LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant retenu, à bon droit, qu'un congé par ailleurs donné par le bailleur avait, suite à un protocole signé par ce dernier, produit ses effets à la date pour laquelle il avait été délivré, et relevé, sans violer le principe de l'effet relatif des conventions ni ajouter aux termes de l'accord, que l'augmentation du seuil qui en résultait pouvait être invoquée par des tiers n'ayant pas signé ce protocole, la cour d'appel a pu en déduire que la surface des terres devant être exploitées dépassait le seuil fixé par l'autorité administrative et que l'exercice du congé aux fins de reprise était soumis à une autorisation préalable d'exploiter ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant exactement retenu, par motifs propres et adoptés, que la preuve d'une contrainte ou d'une intention délictuelle par le preneur entrant n'était pas nécessaire, la cour d'appel, appréciant souverainement la valeur probante des éléments soumis à son examen, a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... et les consorts Y..., ensemble, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... et les consorts Y..., ensemble, à payer aux consorts Z... et à la société du Relais de la Forge, ensemble, la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des consorts Y... et de Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour Mme X... et les consorts Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la nullité de deux congés délivrés, le 24 avril 2006, par les consorts Y... aux époux Z... et à l'EARL de la Forge, pour le 1er novembre 2007, aux fins de reprise par Eric Y... ;
AUX MOTIFS QUE en vertu des dispositions de l'article L 331-2 du code rural, sont soumis à autorisation préalable d'exploiter, notamment les agrandissements les réunions d'exploitations agricoles, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures, lequel est en l'espèce de 102 ha, selon un arrêté préfectoral du 13 décembre 2000 ; que l'article L 411-58 du même code subordonne l'exercice du congé aux fins de reprise au respect des dispositions susvisées ce qui implique que la reprise n'est possible que si son bénéficiaire a obtenu à la date d'effet du congé, lorsqu'elle est nécessaire, l'autorisation préalable d'exploiter ou, à tout le moins, s'il a déposé à cette date une demande d'autorisation, auquel cas le tribunal paritaire des baux ruraux doit surseoir à statuer jusqu'à la décision définitive à intervenir sur sa demande ; qu'en l'espèce il est constant qu'au 1er novembre 2007, Éric Y... n'avait ni obtenu, ni même sollicité, une telle autorisation ; que la question est donc de savoir si à cette date la surface totale qu'il envisageait d'exploiter dépassait ou non le seuil fixé par l'article L 331-2 précité et nécessitait l'obtention d'une autorisation ; qu'il est justifié de ce que, avant toute reprise, Éric Y... exploitait une surface totale de 59ha 97a 89ca ; que l'adjonction des terres, objet de la reprise au détriment des consorts Z... et de l'EARL de la Forge portait cette superficie à 78ha 93a 50ca ; que par deux autres actes en date du 24 avril 2006, les consorts Y... avaient pareillement donné congé aux époux B... aux fins de reprise au profit d'Éric Y..., pour le 1er novembre 2007, terme normal du bail consenti à ces derniers sur une superficie totale de 30ha 72a 88ca ; que les époux B... ont contesté ces congés devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Pithiviers ; que les parties ont signé, le 15 décembre 2007 un protocole d'accord mettant fin au litige les opposant relativement à ce bail et à un autre ; que concernant le présent bail de 30ha 72a 88ca, elles ont convenu du montant des indemnités dues au preneur sortant ainsi que de la reprise par le bénéficiaire des divers matériels et installations, en conséquence de quoi les époux B... ont expressément renoncé à la contestation des congés et se sont engagés à solliciter la radiation de l'instance en cours devant le tribunal ;
que la signature de ce protocole d'accord au 15 décembre 2007 n'a pas eu pour effet de proroger le bail jusqu'à cette date mais seulement, par suite de la renonciation à la contestation engagée, de redonner aux congés leur plein effet, rétroactivement à la date à laquelle ils avaient été délivrés soit au 1er novembre 2007 ; qu'il ressort qu'à cette date les 30ha 72a 88ca repris aux consorts B... venaient s'ajouter aux 78ha 93a 50ca qu'Eric Y... envisageait déjà d'exploiter, soit une superficie totale de 109 ha 67a 18ca, supérieure au seuil fixé par l'article L 331-2 du code rural, de sorte que l'obtention d'une autorisation d'exploiter était nécessaire ; que les consorts Y... qui faisaient simultanément délivrer congé aux fins de reprise, le même jour, aux consorts Z... et à l'EARL de la Forge et aux époux B..., ne pouvaient ignorer que la surface totale des terres qui seraient ainsi mises à disposition d'Éric Y... par l'effet de cette double reprise, excéderait le seuil susvisé et que l'opération envisagée était subordonnée à l'obtention d'une autorisation préalable ; que c'est par conséquent à tort que le premier juge a rejeté la demande en nullité des congés délivrés aux époux Z... ; que le jugement doit être infirmé de ce chef et lesdits congés annulés ;
1) ALORS QUE pour apprécier si la reprise objet du congé est ou non subordonnée à l'obtention d'une autorisation administrative d'exploiter, il y a lieu de tenir compte de la surface effectivement exploitée par le candidat à la reprise, à la date d'effet du congé, à laquelle s'ajoute la superficie des terres pour lesquelles le congé contesté a été délivré ; que le bénéficiaire de la reprise ne reprend pas effectivement les terres en cause tant que le congé reste contesté ; qu'en décidant qu'il convenait d'intégrer à la superficie exploitée par le repreneur à la date d'effet du congé, celle issue de la reprise de 30 hectares de terres antérieurement données à bail à d'autres fermiers dans la mesure où la signature du protocole du 15 décembre 2007 entre les époux B... et M. Y... a eu pour effet de redonner rétroactivement leur plein effet aux congés délivrés aux époux B... pour le 1er novembre 2007, la cour d'appel a violé les articles L 331-2 et L 411-58 du code rural ;
