LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. de Z... et Mme X..., mariés sous le régime de la séparation de biens, ont constitué la société civile immobilière de Z... (la SCI), chacun des époux étant titulaires de 50 % des parts sociales ; qu'ayant acquis, le 3 novembre 1989, un immeuble à usage de commerce et d'habitation ainsi que le fonds de commerce y afférent, la SCI a, le même jour, donné à bail le local commercial aux époux de Z... qui se sont engagés solidairement au paiement des loyers ; que le fonds de commerce indivis a été exploité par M. de Z..., seul inscrit au registre du commerce ; que le divorce des époux de Z... a été prononcé par un jugement du 21 janvier 1993 ; que M. de Z... ayant été placé en redressement judiciaire le 21 décembre 2001, le plan de continuation et d'apurement du passif du débiteur a été adopté le 14 mai 2004 ; qu'un jugement du 23 décembre 2004 a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux de Z... ; que, par ordonnance du 19 avril 2007, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Caen du 11 mars 2008, le juge des référés a constaté la résiliation du bail commercial à compter du 12 janvier 2007 ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur la seconde branche du moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour décider que Mme X... était tenue au paiement de la moitié des loyers demeurés impayés et des indemnités d'occupation dues afférentes au fonds de commerce indivis, après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que, depuis le 7 décembre 1989, M. de Z..., seul inscrit au registre du commerce, exploitait seul ce fonds, que Mme X... n'était jamais intervenue dans sa gestion, que M. de Z... ayant administré et géré seul ce fonds pendant plus de quinze ans, n'avait jamais rendu compte de sa gestion et que le bail ayant été résilié, il n'avait quasiment plus aucune valeur, l'arrêt attaqué retient, par motifs propres et adoptés, qu'en vertu du bail du 3 novembre 1989, les époux sont solidairement tenus au paiement des loyers, que M. de Z... justifiant avoir payé un arriéré de loyers, Mme X... lui est redevable de la moitié en application de l'article 1251 du code civil, et que si, par hypothèse, les époux avaient seulement signé le bail commercial, sans exploitation du fonds, ils auraient bien été tenus conjointement au paiement des loyers ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme X... faisant valoir qu'ayant exploité seul le fonds de commerce indivis à son profit exclusif et n'ayant jamais rendu compte de sa gestion, M. de Z... devait en supporter entièrement les charges, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme X... à payer à M. de Z..., au titre du règlement des arriérés de loyers, la somme de 4 375, 89 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2007, et dit que Mme X... est tenue au paiement de la moitié des loyers ou indemnités d'occupation demeurés impayés pour ceux non pris en compte par la décision dont appel, l'arrêt rendu le 23 avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres demandes ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait « constaté » qu'en exécution du contrat de bail commercial du 3 novembre 1989, Mme X... et M. DE Z... sont solidairement tenus au paiement des loyers dus à la S. C. I. DE Z... et qu'en conséquence, Mme X... est tenue au paiement de la moitié de la créance de loyers due à la SD. C. I. DE Z... et en ce qu'il avait, par suite, condamné Mme X... à payer à M. DE Z... la somme de 4 375, 89 euros en principal et d'avoir dit en outre que Mme X... est tenue au paiement de la moitié des loyers ou indemnités d'occupation, demeurés impayés, pour ceux non pris en compte par le jugement entrepris,
AUX MOTIFS, REPUTES ADOPTES DES PREMIERS JUGES, EN SUBSTANCE, QUE selon l'article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites ; qu'aux termes de l'acte du 3 novembre 1989 passé entre la S. C. I. DE Z... et les époux DE Z..., M. DE Z... et Mme X... sont cotitulaires du bail commercial portant sur l'immeuble dans lequel est exploité le fonds de commerce et tenus solidairement du paiement des loyers ; que c'est en vain que Mme X... demande l'application de l'article 262-1 du Code civil, relatif au report de la date des effets du divorce, pour tenter de se soustraire à son obligation résultant du contrat de bail ; qu'en effet, le caractère commun de la dette de