LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu l'article 1167 du code civil ;
Attendu que pour rejeter ces demandes, l'arrêt, après avoir retenu, par motifs propres et adoptés, que la banque ne peut valablement soutenir que l'acte du 28 avril 2000 a été fait en fraude de ses droits, sa connaissance de l'apport et son agrément à cet acte lui interdisant de se prévaloir de son caractère frauduleux, relève que la banque ne formule aucune demande concernant les actes passés postérieurement et retient qu'il n'appartient pas à la cour d'appel d'analyser ces actes au regard de leur éventuelle inopposabilité, pas plus qu'il n'est utile d'analyser les chefs de préjudice subis par la banque dès lors que le seul acte contesté par cette dernière est déclaré régulier ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les circonstances qu'elle relevait n'étaient pas de nature à établir que l'acte du 28 avril 2000 constituait la première étape d'un montage frauduleux ayant porté préjudice à la banque, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les sociétés Galvani Sommer et Buromaster, M. X... et Mme de Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne, d'une part, les sociétés Galvani Sommer et Buromaster et Mme de Y... à payer à la société Sofigère la somme globale de 1 250 euros et, d'autre part, M. X... à payer à ladite société la somme de 1 250 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Sofigere
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
II est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société SOFIGERE, venant aux droits de la BANQUE GENERALE DU COMMERCE, de ses demandes qui tendaient à voir déclarer inopposable à son égard l'acte du 28 avril 2000 par lequel la société BUROMASTER avait fait apport de l'immeuble sis 18 rue François Sommer à Antony au profit de la SCI GALVANI SOMMER et à obtenir la condamnation solidaire des sociétés BUROMASTER, GALVANI SOMMER, de Monsieur Thomas X... et de Madame Julie X... au paiement de dommages et intérêts
AUX MOTIFS PROPRES QUE la société SOFIGERE expose qu'elle n'a jamais donné son accord à l'apport de l'immeuble au capital de la SCI et que le notaire lui a laissé croire que l'immeuble allait être vendu, vente à laquelle elle ne s'opposait pas dès lors qu'elle pensait ainsi pou voir être bénéficiaire des fonds ; que par lettre du 27 janvier 2000 adressée à la BANQUE GENERALE DU COMMERCE, le notaire écrivait : « A titre d'information, je vous précise avoir été chargé de régulariser l'apport de l'immeuble à Antony, 18 rue François Sommer rue Gavani et rue Auguste Frenel, par la société Buromaster au profit de la société dénommée SCI Galvani Sommer, régulièrement immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre. Cet immeuble est grevé d'une inscription de privilège de vendeur et de privilège de prêteur de deniers ainsi que d'hypothèques conventionnelles au profit de votre établissement, outre celle profitant au Trésor Public. Si vous aviez une quelconque observation à formuler sur cet apport, je vous remercie de me le faire savoir» ; que la BANQUE GENERALE DU COMMERCE a répondu à ce courrier le 15 février 2000 en indiquant : « Nous n'avons pas d'observations à formuler sur l'apport de l'immeuble ... du moment que la décision du comité exécutif de janvier 1999 soit respectée : à savoir que le prix net vendeur consécutif à la vente de ce bien immobilier soit de 12.000.000 francs » ; que le 18 février 2000, la banque précisait au notaire "Vous voudrez bien nous adresser pour accord vos projets d'actes d'apport des immeubles" ; qu'il résulte de ces échanges de correspondance que la banque était informée de la cession et qu'elle a indiqué ne pas s'y opposer ; que si elle n'a jamais reçu le projet d'acte d'apport des immeubles, aucune faute n'a été commise par les parties, dès lors que le protocole prévoyait qu'elle devait donner son accord seulement sur le montant du prix de vente de l'immeuble ; qu'en conséquence, l'immeuble n'ayant pas été vendu, le notaire n'était pas tenu de lui soumettre l'acte pour accord ; que la société SOFIGERE soulève, en 1ef lieu, l'inopposabilité de l'apport en société au visa de l'article 1321 du Code Civil, en raison du caractère occulte de l'opération ; que les échanges de courriers ci-dessus rappelés démontrent qu'aucune simulation n'a été mise en place par les intimés pour cacher la transmission de l'immeuble à la BANQUE GENERALE DU COMMERCE ; que les statuts de la SCI étant régulièrement immatriculés, comme le rappelle le notaire, la banque était à même de savoir que la société BUROMASTER était la principale détentrice des parts sociales de la SCI ; qu'aucune simulation ne peut là encore être relevée ; que la société SOFIGERE expose, en 2eme lieu, que l'apport en nature de l'immeuble à la SCI a été fait en fraude de ses droits par un appauvrissement de la société BUROMASTER et une intention frauduleuse évidente ; que la société BUROMASTER étant détentrice de 99,99 % des parts de la SCI GALVANI SOMMER, l'apport contesté n'a pas fait perdre à la société BUROMASTER sa qualité de propriétaire ; que la société SOFIGERE ne formule aucune demande concernant les actes passés le 22 janvier 2001 lire : le 12 septembre 2000 ; qu'il n'appartient donc pas à la Cour de les analyser au regard de leur éventuelle inopposabilité ; qu'il n'est pas plus utile d'analyser les chefs de préjudice subis par la société SOFIGERE, dès lors qu'il vient d'être vu que le seul acte contesté par cette société créancière vient d'être déclaré régulier ; que la société SOFIGERE soulève, en 3eme lieu, la nullité de l'acte d'apport en société du 28 avril 2000 pour absence de cause, au regard du prix dérisoire de l'immeuble ; que le prix de 19.700 F contesté par la société SOFIGERE porte sur celui qui est indiqué dans les actes du 22 janvier 2001 qui ne sont pas remis en cause ; que le seul acte notarié du 28 avril 2000 dont la société SOFIGERE demande la nullité au visa de l'article 1131 du Code Civil indique que l'immeuble est évalué à 14.000.000 francs, net de tout passif ; que ce montant n'étant pas remis en cause par la société SOFIGERE, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de l'acte du 28 avril 2000 ; que l'acte contesté par la société SOFIGERE n'étant déclaré ni nul, ni inopposable, il n'y a pas lieu de statuer sur l'action en responsabilité dirigée à titre personnel contre Thomas et Julie X... sur le fondement de la fraude entachant l'acte du 28 avril 2000 ;
1. ALORS QUE dans sa lettre du 15 février 2000, la Banque Générale du Commerce avait indiqué au notaire de la société Buromaster : « Nous n'avons pas d'observation à formuler sur l'apport de l'immeuble par la société Buromaster au profit de la SCI Galvani Sommer du moment que la décision du Comité exécutif de janvier 1999 soit respectée : à savoir que le prix net vendeur consécutif à la vente de ce bien immobilier, le moment venu, soit de 12.000.000 francs » ; que, par une lettre complémentaire datée du 18 février 2000, la Banque Générale du Commerce indiquait encore au notaire : « Vous voudrez bien nous adresser pour accord vos projets d'actes d'apport des immeubles François Sommer à Antony et Edith Cavell à Courbevoie par la société Buromaster au profit respectif des SCI Galavany Sommer et Edith Cavell » ; qu'en rejetant l'action paulienne dont elle était saisie, au motif que la Banque Générale du Commerce, informée de la cession de l'immeuble, aurait indiqué ne pas s'y opposer, cependant qu'il résultait des termes clairs et précis des deux lettres susvisées que la banque avait expressément subordonné son accord sur ce projet d'apport à la communication préalable du projet d'acte notarié et à l'examen des contreparties que la société Buromaster tirerait de cette cession, la Cour d'appel les a dénaturées, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
2. ALORS, de surcroît, QUE l'apport en société de la propriété d'un immeuble est un acte de disposition assimilable à une cession à titre onéreux de l'immeuble ; qu'en vertu du protocole d'accord du 6 février 1997, la société Buromaster s'était engagée envers la Banque Générale du Commerce dans les termes suivants : « Les parties conviennent que durant le délai de quatre années précédemment évoqué, soit avant le 31 décembre 2000, BUROMASTER pourra amiablement céder les biens immobiliers dont elle est propriétaire. Cette cession ne pourra intervenir qu'avec l'accord écrit et préalable de la BGC » ; qu'il résultait des termes clairs et précis du protocole d'accord susvisé que la société débitrice s'était obligée à requérir le consentement préalable de la banque pour tout proiet de cession à titre onéreux de l'immeuble, sans qu'il soit distinqué selon que cette cession dût s'opérer par voie de vente contre numéraire ou d'apport en société ; qu'en affirmant que la société Buromaster n'aurait pas méconnu ses engagements en s'abstenant de soumettre à l'approbation de la banque le projet d'acte d'apport de l'immeuble en société, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1843-3 du Code civil ;
4. ALORS, encore, Qu'à l'appui de sa demande tendant à faire déclarer inopposable à son égard l'acte d'apport de l'immeuble à la SCI Galvani Sommer, la société Sofigere faisait valoir dans ses conclusions d'appel (pp. 13-14, p. 16) que cet apport ne constituait que la première pièce d'un montage frauduleux qui avait consisté, de la part de la société Buromaster, à aliéner, dans un premier temps, au profit d'une société civile immobilière, un actif immobilier évalué à hauteur de 14.000.000 Francs générant de substantiels revenus locatifs, puis à céder moins de six mois plus tard les parts sociales reçues en rémunération de cet apport à une société de droit belge entièrement détenue par la famille du dirigeant de la société Buromaster, pour une somme dérisoire de 19.700 francs ; qu'en déclarant qu'il ne lui appartenait pas, pour rechercher si la fraude paulienne était constituée, d'analyser les actes juridiques effectués par la société Buromaster postérieurement à l'acte d'apport de l'immeuble, au motif inopérant que la société Sofigere concluait à l'inopposabilité à son égard du seul acte d'apport, la Cour d'appel a derechef violé l'article 1167 du Code civil ;
5. ALORS, en toute hypothèse, QUE l'apport d'un immeuble effectué par un débiteur insolvable au profit d'une société civile immobilière porte nécessairement préjudice à ses créanciers, dès lors qu'il a pour effet de soustraire cet immeuble de l'assiette de leur droit de gage général en le remplaçant par des parts sociales plus aisées à dissimuler et, en tout cas, plus difficiles à appréhender (Com., 27 septembre 2005, n° 03-16.973 ; Civ. 3ème, 13 novembre 2003, n° 99-19.684) ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que les trois prêts consentis par la Banque Générale du Commerce à la société Buromaster étaient demeurés impayés ; qu'elle a également relevé qu'à la suite de l'apport de l'immeuble litigieux à la SCI Galvani Sommer, la société Buromaster avait cédé ses parts sociales dans cette SCI pour une somme dérisoire de 19.700 Francs ; qu'en jugeant néanmoins que l'acte d'apport de l'immeuble n'avait pas porté préjudice à la banque, au prétexte que la société Buromaster avait été rémunérée de cet apport par l'attribution de 99,9 % des parts de la SCI, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, entachant par là sa décision d'une nouvelle violation de l'article 1167 du Code civil ;
6. ALORS, de sixième part, QU'indépendamment des droits hypothécaires constitués en sa faveur, un créancier peut toujours exercer les prérogatives attachées à son droit de gage général sur les biens de son débiteur ; qu'il s'ensuit que l'acte par lequel le débiteur aliène l'immeuble hypothéqué au profit d'un comparse en contrepartie d'une somme dérisoire nuit nécessairement au créancier hypothécaire en diminuant l'assiette de son droit de gage général, en sorte que l'existence du droit de suite ne saurait faire obstacle à l'action paulienne ; qu'en jugeant, par motif adopté, que la sortie de l'immeuble du patrimoine de la société débitrice n'avait pas, en elle-même, préjudicié à la banque du fait de l'existence de son droit de suite hypothécaire, la Cour d'appel a violé les articles 1167 et 2292 ancien du Code civil ;
7. ALORS, enfin et en toute hypothèse, QUE la constitution d'une hypothèque ne confère aucun droit préférentiel sur les fruits de l'immeuble au créancier hypothécaire ; qu'en l'espèce, la société Sofigere rappelait dans ses conclusions que la société Buromaster s'était personnellement engagée, par le protocole d'accord du 6 février 1997, à lui reverser 50 % du montant hors taxes des loyers de l'immeuble d'Antony ; que l'exposante faisait ainsi valoir qu'en apportant cet immeuble à une société tierce, puis en cédant ses propres participations dans cette société, la société Buromaster s'était nécessairement placée dans l'impossibilité d'exécuter sa promesse de réversion des loyers, empêchant la banque de percevoir les fruits de l'immeuble ; qu'en jugeant néanmoins, par motif adopté, que ce préjudice était dépourvu de lien de causalité avec l'acte d'apport, mais résultait de la propre erreur de la société Sofigere à l'origine de la perte de son droit de suite hypothécaire, la Cour d'appel s'est méprise sur les effets juridiques de l'hypothèque, en violation des articles 1167 et 2114 ancien du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'examen du dossier permet de se convaincre que la preuve d'une quelconque intention frauduleuse de Monsieur Thomas X... et de Madame Julie X... n'est pas rapportée par la société SOFIGERE ; qu'en aucun cas, ils ne pouvaient avoir un rôle décisif dans l'élaboration du montage critiqué dans la mesure où ils n'assuraient aucune fonction de gestion ou de direction dans les sociétés BUROMASTER et GALVANI SOMMER et ne disposaient que de participations minoritaires dans les sociétés en cause ; que de plus ils n'ont participé ni à la conclusion du prêt et des ouvertures de crédit, ni au protocole d'accord et encore moins à l'acte d'apport du 28 avril 2000 ; que dès lors, aucune faute ne peut sérieusement leur être imputée ;
ALORS QU'A l'appui de sa demande, la société SOFIGERE produisait, d'une part, un extrait K Bis de la société BUROMASTER, faisant apparaître que Thomas X... siégeait au Conseil d'administration de cette société, et, d'autre part, les statuts de la SCI GALVANI SOMMER et le procès-verbal de son assemblée générale du 22 janvier 2001, qui faisaient état de ce que Thomas et Julie X... avaient participé à la constitution de la SCI, voté en faveur de la réduction de son capital au plancher de 20.000 francs et, enfin, donné leur agrément à la cession par la société BUROMASTER de ses parts au profits de la société BOFIN BELGIUM dont ils étaient eux mêmes actionnaires ; qu'à la lumière de ces éléments de preuve, la société SOFIGERE soulignait que les deux personnes susvisées, qui avaient nécessairement connaissance de l'étendue de l'endettement de la société BUROMASTER et des engagements souscrits par cette société envers la banque dans le protocole du 6 février 1997, avaient activement participé à la mise en oeuvre de la fraude paulienne dénoncée, dont ils étaient d'ailleurs les premiers bénéficiaires ; qu'en affirmant néanmoins « qu'en aucun cas, Thomas et Julie X... ne pouvaient avoir un rôle décisif dans l'élaboration du montage critiqué », sans procéder à la moindre analyse des preuves contraires versées aux débats, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.