2) ALORS QU'une transaction n'a d'effet qu'entre les parties et ne peut pas être opposée par des tiers ; qu'en appréciant la validité des congés délivrés aux époux Z... et à l'EARL de la Forge en fonction d'un protocole transactionnel auxquels les preneurs sont demeurés étrangers, la cour d'appel a violé les articles 2044 et 2051 du code civil ;
3) ALORS QUE les transactions se renferment dans leur objet si bien que la renonciation qui y est faite à tous droits actions ou prétentions ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ; que le protocole d'accord du 15 décembre 2007 régularisé entre M. Eric Y... et les époux B... prévoit expressément que les seconds renoncent à la contestation des congés délivrés à leur encontre et demanderont la radiation de l'instance pendante devant le tribunal paritaire de Pithiviers ; qu'en décidant que la signature du protocole au 15 décembre 2007 a eu pour effet de redonner rétroactivement leur plein effet aux congés délivrés aux époux B... pour le 1er novembre 2007, la cour d'appel a ajouté à la transaction du 15 décembre 2007 et partant violé les articles 2004, 2048 et 2052 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné M. Francis Y... à payer aux époux Z... la somme de 25.704,63 euros augmentée des intérêts calculés au taux de 5 % l'an à compter du 30 septembre 1989 ;
AUX MOTIFS QU'en vertu des dispositions de l'article L 411-74 du code rural, une convention passée entre le preneur sortant et le preneur entrant mettant à la charge de ce dernier le coût des améliorations culturales est illicite et ouvre droit à la répétition des sommes indûment versées sans qu'il y ait lieu de rechercher si une contrainte a été exercée sur le preneur entrant ou si le preneur sortant était animé d'une intention délictuelle ; que les consorts Z... et l'EARL de la Forge versent aux débats en premier lieu une facture prévisionnelle de cession de Francis Y... à Yves Z... en date du 1er novembre 1988 signée des deux parties faisant apparaître notamment une somme de 90 000 F pour améliorations du fonds ; que certes la somme mentionnée est inférieure à celle réclamée, mais qu'il doit être constaté qu'il s'agit d'une facture prévisionnelle et qu'il est expressément indiqué au bas de celle-ci que la facture définitive sera faite en fonction de la surface exacte cédée ; que les appelants produisent encore une facture manuscrite non signée reprenant pour l'essentiel les mêmes éléments que la précédente mais portant à 168 611,32 F les sommes s'appliquant à l'amélioration du fonds ; que les mêmes chiffres sont reportés sur un document dactylographié (pièce n° 4) établi au nom de Y... Francis intitulé « cession d'exploitation » qui apparaît constituer la facture définitive ; que certes celle-ci n'est pas signée par les parties mais elle se trouve corroborée par les extraits de pièces comptables d'Yves Z... (Grand livre général, journal général des opérations diverses), sur lesquelles ont été reportées les sommes figurant sur la facture définitive, en ce compris le coût des améliorations du fonds pour 168 611,32 Francs ; que les époux Z... justifient ainsi suffisamment du paiement des sommes litigieuses à Francis Y... étant observé que ce dernier qui aurait pu produire lui-même les éléments de sa comptabilité ou la justification de ce qu'il aurait reçu du bailleur paiement des indemnités dues à ce titre, ne verse au débat aucun élément de nature à contredire les pièces adverses ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné à rembourser aux époux Z... la somme de 25 704,63 euros augmentés des intérêts calculés conformément aux dispositions de l'article L. 411 74 du code rural ;
1) ALORS QUE l'application des dispositions de l'article L. 411-74 du code rural est subordonnée à la démonstration d'une contrainte exercée sur l'acquéreur de l'exploitation ou d'une intention délictuelle du preneur sortant ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2) ALORS QU'il incombe au titulaire du bail qui sollicite la restitution d'une somme indûment versée au preneur sortant au titre des améliorations culturales de rapporter la preuve de son montant et de son paiement effectif à l'intéressé ; qu'en application du principe selon lequel nul ne peut se constituer une preuve à lui-même, la preuve du montant à restituer ne saurait résulter des seuls documents établis par le demandeur lorsqu'il apparaît que les termes de l'accord intervenu entre les parties étaient imprécis ; qu'après avoir admis que la facture définitive des sommes versées par les époux Z... à Monsieur Francis Y... ne pouvait valoir preuve ni du montant versé au titre des améliorations ni du paiement de cette somme au preneur sortant, dans la mesure où elle n'était pas signée par les parties et ne correspondait pas à la facture prévisionnelle, la cour d'appel qui s'est exclusivement fondée sur les documents comptables établis par M. Z... pour en déduire que le paiement au preneur sortant en 1989 d'une somme de 168.611,32 francs au titre des améliorations culturales était établi, a violé l'article 1315 du code civil, ensemble l'article L 411-74 du code rural ;
3) ALORS QU'il incombe au titulaire du bail qui sollicite la restitution d'une somme indûment versée au preneur sortant au titre des améliorations culturales de rapporter la preuve de son montant et de son paiement effectif à l'intéressé ; qu'en condamnant M. Francis Y... à restituer aux époux Z... une somme de 25.704,63 euros versée à ce titre après avoir reproché à l'ancien fermier de ne pas avoir produit les éléments de sa propre comptabilité ou la justification de ce que cette indemnité lui avait été versée par les bailleurs, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil.