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23/03/2010 | FRANCE | N°09-82997

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 mars 2010, 09-82997


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA POSTE, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 30 mars 2009, qui, dans la procédure suivie contre Christophe X... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 434-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale, L. 27 et L. 28 du code

des pensions civiles et militaires de retraite, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, 1...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA POSTE, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 30 mars 2009, qui, dans la procédure suivie contre Christophe X... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 434-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale, L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné Christophe X... à payer à Georges Y..., après exercice du recours subrogatoire de La Poste, en deniers ou quittances, la somme de 57 930,10 euros et à payer à La Poste, en deniers ou quittances, la somme de 105 188,99 euros au titre de son recours subrogatoire ;

"aux motifs que les pertes de gains professionnels actuels ou pertes de revenus de la victime, c'est-à-dire les conséquences patrimoniales, sous forme de pertes de revenus, de l'inactivité ou de l'indisponibilité temporaire subie par la victime dans l'exercice de sa vie professionnelle, du fait de l'accident traumatique qu'elle a subi, doivent être indemnisées pendant la période correspondant à la durée de l'incapacité temporaire de travail du 5 mai 2000 au 31 mai 2001 ; qu'en l'espèce, La Poste a réglé l'intégralité de son traitement à Georges Y..., à l'exception d'une « prime de bicyclette » et d'une «prime de panier» ; qu'en outre, il n'a pas pu bénéficier des revenus habituellement obtenus de la vente de calendriers ; que, si les primes, comme le soutient le prévenu, «ne se justifient que si le salarié travaille» cette perte de revenu a bien pour cause exclusive l'accident du 5 mai 2000 qui a empêché Georges Y..., à compter de cette date, de poursuivre normalement son activité professionnelle de facteur et de percevoir ces primes ; que la réclamation faite à ce titre par la victime est donc justifiée ; qu'en conséquence, l'évaluation de ce poste effectuée par le premier juge, faite à partir de l'attestation du 21 mars 2001, est confirmée à concurrence de 75,90 euros pour l'indemnité de bicyclette et de 354,20 euros en ce qui concerne l'indemnité de panier pour la période considérée ; que la vente de calendrier a constitué, jusqu'à une date récente, un complément de salaire toléré par les pratiques en usage à La Poste ce qui permet d'écarter le caractère occulte du revenu correspondant, de même que son caractère illégal ou illicite ; que cependant, l'évaluation de la perte de revenus, faite en fonction de ce qui est communément admis en la matière selon le premier juge correspondant à un mois de salaire, sans qu'aucune des pièces produites par la victime n'autorise une évaluation plus précise, conduit la cour à réduire ce poste à la somme de 700 euros ; qu'il revient donc à la victime, au titre de la perte de gains actuels, la somme de 1 130,10 euros ; qu'il est constant que La Poste a versé à Georges Y..., en application du statut général des fonctionnaires, son entier traitement entre la date de l'accident et la date de sa mise à la retraite ; que compte tenu de la nature subrogatoire du recours du tiers payeur, La Poste n'est fondée à réclamer que l'indemnisation des salaires versés à Georges Y... de la date de l'accident à la date de consolidation de son état ; qu'en conséquence, le montant de l'indemnisation de La Poste est fixée, au titre de son recours subrogatoire, pour les salaires versés du 5 mai 2000 au 19 avril 2002 à 41 704,05 euros ;

"1°) alors qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que le préjudice de droit commun subi par la victime au titre de la perte de gains actuels, c'est-à-dire au titre de la perte de gain subie avant la date de consolidation de ses blessures, s'élevait à la somme de 42 834,15 euros correspondant aux rémunérations maintenues par La Poste pour 41 704,05 euros et à la somme de 1 130,10 euros au titre de diverses primes perdues ; qu'en limitant le recours de l'organisme social, au titre du salaire maintenu à la victime pendant toute la période qui s'est écoulée de la date de l'accident jusqu'à la date de sa mise à la retraite à la somme de 41 704,05 euros, et en excluant de l'assiette du recours de La Poste la somme de 1 130,10 euros, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles visés au moyen ;

