LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article R. 434-11, devenu l'article R. 434-10 du code de la sécurité sociale ;
Attendu, selon ce texte dans sa rédaction applicable antérieurement au décret n° 2002-1555 du 24 décembre 2002, que la fraction du salaire annuel de la victime qui sert de base au calcul de la rente en faveur du conjoint survivant, est fixée à 30 % ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite du décès de son mari, survenu le 9 novembre 1997, des suites d'un accident du travail, Mme X... a obtenu, à effet du 10 novembre 1997, une rente de conjoint survivant égale à 30 % du salaire utile de la victime ; qu'elle a demandé à bénéficier des dispositions du décret du 24 décembre 2002 qui ont majoré le montant des rentes des ayants droit que la caisse primaire d'assurance maladie du Jura (la caisse) ayant rejeté sa demande, elle a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que, pour accueillir la demande de Mme X..., l'arrêt retient qu'en l'absence de limitation de son application aux situations juridiques constituées après son entrée en vigueur ou à une date déterminée, et le pouvoir réglementaire étant lié par les principes d'égalité des citoyens devant la loi et de non discrimination résultant tant de la Constitution que des engagements internationaux de la France, les dispositions du décret du 24 décembre 2002 doivent s'appliquer immédiatement à tous les ayants droit de victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles dont la situation juridique est en cours, indépendamment de la date d'ouverture de leurs droits ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le décès de la victime constituant le fait générateur des droits du conjoint survivant, ceux-ci doivent être déterminés, sans qu'il en résulte une méconnaissance du principe constitutionnel d'égalité, ni du principe de non discrimination énoncé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en fonction des dispositions légales et réglementaires en vigueur à cette date, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la CPAM du Jura ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la CPAM du Jura.
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR dit que Madame X... était en droit de prétendre à une revalorisation de sa rente de conjoint survivant conformément aux dispositions du décret n° 2002-1555 du 24 décembre 2002, à compter de l'entrée en vigueur dudit décret, et d'AVOIR condamné la CPAM du JURA à verser à Madame X... une indemnité de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'il est constant en droit qu'en l'absence de disposition contraire expresse, toute Loi nouvelle a vocation à s'appliquer immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment de son entrée en vigueur, sous réserve de ne pas léser des droits acquis antérieurement à celle-ci ; que ce principe est également valable pour les dispositions d'origine réglementaire ; qu'en l'espèce, Mme Claudette X... revendique l'application à son profit de l'article 2 du décret n° 2002-1555 du 24 décembre 2002, entré en vigueur le 31 décembre 2002, qui modifie l'article R. 434.11 du Code de la sécurité sociale en fixant désormais à 40 % (au lieu de 30 %) la fraction du salaire annuel de la victime qui sert de base à la rente prévue au premier alinéa de l'article L. 434.8 en faveur du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin de la victime d'un accident de travail ou de maladie professionnelle ; que la situation juridique de conjoint survivant de Mme Claudette X..., bénéficiaire d'une rente viagère, est d'origine légale et non contractuelle, et n'a pas épuisé ses effets avant l'entrée en vigueur dudit décret ; que celui-ci ne contient aucune disposition expresse limitant son application aux situations juridiques constituées après son entrée en vigueur ou à une date déterminée ; que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie ne saurait opposer à Mme Claudette X... les dispositions de l'article 53-Il de la Loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale qui a modifié l'article L. 434.8 alinéa 1er du Code de la sécurité sociale et étendu le bénéfice de la rente viagère du conjoint survivant de la victime d'un accident de travail ou concubin ou à la personne liée par un pacte civil de solidarité, mais a restreint l'application de cette nouvelle définition des ayants droit aux accidents survenus à compter du 1er septembre 2001 ; qu'une telle limitation ne pouvait en effet concerner le conjoint survivant dont les droits étaient ouverts en vertu des dispositions antérieures ; que les dispositions transitoires édictées par l'article 53-III de ladite Loi ne sauraient non plus être interprétées comme limitant définitivement l'effet de la revalorisation des rentes des ayants-droit à ceux dont l'ouverture des droits était postérieure au 1er septembre 2001, alors qu'elles n'étaient applicables que jusqu'à l'intervention du décret en Conseil d'Etat mentionné à l'article L. 482.5 du Code de la sécurité sociale et étaient donc devenus caduques à l'entrée en vigueur du décret du 24 décembre 2002 fixant les nouveaux taux de rente des ayants droit des victimes d'accidents de travail ; que le pouvoir réglementaire étant lié par les principes d'égalité des citoyens devant la Loi et de non-discrimination, résultant tant de la Constitution que des engagements internationaux de la FRANCE (Convention Européenne des Droits) ne pouvait à l'évidence exclure du bénéfice de la revalorisation des taux de rente les conjoint ou concubin et les enfants de victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles dont les droits avaient été ouverts antérieurement à son entrée en vigueur ; qu'il en résulte que les dispositions du décret du 24 décembre 2002 modifiant les articles R. 434.11 et R. 434-16 (devenus R. 434.10 et R. 434.15) du Code de la sécurité sociale doivent s'appliquer immédiatement à tous les ayants droit de victimes d'accidents de travail ou de maladie professionnelle, dont la situation juridique est en cours, indépendamment de la date d'ouverture de leurs droits ; qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de dire que Mme Claudette X... est en droit de prétendre à une revalorisation de sa rente de conjoint survivant conformément aux dispositions dudit décret, à compter de l'entrée en vigueur de celui-ci, soit sur la base de 60 % du salaire annuel revalorisé de son défunt mari (40 % au titre de la rente de base et 20 % au titre du complément de rente pour conjoint âgé de 55 ans ou invalide) ;
ALORS QUE jusqu'à la parution du décret n° 2002-1555 du 24 décembre 2002, entré en vigueur le 31 décembre 2002, l'article R. 434-11 du code de la sécurité sociale prévoyait que le décès d'un assuré dû aux suites d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ouvrait droit, au profit du seul conjoint survivant à une rente égale à 30% du salaire annuel de la victime ; que depuis cette modification, il prévoit que « la fraction de salaire annuel de la victime qui sert de base à la rente prévue au premier alinéa de l'article L. 434-8 en faveur du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin est fixée à 40 % » ; que les dispositions de ce texte n'ouvrent droit au bénéfice d'une telle rente qu'aux seuls survivants d'un conjoint, partenaire ou concubin décédé depuis son entrée en vigueur sans avoir d'incidence sur les droits précédemment ouverts sous l'empire des dispositions antérieures ; qu'aussi, en reconnaissant à Madame X..., veuve d'un assuré social décédé des suites d'une maladie professionnelle le 9 novembre 1997, le droit de voir sa rente portée de 30 à 40% du montant du salaire annuel de son défunt époux, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R. 434-11 du Code de la sécurité sociale, actuellement l'article R 434-10 du Code de la sécurité sociale.