurs X... et Z... ; que la proposition de la CNAMTS de placer Roger X... au 1er janvier 2000 au niveau VIII de la convention collective et le 1er janvier 2006 au niveau IX paraît conforme au protocole d'accord relatif à la classification des emplois des organismes de sécurité sociale et de leurs établissements et au niveau de responsabilité exercé par le salarié ;
ALORS QUE pour déterminer si le salarié est en droit d'obtenir le niveau de classification professionnelle qu'il revendique, le juge doit apprécier si les fonctions effectivement exercées par le salarié remplissent chacun des critères conventionnels ; qu'en s'abstenant de vérifier si les fonctions qu'il avait effectivement exercées correspondaient à chacun des critères conventionnels, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré que les intérêts moratoires portant sur le différentiel de rémunération couraient à compter de l'arrêt attaqué ;
AUX MOTIFS QUE le retard apporté au paiement du différentiel de rémunération résulte de la contestation de Monsieur X..., les intérêts courront donc qu'à dater du présent arrêt ;
ALORS QUE les intérêts d'une somme due à un salarié, dès lors que celle-ci n'est pas une créance indemnitaire, courent du jour de la sommation de payer ou de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation ; qu'en décidant que le point de départ des intérêts moratoires portant sur le rappel de salaires dû à M. X... devaient courir à compter du prononcé de l'arrêt attaqué, la Cour d'appel a violé les articles 1146 et 1153 du Code civil et R. 516-12, devenu R. 1453-3 du Code du travail.