loyers ne résulte pas de l'application des règles du régime matrimonial légal, mais de la simple exécution d'un engagement contractuel pris de façon solidaire et indivisible par les deux parties ; et que l'application de l'article 262-1 du Code civil a seulement pour effet de reporter la date à laquelle le régime matrimonial des époux est dissout, l'intérêt étant de considérer qu'à compter de cette date, la communauté existant entre les époux en vertu du régime légal n'existe plus et que les engagements pris par les époux sont désormais soumis au régime de l'indivision post-communautaire ; qu'ainsi, eu égard à la nature de l'engagement de Mme X..., l'éventuel report de la date des effets du divorce n'aurait aucune influence sur son obligation au paiement des dettes de loyers ; que par ailleurs, selon l'article 1213 du Code civil, l'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion ; qu'en conséquence, en exécution du contrat de bail en date du 3 novembre 1989, Mme X... est tenue au paiement de la moitié des loyers dus à la S. C. I. DE Z... ; qu'enfin, dès lors que M. DE Z... justifie avoir réglé à Maître Y..., èsqualités d'administrateur judiciaire de la S. C. I. DE Z... la somme de 8 751, 78 euros, le 10 août 2006, au titre des arriérés de loyers, Mme X... est redevable de la moitié de ladite somme à son ex-mari, et ce par application de l'article 1251 du Code civil aux termes duquel la subrogation a lieu de plein droit au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres au paiement de la dette, avait intérêt de l'acquitter ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE si les époux avaient seulement signé le bail commercial, sans exploitation du fonds, ils auraient bien été tenus conjointement au paiement des loyers ; et qu'il y a donc lieu, au vu de l'évolution du litige, d'ordonner, comme le revendique M. DE Z..., que Mme X... soit tenue au paiement de la moitié des loyers ou indemnités d'occupation demeurées impayées, puisque le bail a été judiciairement résilié par ordonnance de référé du 19 avril 2007, confirmée par arrêt de la Cour d'appel en date du 11 mars 2008 ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'engagement solidaire souscrit par des copreneurs ne survit pas, sauf stipulation expresse contraire, à la résiliation du bail ; que l'indemnité d'occupation est due en raison de la faute quasi délictuelle commise par celui qui se maintient sans droit dans les lieux ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que M. DE Z... exploitait seul le fonds de commerce, ce dont il résultait qu'il s'était seul maintenu dans les locaux commerciaux après la résiliation, la Cour d'appel a violé l'article 1202 du Code civil, ensemble l'article 1382 du même Code ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'engagement pris par Mme X... envers la S. C. I. DE Z..., bailleresse, s'il lui interdit d'opposer à celle-ci le fait qu'ellemême n'exploite plus le fonds de commerce depuis 1991, n'a pas pour conséquence nécessaire qu'elle soit tenue de supporter tout ou partie de la charge finale de la dette et, par suite, que M. DE Z... soit en droit de lui réclamer le remboursement de la moitié des sommes qu'il a été amené ou sera amené à verser à ce titre ; que la Cour d'appel a dit que M. DE Z... conserverait les bénéfices dudit fonds et supporterait l'intégralité des charges y afférentes à compter du 1er janvier 1991, à l'exclusion des loyers, en se fondant notamment sur le fait que M. DE Z..., seul inscrit au registre du commerce pour l'exploitation du fonds de commerce indivis, l'a toujours exploité seul dès la date d'immatriculation et tant durant la vie commune que postérieurement à l'assignation en divorce, soit pendant plus de 15 années d'indivision, sans en avoir jamais rendu compte à Mme X..., laquelle n'est jamais intervenue, à quelque titre que ce soit, dans la gestion du fonds de commerce ; qu'en disant néanmoins Mme X... tenue, dans ses relations avec son ex-époux, au paiement de la moitié des loyers ou indemnités d'occupation, motif pris de la seule existence du contrat de bail conclu entre la S. C. I. bailleresse et les copreneurs, la Cour d'appel, qui a ainsi confondu l'obligation à la dette de
loyers des ex-époux envers la S. C. I. DE Z... et la contribution définitive à la dette dans les rapports entre les ex-époux, a violé les dispositions des articles 1213, 1216 et 1251 du Code civil.