"et aux motifs que la rente servie à une victime d'accident du travail en application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale et la rente viagère d'invalidité prévue par les articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite s'imputent « prioritairement sur les pertes de gains professionnels puis sur la part d'indemnité réparant l'incidence professionnelle » en considérant que ces prestations indemnisent les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité ; que la possibilité de recourir également sur un poste personnel tel que le déficit fonctionnel n'est possible qu'à la condition posée par le nouvel article 31, alinéa 3, susénoncé ; qu'en l'espèce, La Poste ayant déjà exercé son recours subrogatoire au titre des salaires versés après la date de consolidation sur le poste « incidence professionnelle », n'est pas fondée à demander à l'exercer à nouveau pour ce même poste ; qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement des sommes versées à Georges Y... au titre du capital représentatif du paiement anticipé de la pension de retraite et des arrérages de la rente d'invalidité ;

"2°) alors que, dans la mesure où son montant excède celui des pertes de revenus et l'incidence professionnelle, une rente d'invalidité indemnise nécessairement, en tout ou partie, l'atteinte objective à l'intégrité physique de la victime que représente le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ; qu'après avoir constaté que La Poste avait accordé une pension d'invalidité à son agent, Georges Y..., la cour d'appel, qui, après avoir constaté qu'elle ne pouvait s'imputer sur le préjudice professionnel de la victime, a refusé d'imputer les arrérages échus et le capital représentatif des arrérages à échoir de la rente servie par La Poste sur la somme allouée à la victime au titre du déficit fonctionnel permanent, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que la rente d'invalidité servie par La Poste réparait nécessairement le déficit fonctionnel subi par la victime et a ainsi violé les textes visés au moyen ;

"3°) alors que, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté que La Poste avait alloué à la victime une pension d'invalidité, qui indemnisait le déficit fonctionnel permanent de Georges Y..., et dont le versement à la victime était certain, ce qui équivalait à un paiement effectif et préalable, ne pouvait refuser d'imputer le capital représentatif de la rente servie par ce tiers payeur sur le montant de l'indemnité allouée à la victime au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"4°) alors qu'à partir du moment où le préjudice d'une victime est indemnisé sous forme de capital, la créance du tiers payeur qui s'impute sur ce préjudice doit, elle aussi, être capitalisée ; qu'en fixant à une somme de 51 800 euros en capital l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent de Georges Y... tout en refusant l'imputation du capital représentatif de la rente versée par La Poste à cette victime, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale et les textes visés au moyen ;

"5°) alors que, à titre infiniment subsidiaire, en refusant d'accorder à La Poste le remboursement des arrérages déjà échus de la pension d'invalidité, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale et les textes visés au moyen" ;

Vu l'article 1382 du code civil, ensemble les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006, les articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu que la juridiction du second degré était appelé à statuer sur les conséquences dommageables d'un accident de la circulation, dont Christophe X..., reconnu coupable de blessures involontaires sur la personne de Georges Y..., fonctionnaire de La Poste en service, a été déclaré tenu à réparation intégrale ; qu'elle a été saisie de conclusions de La Poste demandant notamment le remboursement du capital représentatif de la pension d'invalidité servie à Georges Y..., soit 206 306,37 euros ;

Attendu que, pour limiter la condamnation du prévenu à payer, à ce titre, 7 000 euros à La Poste, l'arrêt retient que la victime n'a pas justifié de la perte de revenus après sa consolidation, que le recours du tiers payeur peut s'exercer sur l'indemnisation de l'incidence professionnelle évaluée à 7 000 euros, mais qu'il ne peut s'exercer sur l'indemnisation du déficit fonctionnel évalué à 51 800 euros ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans la mesure où son montant excède celui des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle, la rente d'invalidité versée en application de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite répare nécessairement, en tout ou en partie, l'atteinte objective à l'intégrité physique de la victime que représente le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 30 mars 2009, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-82997
Date de la décision : 23/03/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 30 mars 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 mar. 2010, pourvoi n°09-82997


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Blanc, Me Odent, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.82997
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